Samedi 1er février : Il y a 76 ans naissait Jean-Marc Lelong, le créateur de Carmen Cru, décédé il y a bientôt 21 ans déjà...
10h30 : Conférence à distance de la Société d’Études Camusiennes, consacrée à un livre récemment publié traitant d’un point quelque peu oublié de la vie d’Albert Camus : son séjour au Chambon-sur-Lignon en 1942-43. Il y était allé pour raisons de santé, suite à une offensive de la tuberculose sur son organisme, et ce serait dans cette minuscule commune de Haute-Loire que se serait opérée la bascule l’ayant conduit à entrer dans la résistance… J’avoue que j’ignorais cet épisode ! Il est vrai qu’aujourd’hui, on a tendance à occulter tout ce qui peut rappeler que Camus a été un juste parmi les justes : il est plus vendeur de profiter de l’inconfort dans lequel le plongea la guerre d’Algérie pour l’accuser d’avoir fait l’apologie du colonialisme tout au long de son œuvre ! Que ce soit donc clair : Camus ne disait pas que l’Algérie, c’était la France, il disait que l’Algérie, c’était l’Algérie et qu’il en faisait lui aussi partie, ce qui était déjà intolérable aux yeux de cette « gauche » puérile et flicarde qui fonctionne avec les mêmes manichéismes que ceux dont elle se prétend l’ennemie… Vous remarquerez que je n’en parle pas au passé, hélas !
Une caricature égratignant la nouvelle tête de Turc des camusiens :
Quelques croquis réalisés au cours de cette conférence :
15h30 : J’ai une toux grasse depuis le lever : j’ai heureusement pu me procurer un sirop avant la fermeture de la pharmacie, mais j’ai un mal de chien à travailler. Je tombe un peu par hasard sur la vidéo d’un type qui a essayé de faire revivre les Guignols de l’info grâce à une intelligence artificielle ! Le résultat est monstrueux… Cette trouvaille peu agréable me rappelle qu’il y a longtemps que je n’ai plus de nouvelles des Marioles de Blast ; une recherche rapide me confirme ce que je craignais : la tentative de Denis Robert est un échec, les critiques sont dévastatrices ! Bref, on attend toujours celui ou celle qui nous rendra les Guignols… Putain, sept ans[1] !
Malgré la toux, je parviens quand même à réaliser ce dessin avec des crayons de couleur :
Dimanche 2 février
15h : Quoi de plus désagréable que passer son dimanche malade comme un chien, qui plus est avec la peur de se faire dépouiller ? Car, comme si ça ne me suffisait pas de tousser comme la Dame aux Camélias et d’être aussi fiévreux qu’une baraque à frites au beau milieu des Everglades, voilà que j’ai reçu un coup de fil m’annonçant que je me suis fait pigeonner par des fraudeurs ! Normalement, les tentatives de paiement suspectes ont été refusées par ma banque, ils n’auront donc pas eu le temps de me dérober un centime : il n’empêche qu’un mois à peine après avoir reçu ma nouvelle carte, il va encore falloir que j’en demande une nouvelle ! Et, surtout, c’est la quatrième fois en moins de deux ans que je suis victime d’agissements malhonnêtes ! Cette mésaventure ajoute la détresse morale à la souffrance physique et me terrasse littéralement : dès que j’ai une velléité d’initiative, je m’écroule sur mon lit, « malade du cœur autant que du corps »[2]. La prochaine fois que je dirai que je hais les dimanches, je saurai pourquoi…
Des dessins de textures réalisés au cours du mercredi soir :
Lundi 3 février
8h30 : L’agence qui gère mon compte n’ouvrira que mardi matin : en attendant, je peux déjà appeler le service client de la banque qui me confirme que toutes les tentatives d’opérations frauduleuses ont été refusées. Il y a des mots durs à dire mais il arrive parfois que les banquiers fassent du bon travail… Je n’aime pas les escrocs professionnels tels que les banquiers, mais j’aime encore moins les escrocs amateurs ! Les Pieds Nickelés, c’est marrant, mais c’est de la fiction : les vrais arnaqueurs ne sont ni sympathiques ni audacieux et ne sont bons qu’à pourrir la vie de plus pauvres qu’eux !
Un petit montage réalisé avec les dessins de textures :
Mardi 4 février
9h30 : À l’agence bancaire gérant mon compte, on me confirme qu’il n’y a plus aucun prélèvement frauduleux à craindre et que j’ai eu le bon réflexe en faisant opposition sur ma carte bleue. J’en profite pour retirer un peu de liquide avec une carte provisoire car j’ai besoin d’argent pour aller à la pharmacie : je donne une conférence cet après-midi à Saint-Renan et il faut que je mette le paquet si je ne veux pas passer plus de temps à tousser qu’à parler… Voilà pourquoi, entre autres, je vivais si mal ce problème de santé, pourtant anecdotique dans l’absolu : parce qu’il tombait au plus mauvais moment ! J’ai vraiment craint d’être obligé d’annuler cette causerie que je prépare depuis des semaines…
10h : Un responsable doit venir me chercher à Bellevue à 11h. Je tue le temps à la médiathèque du quartier où je relis Mes hommes de lettres de Catherine Meurisse : cet album est paru il y a bientôt dix-huit ans déjà et la magie opère toujours ! Je repense à ma jeune cousine qui va devoir se taper le Carmen de Mérimée au lycée : si on veut vraiment donner aux ados l’envie de découvrir les classiques de la littérature, il serait mille fois plus constructif de leur faire lire le livre de madame Meurisse plutôt que leur asséner le livret de l’opéra le plus con du monde ! Mais si on se mettait à prendre au sérieux l’enseignement de la littérature à l’école, comment ferait-on pour bâtir les générations d’analphabètes accros au smartphone dont notre économie aura besoin pour rester compétitive ?
11h : Me voici en route pour Saint-Renan, à bord de la voiture du responsable de l’Université du Temps Libre qui m’avait sollicité pour cette conférence : j’aurais très bien pu faire l’aller par mes propres moyens, mais les circonstances rendant indispensable un passage à la banque, il valait mieux que je donne suite à l’offre de co-voiturage gratuit que m’avait faite ce monsieur. Il m’interroge sur la dernière édition du festival d’Angoulême dont je ne sais rien, me demande mon avis sur les reprises de séries classiques sur lesquelles je n’ai pas d’opinion tranchée, et me parle des dernières nouveautés que je ne connais même pas de nom. Après tout, il m’a sollicité en tant qu’historien, je ne suis pas tenu de jouer au polémiste ayant toujours quelque chose à dire sur l’actualité…
12h : Déjeuner à la Casa Vecchia à Saint-Renan, en compagnie d’une seconde responsable : le repas m’est offert en supplément du cachet pour ma conférence, j’aurais eu tort de m’en priver. Il faut reconnaître qu’on y mange bien. Mais au bout d’une heure, le brouhaha des autres clients m’incommode déjà sérieusement et nous ne nous attardons donc pas dans ce restaurant pourtant sympathique : je n’allais pas mettre mon casque anti-bruit alors que j’étais accompagné, non ?
13h45 : L’heure de la conférence approche. Je suis déjà installé, prêt à faire ma prestation, et la salle devrait être bien pleine. Même mes parents, fait rarissime, ont fait le déplacement. D’aucuns s’étonnent que je ne me laisse pas impressionner quand je dois prendre la parole devant une vaste assemblée ; mais c’est le mot « devant » qui est important : si j’étais mêlé à la masse, j’aurais tendance à me sentir oppressé, mais quand j’interviens en tant que conférencier, la démarcation entre l’assistance et l’orateur que je suis est généralement assez nette pour que je me sente à l’aise. Pour l’heure, une seule chose m’inquiète : mon PC avec le power point accompagnant ma causerie était déjà raccordé au projecteur de l’amphithéâtre, mais on m’a demandé de céder le câble pendant quelques instants pour projeter un autre diaporama, celui présentant les activités de l’UTL… J’espère donc que le re-raccordement va pouvoir s’opérer sans difficulté ni mauvaise surprise quand sonnera l’heure H…
Au cours de cette conférence, j'évoque le dessinateur Caran d'Ache : j'illustre mon propos avec ce dessin recyclé pour l'occasion - il n'est effectivement pas inutile de rappeler qu'Emmanuel Poiré avait mis son indiscutable talent au service d'idées pourries...
15h : Ouf, tout s’est bien passé ! Ma communication suscite peu de questions : apparemment, on la juge complète. On frôle quand même l’incident diplomatique quand un particulier me demande mon avis sur le « politiquement correct » qui a entraîné la disparition de certains personnages noirs des aventures de Tintin : je réponds du tac au tac que « politiquement correct » est une étiquette destinée à faire fermer leur gueule aux progressistes ! Le questionneur n’insiste pas, mais j’aurais pu développer en signalant que décidément, concernant Hergé, les gens ne sont jamais satisfaits : quand c’est trop raciste, ils râlent, mais dès que ça ne l’est plus assez, ils râlent de plus belle ! Plus sérieusement, les « personnages » en question étaient des figurants anecdotiques : une nounou dans Tintin en Amérique, un homme d’équipage dans Le crabe aux pinces d’or… Même s’ils étaient restés noirs, ils auraient été transparents ! Quand l’assistance se disperse, le président de l’UTL se permet de me dire que j’aurais pu parler moins vite et laisser aux gens le temps de regarder les images que je projetais : je n’ose pas répondre que je ne le ferai jamais parce que j’ai horreur des conférenciers qui opèrent ainsi ! Et si j’étais cynique, j’ajouterais que je m’en fiche du moment que je suis payé pareil…
Quelques photos prises par mon ami Gilbert au cours de ma prestation :
Mercredi 5 février
17h : Il arrive que je ne sois pas dans Côté Brest : ce n’est pas une raison pour ne pas le lire. Cette semaine, il y a un article fort intéressant sur la place de la tour d’Auvergne qui est laissée à l’abandon et est devenue, de ce fait, le repère des rats et des étourneaux ! Aussi, pour la désenclaver, la municipalité va y interdire le stationnement : initiative intelligente car ce n’est pas d’aujourd’hui que les automobilistes sont plus nuisibles que les rongeurs et les oiseaux ! Une autre page est consacrée aux larcins dans les magasins et insiste sur le fait qu’il n’y pas de profil type du voleur : même des vieilles dames de plus de 90 ans piquent aux étalages ! Et oui, les délinquants ne sont pas forcément des Maghrébins de moins de vingt piges ! Désolé pour ceux qui croient que la société ressemble à l’image que nous en donnent TF1, CNews et Aujourd’hui en France… Enfin bref ! Vous savez quoi ? Le plus fort dans l’édition de cette semaine, c’est qu’apparemment, malgré les rats, malgré la délinquance, malgré les travaux du tram… Brest arrive deuxième[3] au classement des grandes villes de France où il fait bon vivre ! Qu’est-ce qu’on doit se faire chier, alors, dans les autres métropoles ! Ça ne donne pas envie d’aller habiter ailleurs !
18h : Arrivée au cours du soir où une élève me confirme avoir assisté à ma conférence d’hier. Je m’étonne qu’elle n’en ait pas profité pour me saluer : elle me répond qu’elle n’était pas sûre que cela aurait été approprié, vu que certains conférenciers ne l’acceptent pas… Elle affirme avoir apprécié ma causerie mais me fait tout de même remonter un commentaire : beaucoup de gens étaient surpris que ma conférence ne dure qu’une heure ! J’estime pourtant que c’est suffisant : j’ai subi trop de causeries interminables pour avoir le sadisme d’infliger le même supplice à mon public ! J’aime mieux proposer une heure bien dense, dont les gens sortent avec le sentiment d’avoir vraiment appris quelque chose, plutôt que deux heures inconsistantes qui donnent à l’assistance l’impression d’avoir vieilli ! C’est bien pout ça que je suis un conférencier : ouvrir la bouche pour raser les gens, je laisse ça aux éditorialistes et aux curés – ce qui est à peu près le même métier, en dernière analyse.
Un petit gag sur le mythe de l'Hydre de Lerne - ce dessin faisait partie des illustrations de mon calendrier 2024 :
Jeudi 6 février
14h : Avant de voir ma psy, je passe à la poste retirer un colis. Je n’ai pas le numéro, je n’ai pas pensé à le noter avant de partir de chez moi, mais je dis fermement à la postière que je ne partirai pas sans mon paquet ! « C’est plus long sans le numéro », proteste-t-elle. Mon œil ! Si elle met une demi-minute de plus, c’est le bout du monde ! Quand elle me l’apporte, je n’ai même pas l’impression d’avoir dû attendre ! Elle ajoute que le numéro permet d’éviter la confusion avec un homonyme : c’est sûr que des gens qui portent mon nom et qui viennent chercher un colis dans une petite poste de quartier, il doit y en avoir des milliers ! Quand on se cherche une bonne excuse pour en faire le moins possible, on en trouve toujours une ! Ceux qui croyaient que la privatisation allait pousser les employé(e)s à faire du zèle en sont pour leurs frais… En attendant, je repars avec mon paquet, peu fier d’être passé pour un malappris mais heureux de ne pas m’être laissé marcher sur les pieds ! Je ne me prends pas pour Jean Moulin mais, mine de rien, j’ai asséné, à mon échelle, un coup dur au diktat de la technologie : je n’avais pas de numéro, je suis un homme libre !
15h30 : Sorti de chez la psychologue, je passe devant une maison de la presse, je peux ainsi voir les « unes » que certains magazines consacrent à Trump : je sais que je n’achèterai pas ces torchons qui s’inquiètent davantage de voir l’Europe « faire de la figuration » que du risque de voir le monde à feu et à sang ! Suis-je vraiment le seul à me désintéresser de la façon dont les pourris au pouvoir poussent leurs pions et à m’inquiéter davantage de la souffrance de mes semblables en tout lieu du monde ? Au vu des difficultés que connaît aujourd’hui la presse, je n’en suis pas certain…
Un petit gag sur le mythe d'Ulysse et du cyclope Polyphème (fils de Poséidon et de Thoôsa) - ce dessin a illustré mon calendrier 2024 :
Vendredi 7 février
19h30 : À la piscine, la monitrice, vraisemblablement satisfaite de mes progrès, me propose d’apprendre à plonger. Mais j’ai beau me mettre en position, je n’ose pas me lancer : autant je n’ai pas peur de l’eau, autant j’ai une peur bleue du vide ! Je ne parviens pas à me débarrasser de l’idée que je risquerais de me fracasser le crâne au fond du bassin. Il parait qu’il faut se laisser tomber en avant : autant dire qu’il faut que je mette de côté tous les réflexes de défense que j’applique au quotidien depuis des années… Je pourrais donc dire que je ne suis pas près d’y arriver, mais je n’oublie pas qu’il y a à peine un an, j’étais encore incapable de nager sur le dos sans boire la tasse : on a souvent tort de sous-estimer le corps humain…
Une photo prise par Thierry Richard :
Samedi 8 février
10h : Rencontrer un crétin qui croit connaître l’autisme mais à tout compris de travers : check ! Assis dans le tramway, je montre ma carte « Je suis autiste » à un type qui parle un peu trop fort, non sans le prier de baisser d’un ton. Il me répond que normalement, être autiste, ça veut dire mal entendre et que je ne devrais donc pas être gêné de l’entendre hurler dans son téléphone… « C’est tout le contraire, Ducon ! Les personnes avec autisme sont hypersensibles au bruit ! » Voilà ce que j’aurais dit si je ne savais pas depuis longtemps que discuter avec un imbécile est une perte de temps : je me contente donc de lui dire « crétin » et de me replier sur moi…
10h30 : Il y avait longtemps que je n’avais plus pris le téléphérique pour traverser la Penfeld : je me rends aujourd’hui aux Capucins pour emprunter la biographie de Paul Deschanel. Pourquoi m’intéressé-je au président tombé d’un train ? D’une part parce que la vie de cet homme d’État, progressiste et anticolonialiste, mérite ne pas être réduite à cette anecdote montée en épingle par ses adversaires, et d’autre part parce qu’avant de devenir président de la République, monsieur Deschanel fut, entre autres, préfet de Brest ! Quand on consulte la liste des personnalités nationales liées à Brest, son nom est même l’un des rates à être connus à l’échelle nationale, outre celui de… Béatrice Dalle ! Et comme je n’ai pas spécialement envie de me pencher sur la vie de cette actrice… Enfin bref : me voici donc à bord du téléphérique où un gamin fait du boucan, visiblement désireux d’attirer l’attention. Certains rient de son petit numéro ; sa mamie, qui l’accompagne, se borne à lui lancer des « chut » touchants d’inefficacité ; pour ma part, à cause de lui, je n’arrive même pas à lire en attendant que la cabine démarre et je suis d’autant plus agacé que je ne peux m’empêcher à ce que j’aurais pris si, au même âge, j’avais eu le quart de cette conduite… Le président Deschanel était tombé d’un train : pour ma part, c’est ma motivation à affronter le monde en période de vacances scolaires qui vient de tomber d’un téléphérique ! À l’heure qu’il est, elle nage au fond de la rade de Brest à cause des adultes qui ont abdiqué toute autorité parentale…
11h40 : Passage à Bureau Vallée pour acheter du papier-bulle en vue du transport d’une vitre et de l’expédition par la poste de certaines de mes œuvres. Comme je sais qu’ils ont aussi un rayon dédié aux boissons chaudes que l’on consomme au boulot, j’en profite pour voir s’ils n’ont pas aussi des bouilloires pas chères car j’ai cassé la mienne récemment. Ils n’en ont pas : je ne trouverais pourtant pas ça incongru dans un rayon qui vend des gobelets et des dosettes bon marché ; quitte à suivre une logique, autant aller jusqu’au bout. Histoire de ne pas être venu pour rien, je prends la carte fidélité du magasin : je n’aime guère aller là, mais j’y suis souvent contraint, alors autant que j’en retire des avantages. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, prendre la carte de fidélité d’un commerce n’est pas toujours une preuve d’affection pour la boutique en question : au contraire, c’est même un moyen efficace de compenser ce que sa fréquentation a de désagréable ! Faire des achats dans un magasin qu’on n’aime guère est déjà moins désagréable quand on a l’espoir d’avoir une ristourne à long terme : je suis sûr que le premier commerçant à avoir eu l’idée de créer un compte fidélité pour ses clients les plus assidus n’a pas raisonné autrement !
12h : Petite pause au Biorek ; comme chaque week-end, Alexandre peut compter sur l’assistance de sa mère et associée Valérie. Ça n’enlève rien au plaisir que j’ai à fréquenter l’ établissement car « Valou », comme je l’appelle, est presque aussi maternelle avec les clients qu’avec son fils. Son accueil me réconforte à l’issue de la semaine un peu rude que je viens de vivre… Et il va falloir que je reconstitue mes forces car j’ai prévu au moins une sortie par jour la semaine prochaine ! À moi les affreux petits jojos en vacances qui crient pour un oui ou pour un non sous les yeux indifférents de leurs aînés démissionnaires…
Terminons avec ma vidéo du vendredi :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Ou plutôt dix si, comme moi, on tient pour négligeables les trois années postérieures au limogeage d’Yves Le Rolland… Pas formidab’ !
[2] Albert CAMUS, Journaux de voyage, Gallimard, Paris, 1978, p. 26.
[3] Derrière… Dijon ! Même là-bas, je n’ai pas envie d’aller : qu’est-ce qu’il y a, à Dijon ? Et puis, le « tonnerre de Brest », c’est quand même plus classe que la « moutarde de Dijon », non ?
Ouvrons le bal avec une caricature pour soutenir le combat des femmes :
Samedi 25 janvier
10h : Bien décidé à avancer sérieusement sur mon œuvre, je me penche à nouveaux frais sur une part un peu marginale de celle-ci : mes nouvelles. Je ne me prends pas pour un nouveau Maupassant : à ce jour, j’ai dû en écrire une par an en moyenne et il y a beaucoup de déchet, mais en ne gardant que le meilleur, je devrais avoir de la matière pour maquetter un recueil qui suffirait à me faire reconnaître comme écrivain à part entière. Évidemment, certains textes datent d’il y a déjà plusieurs années : le recul et l’expérience aidant, je distingue mieux les passages dont je peux légitimement être fier et ceux qui, au contraire, méritent une révision. J’imagine que ce n’est pas très original et que tous les littérateurs, amateurs ou confirmés, vivent la même expérience à un moment donné quand ils réexaminent leurs travaux passés. Mais dans mon cas, je constate qu’il en va en littérature comme en tous les arts : loin d’être un don qui ne demanderait que l’effort de naître pour être acquis, le talent se travaille et s’amende avec le temps. Bien sûr, ça demande une certaine patience qui n’est pas forcément compatible avec le culte de l’immédiateté qui caractérise notre époque…
Sans transition, un petit dessin réagissant à une récente "une" de Libération :
Dimanche 26 janvier
21h30 : Imaginez un instant que, sous prétexte de résoudre les problèmes linguistiques de la Belgique, on force les Wallons à aller vivre dans le Midi de la France ou les Flamands dans les zones inondables des Pays-Bas ? Ou que l’on oblige les Alsaciens et les Mosellans à aller vivre en Bavière ? Ou les Bretons en Irlande ? Vous seriez indignés, n’est-ce pas ? C’est pourtant ce que propose la tête de con en chef des États-Unis pour les Gazaouis ! Ce serait presque risible si ce n’était pas si dangereux ! Les « solutions » les plus ridicules sont aussi les plus criminelles : l’extermination des Juifs, sur le papier, ça devait sembler grotesque ! Mais quand on s’est aperçu que le petit caporal autrichien ne plaisantait pas, on a moins rigolé…Vous pensez que j’exagère, que je caricature, que je délire ? Oh que non ! La caricature est du côté de ces imbéciles qui s’imaginent que le monde arabo-musulman est monolithique, que tous ses ressortissants se valent au point qu’on peut les faire vivre indifféremment dans n’importe quel État qui le compose (je ne suis pas certain qu’un Libanais aimerait vivre en Irak…) et qu’Israël serait une oasis d’état de droit au milieu d’une région de barbares ! On prétend que les cons osent tout : une chose qu’ils n’osent pas, c’est écouter les gens qui s’y connaissent vraiment en géopolitique… Et dont je ne prétends pas faire partie !
Lundi 27 janvier
10h : Je visionne Nous étions enfants à la Libération de Brest, le court-métrage documentaire réalisé par l’ORB, désormais accessible sur le site web de la cinémathèque de Bretagne – inutile de préciser de quoi ça parle, c’est très clair. Sans vouloir me vanter, je n’apprends pas grand’ chose à l’écoute des témoignages de tous ces nonagénaires, mais je suis impressionné par la vivacité d’esprit dont ils font montre : on est loin de la caricature du vieillard décrépit incapable d’aligner deux mots ! Quand on sait qu’il y a à peine un demi-siècle, certains septuagénaires étaient moins éveillés que ces femmes et ses hommes qui ne sont plus très loin des cent ans, on se dit que tout n’était pas mieux avant ! Je me surprends même à trouver très belle l’une de ces dames : la beauté d’une femme ne se dégrade pas forcément avec le temps, j’ai même la conviction que le vieillissement peut l’aider à s’exacerber et à s’exprimer dans toute sa vérité, comme si la nature tenait à nous révéler quelles personnes elle avait réellement voulu gâter et à les distinguer de celles dont le charme n’était soutenu que par leur jeunesse ; c’est ce qui explique que la regrettée Jeanne Moreau ait mieux vieilli que la mère Bardot et qu’Helen Mirren soit plus magnifique aujourd’hui que quand elle était une jeune actrice…
Voici une capture d'écran - c'est la femme de gauche qui m'a charmé :
Mardi 28 janvier
9h45 : Achat de timbres au bureau de poste de mon quartier : on me demande si j’ai une adresse mail. Ce n’est pas la première fois : n’étant plus surpris par cette question mais persistant à la trouver incongrue, je n’envoie pas paître la guichetière et je me borne à lui demander pourquoi elle a besoin de ce renseignement : « c’est pour notre fichier client », dit-elle. Comme si je n’étais pas déjà suffisamment fiché comme ça ! Voilà le monde d’aujourd’hui : on demande aux gens de faire gratuitement le boulot des RG, et avec le sourire ! Et ce n’est même pas en tant que citoyens qu’on le leur demande mais en tant que clients se services privatisés ! Orwell était en-dessous de la vérité…
28 janvier : il y a 53 ans, la cathédrale de Nantes prenait feu. Et oui, ça n'arrive pas qu'à Paris ! Je dois être très con car il ne m'en faut pas plus pour être convaincu que Dieu n'existe pas...
19h : Recevant la visite d’une de mes meilleures amies, je ne résiste pas à l’envie de lui montrer une de mes dernières créations, à savoir une planche où j’explique à des enfants certaines des bizarreries et incohérences de notre époque : je l’ai réalisée avec une certaine rapidité, je suis donc peu sûr de moi – à croire que la célérité engendre la sévérité ! Le commentaire de mon invitée me rassure assez vite sur ce point, même si je suis très étonné de l’entendre me demander… Ce qu’est #MeToo ! Voilà bientôt huit ans que #MeToo pourrit comme elle le mérite la vie des mâles blancs cisgenres, que les télés et les radios ne cessent d’en parler, que les imprécateurs médiacratiques machistes l’accusent de tous les mots, et voilà que cette femme chère à mon cœur, qui est pourtant intelligente, instruite et moderne (entre autres qualités) m’avoue qu’elle n’en avait jamais entendu parler ! C’est là qu’on relativise l’importances des polémiques médiatiques, même quand elles revendiquent une échelle mondiale…
Voici la planche en question :
21h : Tombant par hasard sur une vidéo revenant sur les mouvements que connaît actuellement la télévision française, je remarque le logo au poing levé qu’a adopté la future défunte NRJ 12 : je croyais avoir tout vu en matière d’indécence et de ridicule, mais je n’avais pas encore vu une machine à enconner oser adopter un symbole du mouvement ouvrier ! Cette chaîne est une émanation du Grand Capital, une machine à abrutir les téléspectateurs pour les réduire à l’état de consommateurs béats, rien d’autre : le fait qu’elle puisse s’arroger sans coup férir le droit de détourner la symbolique du point levé confirme que le mouvement ouvrier ne signifie plus rien et que la notion même de révolte est devenue anachronique à notre époque de porcidés heureux de se faire gaver de déchets…
Puisqu'on parle de télé :
Mercredi 29 janvier
15h30 : Ce matin, j’ai fait une sortie pour rien, ce que je déteste le plus au monde. Aussi, pour ne pas multiplier les allées et venues avant d’aller au cours de dessin et, surtout, pour éviter le chaos de l’heure de pointe, j’ai décidé de ma poster à Bellevue, non loin du bâtiment où a lieu le cours. Dans un premier temps, je m’arrête à la médiathèque pour pouvoir me connecter à Internet : j’ai ainsi l’occasion de jeter un œil au panneau placé à l’entrée et précisant les règles de comportement que les usagers sont tenus de suivre. C’est édifiant : il est écrit noir sur blanc qu’on n’est pas tenu de chuchoter pour se parler et qu’on peut utiliser son portable ! Le temps des bibliothèques silencieuses et définitivement révolu et les personnes hypersensibles au bruit dont je fais partie ne peuvent trouver de refuge nulle part ! Dans ses vœux de nouvel an, le président du conseil départemental a rappelé que le handicap était sa priorité… Et il commence quand, au juste ?
29 janvier : il y a 11 ans, Cavanna nous quittait...
Ce dessin est dédié à Jean Teulé car c'est sa préface à Cavanna raconte Cavanna qui m'a inspiré cette image. L'expression "baise la mort" est la traduction littérale de la retranscription japonaise du nom d'un autre grand fouteur de merde : Siné ! Le hérisson représente Virginie Vernay, la "petite Virginie" de Lune de miel, que vous voyez ci-dessous, photographiée par votre serviteur devant des clichés représentant Cavanna e Reiser lors d'une escapade à Paris - je l'ai prié de lever la main pour camoufler le visage d'une autre célébrité qui, quoi qu'on en dise, n'avait rien à faire dans cette image...
Jeudi 30 janvier
10h : Alors que j’attends déjà le tramway, je m’aperçois que j’ai oublié ma casquette dans la boutique de reprographie dont je viens de sortir : je suis donc obligé de retraverser la place de la Liberté pour récupérer mon couvre-chef auquel je tiens énormément… Ce n’est pas une longue distance à parcourir, on est bien d’accord ! Mais il fait si froid et j’étais si impatient de pouvoir me réchauffer dans le tram que ces quelques mètres à parcourir me font l’effet d’une insupportable corvée… Et je me dis que tant qu’on n’aura pas créé d’application permettant de ne rien oublier derrière soi, toutes les intelligences artificielles dont on nous rebat les oreilles ne serviront à rien !
A propos d'intelligence artificielle :
Vendredi 31 janvier
13h20 : Dans notre série « rien n’est parfait », aujourd’hui, j’ai réservé un Accemo pour ne pas arriver en retard au Centre de Ressources Autisme où j’ai un rendez-vous important. Le chauffeur est certainement un brave homme, mais il aurait peut-être fallu lui préciser plusieurs choses : premièrement, il n’était pas tenu d’arriver un quart d’heure plus tôt que prévu, c’est même plus déstabilisant qu’autre chose. Deuxièmement, couper sa radio pour ne pas gêner un passage souffrant d’hypersensibilité auditive est une très bonne chose, mais ne pas parler trop fort en est une meilleure. Troisièmement, enfin, il aurait pu se passer de me tutoyer d’entrée de jeu et de me poser des questions liées au fait qu’il ne m’ait encore jamais vu : ça part d’un bon sentiment, mais ça ne fait que me conduire à me recroqueviller… Mais ne faisons pas la fine bouche : dès que je reprendrai le tramway, je me rappellerai pourquoi je fais appel à ce service !
Puisque nous sommes le 31 janvier :
14h : Entrevue avec l’assistante sociale du CRA pour faire valoir mes droits à la Complémentaire Santé Solidaire (le nouveau nom de la CMU) et ne plus me faire racketter pa la MGEN : de son propre aveu, elle n’avait pas lu en détail le formulaire à remplir et elle est donc surprise de constater que les formalités s’annoncent un peu plus compliquées que prévu ! Fort heureusement, j’avais pris la peine d’apporter mon disque dur externe, ce qui me permet de fournir le renseignement qui aurait fait défaut. Il n’empêche que finalement, nous y mettons plus d’une heure… Même les professionnels sont surpris par les caprices de l’administration ! Bref : le formulaire est tout de même rempli et ma demande devrait être expédiée ce week-end, de sorte que d’ici peu, logiquement, je n’aurai plus qu’à envoyer à ma mutuelle un document attestant l’acceptation de ma requête… J’ai bien dit « logiquement » ! Mes mésaventures de l’an dernier m’ont rendu circonspect ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour ne plus être pris pour une vache à lait, quand même…
Sans transition (quoique...), une illustration réalisé dans le cadre des cours du soir :
15h30 : Qu’est-ce que je disais à propos du tramway ! Ça ne fait pas cinq minutes que je l’ai pris pour rejoindre le centre-ville et je n’en peux déjà plus ! J’essaie de finir la lecture d’un article dans un numéro de la revue Présence d’Albert Camus mais j’ai un mal de chien à me concentrer, entre autres à cause d’un crétin qui, dans son portable, livre ses impressions sur la machine qu’il vient d’acheter avec l’intention très nette d’être entendu de tout le monde ! Je comptais passer à la poste et m’arrêter à la médiathèque des Capucins en attendant l’heure du cours de natation : je préfère m’abstenir avant que ma batterie sociale soit épuisée…
Allez, on se quitte avec ma vidéo du vendredi :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Vendredi 17 janvier
16h : Tout est prêt, ou peu s’en faut, pour que je parte à la piscine : je me dispose donc à passer deux heures tranquilles en attendant l’arrivée de l’Accemo[1] qui doit m’y conduire quand, tout à coup, on m’appelle à l’interphone. Légèrement agacé d’être importuné pour la deuxième fois de la journée, je décroche : ce sont les voisins d’en face qui me signalent un départ de feu derrière l’immeuble ! Quelque paniqué (mettez-vous à ma place), je descends pour en avoir le cœur net : effectivement, sur le talus auquel est adossé le bâtiment, je distingue une espèce de panier surmonté d’une sorte de canette et il s’échappe de cet assemblage incongru une fumée de plus en plus abondante ! Et bien sûr, l’endroit est difficilement accessible, d’autant que l’humidité a transformé le lieu en bourbier ! Après avoir vidé trois ou quatre bassines et risqué deux ou trois gamelles, nous parvenons finalement à maîtriser ce départ de feu. Les voisins se disent sidérés qu’aucun occupant de l’immeuble n’ait remarqué la fumée : je réponds qu’en prévision de mon départ, j’avais déjà baissé le volet de ma seule fenêtre donnant sur l’arrière et que les autres locataires ne brillent pas par leur intelligence ; je me permets même d’ajouter qu’ils ont eu de la chance de tomber sur moi car, s’ils avaient sonné chez quelqu’un d’autre, ils se seraient probablement heurtés à un mur d’incompréhension ! On me dit souvent que j’ai une mauvaise image de moi-même, mais je ne me prends pas pour de la crotte pour autant : je sais qu’il y a pire que moi…
18h : L’Accemo est là. Le chauffeur m’appelle par mon prénom, ce que je n’apprécie que modérément. Je croise les doigts pour qu’il ne se mette pas à me poser des questions intrusives. C’est un fait que notre société manque de convivialité et qu’il est légitime que certaines personnes soient en quête de contact humain ; cependant, sans arriver à dire que les gens du spectre évitent la convivialité, c’est peu dire que nous n’en faisons pas un but à atteindre à tout prix : pas au point en tout cas d’accepter qu’on nous l’impose quand nous ne la désirons pas… Mais allez faire comprendre ça aux neurotypiques !
Croquis réalisé à la piscine en attendant l'heure du cours :
20h40 : J’arrive au Kafkerin où le conteur Martin Deveaud donne son spectacle. À l’heure qu’il est et après le cours de natation, je serais mieux chez moi, mais je n’ai pas osé refuser l’invitation d’un copain. Reiser avait raison : « quand on veut avoir vraiment la paix, faut pas avoir de copains[2] » ! Un bon point quand même : le copain en question s’offre de me reconduire après la représentation, et comme il est septuagénaire (je ne pratique pas la discrimination de l’âge), il ne s’attarde pas, ce qui m’évite un esclandre similaire à celui qui avait suivi la soirée rap du mois dernier. Que dire du spectacle de Martin Deveaud ? Qu’il est en prise directe avec notre époque, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites : le conte n’est pas nécessairement voué à ne servir qu’à l’évasion du public et peut aussi offrir un regard sur la société. D’ailleurs, ceux qui nous sont parvenus et que les frères Grimm ou Charles Perrault ont retranscrit n’avaient pas d’autre finalité : souvenez-vous de la morale de Cendrillon qui critiquait ouvertement les mœurs de cour ! Et si Barbe bleue et Riquet à la houppe ne parlaient pas de la société, Amélie Nothomb aurait-elle pu en donner d’aussi brillantes versions modernes ? Martin Deveaud jure que les histoires qu’il raconte sont authentiques : elles sont en tout cas suffisamment vraisemblables pour donner à réfléchir sur les absurdités de ce monde fou et cruel qui est le nôtre…
Martin Devaud en pleine action, vu part votre serviteur :
Samedi 18 octobre
17h50 : J’arrive à la MPT de Saint-Pierre où doit se tenir une conférence sur le costume de Brest. Je ne me suis pas encore remis de la causerie de Micheau-Vernez fils, mais j’ai tellement peur de passer à côté de quelque chose d’important que je suis quand même venu. Damné sens du devoir ! C’est donc de très mauvaise grâce que je me suis rendu en ces lieux pour écouter un orateur qu’on m’annonce « passionné et passionnant » : j’espère de tout mon cœur que c’est vrai…
18h30 : Je suis bien déçu ! Non seulement la causerie manque cruellement de structure mais l’orateur me fait penser à Bruno Lochet dans Les Deschiens ! Ma patience est sérieusement entamée, et quand une femme d’âge mûr laisse sonner son téléphone qu’elle avait oublié d’éteindre, je ne peux m’empêcher de lui décocher « Et après, on dit que ce sont les jeunes qui sont irrespectueux » ! C’est peut-être un peu dur… N’empêche qu’on a interdit les cigarettes dans les lieux publics : le jour où circule une pétition pour en faire autant avec les téléphones, je la signe les yeux fermés !
19h30 : Pourquoi sont-ce toujours les orateurs les moins doués qui s’attardent le plus ? Bon, la réponse est contenue dans la question : un vrai conférencier sait quand s’arrêter… Afin de ne pas devoir rester plus longtemps rien que pour solliciter l’envoi d’un document iconographique, je décide de prendre une photo d’un chapeau qu’il avait apporté et de me carapater en vitesse. En vue de mon cliché, j’écarte donc un tas de nippes : si j’avais chié dans un bénitier, l’assistance aurait été moins choquée ! Une fois la photo prise, je sors donc sous les regards courroucés que me vaut mon crime de lèse-fringues : il fait déjà nuit, le prochain bus n’est que dans un quart d’heure, et malgré le froid, un couple de glands fait hurler son autoradio, fenêtres grandes ouvertes… You know what ? I’M FED UP ![3]
Quelques croquis préparatoires pour une planche de BD :
Dimanche 19 janvier
18h : Je termine la lecture d’un ouvrage consacré à Alexandre de Humboldt. Quel type c’était, quand même ! Esprit universel, héritier des lumières, épris de liberté et de justice… C’était l’homme de sciences dans toute la noblesse de l’expression : il n’avait peur de rien car il était curieux de tout. Évidemment, je ne peux m’empêcher d’écraser une larme : que dirait-il s’il voyait le monde actuel céder à la facilité du repli sur soi, même et surtout sur ce continent américain dont il fut, dit-on, le second découvreur[4] ? Et que penserait-il, lui qui a répertorié voire découvert tant d’espèces animales et végétales, en constatant la frénésie avec laquelle nous exterminons les êtres vivants non-humains avant même d’avoir pris la peine de les connaître ? Remarquez, en son temps déjà, il était seul contre tous : ses compatriotes prussiens voyaient d’un mauvais œil sa trop grande proximité avec les lettrés français… Les génies sont tous plus ou moins voués à être solitaires et incompris : ce n’est évidemment pas une raison pour ne pas puiser à leur source de quoi croire encore un peu en l’homme… Malgré tout.
Lundi 20 janvier
21h30 : Mes parents m’ont prêté quelques pièces de leur vaste collection de bandes dessinées afin que je puisse boucler la conférence sur l’histoire de la bande dessinée francophone que je suis censé donner le 4 février prochain. Dans le tas, il y a notamment QRN sur Bretzelburg que j’ai relu avec un plaisir renouvelé : on dit souvent que les Idées noires sont le chef-d’œuvre de Franquin, mais cette aventure de Spirou et Fantasio n’a rien à leur envier ! Le dessinateur a beau avoir accouché de cette histoire dans la douleur, il n’empêche qu’il y est au sommet de son art, qui plus est avec le concours d’un des plus grands scénaristes de tous les temps, le formidable Greg. Comment oublier le transistor dans le nez du Marsupilami, l’autobus à pédales, les tortures du docteur Kilikil ? Et ces inoubliables personnages prétendument secondaires comme Trinitro, qui manie les explosifs comme si c’étaient des jouets, le pauvre Switch qui tremble d’un bout à l’autre et ne retrouve le calme qu’auprès de son cher matériel de phonie, et bien sûr l’ignoble général Schmetterling, incarnation ultime et simultanée de la soldatesque galonnée et de la pègre à couverture respectable ? Comme tous les méchants réussis, il est tellement mauvais qu’il en devient sympathique… Si vous n’avez pas lu QRN sur Bretzelburg, vous ne méritez pas de lire mon journal, alors dépêchez-vous de vous procurer cet album d’une façon ou d’une autre, vous ne le regretterez pas !
Mardi 21 janvier
10h30 : Pour boucler le diaporama qui accompagnera ma conférence, il me manque encore une citation que je peux retrouver dans un ouvrage disponible à la bibliothèque universitaire. J’ai bien entendu pris soin de noter la côte du livre, qui n’est pas dans les rayons mais est conservé en magasin : quand je la donne au bibliothécaire qui me prend en charge, il ne la note même pas et part chercher le bouquin après l’avoir retenue par cœur ! « Frimeur », ne puis-je m’empêcher de dire à sa collègue : celle-ci, après avoir exprimé ses dénégations de mon jugement pour le moins lapidaire, se permet de me dire qu’elle me trouve une « petite mine » et me demande ce qui ne va pas chez moi. Jugeant sa question intrusive, pour ne pas dire déplacée, je lui montre ma carte « Je suis autiste » : « Oh, je suis désolé, je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise », se confond-elle ; il n’empêche que le résultat est là…
12h : Au Beaj Kafé, j’ai l’occasion de revoir Paty, l’ex-patronne de La Vagabunda, ce lieu hybride où j’ai passé de bons moments et où j’aimais à faire des pauses de temps en temps. Je me demandais ce qu’elle devenait : comme les travaux du tram ont fait du boulevard Clemenceau un no man’s land où plus personne ne s’arrête, elle est partie ouvrir un lieu similaire… À Quimper. L’aventure continue ! J’ai dit à Paty que je restais à sa disposition pour ses événements… Même si je ne suis pas tellement pressé de descendre à Quimper !
17h : Fait rare, toute l’équipe de Côté Brest, au quasi-grand complet, s’est rassemblée dans les locaux de la rédaction pour partager la galette des rois, y compris votre serviteur qui en est déjà à dix ans de collaboration régulière à cet hebdomadaire dans lequel peu de gens croyaient à sa fondation – comme quoi il faut savoir s’accrocher et faire fi de ceux qui prédisent votre échec ! Comme d’habitude, je suis le seul à m’asseoir et je ne tarde pas à me sentir disparaître sous les flots conversationnels : je dégaine donc mon carnet de croquis… Et bien sûr, la personne que je prends comme modèle me repère tout de suite ! Je ne comprendrai jamais comment faisait Cabu pour ne pas se faire remarquer, même quand il croquait d’abominables beaufs sur le vif ! Heureusement, il n’y pas de beaufs dans Côté Brest et le regard sur mes portraits à la sauvette est plutôt bienveillant. Je me choisis une part de galette aux pommes : ça ne vaut pas le gâteau breton que fait ma mère chaque année pour l’Épiphanie, mais ça se laisse manger et j’ai la fève ! Je renonce rapidement à porter la couronne qui est trop petite pour ma grosse tête, d’autant qu’une jeune femme de l’équipe trouve la fève dans une galette à la frangipane, et comme l’éditeur profite de l’occasion pour faire une photo de groupe qui sera diffusée sur les réseaux, je ne tiens pas à ce qu’on m’y voie en roi avec une reine : inutile de tendre la perche aux quolibets et aux rumeurs… L’éditeur me demande une « blagounette » pour assurer une mine réjouie à toute l’équipe : j’improvise « poil à la bistouquette » ! Ce n’est pas très fin mais ça marche…
Le croquis réalisé au cours de cette courte réception :
La photo prise par l'éditeur (je ne suis pas en marinière car je n'avais pas prévu qu'une photo destinée à être diffusée serait prise) :
Mercredi 22 janvier
16h30 : Vous connaissez le cliché du matériel qui vous lâche au plus mauvais moment ? Ce n’est pas un cliché : ma conférence est complétement terminée, il me reste plus qu’à imprimer mon texte… mais je tombe en panne d’encre alors qu’il ne me reste plus que deux pages à tirer ! Déjà qu’il a fallu que je fasse quatre ou cinq tentatives avant que l’impression soit lancée pour de bon… Je ne sais plus ce que j’ai dit, mais ce n’était sûrement pas joli à entendre ! Et je me félicite d’avoir résisté à la tentation de jeter ma machine par la fenêtre ! Je dois me mettre en route pour le cours de dessin dans une demi-heure et il faut que je passe à la poste en route : il ne faudra pas me faire chier !
22 janvier : il y a 12 ans, Dylan Pelot nous quittait...
20h40 : Tout s’est bien passé, je suis quand même content de pouvoir m’accorder un répit au Biorek. Alexandre, fidèle au poste, me félicite pour mes récents articles consacrés à la famille Lombard : il ajoute que globalement, il apprécie mes chroniques car il aurait aimé connaître le Brest d’avant-guerre ! Je réagis aussitôt en lui opposant qu’il ne faut pas être trop nostalgique de la ville d’autrefois dont le rares images filmées disponibles ne donnent pas un aperçu des plus engageants… J’ajoute : « De toute façon, tu es trop jeune pour regarder l’avenir avec la nuque ! » C’est vrai quoi : laissons ça aux Américains qui ont réélu un homme du passé…
Deux dessins réalisés dans le cadre du cours - sans rapport direct entre eux, je le dis tout de suite :
Jeudi 23 janvier
13h15 : J’ai oublié d’appeler Accemo hier, je dois donc prendre le bus pour aller chez la psy. Bien sûr, il est plein à bloc de gamins qui vont au bahut : je ne réfléchis pas, je sors ma carte d’invalidité et je la montre à la première personne assise qui me tombe sous la main ! Il se trouve que cette personne est elle aussi en situation de handicap (elle n’est cependant pas autiste) mais me laisser sa place ne la dérange pas car elle descend bien avant moi : nous avons tout de même le temps de converser… Discuter avec une inconnue, je le fais rarement de bonne grâce ! Mais je n’ai pas non plus souvent l’occasion de parler avec une autre personne porteuse d’un handicap invisible : même si la polyarthrite ankylosante (dont elle souffre) n’a aucun rapport avec le syndrome d’Asperger, il n’empêche qu’elle comprend ce que je ressens. « C’est comme rencontrer quelqu’un de son village dans un pays étranger ! »[5]
14h45 : Sorti du cabinet de la psychologue, je risque quelques pas aux alentours de la gare qui est un site stratégique pour le chantier de la nouvelle ligne de tramway : l’un des objectifs de la mise en place du nouveau réseau est justement de faciliter l’accès à la gare ferroviaire – ce qui est une excellente idée. Je ne cours évidemment pas après les promenades aux abords du chantier, mais chaque fois que j’ai l’occasion de constater de visu l’avancement des travaux, je suis impressionné par ce qui est déjà accompli ! Je ne porte pas l’industrie des BTP dans mon cœur, loin s’en faut, mais j’ai beaucoup de respect pour les gens qui y travaillent et qui usent leurs doigts pour faire sortir de terre des bâtiments habitables et des lignes de transport praticables… On a beau dire que « c’est Beyrouth », je me dis que les Ukrainiens et les Palestiniens aimeraient être à notre place ! De toute façon, rien que par respect pour le labeur des ouvriers, je me garderais bien de pester outre mesure contre ces travaux…
Vendredi 24 janvier
10h : J’ai un rhume. Peu virulent mais suffisant pour perturber sérieusement mes nuits. Je n’ai donc rien raté du boucan occasionné cette nuit par le vent et la pluie : compte tenu de la bonne qualité de l’isolation de mon appartement, ça a dû être violent ! C’est un peu plus calme ce matin, mais je ne suis pas au mieux de ma forme. Il y a fort peu de monde au marché, même au stand du charcutier, il n’y a que trois personnes devant moi, mais ça suffit à ce que les conversations entament ma patience ! Je sors ma carte « Je suis autiste » en demandant aux gens de parler un peu moins fort : mauvaise idée, un homme âgé me reconnaît, me dit qu’il savait, qu’il m’a vu dessiner je ne sais où… Bref, en essayant de bloquer le moulin à paroles, je l’ai boosté ! Toute stratégie a ses limites, mais je n’imaginais pas que ma notoriété ferait obstacle à la mienne…
Terminons avec une mini-BD sur les violences faites aux femmes en milieu carcéral - vous ne me ferez jamais croire que ça n'existe pas :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Service brestois de transport à la demande à destination des personnes en situation de handicap.
[2] Extrait de la préface de Reiser à l’ouvrage que lui a consacré Yves Frémion en 1974.
[3] Hommage à Tex Avery. Traduction française : « Vous savez quoi ? J’en ai marre ! »
[4] Je sais qu’il faut relativiser la notion de « découverte » de l’Amérique, que d’autres Européens avait atteinte bien avant Christophe Colomb et qui, de toute façon, existait déjà et était peuplée bien avant que le vieux continent ne prenne conscience de son existence. On peut néanmoins accorder le statut de « découvreur » à Humboldt grâce à qui les Européens connurent mieux l’Amérique que jamais.
[5] Véronique CAZOT et Madeleine Martin, Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ?, Fluide Glacial, Paris, 2011, p.38. Précisons que dans cette bande dessinée, il n’est pas question de handicap mais du non-désir d’enfant : aujourd’hui, de plus en plus de femmes l’assument ouvertement, mais il y a une quinzaine d’années, c’était encore rare…
Commençons par un dessin sur la catastrophe de la semaine - je ne prends même plus la peine de dessiner le visage de Trump :
Vendredi 10 octobre
21h40 : Après avoir nagé, on apprécie un bon borek ! C’est fort de cette conviction qu’une fois sorti de la piscine, je me suis attardé dans mon restaurant préféré ; prenant maintenant le bus pour regagner mon doux foyer, j’ai le déplaisir de monter en même temps qu’une troupe de contrôleurs de titres de transports. Normalement, je n’aurais pas dû avoir de problème avec ces charognards car j’étais en règle – comme toujours, sauf incident indépendant de ma volonté, je tiens à le préciser. Seulement voilà : il a fallu que l’un d’eux, sexe féminin, obstrue l’allée, m’empêchant d’accéder à la place assise à laquelle me donne droit ma carte d’invalidité. Qu’ai-je donc fait ? Je l’ai tirée de sa conversation avec le pauvre type qu’elle venait visiblement de pincer en flagrant délit de fraude, je lui ai montré ma carte… Et savez-vous ce qu’elle m’a répondu ? Vous êtes assis ? Bon, alors voilà : cette grosse vache m’a rétorqué « Ce n’est pas parce que vous êtes handicapé que je dois vous céder le passage » ! J’ai dû serrer les dents pour ne pas lui répondre qu’en bouchant l’allée de cette façon, elle aurait pu gêner une foule d’autres voyageurs et pas seulement à la personne en situation de handicap à laquelle tu viens de manquer de respect, connasse ! J’aurai de quoi répondre désormais à celles et ceux qui défendent le principe du contrôle des titres de transport et les minables qui font ce boulot de merde… Je serais presque en droit de déposer plainte, mais si je devais faire un procès chaque fois que j’estime être victime d’une attitude discriminante, je passerais ma vie au tribunal...
A propos de handicap :
Samedi 11 janvier
10h : Ah, le 11 janvier, que de souvenirs… Dix ans déjà ! Plus de trois millions de personnes, de toutes origines et de toutes obédiences, descendues dans les rues malgré la menace terroriste pour clamer leur attachement à la liberté d’expression et leur refus de la barbarie ! Depuis, on n’a plus vu autant de monde manifester pour une autre cause : c’est dire si les « gilets jaunes » étaient des rigolos… Le 11 janvier devrait devenir un jour férié ! Mais donner l’occasion aux gens de moins travailler ne semble pas être dans l’air du temps… C’est dommage, car Charlie Hebdo, c’était aussi L’an 01 ! Ceux qui ont prétendu être Charlie tout en souscrivant à l’idéologie lamentable du « Travailler plus pour gagner plus[1] » feraient bien de réfléchir… S’ils en sont capables !
Sans transition :
Lundi 12 janvier
11h30 : Visite amicale à une voisine à laquelle je raconte ma récente altercation avec une contrôleuse bornée – un pléonasme, excusez-moi. Mon interlocutrice n’en est guère étonnée par cette incivilité devenue monnaie courante et me raconte une anecdote similaire : elle me jure avoir vu un groupe de personnes âgées circuler sur un trottoir assez étroit et refuser de s’écarter pour ouvrir le passage à une maman qui promenait son enfant en poussette ! Comme quoi les jeunes n’ont pas le monopole de l’incivisme – mais je m’en doutais déjà avant.
Une caricature d'André Franquin qui tombe à pic pour introduire le paragraphe suivant consacré à Fluide Glacial :
Lundi 13 janvier
12h30 : Le nouveau Fluide Glacial est arrivé, c’est le premier numéro de cette année où la vénérable revue fêtera son cinquantenaire. Je n’ai pas le temps de le lire en détail, je me contente donc de le feuilleter, mais je m’attarde tout de même sur le gag de Fabrice Erre sur le voyageur qui fait confiance à une IA pour choisir ses billets de train… Je ne suis pas forcément fou du style de Fabrice Erre dont les personnages m’épuisent à force d’avoir l’air de passer leur temps à hurler, mais il a quand même des idées géniales ! Je ne vais pas vous raconter son gag, vous n’avez qu’à acheter Fluide[2], mais je peux vous dire qu’il résume admirablement ce que je reproche fondamentalement à un usage abusif de l’intelligence artificielle : on ne devrait pas prendre l’habitude de déléguer la pensée à une machine ! La pensée n’est pas une tâche pénible ou ingrate ! Rappelez-vous la devise de L’an 01(comment ça, « encore » ?) : « On arrête tout, on réfléchir et c’est pas triste » ! Et le slogan du magazine Pilote : « Le journal qui s’amuse à réfléchir » ! Car oui, réfléchir, c’est amusant ! Et si on délègue cette activité à la machine, alors pourquoi pas lui déléguer la faculté de rire, de pleurer, de rêver, de jouir… Bref, le simple fait d’être vivant ?
Mardi 14 janvier : il y a 14 ans, le peuple tunisien mettait Ben Ali en fuite...
Ce hérisson au jasmin avait initialement été dessiné pour une doctorante tunisienne qui venait de soutenir sa thèse.
12h15 : La sentence est tombée : Bolloré s’étant vengé de l’Arcom en retirant toutes ses chaînes payantes de la TNT, c’est donc France 4 qui occupera bientôt le quatrième canal. Canal+, c’est fini ! Deux mois à peine après avoir fêté son quarantième anniversaire, elle va disparaître des écrans pour la majorité du public… J’ai beau me dire que la chaîne ne valait plus rien, j’ai quand même un pincement au cœur. Il y a peu, je l’avais comparée à un papy avec laquelle je me serais beaucoup amusé quand j’étais petit mais qui serait désormais réduit à l’état de grabataire : je peux donc attester que savoir un grand-parent libéré de la souffrance qu’était devenue sa vie ne console pas du tout de sa mort ! L’euthanasie, c’est comme l’avortement : personne n’y a recours de gaîté de cœur… Vous me direz peut-être, pour me consoler, que quand les quatre chaînes publiques occuperont chacune le canal dont elles portent le numéro (c’est vrai que « France 4 » sur le canal 14, ça faisait désordre), notre pays n’en aura que plus d’atouts pour avoir un grand service public de télévision ? Je suis bien d’accord avec vous : la mariée sera superbe quand Macron décidera de brader France Télévisions à des riches dans le besoin…
18h : Après un après-midi passé au Beaj Kafé à travailler sur ma conférence du mois prochain, je dévale la rue de Siam. J’ai ainsi le loisir de voir qu’il y a la queue à la boulangerie La fournée à Brest dont la baguette avait été sacrée meilleure de France ; à peine quelques mètres plus bas, il y a une autre boulangerie, appartenant à la chaîne Paul : il n’y a presque personne ! Voir une boulangerie artisanale remporter plus de succès qu’une grande chaîne, voilà qui réchauffe le cœur et prouve qu’on ne peut pas prendre indéfiniment les consommateurs pour des porcs…
Sans transition :
18h30 : Réunion à l’hôtel de ville des porteurs de projets du dispositif « Lieux à réinventer » : désireux de voir où en est cette opération afin d’en informer les lecteurs de Côté Brest, j’y reste une petite demi-heure. Le but de cette réunion est de permettre aux porteurs de projet de se rencontrer et de confronter leurs idées afin d’essayer de les mutualiser ou, éventuellement, de les reporter sur d’autres lieux. L’idée n’est pas mauvaise car, ce qui saute aux yeux pour le moment, c’est que presque tout le monde veut créer quelque chose dans les anciens locaux de la voirie ! D’autres sites, en revanche, semblent peiner à attirer les porteurs de projets : le blockhaus de Kerzudal, par exemple… Étonnant ? Non…
Puisqu'on parle d'actualité locale :
Mercredi 15 janvier
10h : Brève sortie pour retirer un colis. Passant devant un salon de coiffure, j’avise deux numéros de Paris Match sur la table de la salle d’attente. Le premier consacre sa « une » à la vierge Marie, le second à Philippe de Villiers… Si vous ajoutez à cela le récent numéro avec Jean-Marie Le Pen en couverture, la conclusion s’impose : je ne sais pas à quel groupe appartient cet hebdomadaire, mais il a choisi son camp ! J’aurai de quoi répondre à ceux qui prétendent encore que défendre les idées d’extrême-droite relève d’une attitude « anti-système » ! Arrêtez de tomber dans le panneau : les grands capitalistes veulent que vous votiez pour les fachos parce qu’ils savent que ces derniers ne préserveront que leurs intérêts et surtout pas les vôtres ! Je sais qu’être plus anti-social que Macron paraît difficile, mais je vous jure que c’est possible…
13h30 : Je relève mon courrier : j’ai reçu, entre autres, un document de l’assurance-maladie m’expliquant la marche à suivre pour recevoir ma nouvelle carte vitale… Alors que j’ai déjà fait ma demande en ligne il y a une semaine ! Quand j’assiste à ce gaspillage de papier alors qu’il m’a fallu batailler pendant un an avec l’administration pour qu’elle daigne me lâcher l’allocation à laquelle j’ai droit en tant que personne handicapée… Ça pique un peu les yeux !
Un slogan qui m'est cher :
19h : Ma prof de dessin a souvent des idées originales. Celle de ce soir bat tous les records : elle profite d’une séance de nu pour nous demander de dessiner… Les yeux fermés ! Comme un tel exercice ne peut durer plus d’une minute et demie et que l’important n’est pas le résultat (qui est même tout à fait oubliable), il faut en outre se faire filmer par une tierce personne. Quand vient mon tour de filmer, j’ai bien entendu recours à mon appareil photo, que j’avais pris la peine d’emmener au cas où… Mais les piles me lâchent ! Et les rechanges que j’avais emmenées se révèlent mortes elles aussi… Bref, une fois encore, je me retrouve défavorisé par rapport aux autres sous prétexte que je ne veux pas de smartphone… Il ne m’en faut pas beaucoup plus pour que je finisse la journée de mauvaise humeur !
Quelques croquis réalisés les yeux ouverts :
Jeudi 16 janvier
18h : Une conférence sur le peintre Micheau-Vernez donnée par son fils, ça promettait d’être passionnant ! Hélas, l’orateur, qui, de son propre aveu, n’est pas un conférencier professionnel, fait ce que je déteste le plus au monde : il garde le silence pendant de longs moments ! Il les consacre à faire défiler sur l’écran des photos des œuvres de son géniteur. Et ça dure en tout… Une heure trois quarts ! Même Chantal, qui assure la présentation, semble embarrassée… Encore un monsieur auquel on n’a pas expliqué qu’une conférence ne doit pas durer plus d’une heure et quart, qu’il faut sélectionner les documents iconographiques qu’on y présente et que le propos doit être premier par rapport à l’image, non le contraire ! Quand il daigne enfin conclure, il n’y a même plus assez de temps pour les échanges avec l’assistance car la faculté va fermer dans un quart d’heure… J’ai rarement été aussi soulagé de sortir !
Quatre toiles de Micheau-Vernez qui étaient exposées dans la salle à cette occasion :
Une caricature de la méritante Chantal :
20h : À l’arrêt de bus, un particulier se sent obligé de me dire que le prochain arrive dans moins de deux minutes. Hélas, je suis tellement énervé que je l’envoie paître ! Je lui rétorque que je ne lui demande rien et qu’il ne sait même pas où je vais (l’arrêt est desservi par plusieurs lignes) ! Je sais, ce n’est pas bien… Mais avouez que c’est tout de même bizarre, cette manie qu’ont les neurotypiques de vous rendre des services qu’on ne leur demande pas et de n’être jamais disponibles quand on a vraiment besoin d’une assistance ! Plus sérieusement, ce pauvre garçon a eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, c’est-à-dire dans mon voisinage immédiat précisément quand j’avais besoin de passer mes nerfs sur quelque chose… C’est dommage !
Sans transition, un petit gag issu de mon calendrier 2024 :
20h30 : J’arrive au Kafkerin où la scène ouverte du Collectif Synergie vient à peine de commencer. J’ai l’occasion de déclamer quelques slams et, entre deux croquis représentant les autres artistes, j’ai le loisir de finaliser quelques dessins d’actualité que je souhaite terminer pour demain – et qui me valent des commentaires admiratifs d’une charmante jeune fille venue déclamer du Lamartine. La fréquentation est satisfaisante, les participations au spectacle sont variées… Bref, tout va bien ! Seule ombre au tableau : je laisse tomber un dessin et un type manque de marcher dessus avant de le ramasser avec autant de délicatesse que s’il s’agissait d’un papier gras ! Et au lieu de le remercier, je passe sur lui le peu de mauvaise humeur qui me reste… Présentez-moi quelqu’un qui respecte encore un peu les artistes, s’il vous plaît, ça me changerait un peu !
Mes croquis :
Vendredi 17 janvier
12h30 : Visite éclair de représentantes de mon bailleur qui viennent s’enquérir de la qualité de vie dans l’immeuble. Un peu désarçonné par cet imprévu (ils pourraient prévenir, tout de même !), je bredouille qu’il y a régulièrement des gens qui poussent des hurlements dans la cage d’escalier, que la porte principale est trop souvent laissée grande ouverte, que les poubelles ne sont plus mises dans le local prévu à cet effet… Ce n’est qu’après leur départ que je me rends compte que j’ai oublié de parler du parking sur lequel des véhicules abandonnés viennent encombrer les places, au grand dam de mes visiteurs ! Quand on ne conduit pas, il y a des choses qu’on tend à oublier…
Une mini-BD que je vous montre maintenant car je ne peux pas prendre le risque de la publier après la mort de Brigitte Bardot :
13h30 : Je relève mon courrier et j’y trouve… Ma nouvelle carte vitale. En clair : elle était DÉJÀ en route ou, au moins, sur le point d’être expédiée quand j’ai reçu le courrier de mercredi ! Je ne voudrais pas insister lourdement sur la gabegie de l’administration, mais celle-ci ne m’aide pas beaucoup !
Un dessin pour en finir (provisoirement ?) avec le cataclysme californien :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
On commence avec un dessin pour commémorer ce que vous savez :
Mardi 7 janvier
10h : Après un week-end sans histoire, il faut bien que je sorte : Tébéo m’a invité à passer dans l’émission Bonjour Bretagne à l’occasion du dixième anniversaire des attentats du 7 janvier 2015 ! Il y a des consécrations dont on se passerait presque… En attendant, je dois me faire faire une nouvelle photo d’identité afin de pouvoir commander ma nouvelle carte vitale : pour être sûr qu’elle soit acceptée, je me rends dans la boutique de photographie de mon quartier où je serai pris en charge par des professionnels qui connaissent les normes à respecter. Je suis donc obligé d’enlever mes lunettes et de me coiffer de manière à ce que mon front soit dégagé et mes oreilles visibles… Au final, la photo ressemble à tout sauf à moi ! Et l’expression que je suis contraint d’adopter me fait ressembler à un psychopathe… La photo d’identité ne nous montre pas tels que nous sommes mais tels que le pouvoir a envie de nous voir : sans lunettes, donc sans défaut de vision dont la prise en charge pourrait coûter de l’argent à l’État, sans cheveux, donc sans ce qui contribue à une large part de l’identification d’un individu, et sans expression, donc sans personnalité à part celle du suspect potentiel que les forces de l’ordre seraient en droit d’interpeler voire d’incarcérer à tout moment… En ce jour où nous sommes censés commémorer un jour noir pour la liberté d’expression, je fais un constat qui n’est pas fait pour me remonter le moral, ou je me trompe ?
La photo d'identité en question :
Une vidéo en hommage à Charb :
Un dessin que j'ose croire pertinent :
13h30 : Fidèle à moi-même, je suis arrivé en avance dans les locaux de Tébéo. Ma collègue germanique résidente en Bretagne, Dorthe Landschulz, ne tarde pas non plus à arriver. Les deux autres dessinateurs invités, Nono et Alain Goutal, seront avec nous en visioconférence. C’est en accompagnant la journaliste jusqu’au studio, situé au sous-sol, que j’apprends la mort de Jean-Marie Le Pen. Il n’y a pas si longtemps encore, l’annonce de la mort de ce vieux cyclope m’aurait transporté de joie ! Mais aujourd’hui, c’est plutôt un non-événement, d’une part parce que ce vieux con n’était plus qu’un souvenir depuis déjà longtemps, d’autre part et surtout parce qu’il n’a malheureusement pas emporté ses idées pourries dans la tombe ! Sa fille a cent députés à l’assemblée, les gens de gauche se sont sentis obligés de défendre Dieudonné au nom de la liberté d’expression, les ministres de Macron n’ont de cesse de livrer les migrants en pâture à la vindicte populaire… Bref, le discours du menhir sur l’immigration et la sécurité, qui scandalisait il n’y a pas si longtemps encore, est devenu une parole d’évangile que plus personne n’ose remettre en question malgré les faits qui lui donnent tort de A à Z, et ce sont, a contrario, les idées d’équité, de justice sociale et de tolérance qui sont présentées comme dangereuses ! Décidément, j’aurais vu mieux comme ambiance pour rendre hommage à Cabu, Wolinski, Tignous, Charb, Honoré et tous les autres…
14h45 : Nous venons de terminer l’enregistrement de l’émission. Nous avions pris du retard, Alain Goutal ayant eu du mal à se connecter. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire remarquer que jadis, quand une personne ne pouvait pas être physiquement présente à un événement quelconque, on se faisait une raison et on ne s’en portait pas plus mal ! J’étais sûrement le plus jeune sur le plateau et, pourtant, je devais être le moins convaincu par les bienfaits de la technologie : paradoxal, n’est-ce pas ? Enfin bref : comme nous étions quatre et n’avions que dix-sept minutes pour parler, d’autant que l’émission était réalisée dans les conditions du direct, c’est-à-dire sans montage en aval, j’ai donc joué la carte de la franchise. J’en connais qui ont dû grincer des dents en me voyant dire que je trouvais toutes les religions débiles ! Au moins, on ne peut pas m’accuser d’islamophobie puisque je mets les intégristes des autres religions dans le même sac que les djihadistes… Mais personne, sur le plateau, n’a été choqué par mes déclarations (ce n’était d’ailleurs pas le but que je poursuivais) : la journaliste trouve même que je m’en suis bien sorti pour cette première télévision, avis partagé par Dorthe, plus habituée que moi à cet exercice puisqu’elle passe régulièrement sur Arte. J’invite ma collègue, qui habite Lesneven, à découvrir la PAM qu’elle n’avait encore jamais vue : quand je dégaine mon téléphone pour voir si j’ai des messages, Dorthe est bien surprise de constater que j’en suis encore au vieux modèle à touches ! Au moins, c’est cohérent avec le scepticisme que m’inspire la visioconférence…
Vous avez raté l’émission ? Vous pouvez la regarder en replay en suivant ce lien !
Encore une vidéo, avec une belle chanson de mon amie Liloo :
Sans transition...
Mercredi 8 janvier
18h : Au cours du soir, une élève m’interpelle à propos de ma dernière chronique dans Côté Brest consacrée, commémorations obligent, au procès qui avait été intenté à Cabu à Brest en 1976. Au moins, comme ça, j’ai la confirmation que mon papier a bien été publié car je n’ai pas trouvé d’exemplaire du journal à Lambé… Mon interlocutrice, qui est déjà une vieille dame, me dit qu’elle ignorait, jusqu’à présent, que Cabu avait fait l’Algérie et en était revenu antimilitariste au point de collectionner les assignations en justice pour injures à l’armée ! Autant dire qu’elle ne savait rien du dessinateur, ou qu’elle n’en connaissait que les dessins pour Le Canard enchaîné[1] voire Récré A2 ! Elle ajoute que son mari avait fait l’Algérie, comme la plupart des pauvres types qui ont eu la malchance de devoir faire « leur régiment » à cette époque : tous les témoins ne sont donc pas morts, c’est bon à savoir !
Moi avec Cabu - la photo a été prise en juin 2014, six mois avant ce que vous savez...
Sans transition :
Jeudi 9 janvier
16h : Il y a dix ans jour pour jour, je déambulais dans les rues de Brest avec les lycéens ; ces braves petits criaient notamment « Non aux amalgames », ce qui faisait chaud au cœur… Aujourd’hui, je suis à nouveau dans les rues brestoises, mais pour un motif moins noble : des achats à effectuer… Je passe donc à Bureau Vallée pour échanger les cartouches usagées de mon imprimante contre des neuves : mais l’employé présent au comptoir, au lieu de se borner à me donner de nouvelles cartouches du même modèle que celles que je lui tends, me demande de choisir entre deux sortes et je ne comprends rien à l’explication qu’il me donne. Quand je lui demande de répéter plus lentement, il m’accuse de péter un câble ! Il insiste et me redemande quelle sorte je veux : je proteste que je ne connais pas la différence… Et, finalement, il me jette quasiment à la figure une boîte contenant deux cartouches. Je vous parie qu’il en a profité pour me fourguer les plus chères ! D’habitude, je ne me plains jamais du manque d’amabilité dont peuvent faire montre les employés des grandes surfaces car je sais qu’ils exercent rarement leur emploi par passion et que leurs conditions de travail ne sont guère épanouissantes mais, quand je passe à la caisse, je ne peux pas m’empêcher de le signaler ! Il s’en tire bien : je serais en droit de porter plainte contre lui pour attitude agressive et discriminante à l’encontre d’une personne en situation de handicap !
Sans transition :
16h30 : Au niveau de la place de la Liberté, je me rappelle brusquement que je reprends les cours de natation demain soir : n’ayant pas envie d’affronter l’enfer des transports en commun à l’heure de pointe, je décide d’appeler pour réserver un Accemo. Ce n’est jamais très facile pour moi de communiquer par téléphone en pleine rue, mais si on y ajoute le vacarme des engins de chantier et les gueulantes des mémères qui braillent dans leurs smartphones, ça devient carrément infernal ! Proposer un service de transport à la demande pour les personnes en situation de handicap, c’est très bien, mais on aurait peut-être pu penser à ceux dont le handicap inclut justement un rapport délicat avec le téléphone, par exemple en mettant en place un système de réservation en ligne ? Comment ça, je ne suis jamais content ?
Sans transition :
17h : Je sors de la banque où je suis allé encaisser un chèque : je passe devant une maison de la presse et je constate que le père Le Pen monopolise les « unes » des hebdomadaires qui auraient pourtant dû être consacrées aux commémorations du 7 janvier… Non seulement il meurt le jour même de la sortie de Charlie Hebdo mais il vole la vedette au journal ! Il aura vraiment fait chier le monde jusqu’au bout, ce vieux salaud…
Vendredi 10 janvier
9h30 : Première sortie au marché de l’année. Je n’y étais plus allé depuis trois semaines : faisant la queue devant le charcutier, je retrouve les rombières qui caquètent et gloussent pour un oui ou pour un non et je suis à deux doigts de demander de la pintade au commerçant…
Comment faire quatre gags avec un seul dessin : ici, sur le thème de l'entrée de Bayrou à Matignon.
[1] J’écris ceci sans volonté de déconsidérer la vénérable revue satirique.