Du 21 au 28 mars : Je souhaite un bon anniversaire à Fluide Glacial ! Et désolé pour Emile...

 

Un petit dessin de circonstance pour cet anniversaire :

 

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Vendredi 21 mars

 

17h : À peine descendu du train, me voici à la PAM où j’attends une ancienne camarade de lycée avec laquelle j’ai repris le contact. Elle a commis l’erreur de venir en voiture, elle arrive donc avec un léger retard : elle est aujourd’hui maman d’une petite fille de cinq ans, mais elle n’a pas beaucoup changé. Mine de rien, la PAM est un lieu privilégié pour les retrouvailles : j’y croise aussi mon ancienne prof d’anglais et une poétesse rencontrée aux scènes ouvertes. Rien d’étonnant : située en plein centre-ville, l’ancienne imprimerie devenue tiers-lieu est un endroit rêvé pour se retrouver, bien plus que les Capucins où le gigantisme des lieux peut être écrasant. Ce serait parfait si l’ambiance n’était pas aussi bruyante…   

 

17h15 : Si j’ai pu reprendre le contact avec cette (encore) jeune personne, c’est parce qu’elle a rejoint depuis peu l’équipe des correspondants de Côté Brest. Elle m’explique qu’elle s’est installée à son compte comme rédactrice sur le web mais trouve de moins en moins de clients à cause de l’intelligence artificielle. Je n’en suis pas étonné : après l’obtention de mon doctorat, j’avais tenté moi aussi de me lancer dans cette activité ; à l’époque, il y avait beaucoup de demande sur le web, mais j’ai vite vu que l’immense majorité des clients potentiels n’en avaient rien à cirer de l’élégance stylistique et que leur unique préoccupation était que les textes pour lesquels ils daignaient lâcher leur tune soient « optimisés » à destination des moteurs de recherche ; traduisez : ils voulaient des textes bourrés de répétitions et de formules toutes faites afin que Google les repère plus facilement. Bref, il fallait s’adresser à un algorithme plutôt qu’à des humains : et qui mieux qu’une machine pour s’adresser à une autre machine ? Pourquoi s’embêter à payer un être vivant encombré d’une sensibilité alors qu’un logiciel peut faire exactement ce qu’on attend pour pas un rond et sans faire chier le monde avec ces vestiges du passé que sont la créativité et la personnalité ? Ceci pour dire qu’Internet n’est plus un levier pour la réussite des artistes – si tant est qu’il l’ait été un jour, du reste.

 

18h15 : Je suis arrivé en avance à la piscine car j’ai un problème à résoudre avant le début du cours : je traîne toujours une valise bourrée de dessins encadrés qui n’entrera jamais dans les casiers du vestiaire. Seule solution : retrouver ma monitrice et lui en parler. Coup de chance, je ne tarde pas à la voir : je lui fais un signe et lui explique la situation, elle accepte d’entreposer ma valise dans le local des maîtres-nageurs le temps du cours. Ah, la brave dame ! Heureusement que ça existe encore, des gens comme elle…

Un interlude coquin :

 

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20h : Après trois quarts d’heure de natation, surtout dans la foulée de trois heures de route en train, il n’est pas étonnant que je sois un peu fatigué. Alors, quand des gamins me cassent les oreilles dans ces vestiaires où ça résonne terriblement, je renonce assez vite à la diplomatie et je crie « Oh, les gamins, parlez moins fort, vous n’êtes pas seuls ici ! » Ils la mettent en veilleuse aussitôt. D’habitude, je n’ai aucune autorité sur les ados, alors à quoi dois-je ce miracle ? C’est simple : les gosses ne me voient pas ! Ils n’entendent que ma voix d’adulte courroucé et la crainte que ça leur inspire n’est pas parasitée par l’hilarité qu’éveille spontanément mon physique grotesque… Aussitôt après, j’entreprends de récupérer ma valise dans le local où ma monitrice l’a déposée, mais je suis refoulé par une de ses collègues qui me dit « Les toilettes, c’est à côté » ! À bout de patience, j’oublie toute amabilité pour lui répondre que je ne cherche pas les chiottes et que je veux récupérer un bagage volumineux déposé dans cette pièce. Elle n’était pas censée savoir ce que je venais faire ? Alors pourquoi a-t-elle fait comme si elle le savait déjà, alors ? Si elle m’avait demandé pourquoi je voulais entrer dans ce local, je ne me serais pas senti agressé !

 

20h30 : Machinalement, j’ai pris le tramway pour rentrer et suis descendu à la station où, d’habitude, je prends le bus pour rentrer à Lambézellec. Hélas, j’avais complètement oublié que, travaux obligent, mon arrêt a encore été déplacé ! Et il ne fallait pas s’attendre à ce que Bibus se donne du mal pour un arrêt provisoire : aussi, j’ai toutes les peines du monde à trouver une station où il est affiché clairement qu’elle est desservie par ma ligne habituelle… Errer de nuit, chargé comme un mulet, dans des rues transformées en no man’s land, sans même avoir la certitude de trouver un arrêt où je n’aurai pas à attendre une heure supplémentaire… Il y a pire comme sort, dirai-je pour me donner du courage ! Notre maire nous assure que le nouveau réseau va nous changer la vie : je ne demande qu’à le croire, mais on l’aura payé cher, et pas seulement financièrement ! Il n’empêche que pour l’heure, je peux dire que j’aurai moins galéré pour parcourir les 592 kilomètres qui séparent Paris et Brest que pour faire les trois kilomètres entre le centre-ville et mon quartier

 

21h : J’ai enfin pu attraper un bus pour Lambé, ouf ! Je prends une place assise réservée aux handicapés, j’y ai droit. Cela me vaut la compagnie d’un semi-clodo à la barbe crasseuse qui prend place juste en face de moi ; il renonce assez vite à essayer de sympathiser avec moi mais, à défaut d’une conversation avec cet individu, je n’échappe pas à la gêne auditive que procure un bébé hurleur et qui s’avère d’autant plus agaçante que l’homme accompagnant le bambin lui répète jusqu’à plus soif des « pardon » inefficaces pour calmer l’enfant mais qui cassent un peu plus les oreilles des autres voyageurs… Je repense au doux minois et la voix mutine de l’amie avec laquelle j’ai dîné hier soir : elle me manque déjà…

 

Samedi 22 mars : Le Chat de Geluck a 42 ans

 

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10h30 : N’ayant pu profiter du marché de Lambézellec hier, j’ai fait quelques courses à celui de Kerinou. Bien qu’encore mal remis de ma mésaventure d’hier soir, je décide, pour que ça ne se reproduise plus, de profiter d’être dans le coin pour mener ma petite enquête ; comprenez : puisque ma ligne de bus passe par là, je monte dans le premier véhicule venu pour savoir où je devrai attendre pour rentrer dans les jours à venir. Le résultat ? Comme je m’y attendais, j’aurais pu attendre à l’arrêt de la rue de Kerabecam… Sauf que ce n’était pas précisé ! Il y avait bien un poteau signalant qu’il y avait un arrêt de bus, mais ils avaient « oublié » d’y mettre les horaires de la ligne desservant mon quartier… C’est là qu’on sent à quel point nous, les ploucs de Lambé, nous comptons aux yeux des responsables de chez Bibus ! Je me précipite à l’agence pour leur signaler cet oubli…

- N’empêche que tu aurais eu l’info si tu avais un smartpho…

- LA FEEEERME !!!!

 

21h : Le cauchemar de PPD n’ayant plus aucun secret pour moi, j’essaie l’autre jeu des Guignols de l’info, qui lui est antérieur d’un an et qui avait été intitulé sobrement Le jeu. Le principe est sensiblement différent, mais l’esprit est assez proche : certes le joueur n’y est pas patron de chaîne, mais il doit néanmoins surclasser des adversaires en faisant plus d’audience qu’eux ; re-certes, non pas en programmant des émissions racoleuses mais en ramenant des scoops ; cependant, ça revient finalement au même, non ? Rien d’étonnant : repassez-vous les sketches de la période fondatrice des Guignols, que d’aucuns ont qualifié « d’âge d’or » des marionnettes, l’époque Delépine-Halin-Gaccio, et vous serez surpris par l’importante proportion de running gags tournant autour de rivalités, de lutte des uns pour écraser les autres ! Souvenez-vous : Chirac contre Giscard puis Balladur, Tapie contre Fabius puis Rocard, De Caunes contre Gildas…  Même les personnages apparemment candides avaient du mal à cacher l’Inzogoud qui sommeillait en eux : Foucault n’est pas resté longtemps solidaire de son copain Sabatier quand ce dernier s’est fait virer, et JPP ne pouvait s’empêcher de jalouser Cantona quand celui-ci publiait un livre ou faisait de la pub ! J’avance une hypothèse : et si le succès des Guignols, qui s’était bâti en ce temps-là, n’était justement pas dû en partie au fait que les auteurs de l’époque, avaient compris, ce qui aurait été le moindre de leurs traits de génie, que la guerre des individus avait remplacé la lutte des classes dans nos sociétés ? Voici l’hymne de l’Occident : « On est tous comme Iznogoud, on aime bien jouer des coudes, mais pousse-toi, c’est moi qui passe, lève-toi que je prenne ta place ! »[1] Quoi qu’il en soit, ce jeu, que je découvre, s’annonce plus difficile à apprivoiser que Le cauchemar de PPD : j’ai en tout cas le sentiment que les réputations des personnalités, symbolisées par le « Gigamat » sont très fluctuantes et aléatoires, au point que le joueur ne peut jamais être certain que les reportages qui leur sont consacrés vont vraiment le faire progresser ! Je comprends mieux pourquoi j’ai trouvé sur un forum un message souhaitant « bon courage » pour terminer ce jeu…     

 

Sans transition, un dessin de mon imprimante :

 

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Dimanche 23 mars

 

10h : J’ai un rendez-vous aux Capucins en vue d’un article. J’ai décidé d’en profiter pour me mitonner un programme sympathique : je commence par une séance de natation à la piscine Recouvrance, après quoi je m’offre un bon déjeuner à La Fabrik en attendant l’heure de rejoindre mon informateur. Pour bien commencer, il me faut d’abord arriver à l’heure à la piscine, c’est-à-dire avant la fermeture de la caisse : je pensais naïvement que ce serait un jeu d’enfant, vu qu’à « Brest même », contrairement aux communes périphériques comme celle où j’ai grandi, on peut compter sur trois bus par heure le dimanche. Erreur de calcul : ce n’est vrai qu’après dix heures ! Je dois donc poireauter vingt minutes dans le froid, heureusement que j’ai un livre de Jean Teulé pour patienter…

 

10h30 : Arrivé place de Strasbourg, je constate qu’il me faut attendre encore un quart d’heure pour avoir un tramway. J’arriverai avant la fermeture de la caisse, il n’y rien à craindre de ce côté-là, mais ma patience est déjà sérieusement entamée. Aussi, quand un type à tronche de poivrot, qui hurle des insanités à tout le monde, a l’idée idiote de venir me saluer, je ne peux m’empêcher de l’envoyer paître ! C’est plus fort que moi, je ne supporte pas l’idée d’être assimilé à ce genre de cas social ! Mais évidemment, contrairement aux jeunes glands de la piscine, il a sous les yeux ma bonne bouille qui n’inspire pas le respect, ce qui me vaut un retour de bâton verbal peu douloureux mais gênant…

 

10h45 : Enfin assis dans le tramway, j’ai le déplaisir de voir débarquer une troupe de pisseuses en uniforme : des scouts femelles, quoi ! Enfant, j’ai beaucoup lu Cédric de Laudec et Cauvin ; adolescent, j’ai ri comme une baleine avec Hamster jovial et ses louveteaux du regretté Gotlib ; adulte, j’ai redécouvert avec plaisir le pauvre Ouin-Ouin (dit Pine d’huître) interprété par Antoine de Caunes ; en revanche, je n’ai presque jamais lu La patrouille des Castors : de ce fait, et que Keith Richards me pardonne[2], j’ai un certain mépris pour le scoutisme qui n’a vocation, à mes yeux, qu’à embrigader les jeunes, au même titre que le catéchisme, les clubs de foot et le service militaire – volontaire ou non. Pour ne rien arranger, je n’ai pas eu le temps de décolérer ; aussi, quand une de ces gamines s’approche de moi avec l’intention manifeste de s’asseoir à mes côtés, je demande (sans doute un peu trop brusquement, j’en conviens) : « scouts laïques ou scouts catholiques » ? La môme reste interdite et la cheftaine lui fait signe de s’éloigner : je ne saurai jamais si les « louves » (apparemment, c’était leur nom) patrouillaient pour les curés ou pour le diable, mais je m’en fous ! Le scoutisme, c’est débile ! Je reconnais que les gosses ne s’y sont pour rien si leurs parents sont assez cons pour les y inscrire, et si je regrette d’avoir probablement effrayé une enfant, je suis en revanche bien content d’avoir emmerdé une cheftaine !     

 

11h : J’arrive devant la piscine et je m’étrangle de rage en découvrant sur la porte une pancarte annonçant qu’elle serait fermée au public le dimanche pour cause de compétition ! Une fois le premier réflexe de colère passé, je me rends subitement compte que la date de fermeture annoncée est le 30 mars : donc, aujourd’hui, je peux entrer ! Soulagé, je ne m’en prive pas et je m’offre une bonne séance de natation, non sans maudire quand même l’esprit de compétition qui pourrit décidément l’existence des gens qui, comme moi, veulent simplement vivre sans forcément écraser autrui…

 

12h30 : L’apaisement que me procure la natation est toujours très fragile : aussi, quand j’arrive à La Fabrik, j’ai bien du mal à dissimuler mon impatience et à rester aimable devant le choix qui m’est proposé. Le restaurant proprement dit est complet, pas moyen de s’y installer sans avoir réservé ; je me rabats donc sur la partie « Street food » qui, le dimanche, ne propose que des brunchs : j’avoue éprouver quelques difficultés à comprendre le fonctionnement ! Apparemment, on paie d’avance et on se sert soi-même. Mais c’est quand la caissière m’annonce le prix que je sors vraiment de mes gonds : 28,90 euros ! Débourser 30 euros pour être traité comme au self du Restaurant Universitaire, merci bien ! Je pars sans demander mon reste : à la sortie, je suis fou de rage, mon estomac crie famine et je ne peux m’empêcher de hurler « Vos gueules » aux gosses qui font leur boucan habituel… 

En interlude, une composition abstraite que j'ai intitulée De profundis Clownavi :

 

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13h : Ayant encore du temps avant mon rendez-vous, j’ai pris le téléphérique pour sortir des Capucins et me mettre en quête de nourriture, mais presque tout est fermé. Mais il y a un dieu pour les autistes : il m’envoie une amie en pleine goguette avec son fiancé et cet ange gardien me conseille d’aller au marché Saint-Louis « où il doit encore y avoir de quoi ». De fait, après une recherche pas trop laborieuse (j’ai quand même failli engueuler un gamin qui était à deux doigts de me rentrer dedans), j’ai trouvé un stand de crêpière au rapport qualité-prix honnête. Ce n’est pas gégène mais ça me fait quelque chose dans le ventre avant mon rendez-vous…

 

13h30 : Retour aux Capucins : ayant encore un peu de battement, je décide de boire un thé à la boutique de la Brûlerie du Léon. Évidemment, il ne faut pas espérer y voir Clément Bozec un dimanche, je suis donc accueilli par une jeune femme qui doit être d’origine étrangère ou avoir un handicap que je n’identifie pas : j’ai donc un mal de chien à saisir ce qu’elle me dit et j’ai besoin de l’intervention de sa collègue pour comprendre qu’elle essaie de m’indiquer l’endroit où il faut passer commande… Je finis par avoir, pour un prix raisonnable, une théière bien pleine, mais cet incident m’inspire deux réflexions : premièrement, il est tout de même ahurissant qu’il faille commander à un endroit précis dans une échoppe où le comptoir fait au moins trois mètres de long ! Aujourd’hui, les entreprises et les administrations se donnent le mot pour normaliser nos conduites et les forcer à se conformer à un plan prédéfini : dans certains cas, cela peut faciliter le travail des employés, mais je doute que ce soit le but premier des décideurs ! Deuxièmement, malgré tous mes beaux discours en faveur de l’inclusion, je suis obligé d’admettre que toutes les différences ne sont pas facilement compatibles entre elles au quotidien : dans le cas présent, je suis tombé sur une employée qui a besoin, pour être comprise, d’un effort qu’il m’est difficile de fournir du fait de mon autisme… Attention, je maintiens que l’inclusion est nécessaire : je n’ai jamais dit qu’elle était facile ! Au contraire, il est très facile d’exclure, c’est même justement ce qui permet à certains individus peu recommandables de triompher : si les populistes ont de l’audience, c’est justement parce qu’ils promettent au mâle blanc cisgenre valide et catholique de ne plus devoir se faire chier à tenir compte de ce qui ne lui ressemble pas ! C’est d’ailleurs une raison supplémentaire pour rester vigilent, ne pas se laisser aux solutions de facilité, parmi lesquelles je rangerai l’inclusion irréfléchie, pratiquée sans tenir compte des difficultés réelles des personnes concernées, qui ne rend que plus tentante pour les nantis et les imbéciles l’autre facilité qu’est l’exclusion pure et simple…  

 

14h : Enfin l’heure de mon entretien : le rendez-vous avait été donné devant l’entrée de la médiathèque. J’avais complètement oublié que j’avais déjà rencontré ce monsieur : un homme qui n’a pas l’usage de ses jambes, j’aurais dû m’en souvenir, pourtant. Je lui dis avoir besoin d’un endroit relativement calme, ce qui n’est pas facile à trouver aux Capucins : nous nous rabattons sur un espace peu fréquenté à l’étage – bien sûr, nous prenons l’ascenseur pour monter. Tout en cheminant, je ne peux m’empêcher de lui dire « Chacun sa croix : vous, vous n’avez pas l’usage de vos jambes, moi, j’aimerais ne pas avoir l’usage de mes oreilles ! » Croyez-vous que cette formule le fasse protester ? Pas du tout, il m’approuve ! Là où les neurotypiques m’accuseraient de vouloir me faire plaindre et dorloter, cet individu en fauteuil roulant ne cherche pas pour autant à me convaincre que mon handicap est forcément moins lourd que le sien sous prétexte qu’il est invisible ! Je conclus en rappelant notre point commun, le plus essentiel de tous, celui que les gens « normaux » ont souvent tendance à oublier : « nous ne l’avons pas choisi ». Il ne trouve rien à redire ! Notre entrevue proprement dite ? Rendez-vous prochainement dans Côté Brest pour savoir de quoi nous avons parlé…

 

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Lundi 24 mars

 

16h : À l’issue d’une séance chez ma psychologue, je récupère mes œuvres exposées à l’hôtel de ville. Revenir en ces lieux après ce qui s’est passé la semaine dernière n’était pas fait pour arranger mon humeur, je m’attendais donc à essuyer des remontrances de la part des bénévoles… Mais non, rien ! Elles ne m’en pipent mot, elles semblent ne même pas être au courant ! C’est encore pire… Je pars sans demander mon reste, bien décidé à sauter dans le premier bus pour réintégrer mes pénates.

 

16h30 : Le premier bus tarde à arriver. Depuis que le boulevard Léon Blum est en chantier à son tour, la circulation à l’heure de pointe prend des allures de cauchemar au quotidien, mais je ne pensais pas que l’heure de pointe commençait aussi tôt. Lassé d’attendre, je me rabats sur le tramway afin de pouvoir prendre le bus qui part de la place de Strasbourg…

 

16h50 : Au niveau de la place de Strasbourg aussi, il y a du retard, ce que me confirme un coup de fil passé à Bibus. Je suis à deux doigts d’exploser !

 

17h : Je suis enfin dans le bus, mais celui-ci est bourré à ras bord d’ados qui rentrent du bahut. Pas question pour moi de rester debout, surtout s’il y a des bouchons ! Je sors donc ma Carte Mobilité Inclusion, je la montre au jeune qui occupe la première place assise que je trouve… Et vous savez quoi ? Essuyer un refus malgré la présentation de cette carte tout à fait officielle : check ! J’arriverai finalement à m’asseoir, non sans éprouver des sentiments violents contre ce jeune crétin… Je ne dis pas que ma conduite est toujours exemplaire, loin s’en faut ! Je ne cède pas spontanément ma place à un vieux croulant, c’est vrai ! Mais si je la refusais à quelqu’un qui me le demanderait expressément en me montrant une carte semblable à la mienne, j’aurais du mal à me regarder dans une glace en rentrant… Je ne voudrais pas insister lourdement sur l’amoralisme de notre société, mais je pense qu’on n’a jamais que la jeunesse qu’on mérite…

 

Mardi 25 mars : Fête nationale grecque

Une photo de moi à Athènes en 2007 :

 

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14h15 : Sur les conseils de ma psy, je suis allé voir mon médecin traitant pour vérifier si la mélatonine n’était pas contre-indiquée pour moi ; ayant reçu l’aval de mon généraliste, je me suis rendu à la pharmacie du centre commercial situé à deux pas de son cabinet… Mais ils n’avaient pas de mélatonine ! Parlez-moi de la grande distribution, tiens !

 

15h : Je me rabats sur la pharmacie de mon quartier : ils ont de la mélatonine à me vendre, mais celle-ci coûte plus de trente-cinq euros. Comme ce n’est pas remboursé par la sécurité sociale, la vendeuse me propose le générique qui coûte vingt euros de moins mais qu’elle devra commander et que je ne pourrai acquérir que demain : j’accepte évidemment, trop content de réaliser une économie substantielle et, surtout, de ne pas tomber dans le piège d’un système absurde et injuste ! Parce que, si j’ai bien compris, les médicaments génériques ont la même efficacité, ou peu s’en faut, que ceux que l’on vend sous une marque, et les premiers coûtent plus du double dans le commerce : comment justifier ça ? Vous n’allez pas me faire croire que si on achète la marque, les chercheurs qui ont trouvé la molécule gagneront mieux leur vie ! Non, ce doit être le même système que pour la bouffe dont le prix est multiplié quatre ou cinq fois : ce sont les intermédiaires qui s’en mettent plein les poches et le producteur n’est pas mieux payé ! Alors pourquoi tomber dans ce piège à cons ? D’autant que la mélatonine est censée améliorer mon sommeil : si je contribue à engraisser un peu plus des parasites rapaces, ça ne va pas m’aider à bien dormi, au contraire !

 

Une composition abstraite dessinée au cours du soir :

 

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Mercredi 26 mars

 

17h : Je m’attendais à recevoir prochainement le Fluide Glacial spécial 50 ans, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi tôt ! C’est donc « déçu en bien », comme disent nos amis Helvètes, que je feuillette ce beau gros numéro de 164 pages dont une bonne partie rend hommage à la longévité du magazine avec ce que les Anglo-saxons appellent des crossovers : par exemple, les Bidochon rencontrent Pascal Brutal et les Spartiates de Prieur et Malgras croisent Litteul Kévin ; un bel exemple d’auto-dérision de la part de la vénérable revue !

 

Une pensée pour Jacques Diament, premier rédacteur en chef de Fluide, qui nous a quitté le mois dernier - c'est moins ressemblant que chez Boucq, mais ça l'est plus que chez Gotlib, tout de même :

 

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20h30 : Dîner au Biorek après le cours du soir, voilà qui est fréquent venant de moi. Y rencontrer une connaissance qui se trouve être une lectrice fidèle du présent blog, c’est déjà un peu plus inhabituel. Mais que celle-ci m’annonce s’improviser la manageuse d’un jeune prodige de la scène musicale brestoise, voilà qui est franchement surprenant ! Elle me montre le clip de de son poulain et je me rappelle effectivement avoir lu un article sur lui dans Côté Brest ; mais je n’avais pas eu la curiosité d’essayer d’en savoir davantage. Je dois bien être le seul : il parait qu’à la scène ouverte où elle l’a accompagné récemment, il a été accueilli comme une rock star ! J’ai toujours un train de retard sur les tendances… Vu que je m’en fous éperdument ! Malgré ça, je souhaite bien évidemment à ce jeune artiste de réussir… Et je ne dis pas ça parce que je sais que son agente me lit !

 

Jeudi 27 mars

 

11h : L’attention des médias semble monopolisée par la mort du petit Émile. Bon, je suis bien d’accord pour dire que c’est horrible pour la famille de ce pauvre gosse… Mais je doute fort que cette surexposition médiatique soir de nature à aider les proches de la victime à faire leur deuil ! Si je perdais un enfant dans des circonstances aussi tragiques, je n’aurais pas forcément envie qu’on utilise son sang pour en faire du boudin d’information[3] ! Je ne pense pas non plus que ça aidera la justice à travailler dans la sérénité qui lui est nécessaire… En fait, ce sont les questions que je me pose à chaque fois qu’un meurtre crapuleux de gosse défraie la chronique ! Mais là encore, j’ai conscience d’appartenir à une minorité : les bons cons broute-paille et mange-merde ont soif de ce genre d’horreur. Comme disait Albert Camus dans La chute, « c’est leur petite transcendance, c’est leur apéritif », ça les conforte dans l’idée que leurs vies ne sont pas aussi minables qu’elles en ont l’air, qu’ils on raison de se laisser entuber par des politicards démagogues et de se faire toujours plus surveiller…

 

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19h30 : À l’issue d’un après-midi consacré à quelques tâches ingrates mais nécessaires, j’apprends que la dette de la France atteint un niveau record : je ne voudrais pas jouer à « monsieur je vous l’avais bien dit », mais il n’empêche que je m’en doutais ! D’une part, les sacrifices auxquels les citoyens ont consenti en laissant brader les services publics n’avaient aucune chance de combler le déficit : le coût du bien-être quotidien n’est rien en comparaison de celui des gaspillages des décideurs ! D’autre part, tous les pays qui ont accueilli les jeux olympiques ou quelque autre grande compétition sportive ont connu par la suite un désastre économique, dû notamment au fait que les retombées financières sont toujours surévaluées ! Mais je pense que Macron ne sera pas disposé à renoncer aux voyages officiels censés donner l’illusion qu’il représente quelque chose sur la scène mondiale, pas plus que ses électeurs ne seront prêts à admettre que les si merveilleux jeux de Paris auront été un gouffre financier ! Bref, il ne faudra pas vous étonner si on annonce de nouvelles coupes budgétaires pour l’hôpital et l’école publique ! Et quand les soignants et les enseignants manifesteront contre ces mesures injustes, vous les traiterez de « salauds de fainéants de fonctionnaires qui prennent les usagers en otages » ! Et vous vous étonnerez d’être mal soigné et d’avoir des enfants incultes… Et vous vous étonnerez que la dette continue à augmenter !

 

Mon dernier slam :

 

Vendredi 28 mars

 

9h : Je me suis levé relativement tôt et le temps est pourri : deux facteurs dont la concomitance assure une faible fréquentation du marché. Je m’attends à une belle sérénité, ce qui, évidemment, me rend insupportable tout ce qui vient contredire cette espérance ! Aussi, devant le stand du charcutier, je prie la première personne qui parle un peu trop fort de baisser d’un ton, non sans montrer ma carte « Je suis autiste ». Mais cet individu, qui dit pourtant travailler avec des handicapés, se croit en droit de me toucher ! Je hurle : pour quelqu’un qui prétend connaître les gens du spectre, il ne fait pas étalage de discernement… Peu après, me présentant devant le maraîcher dans des dispositions mitigées, je commets l’erreur de garder ma monnaie à la main : hélas, un coup de vent soulève ma capuche, et en levant ma main pour la rabattre, je jette en l’air cinq euros en pièces sous les yeux consternés des (heureusement) rares témoins… Je hurle de plus belle : après avoir repris mes esprits, je récupère trois euros. Plaie d’argent n’est pas mortelle : c’est surtout mon amour-propre qui souffre…    

 

15h15 : Le temps s’est fait plus clément, j’écris la fenêtre ouverte, ce qui me vaut d’être hélé par un passant qui me demande s’il y a des appartements à louer dans cet immeuble : je réponds que je n’en sais rien et qu’il doit s’adresser à BMH… Ce n’est pas encore maintenant qu’on va relever le niveau intellectuel moyen des locataires !

 

Avant de conclure, une mini-BD : Renan Apreski interviewe Bécassine

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] Extrait de la version longue de la chanson composée par Alain Garcia et Michel Dax pour le générique de la série animée Iznogoud.

[2] Keith a été scout et ne manque de faire la promotion de ce mouvement dans son autobiographie : concluez-en ce que vous voulez.

[3] Emprunt assumé au slogan du Groland à l’époque de Canal International : « Avec le sang du monde, on fait du boudin d’information ! »


28/03/2025
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Du 15 au 21 mars : C'est le printemps, et alors ?

Samedi 15 mars

 

11h45 : Je donne mon sang à l’établissement prévu à cet effet. Mes dons antérieurs, sans tourner systématiquement à la catastrophe, avaient cependant été problématiques pour cause de lenteur de débit. Cette fois, il ne se passe rien de tel pour une raison très simple : la personne qui m’a pris en charge m’a tout de suite indiqué les petits mouvements de pieds qu’il faut exécuter afin que le sang remonte et s’écoule au rythme approprié. Voilà déjà des années que je donne régulièrement mon sang et personne ne me l’avait jamais dit ! Il y a des fois, on se demande…

 

13h : Après avoir donné son sang, pas question de manger du quinoa : un bon steak-frites s’impose. J’ai ainsi l’occasion de tester le Konteneur, le restaurant qui a remplacé la friterie où j’avais mes habitudes. Le rapport qualité-prix est certes meilleur que dans la brasserie parisienne où j’ai déjeuné il n’y a pas si longtemps encore, mais je sens que la friterie va me manquer, d’autant que celle-ci n’était pas équipée d’un écran pour permettre de suivre les matchs du Stade Brestois ! Parlons-en, tiens : en attendant d’être servi, je poursuis la lecture que le Collectif Othon a consacré à Brest, qui m’a été offert par mon oncle et le chapitre sur le futur nouveau stade me donnera de quoi répondre à ceux qui croient encore que le club rouge et blanc n’a pas encore été contaminé par la gangrène capitaliste qui pourrit le milieu du sport. La vérité est que le Stade Brestois est aujourd’hui la danseuse des frères Le Saint : vous avez déjà vu un ces films où les ploucs couvrent les grands bandits locaux parce qu’ils font vivre plusieurs familles et paient leur tournée au bistrot ? Ce n’est pas un cliché : remplacez les ploucs par la majorité des Américains et vous obtenez Trump à la Maison blanche, remplacez les ploucs par les Brestois et vous obtenez les frères Le Saint qui imposent leur loi en toute impunité. Leur plan actuel est de remplacer le bon vieux stade Francis Le Blé, situé en plein centre-ville, par un bâtiment plus « moderne » (comprenez : « plus rentable ») dont l’excentrement contraindra le public à de longs trajets, qui sera garni d’échoppes pour faire les poches des supporters et où les « VIP » (ce n’est pas un hasard si ça se prononce « vieille pie ») disposeront de loges pour ne plus devoir se mêler aux pue-la-sueur… Peu de gens s’en émeuvent : ça ne m’étonne pas, le foot est tellement sacré qu’il écrase toute autre considération ! Les supporters les plus fachos de l’équipe de France ne voient pas d’inconvénient à s’abonner à une chaîne financée par le Qatar pour ne rater aucun match ; de même, les supporters du Stade Brestois râlent probablement contre les travaux du tram qui compliquent la circulation mais ne trouvent pas anormal de devoir se taper des kilomètres supplémentaires pour aller pousser leurs gueulantes sur un péno, et ils ont beau être de gauche pour beaucoup d’entre eux, le phagocytage de leur club par des entrepreneurs arrogants ne semble pas les choquer outre mesure ! Vous trouvez que je parle d’eux avec un certain mépris ? C’est vrai que le foot, je m’en tamponne : donc, dans l’absolu si ça amuse les supporters de se laisser pourrir la vie par des capitalistes démagogues, je pourrais dire que c’est leur problème ! Seulement voilà : d’une part, la construction d’un nouveau stade est une aberration écologique et, d’autre part, comme il n’est pas certain que le club sera toujours aussi rentable qu’il l’est devenu à l’issue de cette saison brillante, les Le Saint risquent de ne pas obtenir le retour sur investissement espéré, et quand ces pauvres garçons iront pigner à la mairie pour demander une compensation sur les deniers publics, croyez-vous que nos élus les enverront paître ? Bernique, oui ! Les citoyens passeront à la caisse, même ceux qui n’aiment pas le foot ! Mais pour ces derniers, ce sera bien fait pour leur gueule, ils n’avaient qu’à être normaux !

 

15h : J’avais voulu faire une vidéo sur mes parties de « Cauchemar de PPD », un longplay comme disent les jeunes. Seulement voilà : après avoir galéré pendant une heure pour monter les dix premières minutes, je m’aperçois avec horreur que l’image se met à prendre du retard sur le son ! Comme mon montage n’est pas en cause, et que je ne trouve aucune explication logique, je ne peux rien y changer. Je préfère abdiquer : de toute façon, des vidéos présentant ce jeu des Guignols de l’info, il y en a déjà. Et puis je commence à connaître le public des vidéos YouTube : j’ai un mal de chien à fidéliser un public parce que ma chaîne n’est pas assez spécialisé (comprenez : pas assez monomaniaque) , et si j’avais vraiment pu y publier un longplay, on aurait fini par m’en réclamer des nouveaux consacrés à d’autres jeux et je n’ai définitivement rien d’un gamer… De toute façon, je suis de plus en plus convaincu de la validité de la notion d’acte manqué : si je ne parviens pas à mener un projet à terme, ça prouve que je n’étais pas vraiment motivé voire que mon idée n’était pas viable ! Alors… Atchao bonsoir !

 

Une vidéo sur un tout autre sujet, non moins intéressant (du moins, je pense) :

 

Dimanche 16 mars

 

17h : Je ne pourrais malheureusement pas être présent aux obsèques de mon copain Pod ; de toute façon, pleurer, j’aime autant le faire en privé. Histoire de ne pas être en reste pour autant, je bricole donc un petit dessin pour lui rendre hommage. Bien que convaincu de mon incapacité congénitale à colorier, je mets quand même quelques pointes de rouge pour rappeler les tons qui étaient chers à mon regretté camarade : j’ai ainsi l’occasion de redécouvrir l’aquarelle – j’en ai une boîte dont je ne me sers pas beaucoup. Le résultat est plutôt satisfaisant, ça ne rend même pas trop mal sur le carton qui me sert de support, mais je n’en abuserai pas, d’autant que ça nécessite de travailler assez vite si on veut que ce soit beau – c’est aussi un peu pour ça qu’on dessine, non ?

 

Le dessin en question :

 

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Lundi 17 mars

 

9h15 : Tôt couché, tard levé ! À quoi dois-je ce miracle ? D’une part à des remontées acides insupportables qui m’ont contraint à me lever pour trouver la médication idoine : la Saint-Patrick, on la fêtera sans moi ! D’autre part à l’espèce de poissonnière de l’étage au-dessus qui s’est mise à pousser des hurlements à trois plombes du matin : on a délogé les squatteurs, mais il reste quand même quelques dégénérés dans l’immeuble…[1]

 

15h : Visite à une amie qui connaissait Pod elle aussi et qui a accepté de se charger d’emmener mon dessin aux funérailles : comme elle est habile de ses mains, j’en profite pour lui confier de petits travaux, dont mon cabas à recoudre. Tout en s’acquittant de cette tâche pas trop ingrate, elle me dit s’être enquise de sa retraite : comme elle avait commencé à travailler dès ses dix-sept ans, elle pourra faire valoir ses droits à 62 ans, mais, n'ayant jamais bénéficié de rémunérations mirobolantes, elle perdra alors 400 euros par rapport à ce qu’elle touche aujourd’hui en tant qu’invalide – elle a dû arrêter le travail suite à une grave maladie. Voilà tout l’espoir que l’on offre aux travailleurs : une retraite plus misérable que les pensions versées aux handicapés ! Étonnez-vous après ça que les jeunes ne veulent pas suivre l’exemple de leurs parents en perdant eux aussi quarante ans de leur vie dans la même boîte… Déjà que le Covid nous en a fait perdre deux[2] ! Parlons-en, justement : toute la presse consacre sa « une » aux cinq ans du confinement. Je ne dis pas qu’on a tort de se poser enfin des questions sur le bien-fondé de cette mesure pour le moins radicale et sur ses conséquences psychologiques à long terme. Mais je ne peux m’empêcher de penser que si les journaux sont obnubilés par ce qui prend déjà une allure de commémoration, c’est qu’il ne se passe rien de bien important pour l’instant ! À moins qu’on ne nous cache des choses, bien sûr.  

 

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Mardi 18 mars

 

9h30 : Je déteste aller me faire couper les cheveux, mais là, je n’ai pas le choix, je n’y vois plus clair quand je sors de la douche. Heureusement, j’ai trouvé une coiffeuse à l’ancienne, qui se borne à faire ce que le client lui demande, ne se prend pour une artiste et ne vous casse pas les pieds avec la sacro-sainte mode… J’échappe aux pires manies des merlans, pas aux inévitables agressions que véhicule la vie sociale telle que la conçoivent les neurotypiques : dès l’entrée dans le salon, on subit Europe 2, les clients s’esclaffent à chaque coin de phrase, la météo entre dans une large part de le conversation… J’avoue, je dors très mal en ce moment, ce qui me rend insupportable toutes ces manifestations, pourtant peu dangereuses, de la bêtise ordinaire… Je m’efforce toutefois de masquer mon agacement : une fois délesté mes cheveux en trop de ma monnaie superflue, je demande à la coiffeuse, qui connait l’ami auquel je vais rendre visite, si elle ne n’a pas un message pour lui. Elle me prie de lui passer le bonjour et me demande dans la foulée si l’intéressé va bien : je réponds que je n’en sais rien puisque je m’apprête à aller le voir, justement ! Il n’y a pas à dire, les neurotypiques ne sont vraiment pas logiques…

 

13h30 : Me voici devant le hall d’honneur de l’hôtel de ville. Pour l’heure, la porte est close. Je devrais être aux obsèques de Pod à l’heure qu’il est, mais j’ai promis de tenir une permanence à l’exposition « Pluie de toiles » à laquelle je participe. J’attends donc, non sans garder un couteau au cœur en repensant à mon défunt copain et à tous les compagnons de route qui doivent au moins s’apprêter à lui rendre hommage. Pour patienter, je termine la lecture du livre du collectif Othon : ce n’est d’ailleurs pas fait pour arranger mon moral car, à lire cet ouvrage, on a l’impression qu’il n’y a rien à sauver à Brest ! Seul Paul Bloas, que Pod détestait, semble trouver grâce aux yeux des auteurs… Je suis à deux doigts de désespérer, mais je me console en pensant que dans quelques minutes, j’aurai droit aux sourires et aux attentions des bénévoles de l’Armoricaine, lesquelles ne manqueront pas de signaler aux visiteurs que je suis l’un des exposants, ce qui augure d’échanges aussi passionnants que courtois…

 

14h : Et bien non ! En fait de bénévoles souriants et amateurs d’art, je n’ai droit qu’aux gros bras incultes de la sécu et je comprends assez vite qu’aux yeux de ces messieurs-dames de l’Armoricaine, demander à un artiste d’assurer une permanence consiste à leur faire tenir l’accueil sans aucune aide… Je ne peux cacher l’ire que m’inspire cette déception, ce qui me vaut les menaces d’un des deux cerbères… Depuis le début de l’année, j’ai fait ma première télé, j’ai donné une conférence devant 400 personnes et j’ai exposé dans une galerie parisienne : tout ça pour être traité comme un peintre du dimanche à qui on peut demander de faire l’agent d’accueil ! On va dire que j’ai la grosse tête, j’estime seulement que j’ai droit à un peu plus de respect : ils auraient pu au moins me dire plus clairement ce qu’ils entendaient par « permanence » ! J’étais censé rester quatre heures : ou bout de deux et demie, je n’en peux plus et je plante là l’autre artiste de corvée et que cette situation n’a pas l’air de déranger… Certaines personnes font de la peinture comme elles feraient du macramé ou de la philatélie : je n’ai rien contre, mais je ne joue plus dans cette cour-là ! J’ai dépassé le stade des marines et des couchers de soleil…

Mes travaux exposés à l'hôtel de ville :

 

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Mercredi 19 mars

 

12h : Encore miné par l’affront (intentionnel ou non, ça m’est égal) de la veille, je reviens de Guipavas où j’étais allé en reportage et je me rends au local de la MGEN pour demander un renseignement : j’ai perdu mes identifiants pour me connecter sur le site et je n’en aurai besoin bientôt pout une démarche importante. Hélas, la personne qui m’accueille m’annonce qu’il me faudra téléphoner au service informatique pour régler le problème… Je craque ! J’ai l’impression de passer ma vie au téléphone, en ce moment ! Déjà que je suis obligé d’appeler chaque fois que je dois réserver un transport Accemo ! Ces bons messieurs de chez Bibus n’avaient pas imaginé que certains handicaps peuvent inclure, entre autres difficultés, un rapport compliqué avec le téléphone…  

 

Un document exclusif ramené de Guipavas : le plan-relief de la pyrotechnie, littéralement sauvé de la déchetterie par l'AGIP.

 

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Jeudi 20 mars

 

13h : On the road again. C’est aujourd’hui, en effet, que je dois repasser à la galerie Thuillier pour y récupérer mes œuvres. Mon train n’est plus qu’à vingt minutes de Paris : la vue des grands axes routiers qui desservent la capitale me déprime. Je me console en me disant que j’en repartirai demain et que je vais y retrouver mon ange gardien…

 

14h30 : Je remballe mes œuvres : pas une de vendue, mais je m’en fiche, je n’en suis plus à ça près. J’en suis quitte pour en mettre une de côté afin de l’offrir à mon ange gardien quand je le reverrai…

 

17h30 : Je suis à Montmartre, plus précisément à la galerie située juste à côté du célèbre Moulin de la Galette, où mon concitoyen brestois Pierre Malma expose ses œuvres réalisées avec Tom Gelleb : des photos de leurs dessins réalisés sur le sable des plages du Finistère et qui interrogent le rapport qu’entretient l’homme avec la nature. Ça dit un message, ça porte une idée, mais il ne faut pas oublier l’essentiel : c’est beau. Mais il me tarde de retrouver mon ange gardien, d’autant que je me demande si elle réussira à me joindre sur mon téléphone qui marche en dépit du bon sens…

 

Je n'ai pu m'empêcher d'apporter ma contribution à la démarche de mon compatriote breton :

 

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20h : Mon ange gardien est là : plus exactement, celle qui fut la seule à me tendre la main pendant les années pourries du collège m’a rejoint à la galerie. Après avoir échangé avec Pierre, nous avons pris congé et nous dînons maintenant dans un restaurant italien situé au bas de la rue Lepic : enfin un établissement parisien où le rapport qualité-prix est irréprochable ! Il faudra que je m’en souvienne pour la prochaine fois. En attendant, mon amie, fidèle à elle-même, se révèle très protectrice à mon égard et n’a de cesse de me donner de bons conseils pour résoudre mes problèmes actuels. De là à dire que cette (encore) jeune femme qui ne veut pas avoir d’enfants éprouve pour moi des sentiments maternels, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas : notre relation a toujours été très saine, sans équivoque, et si toutes mes galères, à Paris comme à Brest, n’avaient dû servir qu’à me permettre de retrouver cette personne qui m’est si chère, ça me suffirait amplement à justifier tout ce bazar…  

 

Vendredi 21 mars

 

8h : Déjà levé, je profite du petit déjeuner à volonté à l’hôtel. Il y a la télé dans la salle, branchée sur BFM TV : l’affaire Bétharram occupe le devant de la scène. Je ris jaune : ce n’est quand même pas une découverte, que mettre ses gosses en boîte chez les curés les expose à se faire bourrer l’oignon et à prendre des torgnoles à tour de bras ! Qui peut encore croire que les corbeaux peuvent faire de bons pédagogues ? Depuis l’inquisition, on sait de quelle manière ils initient à la foi… J’ai souvent dessiné des curés en soutane embrochant de pauvres gosses sans défense, mais là, je n’en ai même pas envie : la réalité ressemble déjà tellement à la caricature que j’en fais que ce n’est même pas la peine… Peu après, on peut voir Trump signer je ne sais quel document et l’exhiber : de là où je suis, on ne distingue nettement que sa signature, visiblement faite avec un gros feutre, soit pour s’assurer qu’on ne voit qu’elle, soit pour cacher d’éventuels tremblements dus à son âge avancé ! Il a cependant l’air plus jeune, avec son attitude de môme exhibant son joli dessin…  

 

14h20 : J’écris dans le train qui me ramène à Brest. Il arrive déjà en vue de Rennes : dans deux heures, je serai dans ma ville bien-aimée ! Contrairement à certains amis revus à la capitale, l’ambiance parisienne ne me séduit pas : c’est une ville trop frénétique pour moi ! C’est vrai que tant de gens dans les rues après dix heures du soir, on ne voit pas ça souvent à Brest, mais c’est justement ça qui me plait. Les Brestois sont peut-être moins vifs et moins dynamiques que les Parisiens, mails sont plus discrets et plus authentiques : je peux me tromper mais je pense que c’est en partie ce qui séduit les nombreuses personnes qui viennent s’installer dans la ville du Ponant. Après tout, les villes, c’est comme autre chose : comme dirait le poète, chacune a quelque chose pour plaire, chacune a son petit mérite ! Mais j’ai dans l’idée que mes aventures parisiennes ne sont pas tout à fait terminées ; si c’est le cas, il faudra que je rachète un beaume à lèvres et que je me procure une crème pour les mains : chaque fois que je foule le sol de la capitale, je sens ces parties de ma pitoyable anatomie se dessécher ! On connaissait le choc thermique, j’ai découvert le choc hygrométrique…  

 

Avant de se quitter, une mini-BD sur le mythe grec associé au retour du printemps : Perséphone, épouse d'Hadès, sort des Enfers pour retrouver sa mère Déméter - elle doit aussi laisser son amant Adonis à la déesse Aphrodite qui le lui dispute, mais elle rechigne évidemment à abandonner ce magnifique berger à la déesse de la beauté, ce qui explique pourquoi le printemps tarde parfois à revenir, comme quoi la Grèce antique connaissait elle aussi des printemps pourris...

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] Je ne dis pas que tous les gens contraints au squat pour survivre sont forcément des dégénérés : je constate cependant que les dégradations et les marques d’incivilité dans les parties communes de mon immeuble se font plus rares depuis que les squatteurs sont partis. Ce n’est pas de ma faute si tous les damnés de la Terre ne se donnent pas la peine d’être nobles et dignes !

[2] Vous me demanderez : « Qu’est-ce que vous diriez si vous aviez dû en perdre une à l’armée ! » Je vous répondrai : « Mais je vous emmerde, vieux con ! »


21/03/2025
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Du 7 au 14 mars : Désolé, Manu ! Tu enverras les chômeurs mourir au champ d'honneur plus tard...

 

Vendredi 7 mars

 

19h : Je débarque au Poulpe pour venir y écouter chanter l’adorable Lyz’An : c’est toujours agréable de retrouver des compatriotes quand on est à l’étranger… Je suis en avance, ce qui donne à l’intéressée le temps de remarquer ma présence et de me présenter comme un « ami brestois » aux quelques personnes déjà présentes dans cette ressourcerie de la rue d’Oran : l’une d’elles, qui organisera une conférence l’été prochain, en profite pour me demander si je suis capable de dessiner en directe et en public lors d’événements de ce type. Ne voulant pas passer à côté d’une opportunité, je réponds par l’affirmative et j’insiste même sur le fait que je m’en suis fait une spécialité, mettant en avant mon expérience aux journées nationales de psychomotricité. La conversation me donne l’occasion d’apprendre que cette activité graphique un peu spéciale est appelée visual thinking : tel monsieur Jourdain, je faisais donc du visual thinking sans le savoir, je mourrai moins bête !  

 

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19h30 : Le concert de Lyz’An débute à l’heure, ce qui me réjouit déjà. J’ai déjà souvent vanté son talent vocal, je ne vais donc pas m’étaler. Si ce n’est plus vraiment une découverte pour moi, je passe quand même un bon moment qui me fait oublier pendant deux heures que je suis si loin de Brest. J’apprendrai tout de même à l’occasion de ce concert que l’accompagnateur de Lyz’An n’est autre que son grand garçon : ce jeune homme est autiste et a tendance à se cacher derrière ses cheveux sur scène. Comme quoi il est possible de concilier vie d’artiste et vie familiale et ça peut même favoriser l’inclusion des proches en situation de handicap !

 

Lyz'An posant fièrement avec un dessin que j'ai fait pendant le concert :

 

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22h45 : Revenu à l’hôtel, je termine la relecture d’un roman de Nadine Monfils paru en 1995, Une petite douceur meurtrière : c’était le quatrième livre de cette autrice belge – qui en a publié plus d’une cinquantaine depuis ! L’univers de Nadine Monfils foisonne de trouvailles déjantées, à tel point que la mémoire du lecteur ne parvient pas à toutes les retenir : personnellement, j’avais surtout été marqué par le gros dégueulasse (judicieusement prénommé « Porguy ») ramassant une main coupée sur laquelle il se met à fantasmer et par l’adolescente qui porte des lingeries plus que suggestives sous sa tenue de petite fille modèle. Ce n’est qu’avec cette troisième relecture que je m’aperçois que, quinze ans avant l’avènement de Mémé Cornemuse dans Les vacances d’un serial killer, l’esprit de l’autrice était déjà enceint, consciemment ou inconsciemment, de ce personnage de vieille dame indigne et ingérable : prenez Léona, la veuve qui carbure à la trappiste et qui n’en finit pas de vomir sur la mémoire de son défunt mari, et mélangez-la à madame Rosa, la clocharde sans foi ni loi qui prétend lire l’avenir, revendique haut et fort ses goûts douteux et voue un amour sans borne à un « monsieur muscle » hollywoodien[1] : vous obtenez Mémé Cornemuse ! Il ne manquait donc à Léona que la folie de madame Rosa pour ressembler à Cornemuse avec laquelle elle avait déjà en commun une rancune tenace, que même la mort ne peut entamer, contre un mari tyrannique et imbécile… Ceci explique d’ailleurs en partie pourquoi Cornemuse, bien qu’affichant peu ou prou de sentiments humains, gagne la sympathie du lecteur : c’est parce qu’elle incarne à elle seule la révolte contre la société patriarcale et nous rappelle que le féminisme, loin d’être un caprice d’intellectuelles éthérées, est né de la souffrance des femmes ; tout le mal que cette mémé peut faire autour d’elle n’aura jamais aucune commune mesure avec celui que notre monde machiste persiste à infliger aux femmes, et si elle veut « tuer le bon Dieu », c’est précisément parce que cette figure de créateur de l’Univers résume à elle seule l’esprit du patriarcat européen, voire du « phallogocentrisme » occidental pour reprendre l’expression de Derrida – à ceci près que le ressentiment de Cornemuse envers ce que représente le « bon Dieu » n’est pas du tout intellectualisé ou même réfléchi mais tout simplement ancré dans sa chair meurtrie par la violence des hommes… Bon, j’arrête de phosphorer, parce que si elle m’entend, cette vieille bique est capable de me tirer une balle dans la tête pour que j’arrête de dire des conneries !

Un autre qui ferait bien de se taire de temps en temps :

 

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Samedi 8 mars

 

9h : Je prends le petit déjeuner à l’hôtel : je suis seul dans la petite salle prévue à cet effet jusqu’à l’arrivé d’un couple hétérosexuel d’âge mûr. L’homme me pose une question en anglais : j’avoue ne maîtriser qu’imparfaitement la langue de Shakespeare et pour, ne rien arranger, son propre anglais me semble plutôt approximatif. Je lui fais donc comprendre, non sans m’en excuser, que je ne le comprends pas : mais peu après, alors qu’il est assis et converse avec sa compagne, je m’aperçois qu’ils parlent espagnol ! Je le prie donc de reposer sa question dans sa langue maternelle : en fait, comme il faut réserver la veille au plus tard pour le petit déjeuner, il voulait savoir s’il était indispensable qu’ils signalent à l’accueil qu’ils voulaient s’attabler alors que la porte était déjà ouverte ; je réponds que je ne pense pas que ce soit indispensable. Avant de partir, je leur demande d’où ils viennent : ils sont de Barcelone. En retour, ils me demandent mon origine : ils sont bien surpris de m’entendre répondre que je suis français, plus précisément breton ! Ils ne doivent pas être habitués à tomber sur un Français qui parle leur langue, encore moins un qui maîtrise mieux l’espagnol que l’anglais…

 

13h : Depuis mon arrivée, je sors assez peu : Paris n’est plus une nouveauté pour moi. Ce déplacement est purement professionnel et j’ai profité du petit bureau installé dans ma chambre pour y improviser un QG où je peux avancer sur mes projets, presque comme si j’étais chez moi : pour dire vrai, ça me rappelle un peu l’époque où je squattais encore chez mes parents et où ma chambre me servait aussi de bureau, mais bon. Il faut quand même descendre de temps en temps pour manger, même si j’y réfléchis à deux fois avant de m’exposer à devoir remonter les cinq étages de cet escalier particulièrement raide ! Et pas question d’aller au restaurant à chaque fois : c’est ce que j’avais fait à mon premier passage à la capitale et ça avait bien failli me mettre sur la paille… C’est pourquoi je me retrouve sur un banc à déguster un croque-monsieur en compagnie d’un type qui se sent obligé de me souhaiter bon appétit… Il fait chaud pour la saison.

 

Deux zigotos qui, eux, font plutôt froid dans le dos :

 

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15h45 : J’arrive dans une galerie du 3e arrondissement où un compatriote breton m’a donné rendez-vous : l’établissement expose actuellement des photos imaginant quelle allure prendrait la capitale si les humains la laissaient à la faune et à la flore… Cette vision post-apocalyptique pourrait être angoissante : je la trouve plutôt rafraîchissante ! Paris y gagnerait à bien des points de vue… Tout à coup, une grande perche en tenue hawaïenne m’interpelle et m’exhorte à enlever mon casque antibruit : je ne comprends pas en quoi ça le dérange ! Je consens à baisser ma protection auditive le temps d’écouter ses explications : je comprends que j’ai affaire au galeriste en personne et celui-ci m’explique que s’il veut que j’enlève mon casque, c’est pour pouvoir entendre les chants d’oiseaux qui, dit-il, seraient diffusés dans la salle pour accorder l’ambiance sonore au thème de l’exposition. Le problème, c’est que même sans mon casque, je n’entends rien, à part le brouhaha des visiteurs, d’autant que ce local résonne abominablement ! Je fais comprendre à ce monsieur que je suis autiste et que si j’enlève mon casque avant l’arrivée de mon concitoyen, je ne tiendrai pas longtemps le coup nerveusement parlant… Il décide donc de me laisser tranquille et m’invite à aller prendre un verre au buffet… En me donnant une tape sur l’épaule ! Exactement ce qu’il ne faut pas faire avec une personne du spectre ! Je ne peux pas en vouloir à un galeriste d’être mal renseigné sur le spectre autistique, mais je préfère quand même attendre mon compatriote dehors…

 

16h : Mon camarade arrive, pile à l’heure : je suis bien content de le revoir dans cette ville où je ne me sens décidément pas adopté ! Il m’explique que s’il s’intéresse à cette expo, c’est, entre autres, parce que ces montages photographiques (réalisés sans recourir à l’intelligence artificielle) rappellent ceux qui ont bâti la renommée de notre concitoyen brestois Mathieu Le Gall ! Je m’en veux de ne pas avoir fait le rapprochement…

 

16h30 : Petite pause : à force de piétiner dans une petite salle bondée, qui plus est avec la chaleur qui règne, on a vite fait de se fatiguer. Nous nous asseyons sur un canapé installé au sous-sol de la galerie. Mon camarade ne boit pas d’alcool, nous sirotons donc des verres de jus de fruit tout en parlant de choses et d’autres. Mon interlocuteur est journaliste et me dit ne pas prendre au sérieux les récents discours va-t-en-guerre de Macron : de fait, ça fait trois ans que l’armée russe se casse les dents sur une Ukraine qu’elle croyait pouvoir écraser en quinze jours ! Elle ne va donc pas déferler du jour au lendemain sur l’Europe occidentale dont deux pays ont la bombe atomique… Nous parlons aussi de sujets plus spécifiquement parisiens comme la bibliothèque de Beaubourg qui va fermer pour rénovation : en effet, quand on avait lancé la construction de la raffinerie qui porte le nom de Pompidou, les responsables n’avaient pas pensé que les matériaux de cette tuyauterie n’étaient pas du tout prévus pour durer et qu’il faudrait les changer quatre fois par siècle, autant dire toutes les cinq minutes à l’échelle de l’histoire… En apprenant ceci, je repense à cette déclaration de François Béranger au cours d’un concert qui a été enregistré sur un disque édité en 1977 :

 

« La France est un pays qui est très sous-occupé sur le plan culturel, donc sur le plan acoustique aussi. Mais notez bien qu’on a Beaubourg qui a coûté 900 milliards : avec les 900 milliards on aurait pu construire au moins 900 salles bien équipées, des salles de 1000, 1200 places où les gens soient bien assis, aient bien chaud, entendent bien, voient bien, etc. Mais on a préféré faire un seul truc, enfin ça, c’est une politique ! »[2] 

 

En fait, Beaubourg n’aurait coûté « que » 90 milliards de francs (Béranger l’a corrigé de lui-même sur la pochette du disque) mais, quel que soit le montant réel de la facture, ça n’enlève rien à la triste vérité d’un gouffre à pognon qui s’avère, de surcroît, un véritable tonneau des Danaïdes érigé pour flatter, même dans la mort, l’ego d’un banquier devenu ministre puis chef d’État… Il y a de quoi trembler rien qu’à imaginer ce qu’on va construire quand Macron sera mort ! En attendant, il y a toujours des gens de talent obligés de se produire dans des conditions spartiates, mais bon, si on commence à aider les artistes qui en ont vraiment besoin, avec quoi on va acheter des armes à Dassault ?

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16h50 : En nous apprêtant à sortir de la galerie, nous poursuivons notre conversation entre lettrés du bout du monde égarés au pays des bobos et nous en arrivons à débattre de la signification exacte d’un substantif dont j’use de façon intensive : le mot « rombière ». Selon mon interlocuteur, il désignerait une vieille bourgeoise réac et prétentieuse : je ne suis d’accord que sur le dernier de ces quatre termes. Dans mon esprit, une rombière n’est pas forcément vieille même si elle est au moins d’âge mûr : ce n’est de toute façon plus une jeune fille, mais elle peut ne pas avoir dépassé la quarantaine. Toujours selon moi, ce n’est pas forcément une bourgeoise : elle peut être de la classe moyenne et je pense qu’on en trouve même dans les milieux populaires. Enfin, je ne pense pas qu’elle est forcément réac même si elle a des idées arrêtées : elle peut n’être ni raciste ni croyante intégriste, mais elle a toujours au moins une conception étroite de la « réussite » et de la vie de couple, ce qui lui suffit pour pourrir la vie de son entourage, à commencer par son mari et ses enfants… Bref, mon modèle de « rombière » c’est Bonemine dans Astérix : elle ne semble pas si vieille que ça, elle n’est pas particulièrement riche malgré son statut de femme du chef, et jamais Goscinny et Uderzo, pas plus que leurs successeurs, ne lui ont prêté de convictions xénophobes ou homophobes ; mais elle est incontestablement imbue d’elle-même, elle empoisonne la vie de son époux en lui rappelant la « réussite » de son frère et elle n’a même pas de respect pour les guerriers qui la protègent des Romains sous prétexte qu’ils ne sont pas mariés… Bref, je propose une définition moins restrictive du mot « rombière », qui ne mettrait pas à l’abri de cette étiquette dévalorisante les trentenaires de gauche issues de la classe moyenne, qui ne sont pas non plus à l’abri de la connerie. Mais je ne dis pas que j’ai forcément raison !

 

17h : Mon camarade a l’idée de m’emmener aux Archives Nationales où est actuellement exposé un document de grande valeur : la seule et unique représentation conservée de Jeanne d’Arc à avoir été exécutée du vivant de cette dernière ! En chemin, nous nous arrêtons dans une galerie d’art dont il connait les patrons : ces gens sont tout à fait charmants et j’apprécie le fait qu’ils consacrent une bonne partie de leurs murs à l’estampe. Néanmoins… Cette halte n’était pas prévue, j’ai toujours aussi chaud, il n’y a rien pour s’asseoir et l’un des tauliers regarde sur son smartphone une vidéo que je n’identifie pas mais dont le son est à fond et qui me casse les oreilles ! Bref, ça fait déjà quatre bonnes raisons pour que j’explose : l’étincelle vient quand madame demande à monsieur de baisser le son… Ce qu’il refuse ! Je ne sais pas si c’est du lard ou du cochon, toujours est-il que, n’en pouvant plus, je craque et je lui dis franchement que ce bruit me tape sur les nerfs et m’empêche d’apprécier pleinement cette rencontre ! Mon compagnon de route est bien obligé de dire que je suis Asperger… « Ne crie pas sur les toits que tu es autiste » m’a dit un jour une amie : comme si je pouvais le cacher !

 

17h10 : Marcher dans le Marais un samedi après-midi, c’est s’exposer à affronter la foule des bobos en promenade ! Mais quel que soit le statut social, réel ou supposé, de la population qui foule le pavé parisien, il y a quand même beaucoup de monde en ville, ce que je supporte assez mal… Le summum est atteint devant une boutique où l’on vent des gaufres et devant laquelle se déploie une file d’attente qui rappelle Moscou au temps de la perestroïka, les smartphones en plus ! Les gaufres doivent y être délicieuses, pensez-vous ? Et bien détrompez-vous ! D’après mon ami, elles sont dégueulasses, mais les patrons ont payé une influenceuse pour qu’elle dise du bien de leurs produits sur Internet et il n’en faut plus pour que tous les followers de cette pétasse se ruent sur ces gaufres hors de prix et imbouffables… Je me demande ce qui me retient de leur hurler qu’ils vont se faire rouler ! Bah, c’est leur problème, après tout…

 

17h15 : Nous arrivons aux Archives Nationales, mais l’expo est déjà en train de fermer ! Je ne peux m’empêcher de penser que nous aurions pu arriver à temps si nous nous étions moins attardés à l’une des deux galeries d’art : voilà où mène la manie des neurotypiques de mettre trois heures à se dire Au revoir… Mais je n’en veux pas à mon camarade de m’avoir fait marcher jusqu’ici car j’aime ce bâtiment : il en profite pour me dire que cet édifice sert parfois à figurer l’Élysée dans des fictions… Et il ajoute même que ce bâtiment est mieux conçu que l’Élysée ! Et oui : le palais de l’Élysée, ancienne demeure de la Pompadour, n’a pas du tout été conçu pour accueillir une administration importante, les salles y sont étroites et ne sont vraiment pas pratiques pour les fonctionnaires qui y travaillent ! Le général de Gaulle aurait même envisagé, en 1958, de déménager la demeure de l’exécutif à Vincennes ou aux Invalides ! Bref, le chef de l’État est censé travailler dans un local qui n’est absolument pas adapté à sa fonction et on s’étonne que ce soit le bordel en France… Et le pire, c’est que tous les cinq ans « et même parfois avant »[3], ils sont au moins une demi-douzaine à s’entretuer pour avoir le droit d’habiter cette pétaudière ! Je me rappelle de la BD Astrobald où un extraterrestre fait campagne pour être élu président : il gagne les élections mais celles-ci sont invalidées pour vice de procédure et il est finalement soulagé de devoir quitter cette demeure qui le déçoit ! La fiction dépasse souvent la réalité…

 

17h30 : Avant de nous quitter, nous nous arrêtons pour boire un jus de fruit près de Beaubourg, justement. Je reconnais l’endroit, c’est celui où j’avais interviewé Delfeil de Ton : cette pause est en tout cas bienvenue, nous sommes au frais et à l’écart de la foule. Car, malgré l’heure déjà avancée, il y a foule devant le centre Pompidou, ce qui étonne beaucoup mon camarade qui n’a pas eu vent de l’inauguration d’une nouvelle exposition ! Je serais bien en peine de lui proposer une explication…

 

19h : Je retrouve Lyz’An pour un autre concert, toujours à la Goutte d’or mais, cette fois… Dans une galerie d’art ! Et oui, encore ! Mon escapade parisienne est décidément placée sous le signe de ce commerce… Mais cette fois, on est dans le 18e arrondissement et le cadre est nettement moins « snob » que dans les autres établissements qu’il m’a été donné de visiter : pour tout dire, l’ambiance un peu « roots » me rappelle certains lieux brestois ! Toujours est-il que l’ambiance est un peu moins enjouée qu’au concert d’hier : il y a beaucoup moins de monde, je suis un des rares à avoir fait le déplacement, outre deux amis de la chanteuse qui avaient joué dans un de ses clips. Lyz’An, qui ne chante pas au rabais, n’y est pour rien, pas davantage que le patron de la galerie : je suis bien placé pour savoir à quel point il peut être difficile de mobiliser le public quand on n’a pas autant de moyens que le centre Pompidou…

 

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Dimanche 9 mars

 

12h : Déjeuner chez mon oncle qui habite Ménilmontant. Ayant été hébergé à plusieurs reprises chez lui quand je n’avais pas les moyens de me payer l’hôtel, j’ai le sentiment de connaître le quartier par cœur ! Mon oncle est toujours de bon accueil, trop heureux d’animer sa solitude de vieux célibataire en accueillant son neveu. Il m’apprend qu’il va bientôt revenir en Bretagne pour assister à l’anniversaire du club nautique de Léchiagat (près du Guilvinec) dont l’une de ses sœurs, donc ma tante, fut l’une des co-fondatrices. Coïncidence : l’une des œuvres que j’expose actuellement chez Thuillier est précisément une copie de « La chambre » de Van Gogh, que cette défunte tante avait peinte, que j’ai récupérée à sa mort et que j’ai complétée à ma manière en y collant deux personnages échangeant des considérations sur l’habitabilité de cette chambre… Mon hôte m’apprend aussi que ce week-end, l’entrée au centre Pompidou était gratuite ! Pas besoin de chercher plus loin la raison de l’affluence qui intriguait tellement mon camarade ! N’empêche que ce n’est pas comme ça qu’on va amoindrir la facture pour le contribuable…

 

14h15 : Ayant pris congé de mon oncle, je retire de l’argent à un distributeur avant de reprendre le métro : il n’en faut pas plus pour qu’un tapeur vienne me demander des sous… Je lui glisse une pièce, non sans quelque remords : donner cinquante centimes à quelqu’un quand on est en train de retirer cent fois plus d’argent, ça crée un problème de conscience ! Et pourtant, je sais que ce n’est pas moi qui devrais l’avoir…

 

Lundi 10 mars

 

12h30 : Je sors pour déjeuner à une brasserie que j’ai repérée hier ; en me voyant passer, le réceptionniste me demande si je n’ai besoin de rien. C’est vrai que ça fait déjà quatre jours que je suis là et je ne pars qu’après-demain, il aurait donc pu s’attendre à ce que je demande qu’on change les draps ou les serviettes, par exemple… Mais je n’ai pas pour habitude de me faire servir, alors je contente de demander qu’on coupe le chauffage dans ma chambre où je ne cesse de crever de chaud !

 

13h : Mon repas me laisse une impression mitigée : sans aller jusqu’à dire que la cuisine est mauvaise dans cette brasserie, je trouve mon steak-frites en-deçà de ce que j’aurais pu espérer au vu de son prix. Pas de doute, même dans le 18e, on est bien à Paris…Enfin, l’important est que ça cale bien le ventre car j’ai des travaux d’écriture à boucler. Entre deux services, je termine la lecture de l’article de Robin Hopquin dans le dernier Ridiculosa, consacré au film La cuisine au beurre : je ne savais pas que Bourvil et Fernandel avaient partagé la vedette d’une comédie ! Mais si je n’avais jamais entendu parler de ce film, c’est qu’il y avait une raison, et tout porte à croire que ce n’était pas un chef-d’œuvre : même à sa sortie, son succès commercial fut finalement relatif au vu de la notoriété des deux acteurs ! Ce n’est pas un hasard si la postérité a oblitéré ce duo au profit de celui que l’un a formé avec Louis de Funès et l’autre avec Gino Cervi… D’ailleurs, quand on sait que le ressort « comique » de ce film est l’opposition entre le Normand et le Provençal, on se réjouit presque qu’il soit tombé dans un relatif oubli ! Fernandel vient du Sud « donc » il est paresseux et exubérant, Bourvil vient du Nord « donc » il est travailleur et timide… Avec une telle vision des identités, on frémit rien qu’à penser à ce que le réalisateur aurait fait s’il avait dû faire tourner Omar Sy et Jamel Debbouze ! Un tel film aurait pu être produit par Bolloré…

 

14h : J’ai réintégré ma chambre : le chauffage a été coupé conformément à ma demande, je peux enfin savourer un peu d’air frais en ouvrant la fenêtre. Bien entendu, je ne rate rien du bruit des trains qui quittent la gare du Nord ni des cris des gosses de l’école voisine… Décidément, rien n’est simple !

 

Sans transition, un adorable petit hérisson dessiné de manière réaliste par votre serviteur - je préfère quand même le hérisson plus caricatural qui me sert de porte-parole :

 

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Mardi 11 mars

 

8h45 : En ce jour de triste mémoire, je risque un œil à la « une » du Figaro qui traîne sur la table basse du hall d’accueil de l’hôtel : le quotidien consacre ses gros titres à un « vent de fronde » provoqué par l’instauration des zones à faibles émissions de gaz à effet de serre… Si la menace de guerre était vraiment sérieuse, un journal contrôlé par la firme Dassault ne se priverait pas d’en faire ses choux gras ! Je reste néanmoins inquiet car, depuis le 11 mars 2004, jour des attentats de Madrid, je ne peux m’empêcher d’avoir l’impression que cette date est porteuse de catastrophes…

 

12h30 : Et voilà. J’en ai marre d’avoir toujours raison ! Attablé à l’Escurial pour déjeuner, je découvre un message m’apprenant la mort de Jean-Christophe Podeur, le galeriste de la rue Louis Pasteur… La vie artistique brestoise perd une figure majeure : moi, je perds un compagnon de route avec qui j’ai partagé plus d’une aventure, à commencer par la valorisation du travail de notre vieille amie Geneviève Gautier… Si je croyais à l’au-delà, je pourrais dire qu’il devait être pressé de retrouver celle qui fut sa mère spirituelle et dont la mort, survenue il y a quatre ans, lui avait brisé le cœur : mais je ne crois pas à la vie après la mort et, de toute façon, je ne pense pas que « Pod », comme on l’appelait, aurait volontairement abandonné sa femme et leurs trois enfants ! Mes pensées vont à eux ainsi qu’à ses amis les plus proches… Merde, alors ! Avec qui je vais discuter, maintenant, quand je passe dans le quartier de la galerie et que je n’ai rien à faire en attendant un rendez-vous ? Il va falloir s’habituer à un grand vide…

Un autre grand disparu :

 

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14h : Encore assommé par la triste nouvelle, je risque un tour à la galerie Thuillier où mes œuvres sont censées être exposées depuis quatre jours et où le vernissage doit avoir lieu dans quatre heures : le patron a bien fait les choses, d’autant que mes œuvres sont dans la première des trois salles du sous-sol, autant dire que ceux qui descendront ne pourront pas me rater. Je pourrais être ému, je ne le suis pas plus que ça : ça a beau être ma première dans une galerie parisienne, je me demande surtout si je vais réussir à faire bonne impression ce soir…

Quelques photos :

 

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15h : Ayant quelques heures à tuer, je me suis mis en quête d’un lieu à visiter. Je me rabats sur le musée Cogacq-Jay qui a l’avantage d’être gratuit. On parle relativement peu de l’art du XVIIIe siècle et on a tort : certes, on est encore loin de la révolution esthétique introduite du XIXe, mais le XVIIIe n’en est pas moins le siècle des lumières, donc une période de transition où la vieille France héritée de Louis XIV va être ébranlée par les idées nouvelles et finalement déboucher sur le grand bazar de 1789. Les artistes de l’époque n’ont pas pu y rester insensibles, et leurs œuvres portent l’empreint de cette époque où le droit à l’individualité commence à s’exprimer, où l’enfant commence à être reconnu comme une personne à part entière et où même les grands de son monde commençaient à prendre de la distance vis-à-vis du décorum associé à leur statut, comme Marie Leszcynska[4], épouse de Louis XV, qui posa sans ses attributs de reine… Osons le dire : le XVIIIe siècle fut l’époque où s’amorcèrent des évolutions qui étaient, pour la plupart, positives… Et n’étaient pas encore devenues, pour certaines, insupportables ! Parce qu’aujourd’hui, en revanche, le culte de l’égo, les enfants-rois et les chefs d’État qui s’affichent en bras de chemise, je ne sais pas pour vous, mais moi, j’en ai MARRE !

 

Quelques croquis de statues :

 

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18h : Le vernissage commence. J’arrive à l’heure. Je décide assez vite de rester au sous-sol, à proximité de mes œuvres, pour pourvoir répondre aux questions des visiteurs, et de ne remonter que pour me faire resservir à boire. Bien m’en prend : en agissant ainsi, j’ai l’opportunité d’échanger avec des gens qui s’intéressent vraiment à l’exposition et j’évite ainsi la cohorte des parasites qui ne viennent que pour picoler à l’œil… Notez que je ne leur jette pas la pierre : moi aussi, je profite d’être là pour boire, après tout. Au cours d’un de mes allers-retours entre le buffet et le sous-sol, un homme, remarquant ma marinière, m’alpague et me demande si je suis breton : je réponds que oui, je précise même que je suis de Brest. Il essaie d’engager la conversation en parlant de la bonne saison du Stade Brestois : je rétorque que je n’aime pas le football. Il embraie avec le Mont Saint-Michel et la rivalité qu’il suscite avec les Normands : je réplique que je le leur laisse car je n’aime pas les curés. Il poursuit en me demandant si je me sens près à partir à la guerre : je rétorque que je me ferais réformer pour handicap car je n’aime pas l’armée. Il me questionne sur ce que je pense de Paris : là, je n’ose pas le vexer et je préfère dire « c’est pas mal ». Heureux de m’avoir enfin arraché quelque chose de positif, il me sort toute la panoplie parisianophile : voyant déjà pointer à l’horizon le tristement célèbre « Comment peut-on vivre ailleurs qu’à Paris » je tire prétexte des affaires que j’ai laissées au sous-sol pour redescendre et prendre congé… Je suis quand même content de ne pas lui avoir donné satisfaction ! J’ai ainsi droit à des échanges intéressants avec les gens qui prennent la peine de descendre : c’est surtout ma toile avec les aphorismes du hérisson qui suscite des commentaires, on salue le charme délicat de la petite bête ainsi que les vérités bien senties que je lui fais proférer… Certains me disent, quand je leur signale que je viens de Brest : « Tu es mieux là-bas qu’ici ! » Je le savais bien, que je parisianisme n’était pas un signe d’intelligence… En tout cas je suis satisfait de ce vernissage et, malgré ma peine d’avoir perdu mon ami Pod, c’est avec le sourire que je pars à 21 heures : c’était l’heure de fermeture indiquée sur le carton d’invitation, je ne juge donc pas nécessaire de rester plus longtemps. Je ne suis pas hostile à toute vie sociale tant que les règles sont précises dès le départ…

 

Deux photos prises par le patron de la galerie - ne me reprochez pas de ne pas sourire, je vous rappelle que je suis en deuil :

 

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Mercredi 12 mars

 

9h : Le jour du retour au pays est arrivé. Me voici déjà à la gare Montparnasse pour attendre le train. Les quotidiens annoncent que Trump et Zelensky ont finalement trouvé un accord… Bref, Trump ne va pas tout de suite aider Poutine à casser la gueule à l’Ukraine et à détruire l’Europe dans la foulée, même si on se doute que le sort du Vieux continent ne l’empêche pas de dormir ! Un qui doit être embêté, c’est notre président qui se voyait déjà retrouver le statut qui lui avait garanti sa réélection il y a trois ans… Mais je suppose que De Villiers, Le Pen, Zemmour et Hanouna doivent être encore plus déçus : je suis sûr qu’ils voyaient déjà l’armée russe occuper notre pays et le nettoyer des immigrés et des homosexuels… C’est qu’ils sont nombreux, les bons Français qui ne verraient pas d’inconvénient à faire pour la Russie ce que leurs ancêtres ont fait pour l’Allemagne ! Poutine n’aurait qu’à se baisser pour trouver des collabos…  

 

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16h30 : Je savais que je serais fatigué à mon arrivée à Brest, c’est pourquoi j’avais réservé un Accemo pour me rendre au cours du soir. Mais je ne m’attendais pas à ce que le conducteur aggrave mon état, d’abord en arrivant avec une demi-heure d’avance, ensuite en me bassinant avec le mal qu’il a eu à trouver mon immeuble et à trouver une place pour se garer… Craignant qu’il me resserve les sempiternelles récriminations sur les travaux du tramway, je préfère mettre un terme à la discussion en disant que je viens de perdre un ami et que je n’ai pas le cœur à discuter : je n’ai pas été très gentil, mais je n’ai pas menti !

 

Jeudi 13 mars

 

9h : Quand on est indispensable, on n’est jamais tranquille… Telle est la pensée assez immodeste qui me vient quand, alors que je viens à peine de finir mon petit déjeuner, je dois répondre à deux coups de téléphone successifs ! L’un du président d’une association patrimoniale de Guipavas, qui veut que j’écrive un papier sur ses nouveaux locaux et sa dernière publication ; l’autre d’une responsable de Kengo.bzh : cette plateforme de financement participatif va bientôt fêter ses dix ans à la PAM et ils acceptent que je participe à l’événement en tant que caricaturiste, en tant que slameur et en tant que conférencier… Bref, les affaires reprennent : Pod n’est plus là, mais the show must go on, non ?    

 

15h45 : Passage au local de la MGEN où l’on me confirme que, étant désormais bénéficiaire de la Complémentaire Santé Solidaire, je n’aurai plus à payer un sou à la mutuelle pendant un an ! Ce qui représente soixante euros d’économie par mois ! J’en suis d’autant plus ravi que, même si ce n’était pas aussi cher, je trouverais aberrant de devoir payer pour avoir le droit de se faire rembourser ses frais de santé ! Et le pire, c’est qu’en dépit de cette épouvantable régression, que dis-je, ce reniement absolu des idéaux ayant présidé à la création de la Sécurité sociale, la France fait quand même encore figure de paradis sanitaire par rapport à d’autres pays…

 

Sans transition, ma vidéo de la semaine :

 

Vendredi 14 mars

 

13h30 : En relevant mon courrier, je suis bien surpris d’y trouver un Fluide Glacial ! Le dernier numéro du mensuel m’est arrivé il n’y a pas une semaine et ce fascicule est nettement plus petit que les hors-série habituels. Mais un second coup d’œil a vite fait d’éclairer ma lanterne : à l’occasion des cinquante ans du mensuel, la rédaction a eu l’idée géniale d’éditer un « numéro zéro » compilant, outre quelques pages de l’époque héroïque, des textes et des BD qui auraient pu être proposées à Gotlib dès l’annonce de la création de son journal. C’est pourquoi ce hors-série ne compte « que » 64 pages et que la quasi-totalité de son contenu est en noir et blanc, comme ce fut le cas pour la quasi-totalité des numéros parus au siècle dernier… Au-delà de la replongée nostalgique dans l’ambiance d’une époque révolue, cette publication montre que Fluide Glacial, quoi qu’on en dise, garde son esprit incisif, y compris vis-à-vis de lui-même ! La couverture du numéro 1, avec le fameux fakir dessiné par Gotlib, avait déjà eu droit à une suite due au même auteur pour les 25 ans de Fluide : elle a désormais droit à un prequel où l’on voit le même fakir s’apprêter, non sans précaution, à s’asseoir sur la célèbre punaise ! Je n’ai pas souvenir d’une autre couverture de magazine qui ait droit à un tel privilège… J’ai bien failli croire que ce dessin était dû à mon concitoyen Julien Solé, mais non, c’est son père Jean qui l’a réalisé : il ne perd pas la main, visiblement ! 

 

Terminons avec un petit dessin qui tombe à point pour annoncer le colloque "Albert Camus et l'Algérie coloniale" qui se tiendra la semaine prochaine à l'Institut du monde arabe à Paris - non, je n'y serai pas :

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine ! 


[1] Schwarzenegger pour madame Rosa, Van Damme pour Mémé Cornemuse : Monfils a sans doute fini par préférer ce dernier pour ses aphorismes fumeux – d’autant qu’il est son compatriote.

[2] Vous trouvez que cette citation est mal écrite ? Je vous assure que je ne fais que retranscrire les propos de Béranger tels qu’on peut encore les entendre ici : https://youtu.be/3vvvF3dtvdw?feature=shared Outre l’erreur dans les chiffres, Béranger commet en effet une faute de syntaxe qui peut étonner de la part d’un poète de son envergure, mais qui est pardonnable dans le contexte d’une improvisation, surtout pendant un concert où la salle est chauffée à blanc. Et puis faites pas chier, merde, vous ne vous trompez jamais, vous ?

[3] Encore un extrait de François Béranger, plus précisément de sa chanson « Magouille blues » qui reste, hélas, d’actualité un demi-siècle plus tard : il y parle certes de Jean Royer de François Mitterrand, mais ce qu’il dit d’eux pourrait s’appliquer sans problème à Zemmour et Mélenchon…

[4] Ne me demandez pas comment ça se prononce !


14/03/2025
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Du 2 au 7 mars : Retour à Paris ou : C8 et NRJ 12, je m'en fous, mais la fin de Siné Mensuel, ça, c'est grave...

 

Commençons par un petit dessin sur la situation internationale : 

 

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Dimanche 2 mars

 

10h : Après un samedi sans remous, je retourne à la piscine. Plus précisément, la seule piscine de « Brest même » où je n’ai encore jamais mis les palmes depuis que je vais régulièrement nager[1], celle de Saint-Marc. Contrairement aux trois autres, elle n’est pas sur une ligne abondamment desservie mais la distance à parcourir depuis la place de Strasbourg n’est pas énorme. Cette remarque s’applique aussi au bâtiment lui-même, encaissé au fond d’une rue dont l’entrée fait face au Stade Francis Le Blé : on est loin de la monumentale piscine Foch ! J’ai assez de liquide pour payer mon entrée, mais la caissière vient juste de transférer la recette et ne peut pas me rende la monnaie : je dois donc aérer ma carte bleue… Non contente d’être petite, la piscine Saint-Marc est également la seule de Brest où les vestiaires sont collectifs, avec une démarcation hommes-femmes (les trois autres n’ont que des cabines individuelles dont certaines sont réservées aux handicapés) : manifestement, le XXIe siècle n’a pas encore fait son entrée ici. Une fois en tenue, il me tarde de nager : je me trompe de chemin et un employé m’indique la direction, non sans éclater de rire, ce que je prends assez mal, mon sens de l’humour étant décidément soluble dans l’impatience. Je trouve enfin le bassin : il n’y en a qu’un seul, comme à Kerhallet, et il est encore plus petit. Pour savoir l’heure qu’il est, il n’y a qu’une seule pendule à aiguilles, située du côté du grand bain, ce qui est moins pratique pour ceux qui, comme moi, ont besoin de savoir combien de temps ils passent dans la flotte – me calant sur le rythme des cours, je m’efforce d’y passer au moins trois quarts d’heure à chaque fois. Je fais mes longueurs et, étroitesse du bassin oblige, je n’arrête pas de me cogner contre une dame qui barbotte sur le dos : si ça la relaxe, moi, ça me gonfle assez vite… Après avoir fait mes quarante-cinq minutes, je passe sous la douche où il est écrit qu’il faut s’essuyer ici même et non dans le vestiaire : ah ben il fallait le préciser avant, moi, j’ai laissé ma serviette là-bas ! Tant pis pour le personnel ! Quand je peux enfin dire « au revoir » à la caissière, je ne suis pas sûr de revenir de sitôt…  

 

Lundi 3 mars : il y a 18 ans mourait Osvaldo Cavandoli, le créateur de La Linea

 

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13h30 : Après une matinée passé à produire de la copie pour Côté Brest, je monte à la mairie de quartier afin de renouveler mes droits à l’abonnement au réseau de transport en commun. J’ai avec moi une attestation de quotient familial : se basant sur ce document, l’employée m’annonce que désormais, je devrai payer à un tarif supérieur à celui auquel je pouvais prétendre jusqu’alors. Et oui, le versement régulier de l’Allocation Adulte Handicapé rendant ma situation financière moins précaire, je ne peux plus bénéficier du tarif minimum : je ne m’en plains cependant pas car, à quinze euros par mois, je reste gagnant au vu de tous les trajets que j’effectue, surtout si j’utilise le service de transport à la demande… Mais j’en entends déjà qui trouvent injuste que je sois ainsi avantagé ! Alors comment dire ? Ceux-là, j’aimerais bien les voir vivre au quotidien avec mon hypersensibilité et ma difficulté à interagir en société, pour ne citer que deux aspects de ma différence qui en font un handicap social… Et puis que « ceux qui bossent » ne soient pas trop jaloux : je suis certes en meilleure posture que les bénéficiaires du RSA, mais si j’avais une voiture, si j’étais père de famille et si je cherchais à accéder à la propriété, je ne m’en sortirais certainement pas ! Et puis vous n’allez pas m’envier parce que je devrai payer plus cher pour me déplacer, non ? Le seul avantage que j’en tirerai, c’est qu’on me regardera peut-être avec un peu moins de dédain au guichet de Bibus. Peut-être.

 

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14h30 : J’appelle la CAF pour demander pourquoi je reçois encore des messages me demandant de déclarer mes revenus trimestriels en vue du calcul du RSA et de la prime d’activité alors que, étant bénéficiaire de l’AAH, je ne peux plus prétendre à ces deux aides qui ne me manquent pas du tout – non seulement elles étaient dérisoires mais, de surcroît, on me les versait avec un tel tonnage de mépris et des discours si culpabilisants que j’avais fini par les envisager comme des aumônes humiliantes. Une fois passées les fourches caudines devenues habituelles quand on appelle une administration, je suis enfin mis en contact avec une personne de chair et d’os qui m’explique que comme j’ai été bénéficiaire du RSA, le système de messagerie automatique continue à m’envoyer ces messages dont je ne dois pas tenir compte… Encore une aberration entièrement due à la manie de tout déléguer à la machine ! Rien ne justifie cet envahissement de la technologie si ce n’est la volonté de faire l’économie de salaires humains : l’usager n’est absolument pas gagnant, bien au contraire ! On nous rebat les oreilles du déficit de l’État : si creuser ce déficit est le prix à payer pour qu’un maximum de citoyens aient une vie à peu près agréable, je ne trouve pas scandaleux de le payer ! Parce que s’il ne sert pas à ça, alors à quoi il doit servir, l’argent de la collectivité ?

 

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19h : Je viens de passer plus de trois heures à retranscrire sept billets d’humeur que je prononce dans des vidéos et dont j’avais perdu les textes suite au larcin dont j’avais été victime à Paris il y a déjà un an et demi. Malheureusement, pour des raisons qui ne regardent qu’elle, la boîte de dialogue « Voulez-vous enregistrer les modifications » ne s’est pas ouverte quand j’ai fermé le fichier et tout mon travail est perdu… Je viens de vous dire que j’ai mis plus de trois heures à re-dactylographier sept textes d’une page chacun : je pense que ça donne une idée du caractère fastidieux de cette tâche dont je viens de m’acquitter pour des prunes… Je sais bien qu’il y a pire dans la vie, mais est-ce qu’on me pardonnera d’être UN PEU énervé contre la technique et de vouer plus que jamais aux gémonies mon voleur ?

 

Mardi 4 mars : Mardi gras

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Ce dessin représente Trémière et Déodat, le couple du Riquet à la houppe d'Amélie Nothomb.

 

9h30 : Avant de reprendre le boulot (j’ai des pages à encrer), je décide d’appeler la banque pour régler un petit problème. En effet, depuis que j’ai ouvert mon livret d’épargne populaire, je n’ai pas réussi à y placer un sou de plus que les trente euros nécessaires à sa création : chaque fois que j’ouvre la page prévue à cet effet sur le site de la banque, celle-ci met un temps fou à charger et je finis par être déconnecté sans avoir pu faire le moindre petit versement ! Donc, je téléphone : quand j’arrive à avoir un conseiller au bout du fil, celui-ci me demande de taper mon numéro de client et mon mot de passe afin de pouvoir m’identifier. Je m’exécute, mais à peine ai-je fini taper le premier code que la communication est coupée… Ça commence bien !

 

Respirons un instant avec un autre hommage à Osvaldo Cavandoli - pour jouir pleinement du gag, il n'est pas inutile de rappeler que "linea" signifie littéralement "ligne" en italien.

 

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9h45 : La deuxième tentative est plus heureuse. J’arrive à taper les deux codes, ce qui permet au conseiller de trouver la cause du blocage dont mes versements font l’objet : suite à la tentative de fraude dont j’ai été victime il y a un mois, mon compte a été mis sous surveillance ! Il me demande si je n’avais pas reçu des SMS me demandant de rappeler à un numéro afin de lever cette vigilance : en effet, j’en avais même reçu plusieurs… Mais je ne les avais pas pris au sérieux ! Pourquoi ? Un : mis à part les versements, tout fonctionnait normalement. Deux : à chaque message reçu, il n’était pas affiché le nom de ma banque comme j’en ai l’habitude mais un numéro que je ne connaissais pas. Trois : on m’avait toujours assuré qu’aucun banquier ne me demanderait de lui communiquer des informations confidentielles par téléphone. Donc : la conjonction de ces trois facteurs m’avait persuadé que c’étaient les fraudeurs, auxquels j’avais donné (entre autres) mon numéro de téléphone qui me relançaient ! Le conseiller me met en relation avec la responsable concernée… J’ai ainsi droit à une leçon de morale de cette dame, fort peu aimable, qui me reproche de ne pas avoir réagi plus tôt ! Enguirlander un client qui n’est même pas à découvert et dont le seul tort aura été de redoubler de méfiance… ‘Faut le faire ! Décidément, quand on est victime de quelque chose, la société n’a de cesse de vous accabler !

 

Ce n'est pas ce petit personnage qui me dira le contraire, lui dont nous nous sommes tant moqués alors qu'il subissait tant de malheurs...

 

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10h15 : Il m’a fallu, entre autres actions désagréables (converser avec cette mégère en était déjà une en soi), changer mon code secret : mais quand je le tape, ça ne fonctionne pas ! Je le retape trois fois, j’essaie avec mon ancien code au cas où le changement n’aurait pas encore été enregistré, mais rien ! Je retéléphone : un conseiller accepte de me donner un code provisoire malgré le ton, peu courtois j’en conviens, avec lequel je lui parle – je ne m’attendais pas à devoir passer autant de temps sur cette affaire et je devrais déjà être en train de travailler à l’heure qu’il est !

 

Les images où le personnage d'Osvaldo Cavandoli interagit avec des moutons m'ont été inspirées par  l’épisode 150 de La Linea - je donne plus de détails dans la vidéo que voici :

 

 

10h30 : Le code provisoire qui m’a été donné est tout aussi inopérant que les deux autres et même la fonctionnalité « mot de passe oublié » sur le site ne fonctionne pas. Quand je rappelle la banque, personne ne me répond, à part une annonce m’affirmant qu’ils font face à un problème technique à l’échelle nationale… Je craque pour de bon ! Je ne sais plus ce que j’ai hurlé, mais ça ne devait pas être joli à entendre…

 

11h : Une bonne douche porte conseil : je saute dans le premier bus et je vais moi-même à la banque pour en avoir le cœur net. Après tout, je n’ai pas de raison de faire confiance à un répondeur automatique… L’air frais m’apporte un apaisement relatif et je regrette de ne pas avoir pris plus tôt cette décision !

 

Un dessin de gobelet au crayon gras : 

 

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11h20 : Arrivé à l’agence, une dame m’apporte la lamentable confirmation : à l’instant même où mon problème personnel était réglé, la banque a dû en affronter un autre à l’échelle nationale, à savoir une panne qui empêche actuellement toute connexion en ligne des clients… Il va donc falloir que j’attende demain pour pouvoir changer mon code d’accès une fois pour toutes. En fait, j’ai fait face à deux péripéties qui auraient pu être oubliables si elles n’avaient pas été concomitantes… Je profite d’être sur place pour faire le versement que j’envisageais et étoffer un brin mon livret d’épargne : ici, au moins, ça marche… La dématérialisation totale n’est pas pour demain.

 

12h30 : Revenu au quartier, j’achète un hot-dog avec des frites à la sandwicherie du coin : c’est horriblement malsain et je sais déjà que cette dose de mauvais gras va me rapporter au moins un bouton sur le menton, mais tant pis, j’ai trop besoin de réconfort après cette matinée nulle, surtout avec le travail qui m’attend et qui n’a pas pu avancer… Et par-dessus le marché, je repars à Paris après-demain !

 

Mercredi 5 mars : il y a 95 ans naissait Jean Tabary

 

Ce dessin est un hommage au co-créateur d'Iznogoud : il s'inspire directement d'une aventure du méchant grand vizir postérieure à la mort de Goscinny, Iznogoud et les femmes dont l'un des personnages est une grosse femme esclave fière de ses rondeurs que l'éternel prétendant au trône califal contraint au régime pour qu'elle puisse rentrer dans une gaine dotée de pouvoirs magiques... Une fille qui acquiert une taille mannequin et qui le vit mal au point de s'exclamer : "Mon pauvre corps, quel désastre ! Regardez ça, je suis affreuse !" Il y a de quoi marquer un esprit, non ? 

 

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9h : Les choses ont l’air de s’arranger : j’ai bouclé mes planches hier, je me suis levé assez tôt pour mettre en branle le grand ménage avant mon départ, prévu demain matin. Heureusement que je suis déjà debout car on sonne à l’interphone : je décroche, j’entends deux personnes qui se présentent comme des plombiers chargés de faire des travaux au dernier étage et qui n’ont même pas de badge pour entrer dans l’immeuble. On m’a déjà fait le coup alors je préfère descendre à leur rencontre : ils sont effectivement porteurs de cartes de travailleurs du BTP, je les laisse donc entrer avec d’autant plus de plaisir que j’ai de l’affection pour les plombiers, sans doute à cause de la chanson de Pierre Perret[2] ou de la BD Jojo où le sympathique papa du non moins sympathique petit bonhomme créé par André Geerts exerce cette honorable profession. Tout en montant, ces Mario et Luigi m’expliquent qu’ils ont essayé d’appeler d’autres occupants mais que ça ne répondait pas : je réponds que ce n’est pas étonnant, entre le locataire du rez-de-chaussée qui est mort et les deux appartements qui ont été vidés il y a peu par des déménageurs… Dans la foulée, ils m’annoncent qu’on les envoie bosser dans « l’ancien squat » du dernier étage ! Il y avait donc un squat dans l’immeuble ! Voilà qui explique bien des choses, à commencer peut-être par la porte principale qui était presque constamment ouverte… Je ne peux même pas accabler les squatteurs : c’est typiquement le genre de problème qu’on n’aurait pas si on se décidait à réquisitionner les logements vides ! Les promoteurs ne seraient pas plus pauvres pour ça…

 

Une mini-BD résumant le mythe d'Arachné, la tisseuse qui a osé bravé la déesse Athéna : 

 

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10h15 : Petit pause dans mon ménage pour déposer trois de mes œuvres à l’hôtel de ville où se tiendra l’exposition « Pluie de toiles » à partir du 7 mars. Je m’attendais à ce que ces dames grincent un peu des dents en découvrant ma peinture représentant Brooke Burke en bikini, mais elles ne bronchent même pas. En revanche, elles me demandent qui est Matthieu Gallou auquel une autre de mes œuvres rend hommage : il m’a bien fallu leur expliquer que c’était le président de l’UBO, qu’il a plusieurs fois bravé sa hiérarchie, notamment quand Macron a voulu augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, et qu’il est mort d’un cancer en cours de mandat. Oublier un tel personnage… Sic transit gloria mundi[3] ! La troisième œuvre s’intitule « Ibiza blues » et se veut une illustration de mon slam du même nom[4] : en la confiant, j’improvise une interprétation du refrain. Bref, tout se passerait bien si la salle ne résonnait pas aussi terriblement : quand un bénévole dégaine son marteau pour renforcer le système d’accroche d’un tableau, j’ai l’impression qu’on tape sur mon cerveau…

 

L'affiche de l'exposition à l'Hôtel de ville - je ne pourrai pas être au vernissage, hélas :

 

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Jeudi 6 mars

 

8h15 : Me voilà prêt à partir pour Paris : je suis chargé comme deux mulets car, outre les affaires dont j’aurai besoin pour six jours, je suis bien entendu porteur des dix œuvres qui seront exposées à la galerie Thuillier et qui constituent la raison d’être de ce voyage. Pas fou l’oiseau : avec un tel chargement et avec tous les travaux en ville, j’ai fait appel à un transport Accemo. Je suis bien surpris de voir arriver un taxi en lieu et place de la fourgonnette habituelle ! Dans un sens ça tombe bien : une valise pleine, un sac à dos bourré à bloc, un cabas prêt à craquer… Je suis content de pouvoir mettre tout ça dans un coffre !

 

9h05 : Le train part. J’ai pris un billet de première classe : ce n’est pas un luxe avec la place dont j’ai besoin pour caser tous mes bagages – d’autant que je n’arrive plus à rentrer la poignée de ma valise. J’ai aussi le wifi, je vais pouvoir relever mes messages et en écrire quelques-uns. Heureusement que j’ai de quoi m’occuper, faute de quoi le voyage, qui doit durer plus de quatre heures, risquerait de vraiment me paraître long, avec le couple de touristes accompagné d’un bébé qui gémit à deux pas de mon siège ! Et moi qui me disais : « On n’est pas en vacances scolaires, je devrais être peinard »…  

 

10h : J’apprends une triste nouvelle : pendant que tout le monde a les yeux braqués sur la fermeture de deux chaînes de télé merdiques qui ne font que payer le prix de l’indigence voire de l’ignominie de leurs programmes, un média indépendant et de qualité s’éteint dans l’indifférence générale. Je veux bien sûr parler de Siné Mensuel qui cesse de paraître. On se consolera en se disant que cette formule aura quand même tenu plus de treize ans et aura survécu presque dix ans à son capitaine historique : Siné n’a jamais baissé la garde, il aura fait chier jusqu’à la fin ceux qui avaient tenté de le faire taire et il est mort debout ! J’irai peut-être lui rendre visite à Montmartre, ce n’est pas si loin de mon hôtel. Il n’empêche que ça fait encore un espace de liberté qui disparait. Et ce n’est pas sur les réseaux sociaux qu’on va en trouver d’autres, oh non !

 

13h30 : Me voilà arrivé à la capitale : on m’avait bien prévenu que le bon vieux ticket de carton était désormais mis aux oubliettes, j’achète donc un passe Navigo. Après tout, n’ayant pas d’autre le moyen que le métro pour me déplacer efficacement, il devrait être vite rentabilisé ; dans le pire des cas, il me servira bien pour une prochaine fois… Il n’empêche qu’en forçant littéralement les voyageurs que le passe n’intéresse pas à posséder un smartphone pour pouvoir voyager, la RATP se fait complice d’un racket à l’échelle mondiale ! En attendant, mon chargement commence à me peser et j’espère que mon cabas, qui donne des signes de fatigue, ne va pas craquer en route.

 

14h30 : Je dépose mes œuvres à la galerie Thuilllier : je libère ainsi beaucoup de place dans ma valise et je peux y transvaser une bonne partie du contenu de mon cabas. En accomplissant cette tâche indispensable pour me rendre à l’hôtel dans un meilleur confort, je m’aperçois que l’anse de mon cabas s’est emberlificotée avec celle de mon sac isotherme : le patron de la galerie me prête gentiment main forte. C’est sympa de sa part, même si je pense que je lui ai donné l’occasion de cerner une partie de ma personnalité… Que voulez-vous ! J’avais chaud, je dégoulinais de sueur, j’étais déjà épuisé, je n’étais donc pas en état de faire face posément à cette péripétie. Ça me rappelle que je n’ai jamais beaucoup ri quand je voyais Homer Simpson se mettre dans tous ses états quand sa maladresse le mettait dans une situation précaire : je me disais à chaque fois qu’à sa place, je réagirais exactement de la même façon… Les hommes qui ne perdent jamais leur contenance même dans les situations les plus délicates, on ne voit ça qu’au cinoche, pigé ? Vous ne me ferez jamais croire que Sean Connery, Harrison Ford ou George Clooney ne perdent jamais les pédales dans le privé… 

Le carton d'invitation au vernissage (cette fois, j'y serai) : comme ça, vous savez où et quand c'est...

 

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16h : Enfin à l’hôtel ! Le réceptionniste me demande une pièce d’identité : évidemment, j’ai toutes les peines à la retrouver et je dois littéralement vider ma sacoche avant de la trouver, ce qui provoque l’hilarité de l’employé et n’est pas fait pour arranger mon état nerveux… Ne m’en voulant pas de ne pas avoir retrouvé la patience (car je l’ai déjà perdue depuis un moment), il se propose de porter ma valise jusqu’à la chambre, ce que j’apprécie d’autant mieux que celle-ci est au cinquième étage et qu’il n’y a pas d’ascenseur ! Il a visiblement l’habitude de monter plusieurs fois cet escalier particulièrement raide : on ne peut évidemment pas en dire autant de ma modeste personne… Épuisé et encore bien chargé, j’ai bien du mal à le suivre… Bref, une fois arrivé, je m’écroule sur le lit !  

 

Un croquis pour une mini-BD : pourquoi ai-je dessiné Bécassine, qui plus est avec une bouche ? Attendez que je sois rentré et que j'aie eu le temps de finaliser ma planche, et vous verrez.

 

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Vendredi 7 mars

 

8h : Je ne suis pas redescendu depuis mon arrivée. Il faut dire qu’un escalier aussi raide, on y réfléchit à deux fois avant de s’exposer à devoir le remonter… Je compte m’envoyer un copieux petit déjeuner histoire de pouvoir sauter le repas de midi, mais le réceptionniste m’annonce que j’aurais dû réserver la veille… Tant qu’à faire d’être descendu, je réserve donc tout de suite pour les cinq prochains jours : heureusement qu’il me reste du thé et du café dans ma chambre ainsi que quelques fruits que j’avais emmenés. Je ne sais pas ce qui m’irrite le plus entre avoir être pris au dépourvu, devoir me contenter d’un déjeuner nettement plus frugal ou me retaper l’escalier…Vous trouvez que cette anecdote ressemble à celle de la douche de la piscine Saint-Marc ? C’est normal, je vis sans arrêt des mésaventures de ce genre, où on me traite comme si j’étais censé savoir quelque chose qu’on ne m’avait jamais dit ! À chaque fois que, je repense à Astrid et Raphaëlle, plus précisément à l’épisode dans lequel joue Gérard Majax : « Il fallait le préciser avant » oppose Astrid au prestidigitateur qui ne lui avait pas donné toutes les consignes avant de commencer son tour de passe-passe dont elle n’a rien à foutre puisqu’elle repère le truc tout de suite… Ceci pour dire : les neurotypiques peuvent bien s’amuser à ne nous révéler les règles à respecter qu’au dernier moment, ça ne nous empêche pas d’avoir souvent une longueur d’avance sur eux ! Certaines personnes disent que les personnes du spectre sont des mutants ! Moi, sûrement, avec la tête que j’ai…

Ma vidéo de la semaine :

 

 

13h30 : Je réintègre ma chambre après avoir ingurgité un couscous au Doudeauville, un petit restaurant situé dans la même rue que mon hôtel, et au rapport qualité-prix très acceptable. L’accueil du patron m’avait semblé un peu bourru, mais je crois qu’il était surpris de voir arriver un client qui n’était pas un habitué – la salle était presque vide. Ma chambre est plus longue que large mais je ne manque pas d’espace, j’ai la wifi et une salle de bain privative : un palace comparé aux auberges de jeunesse et aux Formule 1 auxquels j’ai été accoutumé jusqu’alors. La fenêtre donne sur la cour, j’échappe ainsi à l’animation urbaine, j’ai juste le bonjour du trafic ferroviaire du fait de la proximité de la gare du Nord, mais je ne trouve pas ce bruit désagréable, moins en tout cas que les pleurs d’un bébé… Je n’ai pas l’intention de faire du tourisme : c’est déjà la cinquième fois en moins de deux ans que je descends à Paris, la capitale n’est donc plus une découverte pour moi, je n’ai pas d’envie particulière et je ne suis pas encore tout à fait remis ni de mes dernières mésaventures ni de mon voyage… Ce soir, j’irai écouter Lyz’An qui fait sa « tournée parisienne » dans le 18e. D’ici là, je vais me reposer un peu…   

 

 Terminons avec un dessin qui tombe à point en cette veille de journée des droits des femmes - il illustre l'un des travaux d'Héraclès, plus précisément son combat contre les Amazones : 

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] À part la piscine Buisson, à Lambézellec, qui n’est pas ouverte au public.

[2] Je sais que c’est paradoxal car cette chanson est loin d’exalter la figure du plombier, mais l’ami Pierrot a cette grâce particulière qui fait que même en étant grinçant, il n’arrive pas à être méchant et on se prend avoir de la sympathie pour les personnages dont il épingle les travers. Si vous ne connaissez pas la chanson, retrouvez-la ici :  https://youtu.be/PhGA9n3mezw?feature=shared

[3] « Ainsi passe la gloire du monde ».

[4] À découvrir ici : https://youtu.be/UHxsZhhZYDo?feature=shared


07/03/2025
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Du 22 au 28 février : Fidélité à l'Ukraine, sans haine pour les peuples russes et américains

 

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Samedi 22 février

 

11h : Je passe devant le Stella[1] et je peux ainsi apercevoir la « une » du hors-série du Télégramme sur le Stade Brestois avec pour titre « Ils nous ont fait rêver ». Ah bon, ils m’ont fait rêver ? Je suis ravi de l’apprendre, je ne m’en étais pas rendu compte, j’avais plutôt la nette impression de me foutre complètement de leur équipée européenne ! Il faut croire que je ne dois pas faire partie de la société… Ça n’a l’air de rien, mais c’est là que commence l’exclusion : quand on décrète que tout le monde pense la même chose d’un fait quelconque, sans même demander leur avis aux gens, niant de facto toute existence à ceux qui ne partagent pas cet avis. Si ça se trouve, les non-supporters sont plus nombreux que le prétendent les médias mais on ne le saura jamais puisqu’ils nous assènent d’entrée de jeu que les footeux « nous » ont fait rêver, reléguant ceux qui ne se conforment pas à ce modèle au rang de curiosités exotiques… Et, in fine, potentiellement dangereuses pour la communauté ! D’ici à ce qu’on conduise les gens comme moi au stade « pour autre chose que du sport » comme l’a chanté Yvon Étienne[2], il n’y a pas loin… Allez, ne flippons pas tout de suite et entonnons un refrain qui mériterait d’être l’internationale de tous les non-supporters du monde – je parie que vous ne savez pas qui en est l’auteur[3] :

 

On vend du shampoing, on veut des portables,

Nous les footeux, on est prêts à tout,

Oui le pognon, c’est ce qui nous rassemble,

Jouer au ballon, à vrai dire on s’en fout[4].

 

12h30 : Déjeuner au Biorek. Valérie, la maman d’Alexandre, trouve qu’il y a peu de monde en ville. Je ne la contredis pas : en venant, j’ai surtout croisé des touristes ! Il y avait des jeunes gens qui discutaient en anglais dans le bus et j’ai croisé dans la rue une famille qui essayait de s’orienter avec un guide en papier – comme quoi, n’en déplaise à ma jolie maman, il n’y a pas que moi qui refuse de céder au diktat du smartphone. Visiblement, les Brestois ont été nombreux à partir en vacances et la ville attire de plus en plus les touristes : tant mieux pour les dragueurs de petites étrangères mais, sorti de ça, je ne vois pas pourquoi ce qui est une calamité dans le Midi et à Paris serait une bénédiction chez nous…

Le 22 février, c'est aussi le Rihanna Day à la Barbade :

 

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Dimanche 23 février

 

14h : Me sentant un peu déprimé, je relis mes livres de Nadine Monfils, la romancière belge à laquelle la littérature francophone actuelle doit ses polars les plus déjantés : j’avoue, j’avais un peu perdu le souvenir de l’intrigue de La petite fêlée aux allumettes, sans doute parce qu’elle est finalement occultée par les fredaines, aussi catastrophiques qu’hilarantes de l’incontrôlable Mémé Cornemuse, la vieille dame indigne qui défouraille à tour de bras. Ma situation, dont je ne suis pas fier mais dont je n’arrive pas à avoir honte, me rappelle la nécrologie de Frédéric Dard par Cavanna :

 

« Dard, au départ, comme tout un chacun, lance un flic choc : San-Antonio. Beau gosse, bagarreur, tout. Un vrai con. Dard, homme de métier, lui colle un faire-valoir : Bérurier. Bérurier, en moins de deux, dévore San-A. Bérurier, l’énorme, l’immonde, un Sancho Pança dégueulasse. C’est lui qu’on attend. San-A le play-boy nous emmerde. L’intrigue est ce qu’elle est, toujours honnête[5]. »

 

Mémé Cornemuse est donc à Nadine Monfils ce que l’inspecteur Alexandre-Benoît Bérurier était à Frédéric Dard[6] : un personnage tellement hors normes qu’il éclipse tous les autres, même si son rôle est, de prime abord, secondaire. Vous l’avez compris, je me régale à relire madame Monfils et je ne pense que je ne me lasserai jamais de ses romans. Cela dit, il y a quand même un passage qui me fait tiquer :

 

« De toute évidence, ou il écrivait façon textos, ou il était illettré. Tous les échanges qu’elle avait eus avec lui étaient bourrés de fautes d’orthographe. Mais la vieille s’en fichait. On n’était pas chez Pivot. D’ailleurs, elle n’avait jamais aimé ce type, ni ses émissions. Un chroniqueur littéraire qui n’aime pas les polars, c’est comme un prof qui n’aime que les premiers de la classe. Et tout le monde sait que ceux qu’on appelle les « cancres » sont souvent les plus intéressants[7]. »

 

Je suis parfaitement d’accord avec l’autrice pour dire que le préjugé de Bernard Pivot contre les polars était ridicule[8], mais je n’apprécie pas sa comparaison qui est finalement dévalorisante même pour le genre qu’elle pratique et défend : je peux attester que contrairement à ce qu’on croit, les cancres, du moins dans leur grande majorité, ne sont pas intéressants, ils ne sont pas sympathiques du tout et sont pires que cons ! D’accord, il existe des élèves intelligents qui ont de mauvaises notes parce qu’ils s’ennuient à l’école et qui deviennent finalement de grands artistes, de grands savants… Mais c’est finalement très rare ! Sinon, les génies seraient légion ! La plupart des cancres sont mauvais élèves parce qu’ils ne sont bons qu’à jouer au foot et à regarder la télé en buvant de la bière bas de gamme ! Et ils sont plus nombreux à devenir de gros beaufs supporters de foot, fan d’Hanouna et électeurs du RN qu’à être Mozart ou Einstein ! Quant aux premiers de la classe, il faudrait vraiment cesser de les dévaluer systématiquement : je l’ai déjà dit, la plupart des gamins qui sont bons élèves ne le font pas par méchanceté ! Et il ne faudrait pas s’imaginer qu’ils aiment plus l’école que les autres ! Cette petite conne de Léonie Gratin, dans L’élève Ducobu, qui saute de joie quand l’instituteur annonce une interro, c’est de la caricature, pigé ?

 

Lundi 24 février

 

11h30 : Le résultat des élections en Allemagne m’effare… Même outre-Rhin, ils tombent dans le piège ! Alors que c’est bien à cause de ces idées pourries que leur pays a fini par être dévasté ! Ah oui, mais c’était il y a quatre-vingts ans déjà, et la plupart des jeunes à qui on en parle aujourd’hui répondent probablement « J’étais pas né »… Tu n’étais pas né en 1945 mais, à la même époque, beaucoup sont morts prématurément, jeune gland ! Ils avaient ton âge et leur seul crime était d’être juif, tzigane ou homosexuel (entre autres particularités jugées indésirables par le petit caporal autrichien et sa clique de bouchers) ! Ne t’imagine surtout pas que l’extrême-droite s’arrêtera gentiment aux immigrés : quand le bon peuple commencera à s’apercevoir que la chasse aux métèques ne résout pas les problèmes de fin de mois, les fachos trouveront d’autres boucs émissaires et, de fil en aiguille, ils finiront par s’en prendre aux droits des femmes, des LGBT, des handicapés… Jusqu’à ce que, faute de chair fraîche à livrer en pâture à la vindicte populaire, ils t’envoient faire la guerre en Ukraine, en Corée du Nord ou au Canada aux côtés de l’armée de cette grande et belle démocratie que sont les États-Unis d’Amuskrique! Bon, pas de panique, on n’en est pas là : ils ne sont pas (encore ?) majoritaires et puis il y a quand même une défaite de l’extrême-droite à enregistrer : la disparition annoncée d’Hanouna des petits écrans ! Je suis tombé sur un article faisant état du dépit de ses fans : bien fait pour eux ! Je ne conçois pas qu’on puisse encore défendre ce clown maléfique sans être un gros facho ou un crétin inculte ! Prions quand même pour que « Baba » ne se lance pas en politique : il n’aura pas de problème pour recruter des miliciens… « Avant la prise du pouvoir par Hitler, les effectifs des S.A. atteignaient les deux millions de soudards fanatisés, tous recrutés parmi les anciens combattants de 14-18 devenus chômeurs[9] » nous rappelait Cavanna au début des années 1990.

 

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14h : J’assiste à une réunion organisée à la fac par la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne : j’y suis allé par curiosité, m’attendant à ce que ce soit un tantinet chiant et me promettant ne pas m’attarder une fois que ces messieurs-dames auront fini de détailler les services qu’ils peuvent rendre aux chercheurs. Finalement, ce n’est pas si inintéressant que ça, je prends même bonne note d’information qui pourraient m’être utiles pour mes projets et je me promets de les recontacter dès que possible. Il y a quand même un point de mon pronostic qui se vérifie : je ne m’attarde pas. Mais je me promets de mettre une gifle à la prochaine personne qui osera me soutenir que la curiosité est un vilain défaut !

 

Mardi 25 février

 

11h30 : J’étais d’humeur massacrante au réveil : j’avais un boulot chiant à exécuter et la simple idée de devoir m’y mettre me détruisait le moral. Pour ne rien arranger, il a fallu que je passe à la poste pour régler une formalité administrative à la con – un pléonasme, excusez-moi. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis néanmoins mis au travail, non sans prendre soin de faire tourner sur mon ordinateur une vidéo de pluie pour me calmer les nerfs. J’avais finalement réussi à trouver mon rythme de croisière dans l’exécution de cette tâche… Quand, tout à coup, le bruit de pluie qui me servait de tranquillisant s’est brusquement arrêté ! Ma connexion à Internet venait de sauter et j’ai eu beau débrancher et rebrancher la Freebox, ça ne redémarrait pas… Il va donc falloir appeler l’assistance Free, ce qui n’est évidemment pas fait pour arranger mon humeur… Il y a des incidents qui ont le chic pour se produire exactement au moment où il ne faut pas !

 

13h30 : C’est le coup de grâce ! Non seulement je n’ai pas réussi à joindre un seul conseiller de chair et d’os (tout s’est fait par l’intermédiaire d’un répondeur automatique) mais, pour finir, il faut prendre rendez-vous pour faire venir un technicien chez moi et, afin que je puisse indiquer à quel créneau il peut passer, on m’envoie un SMS avec un lien ! Et comment je fais, vu que je n’ai plus de connexion, grandes patates ? Complètement vidé, je file chercher du secours chez une amie qui habite à deux pas et qui, je le sais, ne me refusera pas son aide : je suis tellement stressé que je ne prends même pas la peine de me changer ! Je ne tiens pas à savoir de quoi j’ai l’air, dans la rue, en pantoufles et vêtu de mes frusques de dessinateur…

 

16h30 : Après deux heures de travail en compagnie de mon DVD du Chat de Geluck qui m’a aidé à faire abstraction du monde extérieur, je constate que ma connexion remarche… Elle est revenue comme elle était partie ! Je dois maintenant recontacter Free pour annuler le rendez-vous : je ne trouve rien sur l’espace abonné en ligne, je dois donc retéléphoner : c’est la croix et la bannière pour joindre quelqu’un et je suis même obligé de m’y prendre à deux reprises vu que, la première fois, je tombe sur une cruche qui ne comprend rien à ce que je lui dis, ce qui a achevé ma patience déjà bien entamée… Il faut être juste : ce genre de mésaventure est, somme toute, assez rare. Mais qu’est-ce que c’est chiant…
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 Ne me traitez pas de macroniste : je lui fais bien dire "presque"...

Mercredi 26 février

 

10h30 : Sous une pluie battante, je me procure le dernier numéro de Côté Brest. Je n’ai pas le temps d’attendre l’accalmie, c’est donc trempé comme une soupe que j’atteins l’abribus où je feuillette cette édition qui s’avère très intéressante, et pas seulement grâce à ma propre page : tout le contenu du journal m’inspire… Je suis quand même un peu surpris de constater que l’interview d’Enrico Macias est signée par notre nouvelle recrue qui se trouve être aussi une de mes anciennes camarades de Kerichen ! Il faut croire que la rédaction a décidé de la bizuter ! En tous cas, je lui dis merci, j’aime autant que ce soit elle plutôt que moi qui se tape les chanteurs ringardos… J’imagine que ma page histoire surprendra plusieurs personnes, mais depuis que j’avais découvert que les Guignols avaient fait allusion à Brest au moins deux fois dans les années 1990, je brûlais d’envie d’en parler aux lecteurs ; j’ai donc cherché si, parmi les personnalités liées à Brest, il n’y en avait pas au moins une qui avait figuré parmi les célèbres marionnettes… Et je n’ai trouvé que Béatrice Dalle ! J’ai donc préféré traiter d’un autre grand nom qui figurait sur la liste, Paul Deschanel : après tout, si les Guignols avaient existé dans les années 1920, il y aurait certainement figuré et on aurait eu droit à des sketches gratinés ! Pas tellement sur sa chute de train mais plutôt sur l’exploitation qui en a été faite par ses adversaires, trop heureux d’avoir un prétexte pour accuser de folie cet homme sincèrement attaché aux idéaux de la République, favorable au vote des femmes, à la décolonisation et à l’abolition de la peine de mort…

 

Quelques caricatures réalisées en vue de cette page, qui ont malheureusement été tronquées à la publication du fait de la mise en page, peut-être un peu trop rigide, du journal :

 

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La pensée de la marionnette est inspirée d'une réplique du guignol de Chirac à celui de Balladur, prononcée en 1993... Putain, trente-deux ans !


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Peut-être un peu trop nominative, cette caricature n'a pas été retenue.

 

13h30 : Je ne suis pas un inconditionnel de Zep, même si je reconnais qu’il a du mérite d’avoir fait tomber le tabou de l’angoisse infantile dans sa série principale (que je n’ai pas besoin, j’imagine, de vous nommer) : toutefois, j’aime beaucoup ses Happy books recueillant des gags liés par un thème bien déterminé. Je me suis donc procuré les albums Happy rock et, surtout, Happy parents qui me rend encore moins pressé de me reproduire : je l’avais déjà lu il y a longtemps mais j’en ris toujours autant aujourd’hui ! Il est juste dommage que l’auteur ait cru bon de raconter l’histoire de ce bon père qui, à force de vouloir se montrer bienveillant envers son ado qu’il croit en plein flirt, fait involontairement croire au jeune homme qu’il lui met la pression pour qu’il fasse l’amour avec sa camarade alors même qu’il n’en avait nulle envie… Philippe Chappuis[10] ignorait-il que ce gag avait déjà été fait par le regretté Wolinski et qu’on le retrouve dans le recueil de ce grand humoriste intitulé Mon corps est à elle ? Bon, je chipote, il en faudrait plus pour nuire à la qualité de cet album…

 

16h30 : J’ai beau exhorter mes concitoyens à patience face aux difficultés générées par le chantier de la deuxième ligne de tram, j’avoue que j’ai moi-même hâte que le gros du boulot soit terminé ! Pourquoi ? Voilà : s’il n’y avait pas le chantier, la circulation à l’heure de pointe, déjà laborieuse en temps normal, ne virerait pas tous les jours au cauchemar. Donc, s’il ne fallait pas éviter à tout prix d’emprunter l’avenue Le Gorgeu en fin d’après-midi, je n’aurais pas jugé nécessaire de me rapprocher le plus tôt possible de l’annexe des Beaux-Arts, et je serais resté travailler au Béaj Kafé au lieu d’aller le faire à la médiathèque de Bellevue où je supporte depuis deux heures et demie déjà le vacarme que font tous ces affreux petits jojos en courant et en poussant des cris ! Plus personne n’ose faire montre d’autorité envers les enfants, même et surtout dans les médiathèques parce que on ne veut pas dégoûter trop tôt les chers petits de la culture et, au final, ces établissements plus qu’honorables n’offrent plus un refuge contre l’agression permanente que constitue la civilisation… Certaines personnes fustigent mon manque de patience : j’estime au contraire faire montre d’une endurance hors du commun en me retenant de hurler « Vos gueules, les mioches » !

 

 

20h45 : Alors là, NON ! On ne peut rien m’opposer ! J’étais sur le passage clouté, il n’y avait pas de circulation, j’étais dans mon droit ! N’importe quel véhicule devait s’arrêter pour me laisser passer, quel que fût le temps que je pouvais mettre à traverser ! Il n’y avait donc aucune, je dis bien AUCUNE raison pour que ce connard, déboulant à toute vitesse sur sa moto, me refuse la priorité… Et fasse même un ÉCART pour me FRÔLER ! À un centimètre près, il me percutait ! On parle beaucoup des motards en colère… Mais pourquoi n’existe-t-il pas de collectif des piétons en colère ? S’il y a des gens qui ont lieu de se plaindre de la façon dont sont conçues les voies de circulation en ville, c’est bien nous ! Non seulement nous devons nous contenter des miettes que nous laissent les conducteurs de poubelles motorisées mais nous n’y sommes même pas en sécurité ! Que les automobilistes arrêtent de chouiner contre les prix de l’essence et la sévérité des règlements, ils ne sont vraiment pas les plus à plaindre…

 

Sans rapport : un dessin de mon évier.

 

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Jeudi 27 février

 

14h30 : J’ai jugé préférable de prendre un Accemo pour honorer mon rendez-vous avec la psy. Le chauffeur m’a déjà pris en charge et se souvient de moi : il me demande s’il en va de même pour moi, je réponds mollement que oui. Il espère certainement être bienveillant et je n’ose pas lui expliquer que si je fais appel à ce service de transport à la demande, c’est justement parce que j’ai un handicap qui me rend difficiles les interactions sociales et qu’être traité comme un voyageur anonyme parmi beaucoup d’autres, loin de me déplaire, serait plus sécurisant pour moi… Décidément, il n’y a pas de panacée !

 

16h30 : Après avoir récolté auprès de mon pote Jean-Yves une histoire qui fera bientôt les délices des lecteurs de Côté Brest, je me replonge dans une corvée : la récupération des dessins qui sont publiés sur mon blog et que je n’ai plus sur mon disque dur depuis le larcin dont j’ai été victime à Paris il y a un peu plus d’un an. C’est long, fastidieux et, surtout, c’est un vrai exercice d’humiliation pour moi de me replonger dans ces dessins déjà très vieux et inégalement réussis : bien sûr, je ne récupère que ceux que je suis encore prêt à assumer, mais j’en arrive à me demander comment je pouvais espérer faire carrière à l’époque alors que j’avais déjà plus de trente ans… Déjà qu’aujourd’hui, j’ai encore des doutes !

 

18h : Conférence de Johann Leconte sur Fréderic Bouyer, navigateur brestois du XIXe siècle qui ramena d’un voyage vers la Guyane une preuve tangible de l’existence, alors sujette à caution, du calamar géant ! Et ce n’était qu’un de ses mérites parmi beaucoup d’autres : plus de détails dans un prochain Côté Brest… Pour l’heure, sachez seulement que l’orateur, qui se défend pourtant d’être un professionnel, m’offre ce que je commençais à désespérer de trouver : une conférence bien ficelée, passionnante de bout en bout, sans un temps mort, et qui ne laisse à personne le temps de bavarder ! Je n’ai qu’un mot : bravo ! Quand c’est bien, il faut le dire aussi !    

 

19h : Fait rarissime et qui confirme l’intérêt de la conférence : je pose une question ! En effet, Frédéric Bouyer a commencé sa carrière sous la monarchie de juillet et l’a terminée sous la IIIe République en passant par le Second Empire. Je demande donc si ce marin, qui a laissé beaucoup d’écrits et a servi sous trois régimes politiques différents, a eu l’occasion s’exprimer sa préférence pour l’un d’eux. La réponse est non : monsieur Leconte n’a rien trouvé permettant de cerner la sensibilité politique de ce navigateur. De prime abord, c’est un comble pour un homme du XIXe siècle qui était pourtant instruit, érudit même, et qui n’était même pas insensible à la question sociale, comme en témoigna, entre autres, un article qu’il rédigea pour dénoncer la condition des mousses en son temps… En même temps, Bouyer a connu tellement d’aventures sur la mer qu’on ne peut pas lui reprocher d’être resté indifférent à celles qui ont secoué le pays qui le payait pour voyager ! Comment pourrait-on avoir envie de faire la révolution quand on a le privilège de visiter le monde entier ? Laissons ça à ceux qui de bonnes raisons d’être malheureux…

 

Une vidéo sur une autre personnalité qui fait la fierté des Brestois :

 

 

19h30 : Tout heureux d’avoir récolté assez de matière pour le journal, j’attends le bus à la station Liberté Morvan. Je feuillette un album de bandes dessinées trouvé dans une boîte à dons, un produit publicitaire édité pour Bouygues Télécom et compilant des gags de Cubitus, Achille Talon, Léonard et Boule et Bill sur le thème des télécommunications : je l’ai pris pour le plaisir simple et enfantin de retrouver les séries comiques qui ont marqué mon enfance et dont je ne renierai jamais le plaisir qu’elles m’ont apporté. Soudainement, mon livre est maculé (par bonheur à un endroit où ne figure aucun dessin) d’une matière brune manifestement tombée du ciel et dont je ne parviens à cerner ni la nature ni l’origine exacte : ce n’est pas une chiure d’oiseau, ce serait autrement plus malodorant et difficile à enlever. Naturellement, je ne peux compter sur aucun témoin pour éclairer ma lanterne : non que je sois seul, mais toutes les autres personnes attendant l’autobus ont le nez sur leur smartphone… Je pense que j’aurais presque préféré qu’ils assistent à l’incident, quitte à ce qu’ils se moquent de moi. Comme disait Cavanna (oui, encore lui) : « Il y a plus insultant que le rire. C’est l’indifférence[11]. » Je demande à une jeune fille de bien vouloir lever les yeux pour vérifier si je n’ai pas une salissure sur ma casquette : elle me répond par la négative, visiblement d’assez mauvaise grâce, mais je ne sais pas si c’est à cause du ton, un peu condescendant j’en conviens, avec lequel si je l’ai questionnée, ou si c’est tout simplement parce que j’ai eu le front de la déranger de son écran chéri pour lui rappeler qu’il y a un monde autour d’elle.

 

Toujours sans rapport : un dessin de mon four.

 

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Vendredi 28 février

 

10h30 : Au marché de Lambézellec, le stand « Mon réseau grandit », qui informe les gens sur l’avancement des travaux du tramway, est au rendez-vous, tenu par le père de la fiancée de mon cousin : je lui demande si les gens ne sont pas trop désagréables, mais non, il semble même qu’ils se sont habitués à la situation et en ont pris leur parti. Tant mieux si ça peut éviter à ce brave homme, qui est littéralement en première ligne, de se faire insulter ! Mais au train où vont les choses, quand le chantier sera terminé (en principe pour la fin de l’année), vous allez voir que les Brestois se plaindront d’être obligés de se réhabituer à une situation normale…

 

12h45 : Un peu (et même beaucoup) par hasard, j’apprends la mort de Michelle Trachtenberg. Je ne connaissais pas les séries dans lesquelles elle jouait, mais je me dis que c’est quand même dommage : elle était jeune, elle était belle, elle avait du talent… Décidément, il n’y a pas de justice ! Je ne cite personne, suivez mon regard…  

 

13h40 : J’ai repris un Accemo pour honorer un rendez-vous à la faculté : cette fois, le véhicule est conduit par une dame que je ne connais pas. Et réciproquement : comme tous les gens qui viennent à mon adresse pour la première fois, elle est d’abord passée devant l’allée menant à mon immeuble sans la remarquer et c’est en me voyant l’attendre sur le trottoir qu’elle a compris où s’arrêter ! Elle me demande si j’ai besoin d’aide pour mettre la ceinture : je réponds que non mais que je lui saurais gré de parler moins fort et de baisser le volume de sa radio… Ce système de déplacement à la demande n’est pas mauvais, mais il serait encore meilleur si on pouvait informer les conducteurs que le monde du handicap est pluriel et ne se réduit pas aux gens qui ont besoin d’assistance pour des gestes élémentaires !

 

13h55 : Nous approchons de la fac : un jeune homme remontre l’avenue Foch, qui est en pleins travaux, en improvisant un numéro de funambule sur une des étroites barres de ciment laissées par les ouvriers. Comme une demoiselle marche à côté de lui, je ne peux m’empêcher de dire : « Il y en a qui ne savent plus quoi inventer pour impressionner les filles ! » Mais quand il se sera cassé la gueule en tombant, je lui souhaite bon courage pour continuer à draguer…

 

14h15 : L’entretien à la fac aura été bref, j’avais seulement besoin de précisions sur un événement organisé le 27 mars prochain mettant en avant une poétesse écossaise et une chanteuse bretonnante : j’ai remercié mes interlocuteurs pour leur accueil, mais ils ont insisté sur leur conviction que c’était à eux de me remercier et ils m’ont même offert un exemplaire du recueil de la poétesse en édition bilingue[12] ! Je leur ai pourtant bien précisé que je ne voulais pas les faire rêver et que l’annonce de l’événement dans le journal ne prendrait que quelques lignes… Je serai toujours impressionné par l’importance qu’on a aux yeux des gens quand on leur promet ne serait-ce qu’une mention dans la presse !

 

18h30 : Vous vous souvenez des Animaniacs dans les années 1990 ? Entre autres merveilles[13], cette série animée produite par la Warner, où sont nés les inénarrables Minus et Cortex, proposait une pastille intitulée « Bonne idée – Mauvaise idée », avec par exemple : « Bonne idée : jouer du pipeau en défilant dans les rues – Mauvaise idée : jouer du piano en défilant dans les rues ». Comme dirait Gainsbourg[14] : ça vous a plu, hein, vous en demandez encore ? Alors voilà. Bonne idée : descendre au Kafkérin pour aller écouter Jeanne Rose, le jeune prodige brestois de la chanson. Mauvaise idée : venir deux heures avant l’heure du concert et se taper le vacarme du réglage de la sono. Jeanne a intérêt à chanter divinement pour me faire oublier ces bruits aussi discordants qu’incongrus…

 

20h30 : Évidemment, Jeanne Rose n’a aucun mal à satisfaire mes attentes. Du haut de ses douze ans, elle a déjà tout d’une grande dame et je ne regrette pas d’être venu. Je n’approuve pas forcément tous ses choix de reprise, mais elle chante si bien qu’elle peut se permettre d’interpréter n’importe quoi ! J’ai beau détester Balavoine, je ne lui reprocherai de finir sur une reprise du « Chanteur » qui prouve qu’elle a le sens de l’autodérision. J’ai même pleuré sur « Évidemment » de France Gall puisque c’était la chanson qui a été jouée aux obsèques de ma tante Karine… Pour la féliciter, je lui offre un portrait réalisé sur le vif : je lui ai fait des mains un peu trop potelées, mais il lui en faudrait plus pour dédaigner cette offrande d’un admirateur sincère. Et dans le pire des cas, on pourra toujours dire que ça lui permettra de passer dans un épisode des Simpson… Quoi ? La série s’arrête ? Et bien c’est dommage pour Homer[15], il ne rencontrera pas Jeanne ! 

 

Deux croquis exécutés au cours de cette soirée très réussie :

 

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Quelques photos :

 

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Avec, en post-scriptum, Jeanne posant fièrement (?) avec mon dessin :


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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 


[1] Bar-tabac-presse de Lambézellec, à ne pas confondre avec le Score qui lui fait face et qui, de toute façon, est en travaux à l’heure où j’écris ces lignes.

[2] Dans sa chanson « Mes collections » où il classe le Parc des Princes parmi les lieux qui attirent son mépris. Retrouvez-la ici : https://youtu.be/YSCUURPUb00?si=L1VPT9NBDl4pbUzs

[3] C’est Karl Zéro !

[4] Retrouvez cette parodie de la chanson de Johnny Hallyday pour la coupe du monde football 2002 à cette adresse : https://youtu.be/GWFZPyDFRdQ?si=MHL2yXtE-GWJEdnT 

[5] Charlie Hebdo n°417, 14 juin 2000, repris dans Le dernier qui restera se tapera toutes les veuves, Wombat, collection « Les intempestifs », Paris, 2023, p. 140.

[6] Ne me parlez des pâles copies de ses livres dues à son rejeton, s’il vous plaît.

[7] Nadine Monfils, La petite fêlée aux allumettes, Belfond, collection « Piment » Paris, 2012, p. 185.

[8] Ce qui n’enlève rien à son mérite d’avoir donné au grand public l’accès à une certaine exigence littéraire. Après tout, personne n’est parfait !

[9] François CAVANNA, Coups de sang, Belfond, Paris, 1991, p. 222

[10] Vrai nom de Zep.

[11] Préface à Le pire de Hara-Kiri, Hoëbeke, Paris, 2010, p. 7.

[12] La traduction française ne sera pas superflue car cette autrice n’écrit pas en anglais mais en dialecte des Shetlands !

[13] Pour être tout à fait franc, je n’ai jamais été fan des Animaniacs : quand j’ai vu pour la première Yakko, Wakko et Dot pousser leurs hurlements, j’ai eu une trouille bleue ! Mais j’ai été marqué par le gag que je cite ici.

[14] Dans « Bonnie and Clyde », qu’il a chanté avec Brigitte Bardot quand celle-ci semblait encore sympathique et intelligente, comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences.

[15] Non, je ne plains pas le reste de sa famille : j’avoue que je n’aimais pas trop Marge qui me rappelait ma mère dans ses plus mauvais moments. J’ai souvent détesté Lisa comme j’ai toujours détesté les personnages moralisateurs. Quant à Bart, je le haïssais parce qu’il me rappelait trop les petits branleurs qui me pourrissaient la vie à l’école. En revanche, je m’identifie beaucoup à Homer qui incarne ce que nous avons tous de plus bas mais avec une façon de le porter bien en haut qui est rédemptrice.


01/03/2025
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