Du 7 au 13 décembre : Bayrou, démission ! Deux minutes, ça suffit !

 

 

Commençons déjà par mon avis (définitif) sur la polémique autour de Notre-Dame de Paris :

 

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Samedi 7 décembre

 

15h: De passage chez mes parents pour le week-end, je profite de la quiétude du cocon familial pour installer ma nouvelle carte SIM et, accessoirement, voir si je peux enfin envoyer à nouveau des SMS. Et bien la réponse est non ! Mais en passant sur le site Free pour activer cette carte, j’ai cru comprendre qu’en voulant envoyer à mes contacts un message annonçant que mon calendrier 2025 était enfin disponible (je vous informe au passage qu’il n’en reste déjà plus que cinq exemplaires !), j’avais atteint un certain seuil et qu’il me faudrait attendre une semaine pour que les compteurs soient remis à zéro… En gros, mon forfait est « SMS illimités mais pas trop quand même » ! Ce qui me console, c’est que mes parents ne sont pas mieux lotis : ma mère ne peut plus recevoir de mails, mon père ne peut plus en envoyer ! On a Free et on n’a rien compris…

 

Dimanche 8 décembre : jour de la naissance de Camille Claudel en 1864...

 

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 ...et de l'assassinat de John Lennon en 1980

 

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16h : Je quitte l’espace où se tenait le vide-greniers auquel je m’étais inscrit. Je suis rentré dans mes frais, mais de justesse : ça m’est égal, je ne cherche pas à faire des bénéfices, je cherche seulement à faire de la place, j’en serai quitte pour faire don au secours populaire de ce qui me reste sur les bras. En attendant, j’emprunte une route que je connais par cœur pour l’avoir empruntée mille fois au temps où j’allais à l’école accompagné de ma maman… Et je réalise que la nostalgie est un sentiment qui m’est pour ainsi dire étranger. Pour être nostalgique de sa vie passée, encore faut-il l’avoir aimée : or je n’ai jamais l’école, je n’ai jamais beaucoup aimé la commune où j’ai grandi et je n’ai même jamais aimé l’enfance. Les poètes sont des cons : loin d’être pour moi le paradis perdu qu’ils chantent, mon enfance me laisse le souvenir d’une longue période d’attente où je n’avais droit à rien si ce n’est à fermer ma gueule et à supporter la promiscuité de petits mongoliens qui savaient à peine parler à un âge où je savais déjà lire… Quand mes parents seront morts, je verrai peut-être les choses différemment, mais ce n’est pas demain la veille ! Pour l’heure, tout ce qui peut me manquer, ce sont les programmes de la grande époque de Canal+… Non, pas le Club Dorothée, désolé !

 

Deux croquis réalisés pour tromper mon ennui en attendant d'avoir des clients :

 

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Lundi 9 décembre

 

7h : Me voilà déjà levé depuis un quart d’heure, pour ne pas arriver en retard à la fac de droit où je suis programmé en tant qu’orateur. J’ai été bien inspiré de mettre le réveil assez tôt, sinon c’est l’interphone qui m’aurait réveillé ! Je ne pensais pas qu’en signant pour recevoir Le Télégramme gratuitement pendant quinze jours, je récolterais les doléances du livreur en prime : c’est pourtant bien ce qui se passe car le matériel dont dispose ce pauvre garçon ne lui permet pas d’ouvrir la porte principale de l’immeuble ! Comme je ne dispose pas d’un code d’accès (j’entre avec un badge) et que je suis présentement de la même humeur que toute autre personne dérangée au petit matin avant d’avoir pu prendre son petit déjeuner, je fais clairement comprendre à mon interlocuteur que je veux bien lui ouvrir pour cette fois mais que, les jours suivants, il devra se débrouiller car je ne vais pas me lever aux aurores tous les jours pour lui permettre de pénétrer dans le hall pendant une demi-minute et qu’il pourra bien déposer le journal devant l’entrée, tant pis si la feuille de chou finit en charpie vu que je ne paie rien. Bon, pour être franc, tout ça, je ne le dis pas très poliment… Je sais que ce n’est pas gentil pour ce pauvre livreur, lequel paie comptant l’incurie de ses patrons qui n’ont pas prévu toutes les situations… Mais flûte, après tout ! Je ne suis pas un ange, je ne suis pas un mec parfait, je ne suis pas sans corps, sans sexe ou sans estomac ! Y a pas écrit « Ned Flanders » !

 

8h30 : J’arrive à la fac de droit où la maîtresse d’œuvre de cette journée consacrée à la laïcité m’accueille avec chaleur et gentillesse mais aussi, parce que ma réputation me précède désormais, avec la précaution requise face à une personne du spectre. Je lui en suis d’autant plus reconnaissant que je n’ai pas forcément l’habitude de m’exprimer devant un public comprenant des juristes, des médecins et même des aumôniers ! Je ne veux cependant pas décevoir l’assistance car la laïcité est à mon sens une valeur capitale : il avait été question, il n’y a pas si longtemps, d’ajouter à ce joli mot à la devise de la république française, mais je pense que c’est inutile car « Liberté, égalité, fraternité » présuppose déjà la laïcité[1]. Quand on dit que la laïcité est le ciment de la République, ce n’est pas qu’un effet oratoire : sans neutralité confessionnelle de la place publique, donc sans garantie que l’État n’impose pas une religion aux citoyens, il n’y aurait pas de vraie liberté de culte, ni même de liberté de ne pas croire ; il n’y aurait pas non plus de vraie égalité devant la loi puisque ceux qui n’adhèreraient pas au(x) culte(s) « officiel(s) » seraient de facto discriminés ; il n’y aurait même pas de fraternité possible puisque l’intolérance religieuse serait érigée en règle civique. Il semble que cette vérité essentielle soit aujourd’hui oubliée, à droite comme à gauche : la droite dévoie la laïcité pour en faire le paravent de son rejet des musulmans (qui ne représentent pourtant que 7% de la population !) et la gauche, tombant naïvement dans le panneau, réduit la laïcité à ce qu’en fait la droite et l’envisage comme une notion discriminatrice voire raciste ! Il est donc urgent de réaffirmer l’importance de la laïcité… Même si je ne peux m’empêcher de penser que les choses seraient plus simples si les gens pouvaient arrêter de croire à des conneries ! Mais ça…

 

Quelques croquis réalisés sur le vif...


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...et quelques caricatures inspirées par les propos des orateurs :

 

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14h30 : Je fais ma communication en temps et en heure, la journée est bien organisée. Je parle de la place des religions dans l’œuvre de Reiser, et je n’ai droit qu’à une question : pourquoi parler de Reiser plutôt que d’un autre dessinateur de Charlie Hebdo[2] ? Je bredouille que le rapport de ce génie[3] à la religion était assez particulier dans la mesure où, contrairement à ses collègues[4], il ne rejetait pas radicalement l’idée de la transcendance divine (ce qui est authentique[5]) mais la vérité, c’est qu’en fin de compte, je m’intéresse moins à Reiser en tant que dessinateur de Charlie qu’à l’artiste unique qu’il a été : loin d’avoir été seulement un créateur de (grand) talent parmi d’autres[6], il a tellement révolutionné son genre que son œuvre à elle seule une étape majeure dans l’histoire de la bande dessinée et du dessin d’humour, privilège qu’il ne partage à mon avis, pour ne parler que de ses quasi-contemporains, qu’avec Franquin, Goscinny et Gotlib ! Tous les quatre ont marqué leur art au point de le rendre inidentifiable à ce qu’il était avant eux et ils ont eu plusieurs héritiers mais qui ne font revivre chacun qu’une facette du maître : pour revenir à Reiser, même les plus évidents de ses disciples, en l’occurrence Vuillemin et Salch[7], n’ont finalement hérité chacun que d’un des aspects de ce qui rendait unique leur glorieux prédécesseur – ce qui n’enlève rien à leurs mérites personnels respectifs, bien entendu. Voilà pourquoi je me consacre à Reiser : parce qu’il est évident qu’il ne sera jamais remplacé.

 

La table ronde ayant suivi mon intervention :

 

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17h : Après cette journée bien remplie, je fais quelques courses en ville avant de rentrer. Je passe d’abord à la Chapellerie des arcades car ma casquette est en piteux état. Je suis reçu par une dame qui m’a l’air d’être la patronne : je me promets de ne pas m’emporter, quoi que puisse me dire cette commerçante à laquelle je voue un respect qui confine presque à l’idolâtrie depuis que je sais qu’elle vit sans téléphone portable ! Après quelques tergiversations, je choisis une casquette qui a exactement la même forme que l’ancienne et qui n’en diffère que par la couleur. Tout se passe à peu près bien, mais on risque tout de même l’incident diplomatique quand j’exprime à la marchande ma volonté de jeter l’ancienne casquette et de partir en coiffant déjà la nouvelle : elle n’aurait pas été moins abasourdie si je lui avais annoncé que j’avais quatre couilles ! Je ne vois vraiment pas ce que mon projet a de si incongru… Elle finit par se ranger à mes raisons mais me propose quand même un sac pour transporter les courriers que j’ai sur les bras et que j’ai prévu de poster dans la foulée. Ce n’est qu’en sortant du magasin que je comprends tout : si elle insistait pour que je ne mette pas tout de suite ma nouvelle casquette, c’était pour que je puisse défiler dans les rues avec ce petit sac orné du logo de son commerce ! Je ne peux pas lui reprocher de soigner sa pub, mais je doute fort que je donne une bonne image de son échoppe : comme mannequin, on a vu mieux…

 

17h15 : Après avoir mis mes courriers dans la boîte aux lettres, je profite d’être à la poste pour acheter des timbres. C’est désormais inscrit dans les usages : quand on fait la queue à la poste, on est interpellé par un employé muni d’une tablette numérique qui vous prend aussitôt en charge si vous réglez par carte comme le font aujourd’hui tous les gens civilisés ; en revanche, il vous dirige vers un stagiaire chargé du sale boulot[8] si vous avez le malheur de faire partie des arriérés qui s’obstinent à payer avec de la vraie monnaie. Devinez à quelle catégorie j’appartiens ? La première ? Perdu ! Bref, je piétine devant un guichet tenu par un jeune type en pleine galère face à une cliente qui ne parle pas français… Tout ça pour un carnet de timbres ! Au bout d’un certain temps, une employée qui connaît son boulot étant miraculeusement disponible, on me dirige vers elle : je ne peux m’empêcher de lancer « Malheur au plouc qui paie en espèces ! » Je pourrais faire l’économie de ce genre de colère, je sais. Il n’empêche que moi qui étais sorti de bonne humeur de la fac de droit, je sens que ma patience est déjà entamée…

 

17h30 : Pour rentrer, je prends le tramway. Heure de pointe plus période de Noël plus chantier qui s’intensifie, bonjour le cocktail de la mort ! La rame ne se vidant pas au niveau de la place de la Liberté comme c’est habituellement le cas, je sorte ma Carte Mobilité Inclusion, comptant sur le civisme d’une personne assise pour me céder sa place et m’éviter de bouillir sur place… Mais celle que je sollicite me répond : « Ah non, il y a des sièges réservés pour les handicapés là-bas ! » Je n’insiste pas mais je ne me prive pas de la traiter d’égoïste ! Ce n’est même pas une insulte, c’est un constat ! D’autant que les sièges qu’elle me désigne ne sont pas « pour les handicapés » mais pour les « personnes à mobilité réduite », ce qui n’est pas exactement la même chose ! Enfin, là, au moins, quand je présente ma carte, personne ne me conteste le droit d’occuper un siège… Il n’empêche qu’il faudra que j’écrive cent fois : « Je ne dois pas compter sur le civisme de mes semblables dans ce monde de sauvages » !

 

Mardi 10 décembre

 

10h30 : Passage chez Artéis où j’achète une boîte de Polychromos : c’est assez cher à l’achat mais je pense que c’est un bon investissement. Ce qui me fait le plus mal, ce ne sont pas les 90 euros (et des poussières) que cette boîte me coûte… C’est plutôt le fait que ça ne me rapporte pas un seul point sur mon compte fidélité ! Qu’il faille acheter pour au moins cinq euros pour avoir des points, je le conçois, mais qu’il ne faille pas dépasser un certain seuil, ça, on ne me l’avait jamais dit ! Décidément, les boîtes privées n’ont rien à envier en mesquinerie aux services publics…

 

Mercredi 11 décembre

 

9h : Je continue à recevoir Le Télégramme, et l’édition d’aujourd’hui me frappe pour une raison simple : une fois soulevée la couverture consacrée au dernier « exploit » du Stade Brestois (laissons ça), de quoi est-il question dans ce journal ? D’abord de l’affaire Morgane, ensuite de la Syrie… La politique française n’est traitée qu’en troisième position ! On ne saurait être plus clair : la chute du gouvernement Barnier était si inéluctable que tout le monde se fout de ce qui va se passer ! Tout ce qu’on peut espérer dans le meilleur des cas, c’est la nomination d’un socialiste modéré qui saura ménager la chèvre et le chou : on ne peut pas dire que ça fasse rêver… Je ne pense pas être le seul à ne plus vouloir être obligé de soutenir un roquet du capital pour éviter l’avènement du IVe Reich ! Sinon, le Nouveau Front Populaire ne serait pas arrivé en tête du scrutin de juillet dernier, n’en déplaise à une certaine presse qui diabolise la gauche et nous vend le RN comme seul dépositaire des aspirations populaires… Les bricolages de Macron pour préserver ce qui lui reste de pouvoir n’intéressent plus personne : seule l’annonce de sa démission pourrait encore faire s’enflammer les foules… Et encore ! Je ne pense pas être le seul à être fatigué de l’année finissante et à n’avoir aucune envie de se taper de nouvelles élections anticipées en pleine période de fêtes !

 

20h : Bien qu’assez las depuis quelques semaines, je sors regonflé du cours du soir où j’ai réussi un portrait qui fait l’unanimité. J’ai toujours eu du mal à traiter les ombres et les volumes, mais cette fois, même la jeune femme qui m’a servi de modèle juge le résultat « sculptural » et c’est la première fois que la prof trouve que j’ai réussi à sortir du style caricatural ! Donc, la prochaine fois qu’on me posera la question : oui, je sais faire aussi des portraits réalistes, mais ça me prend une heure et demie de boulot contre seulement dix minutes pour une caricature et, surtout, je trouve ça moins intéressant à faire ! Alors si vous voulez m’en commander un, ce sera cher, pigé ?

 

Le portrait en question :

 

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20h10 : Dans le bus qui fend le froid vespéral, je lis en attendant de gagner le Biorek où j’espère bien me réchauffer. J’ai reçu aujourd’hui mon Fluide Glacial : celui-ci était accompagné d’un petit livre donnant un aperçu de l’album 50 ans de couvertures édité à l’occasion du cinquantenaire de la vénérable revue d’humour. Le but de ce cadeau réservé aux abonnés (pour lequel je remercie les dirigeants de Fluide, soit dit en passant) est clairement de nous donner envie d’acquérir ce beau gros livre, il est même accompagné d’un bon de réduction ! J’avoue que je me tâte : malgré toute mon admiration et tout mon respect pour Jean-Christophe Delpierre, je dois avouer que ses textes, fort bien écrits au demeurant, n’apprennent pas grand’ chose au lecteur fidèle que je suis ; j’aurais aimé en savoir davantage sur la genèse des couvertures présentées, éventuellement avec des témoignages des auteurs concernés : même pour la mythique couverture de Gaudelette sur l’usage des téléphones portables (qui, antennes mises à part, reste d’actualité)[9], il se réfugie derrière le fait que « l’histoire de ce cage est très bien racontée dans l’album de Gaudelette, La Vie des festivals »[10]… Et pourtant, il faut bien admettre que ça a l’air d’un super beau bouquin, qui rend un hommage mérité aux talents qui se sont succédés dans les pages du mensuel… Alors ? J’achète ou pas ? Alors que je manque déjà de place ? Alors que j’essaie d’économiser maintenant que je touche l’AAH ? Râh Gnagna[11] ! Quel dilemme ! Un journal comique qui me fait vivre une tragédie digne de Corneille… Décidément, Fluide n’a pas fini de m’étonner !

 

Jeudi 12 décembre : il y a 79 ans naissait René Pétillon

 

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Cette photo a été prise en 2013 à la fac Segalen : Pétillon était venu participer à une conférence à deux voix sur l'écologie dans la BD et, dans la foulée, dédicacer Palmer en Bretagne. On n'aurait pas imaginé à l'époque qu'il allait mourir cinq ans plus tard... Je lui vais montré mes dessins de l'époque qui ne l'avaient guère enthousiasmé : je reconnais qu'ils n'étaient pas au point ! Déjà qu'aujourd'hui, je me demande parfois... J'avais été frappé par son attitude sévère qui contrastait avec les barres de rire que je me prenais en découvrant ses dessins dans Le Canard enchaîné (Sarkozy disant à Martinon "Je te nomme maire de Neuilly et t'es pas fichu de le devenir", c'est un sommet !) : je n'avais pas encore compris qu'un artiste ne ressemblait pas forcément à ses productions et, généralement, au contraire, mettait dans son œuvre ce qu'il n'a pas dans sa vie...

 

10h : J’ai un rendez-vous à Saint-Pierre. Comme d’habitude, je suis en avance, alors je me réfugie dans un café où je termine la lecture du dernier numéro de Fluide Glacial : il y avait bien une ou deux semaines que je n’avais pas si bien ri ! Mo/CDM a quand même du génie pour arriver à raconter une histoire aussi marrante dans un contexte post-apocalyptique ! Les mémés de Frécon dont délicieusement idiotes, les persos de Fabrice Erre sont plus crétins que jamais, Tartrais nous venge joliment de toutes les galères véhiculées par la généralisation de la visioconférence… Et surtout, mention spéciale pour Tata Yolo, l’héroïne d’Evemarie et James, dont je suis fou amoureux ! Elle me rappelle la Jeanine de Reiser (comment ça, « encore elle ?) ! Bref, un bilan globalement positif…  

 

10h30 : Me voici chez mon ami qui souhaitait m’interviewer pour son podcast. Il m’a dit avoir déjà interrogé le patron de la Diff’, le restaurant qui emploie des personnes en situation de handicap : je lui demande s’il est au courant de la situation actuelle de cet établissement et s’il a signé la pétition[12]. Il me répond que oui et en profite pour me dire que si la région leur a refusé le statut d’entreprise adaptée… C’est parce qu’ils n’emploient pas de personnel médical ! Voilà qui prouve que nos édiles ont une conception archaïque du handicap : qu’ils se renseignent, ils sauraient qu’une personne handicapée n’est pas forcément, au pire, clouée en fauteuil roulant ou, au mieux, incapable d’avoir une vie autonome !

 

11h30 : Ayant pris congé de mon hôte, je prévois dans un premier temps de prendre le tram pour gagner le centre-ville. Hélas, celui-ci ne va pas au-delà de Recouvrance, manifestations obligent.  Comme toutes les lignes passant sur le grand pont seront certainement impactées, je me rabats sur la ligne de bus 4 qui traverse la Penfeld par le pont de l’Harteloire et n’est donc sûrement pas entravée dans sa desserte quotidienne. Seul problème : il n’y a qu’un bus toutes les demi-heures, je dois donc poireauter vingt minutes dans un froid déjà hivernal… Cette ligne permet aux habitants de la rive droite et à ceux des quartiers de Bellevue et de Lambézellec d’accéder non seulement au centre-ville mais aussi à la zone commerciale de Kergaradec : elle rendrait donc de fiers services si la desserte était plus diserte et moins déserte[13]… C’est à des petites choses comme celle-là que l’on sent tout le mépris que les décideurs vouent à certaines franges de la population, à plus forte raison si ses représentants ne sont pas motorisés ! On fait des travaux pour doter la ville d’un réseau de transports en commun censé donner aux gens l’envie de délaisser la bagnole : c’est très bien, mais on aurait aussi pu renforcer ce qui existait déjà… De façon générale : on nous parle sans cesse d’inclusion, qu’on commence déjà par atténuer l’exclusion !   

 

16h : Rentré chez moi après de laborieuses pérégrinations citadines, j’appelle Bibus pour réserver un transport à la demande – je sais que si je prends le bus demain pour aller à la piscine, je vais vivre un cauchemar. Je dois m’y prendre trois fois : la première fois, la personne au bout du fil ma plante sous prétexte que la connexion à Internet va couper ! La deuxième fois, elle ne comprend manifestement pas que je veux faire une réservation et s’imagine que je veux m’inscrire à ce service alors que c’est déjà fait : comme je n’arrive pas à cacher l’impatience que fait naître en moi ce malentendu, elle me raccroche au nez ! La troisième fois est la bonne : j’ai finalement arraché ma réservation, ainsi que la conviction que le personnel de Bibus n’est pas du tout formé à l’accueil des personnes du spectre…

 

20h30 : Bien que n’ayant aucune envie de sortir le soir en ce moment, j’ai quand même répondu « présent » à la dernière scène ouverte de l’année organisée par le Collectif Synergie au Kafkérin. J’y suis venu autant par fidélité envers les événements de l’asso que par envie de faire oublier l’incident diplomatique de la dernière fois. Je n’ai pas à rougir de mon sens de la solidarité puisque nous ne sommes que trois à nous relayer sur scène : moi, Claire et un monsieur d’âge mûr que nous ne connaissions pas, lequel chante en s’accompagnant à la guitare (je sais, c’est original), improvise quelques duos avec une charmante jeune fille et fait même des trios en invitant une bénévole du café à se joindre à eux. Ce bel exemple de rapprochement intergénérationnel est cependant impuissant à entamer la grande mélancolie qui m’envahit, tant et si bien qu’avant d’interpréter mes propres textes, je propose une reprise de « Tous ces mots terribles » du regretté François Béranger…

 

Quelques croquis...

 

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...et une photo

 

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Vendredi 13 décembre

 

13h : Je me pince pour vérifier… Non, je ne délire pas, c’est vrai ! Décidément, un Macron, ça ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît ! Je l’ai sous-estimé en pensant qu’il ne pouvait plus me surprendre ! Alors ça, c’est le bouquet ! Il peut dire merci à Bolloré : si Les Guignols de l’info étaient encore là, il n’aurait jamais osé… Mais c’est risible tout de même ! Avant, le vendredi 13 était réputé pour porter malheur : désormais, il sera réputé pour faire rire ! Mais ce sera un rire jaune car je n’attends rien de bon de cet ancien ministre de Balladur et de Chirac qui a retourné cent fois sa veste pour sauver sa peau tannée et est devenu célèbre en essayant d’abroger la loi Falloux ! Car oui, Bayrou (vous pensiez que je parlais de qui ?), sous ses dehors débonnaires de paysan un peu naïf, est bien un politicard opportuniste, calculateur, sans scrupules et rétrograde de surcroît ! Quand le président nous présentera ses vœux pour la nouvelle année, je n’y croirai pas ! Remarquez, je n’y croyais déjà pas avant…

 

Allez, un peu de musique pour terminer...

 

 

C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] Je préfère la proposition de Philippe Geluck : « Liberté, égalité, fraternité, c’est pas mal ! Ils auraient ajouté "Bon appétit" et c’était parfait. »

[2] J’ai justifié mon intervention en rappelant que nous allons commémorer les dix ans du 7 janvier 2015 dans moins d’un mois : ça m’apprendre à faire le malin, tiens !

[3] J’appelle un chat un chat !

[4] « Je ne conjugue jamais le verbe « croire » à la première personne du singulier. » François CAVANNA, Coups de sang, Belfond, Paris, 1991, p. 117. « Toutes les religions sont à foutre au pilon ! Dieu n’a jamais existé et n’existera jamais ! » Bob SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, p. 13.

[5] « [Reiser] n’a jamais critiqué le principe divin et créateur, seulement l’idée que certains s’en faisaient et les saloperies qu’ils s’autorisaient en son nom. Il n’a rien contre Dieu, déteste la religion. C’est au nom de la transcendance, du mystère, de l’extase que Reiser brocarde les courtiers de la foi et dévaste les cuisines du sacré. » Jean-Marc Parisis, Reiser, Grasset, Paris, 1985, p. 176.

[6] Je ne minimise évidemment en rien le génie de Cavanna, Choron, Cabu, Delfeil de Ton, Gébé, Wolinski, Willem et tous les autres.

[7] Ce choix n’engage que moi !

[8] Autant pour moi, la formule est redondante : par définition, les stagiaires sont faits POUR être chargés du sale boulot !  

[9] Fluide Glacial n°288, juin 2000. Cette couverture, digne des grandes « unes » de Charlie Hebdo, est la seule de l’histoire du mensuel à avoir fait l’objet d’une censure, qui plus est uniquement en Suisse : mais, tel le cryptage utilisé par les Guignols pour le sketch du sac de Bernadette, le carré noir, loin d’atténuer la crudité de l’image, ne fait qu’en décupler l’effet !

[10] C’est d’autant plus regrettable que, sauf erreur de ma part, cet album est aujourd’hui épuisé…

[11] Si vous ne comprenez pas le gag, c’est que vous ne connaissez pas Gotlib et n’êtes donc pas digne de figurer parmi mes lecteurs, dépêchez-vous de combler votre lacune.

[12] Quoi ? Vous ne l’avez toujours pas signée ? Mais qu’est-ce que vous attendez ? Nous sommes déjà plus de quatre mille à l’avoir fait ! C’est par là : https://www.leslignesbougent.org/petitions/denonciation-et-appel-a-soutien-pour-le-refus-du-label-dentreprise-adaptee-19855/

[13] ‘Fallait la trouver, celle-là, hein ?


13/12/2024
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Du 2 au 6 décembre : Macron et Barnier sont dans un bateau, Barnier tombe à l'eau, qu'est-ce qui reste ?

 

Autant vous le dire tout de suite : il y aura peu d'illustrations cette semaine. En effet, je n'ai pas trouvé de date à commémorer et je n'ai pas eu le temps de faire du dessin d'actualité, étant accaparé notamment par la préparation d'une BD. Je ne pourrai donc vous montrer que quelques croquis, réalisés dans cette optique, qui n'ont finalement pas été retenus, plus le dessin ci-dessus, exécuté au cours du soir, qui tombe à point pour illustrer ma fatigue morale actuelle...

 

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Lundi 2 décembre

 

11h30 : Après un week-end nul, je débarque au Beaj Kafé pour écrire. J’ai ainsi l’occasion de jeter un œil sur les unes de la presse qui se posent toutes la même question : Barnier va-t-il sauter ? Question stupide : ce gouvernement, né du refus de Macron de cohabiter avec la gauche, est illégitime depuis le premier jour, il est déjà invraisemblable qu’il ne soit pas déjà tombé ! Pour ma part, j’ai eu ma dose d’émotions fortes avec les législatives de l’été dernier, j’imagine que je ne suis pas le seul, alors j’aimerais bien que les politiciens nous laissent souffler un peu !

 

15h30 : Toujours dans l’incapacité d’envoyer des SMS, j’appelle une seconde fois l’assistance Free : la personne au bout du fil finit par me dire qu’elle ne peut rien pour moi si je laisse ma carte SIM sur mon vieux téléphone à touches et qu’il faut que je la mette sur un modèle plus récent… Je craque et je hurle dans le téléphone une phrase grossière que je ne devrais pas dire à un pauvre travailleur précaire. Mais ce propos ordurier, ce n’est pas à l’individu au bout du fil que je l’adresse : c’est à cette société qui veut à tout prix me dicter mes choix !

 

18h30 : Il ne manquait plus que ça : à peine un mois après m’avoir demandé mes revenus trimestriels pour pouvoir calculer le montant de mon AAH, la CAF me le redemande… Pour le RSA ! Alors qu’il m’avait été dit clairement qu’à partir du moment où je touchais l’AAH, je ne pouvais plus prétendre au RSA ! Je pensais donc être tranquille jusqu’au trimestre prochain, mais non : ils ont besoin que je leur déclare ce qu’ils m’ont versé pour s’assurer qu’ils ne me doivent plus rien ! Décidément, plus con que l’administration, tu meurs !

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Mardi 3 décembre

 

18h30 : Je reçois la visite d’une amie qui m’expose la nouvelle marotte de l’éducation nationale : apparemment, quand arrive la saison des rencontres tripartites (élèves-parents-professeur), il est désormais demandé qu’elles ne se fassent pas en présence de deux enfants issus d’une même fratrie. En clair, ça veut dire vous serez forcément convoqués autant de fois que vous avez d’enfants dans une même école ! Voilà qui réconcilie avec l’enfant unique, il ne faut pas s’étonner si la natalité ne repart pas à la hausse !

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Mercredi 4 décembre

 

9h45 : N’en pouvant plus de l’assistance téléphonique, j’ai pris rendez-vous à la boutique Free de la rue Jaurès pour un entretien physique. Je suis arrivé un peu avant l’ouverture, il y a déjà plusieurs personnes, toutes d’un certain âge, qui piétinent elles aussi devant la porte. Je m’assieds sur le parvis pour y poursuivre la lecture de Longues peines de Jean Teulé : une dame me demande ce que je lis. Surpris par cette curiosité à laquelle je ne m’attendais guère, je réponds que ça ne la regarde pas ! Heureusement, elle n’insiste point. Après avoir fini mon chapitre et constaté que l’heure de l’ouverture approchait, je me lève : je présente à la dame ma carte « Je suis autiste » pour expliquer ma réaction qui était sans doute inattendue voire inappropriée, et je montre la couverture de mon livre. S’ensuit ce dialogue (c’est elle qui commence) :

-          Ah, Teulé, très bien ! Et puis un jeune comme vous qui lit, chapeau !

-          Ne me traitez pas de jeune, madame, j’ai trente-six ans.

-          Oui, mais vous êtes jeune par rapport à moi !

-          Tout est relatif, madame.

-          Oui, tout est relatif, vous avez tout dit !

Et une pièce supplémentaire à ma collection de rombières débiles…

 

10h : La boutique est ouverte, je suis pris en charge aussitôt. Je craignais de tomber sur un geek qui me mettrait la pression pour que j’achète un smartphone. Mais non : je suis reçu par une jeune femme affable qui, après quelques manipulations, déclare qu’à ses yeux, c’est ma carte SIM qui fatigue. Elle se propose donc de m’en faire parvenir une nouvelle gratuitement. Évidemment, j’accepte ! Encore une victoire sur le diktat du smartphone !

 

10h30 : « T’as vu, le gouvernement Barnier est censuré ! Alors, t’es content ? Oublie pas de dire merci à Marine et à Jordan ! » Voilà ce que j’ai l’impression d’entendre quand je vois les unes de certains journaux qui ont déjà oublié que le RN, quoi qu’on en dise, a bel et bien perdu aux dernières législatives… Plus sérieusement, malgré l’aversion que m’inspire Macron, j’espère qu’il va tenir le coup quand même car je n’ai vraiment pas la tête à de nouvelles élections et il n’y a certainement pas que moi ! Lâchez-nous la grappe, Noël, c’est bientôt Bordel ! Enfin, je veux dire… Excusez, c’est la fatigue…

 

17h : J’apprends que le restaurant La Diff’, qui emploie essentiellement des personnes en situation de handicap, s’est vu refuser par la région Bretagne le statut d’entreprise adaptée ! Cette décision aberrante ne m’étonne cependant qu’à moitié : avec toutes les galères que j’ai dû traverser (et que je continue à subit) pour obtenir l’AAH et la PCH, je suis bien placé pour témoigner que, par-devant, les décideurs politiques multiplient les beaux discours en faveur de l’inclusion des handicapé(e)s mais que, par-derrière, les individus qui sortent du lot sont toujours considérés comme des sous-citoyens dont le sort devrait être laissé au bon vouloir des dames patronnesses ! Mais comment en vouloir aux politiciens : ils savent pertinemment que les gens « normaux » sont dégoûtés par les personnes « différentes », alors pourquoi se soucier de ces dernières qui ne sont jamais qu’une minorité ? On n’a jamais que les élus qu’on mérite… Une pétition est en ligne pour soutenir la Diff’, je l’ai signée sans hésiter. Et vous ?

 

20h30 : Je retrouve le Biorek après un mois de séparation : les retrouvailles ont lieu juste en face du cinéma Les Studios dans un vaste local immanquable qui remplace avantageusement le petit gourbi trop discret qu’Alexandre et sa mère avaient cependant su transformer en petit coin de paradis. L’esprit du restaurant reste sensiblement le même, j’ai la bonne surprise de ne pas être tellement dépaysé. Un petit coin de paradis contre un GROS coin de paradis, je ne perds pas au change, pardi !

 

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Jeudi 5 décembre

 

11h : En ce moment, je n’ai plus que deux soucis majeurs : mon problème de carte SIM et une bande dessinée que j’aimerais boucler avant les vacances de Noël. C’est peu, mais c’est suffisant pour m’accaparer alors que je suis déjà bien fatigué ! Alors quand le courant est coupé alors que je suis en train d’écrire un mail à mes parents, je me dis que c’est la contrariété de trop ! Après avoir constaté que mon disjoncteur n’a pas sauté, j’ouvre la porte de mon appartement et j’entends mon voisin du dessus gueuler contre la coupure : donc, c’est tout l’immeuble qui est concerné. Un coup de fil à mon bailleur ne donnant rien, je m’adresse à la filiale d’EDF qui me fournit en énergie : apparemment, c’est un accident qui concerne toute la rue… Je raccroche en prétextant que j’ai besoin de me calmer, ce qui n’est même pas un mensonge ! Le courant est rétabli deux heures plus tard : encore heureux que c’était une panne de secteur car si elle avait été plus isolée, on y serait encore le lendemain…

 

16h30 : Je fais ce qui m’aurait semblé impensable il y a encore quelques années : je revends le fameux numéro de Charlie Hebdo publié au lendemain des attentats du 7 janvier 2015 ! Souvenez-vous, celui avec la couverture de Luz représentant un barbu à turban avec une pancarte « Je suis Charlie »[1] ! Mais vous ne savez pas le pire : chaque fois que je revends un Charlie, je prends soin de scanner au préalable les textes et les dessins sont je souhaite garder une trace, ce qui peut prendre plus d’une heure de boulot, et pour ce numéro historique, je ne retiens que… Deux documents ! À savoir une déclaration de Charb[2] et un dessin de Tignous[3] qui avaient été republiés pour l’occasion ! Et oui : avec le recul, le reste du contenu de ce numéro, sans m’apparaître inintéressant pour autant, ne me paraît plus forcément digne d’être conservé à tout prix ; ce que les survivants des attentats avaient pu dire, écrire ou même dessiner après ce drame, je l’ai tellement entendu depuis (quand je ne l’ai pas pensé moi-même) que je le connais par cœur ! Voilà donc pourquoi, ayant besoin de place et d’argent, je n’ai eu aucun remords à revendre cette édition : de ma part, c’est un peu un blasphème, mais si nous avons manifesté un certain 11 janvier, n’est-ce pas justement pour défendre le droit au blasphème ? Alors je pense que les gens de Charlie, qui ne se prennent même pas pour des prophètes, sont capables d’accepter le blasphème même quand c’est à leur encontre ! Mais le pire, ce n’est même pas ça : vous vous souvenez des prix fous auxquels certains spéculateurs sans scrupules avaient négocié ce numéro au plus fort de l’émotion suscitée par la tuerie ? Et bien aujourd’hui, le prix que j’ai pu en tirer, frais de ports non compris… Ne dépasse pas un euro ! Sic transit gloria mundi[4], tu l’as dit bouffi !

 

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Vendredi 6 décembre

 

8h30 : Macron a annoncé qu’il irait au bout de son mandat. Ben j’espère bien, il a été réélu pour ça ! Lui qui veut nous faire bosser jusqu’à 64 ans, il ne manquerait plus qu’il lâche l’affaire à 47 (si j’ai bien calculé) ! Et puis un capitaine n’abandonne jamais son navire en perdition… Même si c’est lui qui l’a sabordé ! Plus sérieusement, je ne suis pas étonné : depuis qu’il est à l’Élysée, il y a eu les Gilets jaunes, la pandémie, la guerre en Ukraine, les grèves de l’année dernière et j’en passe… Malgré toute l’aversion que peut inspirer sa politique, il faut lui laisser ça : il est coriace. Je ne le vois pas démissionner dans l’immédiat… D’autant qu’il doit juger qu’Édouard Philippe n’est pas encore tout à fait prêt !

 

11h50 : Avant de retrouver deux amies au Biorek, je termine la lecture de Longues peines. Jean Teulé était surtout connu pour ses romans historiques, mais je crains que ce bouquin, qui dépeint l’univers carcéral sans fausse pudeur, ne soit pas près de cesser d’être actuel… Que dire d’autre ? L’écriture de Teulé est si percutante que tout commentaire serait superflu ! C’est vous dire si c’est écrivain n’a pas fini de nous marquer… Et de nous manquer.

 

Allez, une petite vidéo pour terminer...
 
 
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !


[1] Contrairement à certaines personnes, je ne suis pas du tout certain qu’il s’agissait bien de Mahomet – rien dans l’image ne l’explicitait. Si tel était toutefois le cas, on pourrait envisager le dessin de Luz comme une « suite » de celui de Cabu, publié neuf ans plus tôt, où le prophète déclarait, accablé, « C’est dur d’être aimé par des cons » pour désavouer ouvertement les intégristes – et seulement ceux-là.

[2] Extrait : « Il n’y a pas de musulmans modérés en France (…), il y a des gens qui sont de culture musulmane, qui respectent le ramadan comme moi je peux faire Noël et bouffer de la fin de chez mes parents, mais ils n’ont pas à s’engager plus que ça contre l’islam radical en tant que musulmans modérés, puisqu’ils ne sont pas musulmans modérés, ils sont citoyens. (…) »

[3] Il représentait une femme soulever sa burka pour montrer son porte-jarretelles ! Les replis intérieurs de la dite burka formaient des visages barbus aux yeux concupiscents et aux nez phalliques…

[4] « Ainsi passe la gloire du monde », ‘faut tout vous dire !


06/12/2024
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Du 22 au 29 novembre : Vive Amélie Nothomb ! À bas les autres !

Vendredi 22 novembre

 

20h45 : Je suis beaucoup trop gentil. D’habitude, après le cours de natation, je rentre chez moi sans atermoiement, me disposant à savourer un bon repas avant de goûter au sommeil du juste – sans oublier d’avoir mis mes affaires de piscine à rincer à la machine, bien entendu. Ce soir, exceptionnellement, j’engloutis un casse-croûte en route et, au lieu de regagner mon doux foyer, je débarque au Kafkerin où a lieu une scène ouverte à laquelle je ne peux même pas participer. En effet, cette scène est réservée aux rappeuses : je n’ai jamais tellement aimé le rap, mais une de mes amies semblait tenir à ce que je vienne l’encourager et, dans un sens, ça tombe bien car j’ai justement quelque chose à lui donner. À peine entré, je suis assailli par l’ambiance sonore ! Le temps de reprendre mes esprits et je fais face à la triste vérité, à laquelle je m’attendais quand même un peu : comme j’arrive relativement tard (le temps de faire la route de Recouvrance à Kerinou), mon amie est déjà passée sur scène… Elle est cependant toujours dans la salle, m’assure une serveuse : mais pour la trouver, il faudrait que je fende la foule déchaînée dont est empli l’espace devant la scène, ce pour quoi je n’ai pas le courage. Alors je sirote un thé noir pour rester éveillé en attendant une hypothétique éclaircie de la foule qui me permettrait de rejoindre mon amie sans mettre en péril mon équilibre mental. Et tandis que les rappeuses se succèdent sur scène, enchaînant des airs que j’ai l’impression d’avoir déjà entendu mille fois (car la féminité n’engendre pas forcément l’originalité), je me pose la question fatale : « Qu’est-ce que je fous là ? »

 

21h55 : La scène ouverte est terminée. J’ai pu retrouver mon amie (qui était contente de me voir) et lui donner ce que je comptais lui offrir (ce qui l’a rendue encore plus contente). La grande maîtresse d’œuvre de cette manifestation, qui me connait, me demande si je me suis bien amusé : je lui réponds « ça va », de la même manière que je répondais à ma mère quand elle me servait un plat que je n’appréciais que modérément ; étant incapable de mentir, je ne fais même pas semblant de m’être amusé, mais je n’ose pas faire de la peine à une femme pour laquelle j’éprouve un profond respect et qui s’est sûrement donnée du mal pour organiser cet événement. J’ai raté le bus pour Lambé et le prochain ne passe que dans une heure, mais une autre amie, qui a participé à la scène ouverte et qui habite à deux pas de chez moi, accepte que je profite moi aussi du transport que lui offre un copain. Elle me fait cependant savoir qu’elle va d’abord participer au « débriefing » des participantes et que je vais devoir attendre : je consens à attendre une grosse demi-heure, je serai quand même gagnant à l’arrivée.

 

22h30 : J’attends dans la salle, déjà sanglé de pied en cap pour le départ. Le débriefing se passe d’une drôle de façon : les participantes n’arrêtent pas de faire des allers-retours entre l’extérieur et le local où elles sont censées se réunir. Je ne m’impatiente pas, j’ai connu de pires attentes, et je suis trop fatigué pour protester. Toutefois, l’un des bénévoles de ce café solidaire et associatif, croit bon de me tenir la jambe en me parlant de mon grand-père paternel, qui était instituteur, dont il fut l’élève et qui lui aurait permis, dit-il, de faire des études et de devenir ingénieur. Je n’ose pas lui répondre à quel point je m’en fiche : je n’ai même pas connu ce « glorieux » aïeul ! D’accord, j’ai de la chance de descendre d’un instituteur républicain et anticlérical qui s’est engagé pour la France libre plutôt que d’un huissier de justice monarchiste et calotin qui aurait collaboré avec l’occupant… Mais je n’ai aucune raison d’en être fier, je n’ai rien fait pour ça ! « Ah, c’est vraiment dommage que tu ne l’aies pas connu », insiste-t-il. « Ben oui, mais c’est comme ça », répliqué-je : la vie est déjà assez dure sans qu’on doive y ajouter des regrets pour ce qui n’a pas pu avoir lieu ! De toute façon, d’après ma mère, son bon esprit ne faisait pas de lui un saint et puis… Qu’est-ce que j’en ai à foutre, à la fin, qu’il ait accompli le sensationnel exploit de transformer des fils de paysans en employés de bureau ?    

 

22h50 : Voilà vingt minutes que le « débriefing » a pris fin et nous n’avons toujours pas décollé, par la grâce de l’incompréhensible manie des neurotypiques de mettre trois heures à se dire au revoir… Quand le conducteur demande cinq minutes de plus « pour une taffe », je craque : le prochain bus va passer dans cinq minutes, ce n’est plus intéressant pour moi d’attendre plus longtemps qu’il veuille bien nous conduire. Je pars avec fracas, sans demander mon reste, laissant interdits mes amis qui ne s’attendaient pas à ma réaction.

 

23h15 : Enfin rentré ! Je m’en veux quand même un peu d’avoir planté là des gens qui ne me voulaient pas de mal. J’appelle donc mon amie pour m’excuser : elle me répond que personne ne m’en veut et ajoute que j’ai bien fait de partir car ils n’ont toujours pas quitté le parking… Elle ajoute qu’ils avaient « besoin de lâcher prise », ce qui suffit à cerner le nœud du malentendu : en effet, « lâcher prise » selon une personne du spectre et « lâcher prise » selon les neurotypiques, ce n’est pas la même philosophie… Je voudrais m’expliquer davantage, mais ma correspondante raccroche après m’avoir crié « On t’aime, Benoît » ! Le bilan a beau ne pas être négatif, je ne peux m’empêcher d’être frustré…

 

Samedi 23 novembre : Saint-Clément, premier évêque de Metz et, selon la légende, pourfendeur du Graoully

 

À cette occasion, voici quelques photos prises dans la grande ville de Moselle qui me reste chère puisque c'est la première ville non-bretonne où j'ai noué des amitiés que je tiens à préserver. C'est vrai que c'est beau aussi, le grand Est ! Dommage qu'il y ait tant de fachos...

 

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9h30 : Je sors pour aller placarder en ville quelques affiches annonçant ma conférence de mercredi prochain. En sortant de mon immeuble, mon regard en croise une autre, d’affiche, éditée par LFI pour demander le cessez-le-feu à Gaza : rien que de très légitime en soi, sauf que… Cette affiche porte, dans le coin inférieur droit, la mention « le 9 juin, je vote insoumis » ! Une fois remis de ma surprise, je comprends que les Insoumis ont recyclé une affiche qui avait été imprimée en vue des européennes… Comme je ne tiens pas à entretenir le souvenir de ces élections, j’arrache le coin inférieur droit de l’affiche, en prenant soin, autant que possible, à ne pas abîmer le message de paix qu’elle cherche à véhiculer. N’empêche que si la gauche se met à recycler des affiches pour des élections passées, il ne faudra pas s’étonner de voir refleurir les visages de Mitterrand et Marchais dans les rues ! En attendant ceux de Jacques Duclos et d’Alain Savary – si vous ne savez pas qui étaient ces deux messieurs, rassurez-vous, ce n’est pas une maladie honteuse.    

 

12h : J’ai placé toutes mes affiches, mais j’ai reçu un message m’annonçant qu’un encadrement sur mesure que j’avais commandé était prêt : je décide donc, en attendant la réouverture du magasin d’aller déjeuner au restaurant ouvrier à Pizza et Tradition, un restaurant ouvrier non éloigné de la boutique en question, au rapport qualité-prix est excellent et où je me reproche de ne pas aller plus souvent. En route, je termine la lecture du dernier-né d’Amélie Nothomb, L’impossible retour. Que dire ? J’ai beau ne pas être passionné outre mesure par la culture japonaise, il est difficile de résister à l’écriture de madame Nothomb qui est définitivement, à l’heure actuelle, la plus grande magicienne du verbe en France : désolé pour ces connards d’identitaires, la plus grande romancière française actuelle est belge ! Peu importe si la photographe qu’elle dit accompagner au cours de ce voyage dans son pays natal existe ou non : Pep, à l’instar de Pétronille dans le roman du même nom, est un reflet inversé du personnage qu’Amélie-San s’est construite – un peu malgré elle, il faut le dire. Mais là où Pétronille menait ledit personnage à la mort, Pep ne tue en lui « que » le peu d’espoir qui lui restait de devenir digne de sa patrie de cœur, ce qui suffit à expliquer pourquoi elle porte un prénom qui sonne à la fois comme une apocope de Pétronille et comme une bulle venue éclater à la surface d’un étendue d’eau : Amélie-San aspirerait à être une paisible rivière japonaise mais le monstre occidental sommeille en son fond et émet un « pep » à la surface pour rappeler son irrévocable présence… Merde, j’écris bien ! Ça y est, elle m’a vampirisé !

 

12h30 : Je n’avais pas prévu que le restaurant serait peut-être fermé le samedi midi… Comme les lignes de bus passant dans cette zone sont aussi les lignes desservant les communes périphériques, les emprunter m’exposerait à de longues attentes pour des allers-retours qui seraient aussi vite expédiés à pied. Malgré le temps de cochon, je décide donc de cheminer jusqu’au magasin, pensant naïvement qu’il me sera facile de trouver un établissement ouvert sur ma route…

 

13h : J’ai déjà dépassé le magasin qui n’ouvre que dans une heure et je n’ai rien trouvé ! Je ne pensais pas que les restaurants étaient sous-fréquentés le samedi midi au point de dissuader leurs gérants d’ouvrir sur ce créneau… Au bord du désespoir, j’ai poussé jusqu’au centre commercial « Le phare de l’Europe » et je me rabats sur une enseigne « Ange » où je commande une pizza savoyarde. Je ne perds pas au change : pour un prix relativement modique, j’ai une pizza assez grande pour deux voire trois personnes ! Le goût n’est pas transcendant mais reste acceptable : de toute façon, je suis si épuisé par mon expédition dans cette zone hostile que je la dévore entièrement ! Je parie que j’ai écœuré les autres clients, en particulier le jeune homme à l’allure sportive qui m’a vu perpétrer cet attentat contre la diététique… Mais je m’en fous ! Mon monstre occidental à moi est totalement réveillé ! Si madame Nothomb me voyait, elle refuserait certainement de m’emmener au Japon ! Mais comme compagnon de beuverie, j’ai encore ma chance…    

 

14h45 : Après avoir récupéré ma commande et cherché vainement une bricole chez Cultura, j’attends le bus sur la place de Strasbourg pour réintégrer mes pénates. Un petit groupe de jeunes feint de se bagarrer juste devant moi : ce genre de situation m’ayant toujours angoissé, je ne puis réprimer un cri d’effroi ! Comme ces branleurs me jettent des regards mauvais, je m’empresse de sortir ma carte « Je suis autiste » : au début, ils s’imaginent que je vais appeler les flics ! Mais quand ils voient ma carte, il n’en faut pas davantage pour qu’ils s’excusent et décident de s’éloigner… J’ai trouvé plus fort que la carte de flic pour calmer les « cailleras » ! Mais je vois mal ces braves agents accepter de se faire accompagner d’autistes : « Hé, oh, on a pas des gueules d’infirmières, hein ! »   

 

17h30 : Ce matin, dans mon marathon d’afficheur, j’étais passé aux Capucins : j’en ai profité pour mettre quelques cartes de visite à la médiathèque. Je reçois donc un message d’un responsable qui me signale ce qu’il prend pour un oubli de ma part ! Quand je réponds que ce dépôt était totalement intentionnel, il m’interdit de réitérer cette opération pour laquelle je n’avais pas demandé d’autorisation… Non mais je rêve ! Cette médiathèque fait 9.700 mètres carrés et ils me reprochent d’y laisser des cartes de visites qui peuvent tenir dans la main ! Je préfère ne pas répondre pour ne pas être grossier… Cette anecdote me paraît représentative de notre époque où on ne peut plus prendre la moindre initiative dans l’espace public sans avoir douze milliards d’autorisations officielles, sous peine d’être aussitôt traité en suspect voire en terroriste ! Toujours moins de liberté et toujours aussi peu de sécurité…

 

Lundi 25 novembre

 

11h30 : Après un dimanche sans histoire, je vais donner mon sang. Malheureusement, je suis pris en charge par une intérimaire qui, tout en me plantant l’aiguille dans une veine du bras gauche, regarde AILLEURS ! Évidemment, ça ne marche pas : pas gênée, elle m’en attribue la responsabilité en affirmant que j’étais « trop tendu » ! Hé, on l’aurait été à moins ! Comme je tiens à faire ce don, j’accepte qu’elle fasse une seconde tentative au bras droit : cette fois, ça marche, et on m’assure même qu’on m’a prélevé assez de sang pour sauver trois personnes. J’en suis fort aise car c’est vraiment tout ce que j’ai trouvé pour me sentir utile sur Terre… N’empêche que si on confie les prélèvements sanguins à des personnes incompétentes qui traitent les donneurs comme des poulets à saigner, il ne faut pas s’étonner que les gens soient réticents à donner !

 

11h50 : Pendant la collation post-don, je termine la lecture d’un autre livre de madame Nothomb, Les combustibles. Sauf erreur de ma part, il s’agit de sa seule pièce de théâtre publiée… Et c’est une tragédie à l’état pur ! Pas seulement parce qu’elle met en scène une situation catastrophique qui contraint les protagonistes aux pires extrémités mais aussi parce que, comme dans Antigone de Sophocle ou même Britannicus de Racine, elle ne met pas en scène le bien et le mal mais plusieurs parties qui ont chacune leurs raisons : Marina a tout à fait raison de lutter contre le froid, mais Daniel est également fondé à vouloir préserver le peu de dignité qui lui reste et le professeur n’a pas tort d’assumer sa bassesse dans un contexte où il n’y a plus de raisons de sauver les apparences… J’ai connu plusieurs universitaires plus soucieux de leur carrière que de la défense des lettres, et de ce point de vue, cet affreux mandarin est plutôt bien senti. Mais pour être franc, ce professeur me fait surtout penser à Prétextat Tach, à cette différence près que, contrairement à l’abominable imprécateur d’Hygiène de l’assassin et à l’instar de Cottard dans la Peste de Camus, il bénéficie de circonstances qui lui permettent de remporter un triomphe provisoire… Je suis sûr que certaines personnes ont dû se tourner vers les Combustibles pendant la pandémie, comme d’autres se sont tournées vers Camus dans la même période : seulement, la situation d’enfermement que nous avons connue pendant les confinements successifs n’a pas plus de rapport avec ce que Camus fait vivre aux Oranais dans son roman qu’avec ce qu’Amélie-San fait vivre aux personnages de sa pièce. En effet, comme la machine n’a pas cessé de tourner quand nous étions enfermés, notamment grâce aux pauvres diables qui ne pouvaient pas s’offrir le luxe du télétravail, nous n’avons manqué de rien et surtout pas de chauffage… Donc, le livre qui offrirait une métaphore pertinente de ce que nous avons vécu dans cette période étrange, nous le cherchons encore ! Et je n’en veux à aucun écrivain contemporain de ne pas avoir envie de l’écrire…

Mardi 26 novembre

 

16h : Après avoir passé la journée à travailler sur un projet de bande dessinée, je sors effectuer quelques achats. J’ai ainsi l’occasion de voir que les journaux locaux n’ont une fois de plus que le Stade Brestois à la une. Il est vrai que ce soir, le club joue contre le FC Barcelone… Je commence quand même à en avoir marre de ce qu’on appelle « l’épopée européenne » du SB 29 ! Je vous rappelle que l’épopée, à la base, est un terme désignant un genre littéraire bien déterminé, en l’occurrence un poème, généralement de grande ampleur, contant les hauts faits d’un héros : l’Iliade et l’Odyssée, textes fondateurs de notre culture, sont considérés comme les paradigmes de l’épopée et les poètes grecs qui nous les ont légués ont eu peu de successeurs, à part l’Énéide en latin et la Chanson de Roland en français. Des auteurs plus récents (à l’échelle de l’histoire humaine, s’entend) comme Ronsard ou Voltaire se sont essayés eux aussi à l’épopée, mais sans jamais révraiment réussir à égaler leurs illustres prédécesseurs… Bref : le jour où un poète inspiré arrivera à écrire pour un club de foot un poème digne d’Homère ou de Virgile, j’accepterai d’entendre parler « d’épopée » à ce sujet. En attendant, messieurs les footeux, arrêtez de souiller le souvenir d’œuvres que vous n’avez probablement jamais lues (ce qui n’est pas une tare, j’en conviens) !

 

Mercredi 27 novembre

 

14h : Pourquoi ai-je la naïveté de penser qu’il peut encore y avoir une « bonne » heure pour aller à la poste ? Il est vrai que je venais tout juste d’apprendre l’arrivée d’un colis que j’attendais depuis la semaine dernière et que j’allais justement sortir pour me faire couper les cheveux avant d’aller donner ma conférence, il aurait donc été sot de ne pas en profiter. Mais j’aurais quand même pu me douter qu’il allait y avoir la queue dès l’ouverture ! Le petit vieux qui me double dans la file pour rejoindre son épouse, j’aurais aussi pu m’y attendre, au lieu de hurler « À la queue comme tout le monde » ! Encore que ça ne lui aurait pas coûté plus cher de m’expliquer tout de suite la raison d’être de son geste, raison que je n’étais pas censé connaître, après tout ! En revanche, qu’on me demande de laisser passer une mère et son bébé parce que le gosse a besoin d’être en intérieur, ça, je ne pouvais vraiment pas m’y attendre… Mais je cède sans coup férir : heureusement que j’aime trop les enfants pour me braquer dans ces cas-là ! Pour ne rien arranger, quand vient enfin mon tour, la postière me demande une signature, mais je dois la faire sur l’écran tactile d’un smartphone et celui-ci y met une mauvaise volonté évidente : je ne peux m’empêcher de signaler qu’avec un simple bordereau de papier qui ne peut pas tomber en panne, l’affaire serait pliée en une fraction de seconde ! En tout, j’aurai mis un bon quart d’heure à ronger mon frein pour enfin récupérer ma commande : un exemplaire du Voyage d’hiver, le seul livre d’Amélie Nothomb que je n’ai pas lu à ce jour ! Je m’empresse de le lire pour me changer les idées… Et je découvre que dès la première page, nous sommes en pleine préparation d’un attentat terroriste ! Amélie-San, c’est une romancière qui nous caresse d’une main et nous gifle de l’autre… À moins que ce ne soit l’inverse !

 

15h30 : Me voilà sorti de chez la coiffeuse, allégé de quelques touffes qui encombraient mon regard quand je sortais de la douche et de quelques euros que j’aurais pu investir dans du matériel de dessin si ces imbéciles de cheveux n’avaient pas la sale manie de pousser sans arrêt alors qu’on ne leur a rien demandé. Cette brave artisane m’a averti qu’elle va encore augmenter ses tarifs l’année prochaine : il m’en faudra cependant plus pour renoncer à fréquenter son salon où, au moins, je ne risque pas de me faire emmerder par une pétasse qui voudrait m’imposer à tout prix une coupe à la mode ou, pire, un merlan qui se prend pour un artiste sous prétexte qu’il sait manier une tondeuse dont même un chien ne voudrait pas sentir la morsure sur sa peau… Chaque fois que je passe devant le salon de mon quartier qui vante la coupe « coup de boule », j’ai un haut-le-cœur rien qu’à imaginer qu’on pourrait me faire arborer cette coiffure de bidasse ! Ce n’est pas que je sois exigeant en matière de look, mais je suis déterminé à ne plus avoir la coupe au rasoir que m’imposait ma mère quand j’étais enfant : à chaque fois, j’avais l’impression d’être privé d’une protection contre ce monde où tout m’était hostile… Voilà pourquoi je porte les cheveux mi-longs : parce que j’ai besoin de mettre une barrière entre moi et le reste du monde ! C’est pour la même raison que je rechigne à me mettre en manches courtes…

 

16h : Au cours de la dernière AG extraordinaire de mon laboratoire, la directrice a insisté sur la nécessité de mettre à jour nos profils sur notre site. Pour ce faire, il faut passer par la plateforme HAL… Ai-je déjà eu l’occasion de dire que c’est un système intuitif et efficace ? Non ? C’est normal : pour être à jour, je dois « seulement » supprimer quatre publications dont la paternité m’est abusivement attribuée et qui sont en fait dues à un homonyme dont les recherches n’ont rien de commun avec les miennes… Et rien que pour trouver comment y parvenir, je galère ! Cette mésaventure, associée à celle que j’ai partagée avec la postière il y a deux heures à peine, me conforte dans l’idée que le tout-numérique n’est peut-être pas l’avenir de l’humanité… Si tant est qu’elle ait encore un avenir, bien sûr !

 

18h : À la fac Segalen, je donne ma conférence sur l’histoire de Brest. Tout se passe bien et le public réagit comme je l’espérais. À part, bien sûr, l’inévitable râleuse qui prend la parole d’autorité pour me reprocher de parler trop vite ! Cette femme, d’âge mûr, n’oserait probablement me traiter ainsi si j’avais vingt ans de plus… Je m’en sors en lui disant que je suis incapable de parler moins vite (ce qui n’est même pas un mensonge), mais je ne peux m’empêcher de penser que si elle était vraiment attentive, elle n’aurait pas de mal à me suivre ! Et oui, madame, désolé de ne pas être un orateur qui vous offre la possibilité de papoter avec votre voisin(e)[1] ! Et après tout, vous êtes bien la seule à vous plaindre…

Une photo prise au cours de la conférence :

 

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Un dessin que j'ai utilisé pour mon diaporama - j'ai changé la réplique initiale pour illustre un paragraphe sur le fait (avéré) que toute la famille De Gaulle, sans exception était partie de Brest pour aller en Angleterre... Si, si, même le grand Charles ! 

 

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Jeudi 28 novembre

 

9h : J’ai une course urgente à faire avant d’honorer un rendez-vous à la fac de droit. Devant la supérette, deux jeunes gens distribuent gratuitement Le Télégramme et proposent quinze jours d’abonnement gratuit aux gens : j’accepte par pitié pour ces petits gars qui font un boulot ingrat dans le froid et aussi parce que recevoir gratuitement un quotidien pendant quelques jours n’est pas pour me déplaire : j’avoue manquer un peu d’inspiration pour les dessins d’actualité, ces derniers temps…

 

11h : Après avoir honoré mon rendez-vous et déposé des chèques à la banque, je reprends le bus et je feuillette le journal que j’ai réceptionné ce matin. Évidemment, il n’y a rien de bien exaltant… Un cessez-le-feu permet aux Libanais de rentrer chez eux : comment ne pas avoir pitié de ces pauvres types qui ne se sentent probablement pas concernés par cette guerre et qui la paient néanmoins au prix fort ? Nous n’avons vraiment aucune excuse pour refuser de les accueillir chez nous… Parlons-en, tiens : nous avons beau nous être mobilisés contre l’extrême-droite en juillet dernier, j’ai vraiment l’impression qu’elle gouverne par personne interposée ! Barnier a tellement peur d’être censuré qu’il cède tout au RN… Mais rien à la gauche, qui est pourtant la seule majorité légitime ! Et pendant que le caniche de Macron traficote pour sauver son seigneur et maître, la catastrophe écologique est déjà en route : le seuil des 1,5 degrés supplémentaires a été franchi et les émissions de CO² ne cessent d’augmenter parce que personne ne veut renoncer à SA bagnole, à SON smartphone, à SA tondeuse à gazon… Dans cette ambiance délétère, il n’y a guère que le procès de Mazan qui offre un appel d’air : l’intensification du combat des femmes pour leur dignité est bien tout ce qui est arrivé de positif au cours des dix dernières années ! Ne lâchez pas l’affaire, les filles : avec Trump et Musk, vous n’avez pas fini de lutter… 

 

Permettez-moi d'illustrer mon propos avec ce dessin de minou féminin bien poilu (Wolinski disait que ça l'impressionnait quand il était jeune), avec pour message : permission de regarder, mais défense de toucher ! En tout cas, pas sans consentement préalable ! Pigé ? C'est pas compliqué, pourtant ! 

 

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14h : Avant de reprendre le travail sur mon projet de BD, je termine la lecture du Voyage d’hiver : il n’y pas de doute, madame Nothomb n’écrit jamais au rabais ! Mine de rien, en une semaine seulement, j’aurais lu trois de ses livres, tous très différents les uns des autres. J’aurai l’audace de qualifier celui-ci de « classique » au sens où il traite du thème qui est au cœur de l’œuvre d’Amélie-San depuis Hygiène de l’assassin : le deuil des idéaux romantiques. La plupart des héros « nothombiens » ont en commun de faire violence à la réalité pour la forcer à se conformer à leurs rêves de pureté et d’absolu ; soit ils finissent par adopter un modus vivendi avec le réel décevant, comme Plectrude dans Robert des noms propres, soit ils s’accrochent à leurs fantasmes et le paient au prix fort : Zoïle, le narrateur du Voyage d’hiver appartient clairement à la seconde catégorie, il ne lui a manqué qu’un peu de patience pour renoncer à commettre l’irréparable… Il a beaucoup de points communs avec Épiphane, le monstrueux héros d’Attentat : tout comme lui, c’est la laideur qui le prive de la communion avec sa bien-aimée, à cette différence près qu’il ne s’agit pas de sa propre hideur (Zoïle n’est jamais décrit, il ne semble cependant pas rebuter la belle Astrolabe) mais de celle de la pauvre Aliénor. Et comme pour Épiphane, on comprend sans peine que l’autrice ne cherche pas à lui attirer à tout prix notre sympathie et encore moins à justifier sa décision finale… Non, je ne vais pas raconter la fin ! Vous n’avez qu’à lire le livre vous-même, crétonnerre !

 

18h : Désormais détenteur d’une Carte Mobilité Inclusion, je décide d’en profiter pour faire valoir mes droits au transport à la demande auprès de Bibus. Je constate que même les meilleurs systèmes ont leurs limites : dans le cas présent, il est dans le fait qu’au moment de préciser mon type de handicap, je ne trouve rien, parmi les cases à cocher, qui me correspond vraiment ! Je ne suis pas en fauteuil, je ne suis même pas mal-voyant et, surtout, je ne tiens absolument pas à laisser croire que je serais intellectuellement défaillant - mon type d’autisme a justement ceci de particulier qu’il ne se manifeste pas par un retard intellectuel ou langagier ! Je me rabats donc sur « personne semi-valide », qui laisse le champ libre à toutes les interprétations et qui n’est même pas tellement incompatible avec le fait indiscutable que les retards excessifs sont pour moi une source d’angoisse disproportionnée et que le brouhaha des autres usagers m’est insupportable… Un bon point quand même : une heure plus tard, j’apprends que mon dossier est validé et on me donne le numéro auquel il me faudra appeler quand j’aurai besoin d’un transport à la demande ! Au moins, c’est efficace…

 

Vendredi 29 novembre

 

10h : Faisant mon marché, je profite d’être au stand de la fromagerie pour demander ce qui s’est passé dernièrement avec le fromage « Mont d’or » : en effet, en amont de mon don de sang de lundi dernier, on m’a demandé si j’en avais mangé, et je remarque, derrière la vendeuse, un papier évoquant un « rappel de produit » concernant ce type de fromage. On me répond qu’en effet, des fromages « Mont d’or » ont été contaminés par une bactérie responsable de gastro-entérites… Les végans, qui jugent que même traire une vache est criminel, ont dû se frotter les mains en apprenant la nouvelle[2] ! En attendant, vu que le fromage est une des rares denrées dont j’aurais beaucoup de mal à me passer, j’ai beau me féliciter de ne jamais manger de « Mont d’or » (dont j’ignorais jusqu’alors l’existence), ça me fait quand même mal au cœur d’apprendre qu’un chef-d’œuvre du génie humain tel que le fromage puisse être vecteur de maladies ! Décidément, tout va à vau-l’eau…

 

Avant de conclure, un profil de poivrot d'après une photo parue jadis dans Hara-Kiri :

 

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Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 

[1] Je n’identifie pas le sexe de la personne à côté de laquelle elle est assise, c’est tout, faites pas chier.

[2] Désolé d’en rajouter, mais je jure que tous les végans que j’ai connus étaient très cons…


29/11/2024
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Du 16 au 22 novembre : La neige vous emmerde ? Venez à Brest, bande de cons !

 

Samedi 16 novembre : Shigeru Miyamoto a 72 ans. 

 

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11h : N’ayant plus de vin rouge, je suis monté, pour la première fois, chez l’épicier-caviste du petit bourg de Lambé afin d’y acheter une bouteille. Alors que je me dirige vers l’espace dévolu au jus de la treille, ma route croise celle d’une femme d’âge mûr : je m’arrête pour la laisser passer, mais elle stoppe elle aussi. Nous restons bien cinq secondes à nous regarder en chiens de faïence jusqu’à ce que je me décide à lui dire que je lui accorde la priorité : elle me répond, avec une pointe d’impatience, que je lui barre le chemin et qu’elle attend que je recule… Je ne m’en étais pas aperçu ! Après avoir choisi ma bouteille, je déclare au commerçant, avant de payer et de partir, que je m’excuse d’avoir gêné sa cliente, non sans préciser que je suis autiste et que je ne maîtrise pas la communication non-verbale : « Je sais, j’ai lu un article sur vous » me répond-il… La notoriété a cet avantage qu’une partie de vos concitoyens est avertie de vos particularités et ne s’en offusque donc pas.  

 

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Dimanche 17 novembre

 

19h : Dans notre série « quand c’est bien, ‘faut l’dire aussi », aujourd’hui, pour la première fois depuis qu’on m’a installé la fibre optique, j’ai eu l’occasion de mettre des vidéos en ligne et d’envoyer des fichiers lourds. Miracle : ce qui, naguère, nécessitait que je laisse mon installation allumée toute la nuit ne me demande plus que quelques minutes désormais ! Donc, oui, la fibre, ça marche. Mais je ne regrette pas d’avoir attendu pour l’installer : j’ai au moins la satisfaction de l’avoir fait parce que j’en avais vraiment besoin, pas parce que la publicité m’y a poussé.

 

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Lundi 18 novembre

 

10h : Dans notre série « on a à peine le temps de régler un problème qu’il en vient un autre », aujourd’hui, j’ai appelé l’assistance Free pour signaler que je n’arrive plus à envoyer de SMS. Bon, alors : devoir passer au travers d’une demi-douzaine de filtrages avant de pouvoir à parler à un être humain de chair et d’os, on s’y attend. Que l’être humain en question ait un accent à couper au couteau parce qu’il est probablement originaire d’un autre continent, on s’y attend aussi. Qu’on ait l’impression de s’adresser à un robot tant il parle de façon mécanique et répétitive, on s’y attend encore. Qu’on doive lui répéter quinze fois les mêmes réponses, on s’y attend toujours. Il y a quand même une chose à laquelle personne, je crois, ne s’attend vraiment : qu’il nous demande de lui fournir les numéros personnels de nos contacts ! Là, évidemment, j’ai refusé net : ce serait trahir la confiance de mes amis, et il n’en est absolument pas question ! Mine de rien, ça en dit beaucoup, je pense, sur l’éthique d’une entreprise ! J’ai Free, je n’ai toujours pas compris…

 

Un dessin aux polychromos intitulé sobrement "L'index plié" - je l'ai réalisé parce que j'ai remarqué qu'à chaque fois qu'on plie l'index, il se forme une petite cavité au niveau du poignet, côté paume. Vous ne l"aviez jamais vue ? 

 

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Mardi 19 novembre

 

10h : Un de mes contacts à Paris m’a envoyé le portrait que le journal Libération a consacré à Christophe Miossec. J’aime assez Libé en général. Je ne suis pas fan de Miossec, même s’il m’arrive de chanter « Brest » à tue-tête dans mes crises de chauvinisme, mais c’est en partie grâce à lui que ma ville reste bien présente dans l’imaginaire national, privilège que toutes les grandes villes de Province n’ont pas. Donc, je lis l’article et je suis un peu déçu : il est bourré de clichés ! Premièrement, non, Brest n’est pas une « ville grise » ! Allez voir la rue Desmoulins, la Maison Blanche, sans parler des espaces verts comme le bois juste en face de chez moi, et vous verrez ! Deuxièmement, Recouvrance n’est pas un « quartier historique », étant donné qu’à part la rue Saint-Malo, il ne reste plus grand-chose du Recouvrance d’avant-guerre, la rive droite ayant été particulièrement impactée par les bombardements. Troisièmement, je ne conçois pas en quoi le Stade brestois porterait des « valeurs morales locales » : le milieu du foot est pourri jusqu’à l’os, je ne vois pas de raison pour que « le club du bout du monde », comme l’appelle pompeusement le journaliste, puisse y échapper. Quatrièmement, Miossec lui-même parle d’une « gentillesse » et d’une « simplicité » héritée de l’histoire ouvrière de Brest : il ne faut pas non plus tout idéaliser, il suffit de lire Zola ou même la biographie de Reiser par Parisis pour se rendre compte que les prolos ne sont pas toujours tendres, même entre eux, et, de toute façon, quand on sait que c’est dans les milieux ouvriers que se recrutent majoritairement les chasseurs et les électeurs du RN, on se dit que la méchanceté n’est pas un affaire de statut social… Cinquièmement, enfin, le poète ajoute, à propos de Brest, « qu’est-ce que c’est bien de la quitter » ; personnellement, chaque fois que je passe le pont de Plougastel, j’ai le cœur serré et mon cas n’est pas isolé : je ne compte plus le nombre de personnes, dans mes fréquentations, qui ont dû quitter Brest pour des raisons professionnelles et auxquelles cette ville manque terriblement, sans parler de celles qui viennent de très loin et qui ont décidé de s’y installer ! Conclusion : je donne dans une semaine une conférence où je démêle le vrai du faux sur l’histoire de Brest, mais je constate qu’il y a bien d’autres mythes auxquels je n’avais pas songé… Pour parler comme l’ami Thiriet, certains journalistes feraient bien de venir à Brest plus souvent que pendant les fêtes maritimes ou le festival du film court, ils verraient que la ville du Ponant n’est pas qu’une carte postale parfumée à l’odeur de poiscaille[1] !     

 

L'affiche de la conférence dont je viens de vous parler :

 

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13h : Après une sortie dans le quartier pour faire quelques courses, je suis bien étonné de croiser, dans le hall de mon immeuble, deux femmes qui me demandent si j’ai vu le locataire du rez-de-chaussée. Je réponds que non, mais la vérité est que c’est fort possible même si je n’en sais rien : j’ai si peu de relations avec mes voisins que je peux les rencontrer quinze fois sans les reconnaître ! Il en allait d’ailleurs ainsi de mes « camarades » d’école… Non que je sois égocentré, mais je ne considère pas que le fait de se côtoyer au quotidien, que ce soit dans une salle de classe ou dans une HLM, soit un motif suffisant pour sympathiser. Peu après, alors que je suis en train de déjeuner, je vois défiler les pompiers et les flics devant l’immeuble : je commence quand même à me demander ce qui peut se passer !

 

Un collage réalisé à partir de plusieurs aquarelles, intitulé "Dans le métro" :

 

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Mercredi 20 novembre

 

14h : Je passe à la CAF pour demander un renseignement sur mon AAH. Craignant de ne pas être pris au sérieux par les agents de cette administration, vu que ma différence n’est pas écrite sur mon front, je prévois de jouer une petite comédie et d’outrer mes traits autistiques afin de ne pas être accusé de simulation, ce que je n’ai encore jamais fait. Mais c’est finalement inutile : quand je suis pris en charge, j’enlève mon casque antibruit, et je n’ai même pas besoin de me forcer pour être incommodé par le brouhaha qui règne dans le bâtiment ! La radio allumée n'arrange rien… La dame qui m’accueille, qui doit être confrontée régulièrement à des cas comme le mien, se montre compréhensive et m’emmène dans un endroit plus calme : je m’en félicite même si je me dis qu’il y a encore du boulot pour rendre les administrations vraiment inclusives ! Il n’y pas que les personnes du spectre qui peuvent être gênées par une radio allumée à fond, non ?

 

14h45 : Passage à la PAM pour me renseigner sur les disponibilités d’un espace où l’on peut installer une boutique éphémère. Une fois informé, je m’installe dans la nef pour enclencher le processus de lancement d’une idée qui me trotte dans l’esprit depuis un certain temps : organiser des expositions collectives et thématiques avec d’autres artistes locaux. Mais au dernier moment, je m’imagine gérer la réception des œuvres, installer l’expo en tenant compte des exigences de chacun, collecter les fonds pour payer la location du lieu, organiser le vernissage, prévenir les médias et les élus… Le tout en m’exposant à devoir affronter les crises d’ego de certains créateurs, qui plus est sans espoir de gagner un sou puisque je prévois de ne pas prélever un centime sur les éventuelles ventes d’œuvres… Bref, je préfère renoncer. Basta ! Si j’arrive à louer l’endroit, je le ferai pour exposer mes travaux à moi et puis c’est marre ! Je ne vois pas pourquoi je me sacrifierais pour les autres !

 

Un autre collage, réalisé cette fois à partir de dessins aux crayons de couleur, intitulé "Dans la rue" :

 

11-20-Crayons de couleurs - Dans la rue.jpg

 

19h45 : Le cours de dessin touche à sa fin. L’exercice d’aujourd’hui n’était pas des plus passionnants : il fallait prendre un oreiller pour modèle ! J’ai cependant eu l’heureuse surprise de m’en tirer assez bien, la prof était en tout cas satisfaite de ce que je produisais, ses remarques ne portaient que sur les couleurs, pas assez prononcées à son goût. Néanmoins, je suis déjà mort de fatigue d’avoir fait milles détours en ville aujourd’hui : de ce fait, je suis au bord de la crise de nerfs et j’ai bien du mal à ne pas rudoyer les autres élèves ! D’ailleurs, je ne me retiens même plus quand une jeune femme, que j’entends glousser dans discontinuer depuis un quart d’heure, passe derrière moi : je la menace carrément de représailles si elle rit dans mon dos ! La prof m’avait bien averti qu’elle ne laisserait plus passer mes crises si elles venaient à gêner les autres élèves, il est donc grand temps que le cours finisse… Je me demande si je ne devrais pas investir dans une bouteille thermos pour avoir du thé noir sous la main à tout moment !

 

Encore un dessin aux polychromos, "La belle Iranienne" :

 

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Jeudi 21 novembre

 

9h : Je sors honorer un rendez-vous avec une amie : elle ne m’attend que dans une heure, mais j’ai prévu d’y aller à pied. Je vois qu’on a mis un bouquet de fleurs devant la porte de l’appartement du dessous, mais plus rien ne m’étonne venant des cas sociaux qui résident dans cet immeuble.

 

10h : Buvant le thé avec mon amie, je l’écoute me commenter le dernier film de François Ruffin : d’après mon hôtesse, il s’agirait du moins intéressant de ses documentaires, Sarah Saldmann ayant tendance à s’y comporter comme Marie-Antoinette jouant à la fermière ! Je n’en suis pas surpris : sauf le respect que je dois à monsieur Ruffin, il a fait beaucoup d’honneur à cette juriste médiatique qui, comme la plupart des chroniqueurs télévisuels, finira tôt ou tard par tomber dans un oubli mérité, même et surtout dans les mémoires des travailleurs auxquels elle a publiquement manqué de respect ! S’il fallait faire un long-métrage chaque fois qu’un de ces guignols qui se croient importants lance une petite phrase « choc » qui fait le « buzz » pendant quelques jours, l’industrie cinématographique ne produirait plus que des films de ce genre à flux tendu… Qui a dit que ce ne serait pas plus mal ?

 

13h : Rentrant chez moi après avoir pris congé de mon amie et effectué quelques courses urgentes en ville, j’apprends de la part d’un autre locataire que l’occupant du rez-de-chaussée est décédé. J’avais cru entendre l’une des dames croisées avant-hier dire au téléphone que le malheureux avait une « pathologie alcoolique » : pas besoin d’aller chercher Astrid et Raphaëlle pour savoir de quoi il est mort… Et oui, des pauvres qui picolent jusqu’à en crever dans leur gourbi, ça existe encore ! L’assommoir, c’est encore d’actualité…

 

20h : Retour à Lambé après avoir assisté à une conférence qui m’a bien déçu puis fait un crochet au Kafkerin où la scène ouverte à laquelle je comptais participer a finalement été reportée… Heureusement que j’avais des affiches pour ma conférence de la semaine prochaine à placarder, sinon je serais vraiment sorti chez moi pour des prunes, ce qui n’est jamais très agréable mais l’est encore moins par un tel froid de canard ! Je craignais qu’il neige et que je me retrouve bloqué chez moi : avec le recul, je l’aurais préféré, finalement !

 

Vendredi 22 novembre : Jodie Foster a 62 ans

 

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Ce montage rend hommage à l'épisode 150 de la Linea qui m'a marqué : il est facile à retrouver, débrouillez-vous.

 

9h30 : Sortant faire mon marché, je risque un œil à la fenêtre de l’appartement du rez-de-chaussée, dont un volet est apparemment cassé : on croirait voir le décor d’un film des frères Dardenne… Au cinéma, c’est déjà flippant ; dans le monde réel, c’est encore pire ! On n’arrête pas de nous annoncer l’effondrement de la société : est-ce qu’on ne peut pas accélérer le mouvement ? Je me demande vraiment si cette société mérite de vivre…

 

C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] « À la télé parisienne, quand un invité a l’accent du Sud, tout le monde s’attendrit. « Oooh ! Mais vous venez du Sud ! Aaah ! Ce petit accent chantant ! Aah ! Le soleil !! Les cigales ! » Restez un peu plus que l’été dans le Sud, bande de couillons, je vous ferai rencontrer quelques connards avec accent, qui vous prouveront qu’ici, c’est pas toujours une carte postale parfumée à la lavande. » Fluide Glacial série or n°82, mars 2018, p. 79.


22/11/2024
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Du 8 au 15 novembre : Le racisme, l’homophobie, le machisme et la transphobie TUENT ! Le « wokisme », la « bien-pensance » et le « politiquement correct » font seulement chouiner les mâles blancs cisgenres !

 

 

Vendredi 8 novembre

 

9h : Au marché, passant d’un stand à l’autre, je prépare ma monnaie : je constate ainsi que la commerçante à laquelle je viens d’acheter une belle provision de fromage (denrée indispensable à ma survie) m’a rendu un penny anglais ! Ce n’est pas la première fois que je me fais rouler de la sorte : il n’y a pas si longtemps encore, j’avais retrouvé une pièce de la république dominicaine dans mon porte-monnaie… Les marchands savent que la majorité des gens ne fait pas de vérification approfondie quand on lui rend la monnaie : les clients y songeraient-ils seulement qu’ils n’oseraient pas le faire en public, de peur de passer pour radins ou flicards… Alors les gratteurs de lingot en profitent, cette bonne blague ! N’ayant nullement l’intention de traverser la Manche simplement pour dépenser l’équivalent d’à peu près zéro euro (d’après mes sources, c’est la valeur d’un penny au cours actuel), je décide de me débarrasser de cette pièce en la refilant au mendiant qui stationne devant la boulangerie : pour ne pas rattraper la fromagère dans la course à l’escroquerie, je prends toutefois la peine de cacher la monnaie britannique sous une pièce de vingt centimes quand je la pose dans la pogne de ce pauvre homme… Mais j’ai honte quand même ! Mon acte n’est jamais qu’est une gouttelette de solidarité (pas la plus pure, de surcroît) dans l’océan de malhonnêteté qu’est la société…

 

Sans rapport direct, quelques croquis préparatoires pour une BD :

 

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17h : Je termine la lecture du livre qu’Yves Frémion avait consacré à Reiser en 1975 : en prévision d’une causerie sur le grand artiste que j’ai promis de donner dans un mois, il m’avait paru utile de consulter l’un des rares ouvrages (probablement le seul, du reste) à lui avoir été consacrés de son vivant. Il me semble même que c’est le seul bouquin d’exégèse sur Reiser, mise à part la biographie de référence due à Jean-Marc Parisis. À ce propos, j’ai bien entendu déjà lu récemment le livre de Parisis, ce qui m’a valu, à , moi qui croyais tout connaître de mes maîtres à déconner, quelques surprises : pour commencer, je ne savais pas que Reiser avait été marié deux fois et avait même eu un fils de son premier mariage, je n’aurais même pas soupçonné qu’il avait vécu un grand amour sans retour avec une hôtesse de l’air qui lui servit de modèle pour ses jolies blondes – suis-je le seul à trouver que les filles de Reiser sont plus bandantes que celles de Wolinski qui avaient toutes un faux air à la belle Maryse ? Non, le regretté Tignous partageait cet avis[1], et Philippe Geluck aussi[2]. Pour revenir à Reiser, je ne savais pas non plus que, contrairement à Cabu, il n’était pas antimilitariste primaire et avait même mis la pression sur son fils pour qu’il fasse son régiment – il faut être juste : c’était moins par affection réelle pour l’armée en tant que telle que par conviction qu’il faut « en baver » dans sa jeunesse pour devenir un homme… Ce que, personnellement, je trouve très con, mais que je peux entendre venant d’un homme dont l’enfance fut en effet une belle tartine de merde ! Je ne savais pas non plus, ce qui est plus intéressant pour mes recherches, que, contrairement à Siné, Reiser ne professait pas un athéisme radical[3] et rejetait moins l’idée de la transcendance que la façon dont la professait (ou, plus exactement, l’assénait) le clergé. Pour toutes ses raisons et bien d’autres encore, je ricane en repensant à la naïveté de Carali qui était persuadé que Reiser n’aurait jamais accepté l’ambiance du Charlie Hebdo moderne ! À cet égard, le fondateur du Psikopat me fait penser, avec le recul, à ces admirateurs de François Villon mis en scène par Jean Teulé : ils n’arrêtent pas dire que Villon aurait sûrement fait ci ou ça, et ils en oublient que l’homme auquel ils adressent ces certitudes n’est autre que le poète lui-même, toujours bien vivant ! La vérité est que « l’ange féroce » des éditions du Square est mort trop tôt pour que l’on sache comment il aurait pu tourner et j’aurais tendance à adopter à son sujet le commentaire de François Morel concernant Coluche :

 

« Je vous pose la question : qu’est-ce qu’il serait devenu ? Un petit retraité suisse ? Un ami de Poutine ? Un comédien shakespearien ? Se serait-il lancé dans les affaires ? Aurait-il sombré dans l’alcool, la drogue, le désespoir, la politique ? Serait-il devenu vigneron, chef d’orchestre, clochard ? Aurait-il viré casaque ? Serait-il resté fidèle au petit gamin de Montrouge ? Aurait-il participé aux Enfoirés ? Aurait-il chanté en duo avec Mimie Mathy ? Aurait-il craché sur son œuvre, finalement désolé qu’on puisse remplacer la justice par la charité ? On ne sait pas. » [4]   

 

Et oui : après tout, qui aurait pu deviner, dans les années 1970, ce qu’allaient devenir Renaud, Gérard Depardieu ou Brigitte Bardot ? Il n’y a aucune raison d’exclure que Reiser aurait pu mal tourner lui aussi ! Bon, c’est bien joli, tout ça, et le bouquin de Frémion dans tout ça ? Et bien il est à l’image de son auteur : bavard, prétentieux, approximatif, superficiel et finalement ennuyeux ! Mais je ne saurai que trop vous conseiller de vous ruer dessus si vous avez l’occasion de vous le procurer car on y trouve des dessins et des planches de Reiser qu’on ne retrouve dans aucun autre album, pas même dans ceux de la collection « Les années Reiser » qui, pour des raisons inexplicables, ne débute qu’en 1974… Il y a encore un gros travail d’édition de l’œuvre de Reiser à mener : ça vaudrait le coup, par exemple, de compiler tels quels les scénarios qu’il avait crobardés pour L’histoire de France en 100 gags ; il y a quasi-unanimité pour disqualifier totalement cette série publiée dans Pilote mais elle ne parait négligeable que parce qu’elle avait été dessinée par un dessinateur médiocre appelé Pouzet : sous le crayon de Reiser, ces gags sont bien plus efficaces, c’est en tout cas l’impression que j’ai eue avec les deux pages reprises en introduction de la compilation Les années Pilote parue chez Glénat en 2011. Il faudra que j’écrive à l’éditeur grenoblois ! Tout ceci pour dire : Reiser a beau être mort depuis plus de quarante ans, il parait plus vivant que jamais, tandis que Frémion a beau être toujours vivant, il parait déjà mort depuis presque cinquante ans ! Hum ! Je vais encore me faire des amis, moi…



 

18h15 : Je pensais qu’en sortant de chez moi à 17h30, j’arriverais confortablement en avance à la piscine de Recouvrance où le cours de natation commence à 19h. Bernique ! Trois quarts d’heure plus tard, je n’ai toujours pas pu attraper un bus ! Légitimement inquiet, je passe un coup de fil à Bibus : on me répond qu’il y a beaucoup de circulation et on me promet un véhicule dans huit minutes… Je me mets à hurler que si, passé ce délai, je ne suis toujours pas parti, je rappelle et on va m’entendre ! Je sais que ce n’est pas bien de traiter ainsi une pauvre femme qui n’est en rien responsable de la situation, mais je ne suis encore jamais arrivé en retard à la piscine et je ne peux plus me contrôler ! Après tout, de la circulation, il y en a toujours à cette heure-ci et je ne vois pas en quoi cette soirée est différente des autres !

 

18h40 : J’ai enfin pu attraper un bus puis un tramway : apparemment, il y a un spectacle à l’Arena, mais il s’agit du ballet Casse-Noisette, ce n’est sûrement pas ça qui mobilise les foules au point de rendre la circulation plus difficile que de coutume. Dans le tram, j’ai trouvé une place assise : un vieux monsieur s’approche de moi et me montre sa Carte Mobilité Inclusion. Comme j’en ai une moi aussi, je la sors et j’entreprends de solliciter la dame qui est assise à côté de moi pour qu’elle se lève : elle n’avait même pas venu venir le vieux type vu qu’elle est absorbée par son smartphone ! C’est un bon résumé de notre époque : en paroles, tout le monde est pour l’inclusion et la solidarité, dans les faits, les gens n’ont jamais été aussi égocentrées !

 

19h10 : J’arrive enfin à la piscine : c’est la première fois que la monitrice me voit en pleine crise ! Heureusement que cette dame est très compréhensive et que l’eau m’apaise très rapidement… Vous me direz que rater une séance n’aurait pas été dramatique ? Dans la mesure où nager est devenu pour moi un besoin quasi vital, un peu quand même… 

 

Sans rapport avec mes ennuis personnels :

 

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Samedi 9 novembre

 

10h45 : Faire des courses au supermarché un samedi matin, ce n’est jamais drôle, mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Une fois mon cabas plein, je choisis la caisse « prioritaire » pour handicapés, en prenant soin d’avoir ma carte à portée de main si on me pose des questions. On m’en pose en effet une, mais pas celle à laquelle je m’attendais : une vieille dame, juste derrière moi, me demande si je peux mettre le carton « client suivant » pour bien séparer ses courses des miennes… Je lui réponds que mes achats ne sont pas empoisonnés ! Elle ne réplique même pas, vraisemblablement désarçonnée par cette réplique inattendue… J’aurai toujours tendance à avoir des réactions inappropriées et c’est même un des avantages de ma condition : j’éprouve volontiers un petit plaisir à ne pas donner satisfaction à mes interlocuteurs, à les mettre face à l’absurdité de leurs automatismes…

 

Dimanche 10 novembre

 

19h30 : Je reçois mes identifiants pour me connecter à l’Espace Numérique de Travail que m’alloue l’Université de Bretagne Occidentale : je croyais naïvement ne plus en avoir depuis l’obtention de mon doctorat, mais je ne suis pas long à constater que cet ENT n’a jamais cessé d’être actif : plus de mille messages m’y attendent, accumulés depuis 2020 ! Je suppose que si je n’en trouve pas de plus anciens, c’est parce qu’il y a suppression automatique après un certain délai… Enfin bref : je n’avais jamais eu besoin de cet espace numérique pendant mes études, je n’ai jamais ressenti le manque depuis que je suis membre associé d’un laboratoire pluridisciplinaire et je ne vois toujours pas à quoi il pourra bien me servir aujourd’hui, mais bon, je ne vais pas contrarier l’université qui a visiblement peur d’être à la traîne si tous ses chercheurs ne sont pas connectés… Et je ne vais pas non plus contrarier les élans du cœur généreux de Marie-Hélène, ma Raphaëlle à moi, qui s’est littéralement démenée pour que mon compte soit réactivé !   

 

Sans rapport :

 

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Lundi 11 novembre

 

9h30 : En ce jour férié, j’ai décidé de rester chez moi pour rattraper mon retard : j’ai heureusement peu de messages, juste un mail d’un particulier qui m’a envoyé un lien vers le blog de Jean-Luc Périllé. Ce dernier n’est certainement pas un imbécile, sinon il ne serait pas agrégé de philosophie et maître de conférences à l’université de Montpellier. J’ai donc bien tenté de faire un effort et de lire son article intitulé « La résistance du monde orthodoxe à la propagande LGBT »… Mais au bout de cinq lignes, j’avais déjà envie de gerber ! Je crois bien qu’il faut remonter aux pamphlets antisémites de Céline pour trouver autant de contrevérités nauséabondes assénées en si peu de mots ! De toute évidence, Périllé est un homme intelligent : il est même un parfait exemple de ce qu’Amélie Nothomb appelle « les idiots intelligents », c’est-à-dire les gens qui, malgré leur intellect, restent incapables de « considérer l’autre comme un univers à part »[5]. J’ai un certain mépris pour les gens de cette espèce : ce sont souvent des rats de bibliothèques aigris, qui croient pouvoir se payer le luxe de penser le monde sans y avoir vécu, comme si leurs titres universitaires leur donnaient le droit de se prendre pour de purs esprits affranchis de toute obligation vis-à-vis du monde matériel. Le résultat ? Du pur gâchis d’intelligence, des cerveaux prodigieux qui se privent de l’oxygène de la vie, s’auto-condamnent à être étouffés par leurs certitudes et ne sont plus, in fine, que des suppôts lettrés de la bourgeoisie ; certains prétendent parler au nom du peuple, mais sans rien connaître de ce dernier. C’est Jean-Paul Sartre qui refuse d’admettre les crimes de Staline, c’est Alain Badiou qui ignore ceux de Mao, c’est Michel Onfray qui tombe dans le piège de la propagande du RN, c’est Luc Ferry qui appelle à tirer sur les gilets jaunes… À l’opposée, on trouve Albert Camus et François Cavanna, sans doute les deux plus grands esprits dont le XXe siècle fit don à la France, qui ne firent l’économie ni de la connaissance des difficultés de la vie ni de la nécessité de réjouir son corps avant de s’engager sur le chemin de la pensée. Le bagage intellectuel est important, mais il n’est pas suffisant pour avoir une pensée claire de la société : encore faut-il aller à la rencontre de ladite société, je veux dire autrement que dans les cocktails mondains. Pour en revenir à Jean-Luc Périllé, il sait certainement beaucoup de choses sur la philosophie antique, mais il ignore tout de ce qu’endurent partout dans le monde les personnes LGBT, et il ne sait rien non plus de ce qu’on éprouve dès la naissance quand on est, comme moi, incapable de se conformer aux stéréotypes de genre. Bref, comme beaucoup de ses collègues, il sait tout mais il ne connaît rien ! Que ce soit clair : le racisme, l’homophobie, le machisme et la transphobie TUENT tandis que le « wokisme », la « bien-pensance » et le « politiquement correct » font seulement chouiner les mâles blancs cisgenres !

 

Mardi 12 novembre : il y a 89 ans naissait Philippe Gildas

 

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Cette photo a été prise par votre serviteur quand le célèbre animateur était venu à la librairie Dialogues, à Brest, pour présenter et dédicacer le livre Nos années Nulle Part Ailleurs : j'étais heureux de rencontrer celui qui fut pour moi une figure paternelle par écran interposé...

 

10h : Ma psychologue m’a conseillé de faire valoir mes droits auprès de Bibus et de demander à ces messieurs-dames quels sont les critères à remplir pour pouvoir bénéficier du service de transport à la demande en fourgonnette destiné aux personnes en situation de handicap : d’un point de vue strictement physique, je peux me déplacer sans problème, mais d’un point de vue mental, le moindre déplacement m’est souvent une source inaltérable d’épuisement. Ma psy m’a aussi remis une facture à remettre à ma mutuelle pour obtenir le remboursement partiel de ses honoraires, en attendant que le conseil départemental me verse enfin la Prestation de Compensation du Handicap. Il faut donc que je me rende successivement chez Bibus et à l’agence de ma mutuelle : ce qui pourrait être une promenade de santé devient un vrai parcours sportif en raison des travaux du nouveau réseau de transports… Je suis à 100% favorable à ce chantier qui limitera peut-être pour moi les risques de me retrouver en rade sur une ligne desservie une fois par demi-heure, mais je reconnais que, pour l’heure, j’ai le sentiment de rejouer le célèbre générique de Les Nuls, l’émission où Serge Hazanavicius (si je ne m’abuse) se fraie tant bien que mal un chemin dans un pavillon Gabriel en pleins travaux où les ouvriers cohabitent avec des artistes de toute sorte ! L’ennui, c’est que ce qui est drôle à la télé ne l’est pas toujours dans la vraie vie…

 

15h : Visite guidée de l’hôpital Morvan. J’espérais y obtenir des informations pour alimenter mes chroniques historiques et, de ce point de vue, je ne suis pas déçu : pour commencer, saviez-vous que cet hôpital, dont la construction avait débuté au milieu des années 1930, a failli être bâti par un architecte facho ? Cette honte a heureusement été évitée suite à l’intervention du maire de l’époque, Victor Le Gorgeu, qui s’illustra quelques mois plus tard en figurant parmi les rares parlementaire à refuser de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Saviez-vous aussi que cet hôpital, d’une conception très avant-gardiste pour l’époque, n’était toujours pas terminé quand la Wehrmacht arriva à Brest ? Les Allemands ont demandé à ce qu’il soit terminé, mais ils se sont heurtés à une telle mauvaise volonté de la part des Brestois (les soldats du Reich n’étaient absolument pas les bienvenus à Brest) qu’ils se sont finalement résignés à reconvertir les bâtiments inachevés en lieux de repos, ils y ont même construit un bunker qui est toujours debout aujourd’hui et sert d’entrepôt pour les archives de l’hôpital. Saviez-vous encore que l’un des immeubles a été surnommé « bâtiment des petits payeurs » parce qu’il accueillait les premiers patients assez aisés pour payer leur séjour, les autres étant réservés à ceux qui séjournaient gratuitement ? Le bâtiment est aujourd’hui inoccupé et un promoteur se propose d’en faire un hôtel 4 étoiles ! Saviez-vous, enfin, que l’hôpital dispose d’un réseau de souterrains qui permet de se déplacer d’un bâtiment à un autre en passant un minimum de temps en extérieur ? Et qu’on y trouve les traces de bottes laissées pars des soldats allemands qui y ont défilé ? Décidément, Brest n’est pas une métropole ordinaire… Bref, la pêche a été bonne pour moi et cette visite aurait pu être un bon moment pour moi… S’il ne fallait pas, comme à chaque fois, supporter la compagnie de ces rombières débiles qui croient tout savoir mieux que la guide et gloussent à tout bout de champ ! Je repars épuisé…

 

Quelques photos prises lors de cette visite : d'abord, le bâtiment des "petits payeurs"...

 

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Puis l'intérieur du bunker...

 

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Puis des photos prises du sommet du bâtiment 3, avec une vue imprenable sur la ville et la rade...

 

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Et enfin, dans les souterrains :

 

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17h30 : Avant de réintégrer mes pénates, petite halte chez le maraîcher de mon quartier pour acheter quelques oranges à jus. Avant moi, la vendeuse doit servir un vieux type qui fait de l’humour à tout bout de champ : quand vient mon tour, je lui exprime mon admiration d’arriver à supporter avec le sourire tous ces vieux cons qui se croient drôles. D’accord, les gens qui passent leur vie à se plaindre, c’est pénible, mais ceux qui rigolent tout le temps, c’est aussi fatigant, à la longue… Vous ne trouvez pas ?

 

18h : Je peux enfin relever mon courrier : j’ai reçu, entre autres, un chèque de remboursement pour les cours de natation qui n’ont pas pu être assurés, ce qui me rapporte… 3 euros 60. D’un côté, c’est bon signe, ça prouve qu’il y a eu peu de séances annulées. D’un autre, je regrette presque d’avoir fait la demande pour une somme aussi dérisoire ! Mais bon, on a des principes ou on n’en a pas, et pour une fois que l’administration daigne lâcher de l’argent sans faire douze milliards de difficultés…

 

Mercredi 13 novembre

 

11h : En ce jour de triste mémoire, une AG extraordinaire du laboratoire dont je suis membre est organisée en mode hybride : comprenez que seule une dizaine de chercheurs sont présents dans la salle prévue à cet effet, tous les autres suivant la réunion en visioconférence, à commencer par les chefs eux-mêmes qui sont à Lorient ! Nous avons en effet été contraints et forcés par les huiles de l’université à nous réunir de toute urgence, en faisant fi des obstacles matériels, pour trancher des questions qui, de l’avis de ces messieurs, ne pouvaient pas attendre. « Oh, mais quoi, c’est facile, avec la visio, maintenant ! » Ce serait vrai si la technique était au point et facile à utiliser pour tous : c’est loin d’être le cas, et mes collègues ont beau être hyper-calés dans leurs domaines de recherche, ils ont en revanche hyper-recalés en informatique ! Je ne vaux d’ailleurs pas mieux qu’eux… La réunion se tient donc dans des conditions laborieuses, ne serait-ce que parce qu’il faut une très bonne écoute pour comprendre ce que dit la directrice… Seul bon point : à la fin, personne n’a envie de s’attarder ! Je suis quand même satisfait de cette AG qui consacre l’entrée dans notre équipe de Véronique Brière : j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer une héroïne de roman en chair et en os, à savoir la « petite Virginie » de Cavanna, voilà que je vais compter parmi mes camarades de labo une héroïne de BD ! Car madame Brière, au cas où vous ne le sauriez pas, n’est autre que la femme de Julien Solé, c’est donc elle la jolie brune[6] qui donne la réplique à ce dessinateur virtuose dans son album Passer à l’ouest ! Et elle a également posé pour des photo-BD de Bruno Léandri parus dans Fluide Glacial : c’est elle, par exemple, qui a joué la secrétaire qui se fait peloter par Maëster dans le hors-série spécial Crime paru en 2003… Rien que pour ça, je l’admirerais déjà si je n’étais pas également convaincu de ses compétences de philosophe : il en faut, du courage, pour affronter les regards des étudiants de la Sorbonne après une telle expérience…

 

13h : Je monte au Beaj Kafé pour m’y réfugier jusqu’à l’heure du cours du soir et avancer sur mes illustrations pour le calendrier de 2025. Un bref coup d’œil sur la presse m’apprend que Trump annonce que l’immigration sera sa priorité. Je suis très surpris, tiens ! J’ai beau m’y attendre, je ne peux m’empêcher d’être effaré : la survie de l’humanité est menacée et l’homme occidental gaspille son énergie à faire la guerre aux pauvres types qui grattent à la porte de ses pays nantis… Quand New York sera sous les eaux, qu’est-ce qu’il fera, Donald le connard ? Il reconduira l’Océan à la frontière, peut-être ? Et notre Retailleau national en fera autant avec la Seine quand elle débordera de son lit treize mois sur douze ? 

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17h30 : Le cours commence dans une demi-heure. Je suis néanmoins déjà sur place, j’en profite pour continuer à avancer sur mes illustrations. Une élève, elle aussi en avance, jette un œil sur mes dessins et me dit « J’adore ton style » : ça me fait d’autant plus plaisir que je me suis longtemps demandé si j’en avais vraiment un, de style…

 

Quelques aquarelles réalisées lors du cours du soir - ce sont des élèves qui ont posé à tour de rôle :


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Jeudi 14 novembre

 

18h30 : J’ai enfin terminé mes illustrations, « ya-pu-ka » mettre en page le calendrier et passer commande à l’imprimeur… C’est chaque année la même chose : j’attends toujours d’être à la mi-novembre pour m’y mettre, et je suis obligé d’appuyer sur l’accélérateur pour être sûr d’être prêt à temps ! Alors qu’un calendrier, dans l’absolu, j’ai une année entière pour le préparer, non ? Mais bon, à ma décharge, est-ce qu’il vous viendrait à l’idée, à vous, de préparer un calendrier pour l’année prochaine au beau milieu du mois d’août ? Notez, il paraît que les professionnels sont souvent contraints à ce genre de contorsion chronologique du fait des délais d’impression : à la fin des années 1990, Zidrou avait mis en scène la rédaction de Spirou planchant sur son numéro « spécial Noël » alors qu’il faisait 35 degrés à l’ombre… Enfin bref :   voilà une bonne chose de fait, je vais pouvoir me consacrer à l’urgence suivante, à savoir ma causerie sur Reiser prévue dans trois semaines…

 

Quelques croquis réalisés pour le calendrier en question :

 

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Vendredi 15 novembre

 

17h30 : Voilà quatre heures que je n’arrive plus à envoyer de SMS à personne. C’est bien embêtant, je ne peux pas annoncer à mes amis qu’ils peuvent déjà réserver leur exemplaire de mon calendrier 2025. Je ne peux même pas répondre au texto que m’a envoyé ma mère. Je ne comprends pas ce qui se passe : en principe, mon forfait me garantit des SMS illimités… Ne ricanez pas, je suis sûr que ça pourrait arriver aussi avec un téléphone de la dernière génération ! Il va donc falloir appeler mon opérateur, ce qui est déjà une épreuve pour moi… Il sera dit que la technologie ne m’aura pas tellement facilité la vie cette semaine !



[1] « Les femmes dessinées par Reiser sont plus bandantes que celles de Manara ! » Reiser Forever, Denoël Graphic, Paris, 2003, p. 66.

[2] « Reiser dessine mieux les femmes que Botticelli, Ingres ou Manara. » Télérama hors-série, Le Chat, quel cabot !, Paris, 2008, p. 29.

[3] « Toutes les religions sont à foutre au pilon ! Dieu n’a jamais existé et n’existera jamais ! » SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, p. 13.

[4] Jean-Claude MORCHOISNE et François MOREL, Portraits crachés, l’abécédaire de nos amis (ou pas), Glénat, Grenoble, 2015, p. 23.

[5] « Amélie NOTHOMB : "Les idiots intelligents sont partout" » Url : https://youtu.be/VIuk79nqDME?feature=shared Consulté le 15 novembre 2024

[6] Précisions que les dessinateurs ont toujours tendance à ne pas être tendre avec eux-mêmes quand ils se représentent mais ne se privent pas d’exalter la beauté de la femme qu’ils aiment : il suffit de voir ce que ça donne chez Lambil, Tabary, Tardi, Gotlib, Siné, Cabu, Wolinski et j’en passe.


15/11/2024
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