Du 8 au 15 novembre : Le racisme, l’homophobie, le machisme et la transphobie TUENT ! Le « wokisme », la « bien-pensance » et le « politiquement correct » font seulement chouiner les mâles blancs cisgenres !

 

 

Vendredi 8 novembre

 

9h : Au marché, passant d’un stand à l’autre, je prépare ma monnaie : je constate ainsi que la commerçante à laquelle je viens d’acheter une belle provision de fromage (denrée indispensable à ma survie) m’a rendu un penny anglais ! Ce n’est pas la première fois que je me fais rouler de la sorte : il n’y a pas si longtemps encore, j’avais retrouvé une pièce de la république dominicaine dans mon porte-monnaie… Les marchands savent que la majorité des gens ne fait pas de vérification approfondie quand on lui rend la monnaie : les clients y songeraient-ils seulement qu’ils n’oseraient pas le faire en public, de peur de passer pour radins ou flicards… Alors les gratteurs de lingot en profitent, cette bonne blague ! N’ayant nullement l’intention de traverser la Manche simplement pour dépenser l’équivalent d’à peu près zéro euro (d’après mes sources, c’est la valeur d’un penny au cours actuel), je décide de me débarrasser de cette pièce en la refilant au mendiant qui stationne devant la boulangerie : pour ne pas rattraper la fromagère dans la course à l’escroquerie, je prends toutefois la peine de cacher la monnaie britannique sous une pièce de vingt centimes quand je la pose dans la pogne de ce pauvre homme… Mais j’ai honte quand même ! Mon acte n’est jamais qu’est une gouttelette de solidarité (pas la plus pure, de surcroît) dans l’océan de malhonnêteté qu’est la société…

 

Sans rapport direct, quelques croquis préparatoires pour une BD :

 

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17h : Je termine la lecture du livre qu’Yves Frémion avait consacré à Reiser en 1975 : en prévision d’une causerie sur le grand artiste que j’ai promis de donner dans un mois, il m’avait paru utile de consulter l’un des rares ouvrages (probablement le seul, du reste) à lui avoir été consacrés de son vivant. Il me semble même que c’est le seul bouquin d’exégèse sur Reiser, mise à part la biographie de référence due à Jean-Marc Parisis. À ce propos, j’ai bien entendu déjà lu récemment le livre de Parisis, ce qui m’a valu, à , moi qui croyais tout connaître de mes maîtres à déconner, quelques surprises : pour commencer, je ne savais pas que Reiser avait été marié deux fois et avait même eu un fils de son premier mariage, je n’aurais même pas soupçonné qu’il avait vécu un grand amour sans retour avec une hôtesse de l’air qui lui servit de modèle pour ses jolies blondes – suis-je le seul à trouver que les filles de Reiser sont plus bandantes que celles de Wolinski qui avaient toutes un faux air à la belle Maryse ? Non, le regretté Tignous partageait cet avis[1], et Philippe Geluck aussi[2]. Pour revenir à Reiser, je ne savais pas non plus que, contrairement à Cabu, il n’était pas antimilitariste primaire et avait même mis la pression sur son fils pour qu’il fasse son régiment – il faut être juste : c’était moins par affection réelle pour l’armée en tant que telle que par conviction qu’il faut « en baver » dans sa jeunesse pour devenir un homme… Ce que, personnellement, je trouve très con, mais que je peux entendre venant d’un homme dont l’enfance fut en effet une belle tartine de merde ! Je ne savais pas non plus, ce qui est plus intéressant pour mes recherches, que, contrairement à Siné, Reiser ne professait pas un athéisme radical[3] et rejetait moins l’idée de la transcendance que la façon dont la professait (ou, plus exactement, l’assénait) le clergé. Pour toutes ses raisons et bien d’autres encore, je ricane en repensant à la naïveté de Carali qui était persuadé que Reiser n’aurait jamais accepté l’ambiance du Charlie Hebdo moderne ! À cet égard, le fondateur du Psikopat me fait penser, avec le recul, à ces admirateurs de François Villon mis en scène par Jean Teulé : ils n’arrêtent pas dire que Villon aurait sûrement fait ci ou ça, et ils en oublient que l’homme auquel ils adressent ces certitudes n’est autre que le poète lui-même, toujours bien vivant ! La vérité est que « l’ange féroce » des éditions du Square est mort trop tôt pour que l’on sache comment il aurait pu tourner et j’aurais tendance à adopter à son sujet le commentaire de François Morel concernant Coluche :

 

« Je vous pose la question : qu’est-ce qu’il serait devenu ? Un petit retraité suisse ? Un ami de Poutine ? Un comédien shakespearien ? Se serait-il lancé dans les affaires ? Aurait-il sombré dans l’alcool, la drogue, le désespoir, la politique ? Serait-il devenu vigneron, chef d’orchestre, clochard ? Aurait-il viré casaque ? Serait-il resté fidèle au petit gamin de Montrouge ? Aurait-il participé aux Enfoirés ? Aurait-il chanté en duo avec Mimie Mathy ? Aurait-il craché sur son œuvre, finalement désolé qu’on puisse remplacer la justice par la charité ? On ne sait pas. » [4]   

 

Et oui : après tout, qui aurait pu deviner, dans les années 1970, ce qu’allaient devenir Renaud, Gérard Depardieu ou Brigitte Bardot ? Il n’y a aucune raison d’exclure que Reiser aurait pu mal tourner lui aussi ! Bon, c’est bien joli, tout ça, et le bouquin de Frémion dans tout ça ? Et bien il est à l’image de son auteur : bavard, prétentieux, approximatif, superficiel et finalement ennuyeux ! Mais je ne saurai que trop vous conseiller de vous ruer dessus si vous avez l’occasion de vous le procurer car on y trouve des dessins et des planches de Reiser qu’on ne retrouve dans aucun autre album, pas même dans ceux de la collection « Les années Reiser » qui, pour des raisons inexplicables, ne débute qu’en 1974… Il y a encore un gros travail d’édition de l’œuvre de Reiser à mener : ça vaudrait le coup, par exemple, de compiler tels quels les scénarios qu’il avait crobardés pour L’histoire de France en 100 gags ; il y a quasi-unanimité pour disqualifier totalement cette série publiée dans Pilote mais elle ne parait négligeable que parce qu’elle avait été dessinée par un dessinateur médiocre appelé Pouzet : sous le crayon de Reiser, ces gags sont bien plus efficaces, c’est en tout cas l’impression que j’ai eue avec les deux pages reprises en introduction de la compilation Les années Pilote parue chez Glénat en 2011. Il faudra que j’écrive à l’éditeur grenoblois ! Tout ceci pour dire : Reiser a beau être mort depuis plus de quarante ans, il parait plus vivant que jamais, tandis que Frémion a beau être toujours vivant, il parait déjà mort depuis presque cinquante ans ! Hum ! Je vais encore me faire des amis, moi…



 

18h15 : Je pensais qu’en sortant de chez moi à 17h30, j’arriverais confortablement en avance à la piscine de Recouvrance où le cours de natation commence à 19h. Bernique ! Trois quarts d’heure plus tard, je n’ai toujours pas pu attraper un bus ! Légitimement inquiet, je passe un coup de fil à Bibus : on me répond qu’il y a beaucoup de circulation et on me promet un véhicule dans huit minutes… Je me mets à hurler que si, passé ce délai, je ne suis toujours pas parti, je rappelle et on va m’entendre ! Je sais que ce n’est pas bien de traiter ainsi une pauvre femme qui n’est en rien responsable de la situation, mais je ne suis encore jamais arrivé en retard à la piscine et je ne peux plus me contrôler ! Après tout, de la circulation, il y en a toujours à cette heure-ci et je ne vois pas en quoi cette soirée est différente des autres !

 

18h40 : J’ai enfin pu attraper un bus puis un tramway : apparemment, il y a un spectacle à l’Arena, mais il s’agit du ballet Casse-Noisette, ce n’est sûrement pas ça qui mobilise les foules au point de rendre la circulation plus difficile que de coutume. Dans le tram, j’ai trouvé une place assise : un vieux monsieur s’approche de moi et me montre sa Carte Mobilité Inclusion. Comme j’en ai une moi aussi, je la sors et j’entreprends de solliciter la dame qui est assise à côté de moi pour qu’elle se lève : elle n’avait même pas venu venir le vieux type vu qu’elle est absorbée par son smartphone ! C’est un bon résumé de notre époque : en paroles, tout le monde est pour l’inclusion et la solidarité, dans les faits, les gens n’ont jamais été aussi égocentrées !

 

19h10 : J’arrive enfin à la piscine : c’est la première fois que la monitrice me voit en pleine crise ! Heureusement que cette dame est très compréhensive et que l’eau m’apaise très rapidement… Vous me direz que rater une séance n’aurait pas été dramatique ? Dans la mesure où nager est devenu pour moi un besoin quasi vital, un peu quand même… 

 

Sans rapport avec mes ennuis personnels :

 

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Samedi 9 novembre

 

10h45 : Faire des courses au supermarché un samedi matin, ce n’est jamais drôle, mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Une fois mon cabas plein, je choisis la caisse « prioritaire » pour handicapés, en prenant soin d’avoir ma carte à portée de main si on me pose des questions. On m’en pose en effet une, mais pas celle à laquelle je m’attendais : une vieille dame, juste derrière moi, me demande si je peux mettre le carton « client suivant » pour bien séparer ses courses des miennes… Je lui réponds que mes achats ne sont pas empoisonnés ! Elle ne réplique même pas, vraisemblablement désarçonnée par cette réplique inattendue… J’aurai toujours tendance à avoir des réactions inappropriées et c’est même un des avantages de ma condition : j’éprouve volontiers un petit plaisir à ne pas donner satisfaction à mes interlocuteurs, à les mettre face à l’absurdité de leurs automatismes…

 

Dimanche 10 novembre

 

19h30 : Je reçois mes identifiants pour me connecter à l’Espace Numérique de Travail que m’alloue l’Université de Bretagne Occidentale : je croyais naïvement ne plus en avoir depuis l’obtention de mon doctorat, mais je ne suis pas long à constater que cet ENT n’a jamais cessé d’être actif : plus de mille messages m’y attendent, accumulés depuis 2020 ! Je suppose que si je n’en trouve pas de plus anciens, c’est parce qu’il y a suppression automatique après un certain délai… Enfin bref : je n’avais jamais eu besoin de cet espace numérique pendant mes études, je n’ai jamais ressenti le manque depuis que je suis membre associé d’un laboratoire pluridisciplinaire et je ne vois toujours pas à quoi il pourra bien me servir aujourd’hui, mais bon, je ne vais pas contrarier l’université qui a visiblement peur d’être à la traîne si tous ses chercheurs ne sont pas connectés… Et je ne vais pas non plus contrarier les élans du cœur généreux de Marie-Hélène, ma Raphaëlle à moi, qui s’est littéralement démenée pour que mon compte soit réactivé !   

 

Sans rapport :

 

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Lundi 11 novembre

 

9h30 : En ce jour férié, j’ai décidé de rester chez moi pour rattraper mon retard : j’ai heureusement peu de messages, juste un mail d’un particulier qui m’a envoyé un lien vers le blog de Jean-Luc Périllé. Ce dernier n’est certainement pas un imbécile, sinon il ne serait pas agrégé de philosophie et maître de conférences à l’université de Montpellier. J’ai donc bien tenté de faire un effort et de lire son article intitulé « La résistance du monde orthodoxe à la propagande LGBT »… Mais au bout de cinq lignes, j’avais déjà envie de gerber ! Je crois bien qu’il faut remonter aux pamphlets antisémites de Céline pour trouver autant de contrevérités nauséabondes assénées en si peu de mots ! De toute évidence, Périllé est un homme intelligent : il est même un parfait exemple de ce qu’Amélie Nothomb appelle « les idiots intelligents », c’est-à-dire les gens qui, malgré leur intellect, restent incapables de « considérer l’autre comme un univers à part »[5]. J’ai un certain mépris pour les gens de cette espèce : ce sont souvent des rats de bibliothèques aigris, qui croient pouvoir se payer le luxe de penser le monde sans y avoir vécu, comme si leurs titres universitaires leur donnaient le droit de se prendre pour de purs esprits affranchis de toute obligation vis-à-vis du monde matériel. Le résultat ? Du pur gâchis d’intelligence, des cerveaux prodigieux qui se privent de l’oxygène de la vie, s’auto-condamnent à être étouffés par leurs certitudes et ne sont plus, in fine, que des suppôts lettrés de la bourgeoisie ; certains prétendent parler au nom du peuple, mais sans rien connaître de ce dernier. C’est Jean-Paul Sartre qui refuse d’admettre les crimes de Staline, c’est Alain Badiou qui ignore ceux de Mao, c’est Michel Onfray qui tombe dans le piège de la propagande du RN, c’est Luc Ferry qui appelle à tirer sur les gilets jaunes… À l’opposée, on trouve Albert Camus et François Cavanna, sans doute les deux plus grands esprits dont le XXe siècle fit don à la France, qui ne firent l’économie ni de la connaissance des difficultés de la vie ni de la nécessité de réjouir son corps avant de s’engager sur le chemin de la pensée. Le bagage intellectuel est important, mais il n’est pas suffisant pour avoir une pensée claire de la société : encore faut-il aller à la rencontre de ladite société, je veux dire autrement que dans les cocktails mondains. Pour en revenir à Jean-Luc Périllé, il sait certainement beaucoup de choses sur la philosophie antique, mais il ignore tout de ce qu’endurent partout dans le monde les personnes LGBT, et il ne sait rien non plus de ce qu’on éprouve dès la naissance quand on est, comme moi, incapable de se conformer aux stéréotypes de genre. Bref, comme beaucoup de ses collègues, il sait tout mais il ne connaît rien ! Que ce soit clair : le racisme, l’homophobie, le machisme et la transphobie TUENT tandis que le « wokisme », la « bien-pensance » et le « politiquement correct » font seulement chouiner les mâles blancs cisgenres !

 

Mardi 12 novembre : il y a 89 ans naissait Philippe Gildas

 

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Cette photo a été prise par votre serviteur quand le célèbre animateur était venu à la librairie Dialogues, à Brest, pour présenter et dédicacer le livre Nos années Nulle Part Ailleurs : j'étais heureux de rencontrer celui qui fut pour moi une figure paternelle par écran interposé...

 

10h : Ma psychologue m’a conseillé de faire valoir mes droits auprès de Bibus et de demander à ces messieurs-dames quels sont les critères à remplir pour pouvoir bénéficier du service de transport à la demande en fourgonnette destiné aux personnes en situation de handicap : d’un point de vue strictement physique, je peux me déplacer sans problème, mais d’un point de vue mental, le moindre déplacement m’est souvent une source inaltérable d’épuisement. Ma psy m’a aussi remis une facture à remettre à ma mutuelle pour obtenir le remboursement partiel de ses honoraires, en attendant que le conseil départemental me verse enfin la Prestation de Compensation du Handicap. Il faut donc que je me rende successivement chez Bibus et à l’agence de ma mutuelle : ce qui pourrait être une promenade de santé devient un vrai parcours sportif en raison des travaux du nouveau réseau de transports… Je suis à 100% favorable à ce chantier qui limitera peut-être pour moi les risques de me retrouver en rade sur une ligne desservie une fois par demi-heure, mais je reconnais que, pour l’heure, j’ai le sentiment de rejouer le célèbre générique de Les Nuls, l’émission où Serge Hazanavicius (si je ne m’abuse) se fraie tant bien que mal un chemin dans un pavillon Gabriel en pleins travaux où les ouvriers cohabitent avec des artistes de toute sorte ! L’ennui, c’est que ce qui est drôle à la télé ne l’est pas toujours dans la vraie vie…

 

15h : Visite guidée de l’hôpital Morvan. J’espérais y obtenir des informations pour alimenter mes chroniques historiques et, de ce point de vue, je ne suis pas déçu : pour commencer, saviez-vous que cet hôpital, dont la construction avait débuté au milieu des années 1930, a failli être bâti par un architecte facho ? Cette honte a heureusement été évitée suite à l’intervention du maire de l’époque, Victor Le Gorgeu, qui s’illustra quelques mois plus tard en figurant parmi les rares parlementaire à refuser de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Saviez-vous aussi que cet hôpital, d’une conception très avant-gardiste pour l’époque, n’était toujours pas terminé quand la Wehrmacht arriva à Brest ? Les Allemands ont demandé à ce qu’il soit terminé, mais ils se sont heurtés à une telle mauvaise volonté de la part des Brestois (les soldats du Reich n’étaient absolument pas les bienvenus à Brest) qu’ils se sont finalement résignés à reconvertir les bâtiments inachevés en lieux de repos, ils y ont même construit un bunker qui est toujours debout aujourd’hui et sert d’entrepôt pour les archives de l’hôpital. Saviez-vous encore que l’un des immeubles a été surnommé « bâtiment des petits payeurs » parce qu’il accueillait les premiers patients assez aisés pour payer leur séjour, les autres étant réservés à ceux qui séjournaient gratuitement ? Le bâtiment est aujourd’hui inoccupé et un promoteur se propose d’en faire un hôtel 4 étoiles ! Saviez-vous, enfin, que l’hôpital dispose d’un réseau de souterrains qui permet de se déplacer d’un bâtiment à un autre en passant un minimum de temps en extérieur ? Et qu’on y trouve les traces de bottes laissées pars des soldats allemands qui y ont défilé ? Décidément, Brest n’est pas une métropole ordinaire… Bref, la pêche a été bonne pour moi et cette visite aurait pu être un bon moment pour moi… S’il ne fallait pas, comme à chaque fois, supporter la compagnie de ces rombières débiles qui croient tout savoir mieux que la guide et gloussent à tout bout de champ ! Je repars épuisé…

 

Quelques photos prises lors de cette visite : d'abord, le bâtiment des "petits payeurs"...

 

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Puis l'intérieur du bunker...

 

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Puis des photos prises du sommet du bâtiment 3, avec une vue imprenable sur la ville et la rade...

 

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Et enfin, dans les souterrains :

 

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17h30 : Avant de réintégrer mes pénates, petite halte chez le maraîcher de mon quartier pour acheter quelques oranges à jus. Avant moi, la vendeuse doit servir un vieux type qui fait de l’humour à tout bout de champ : quand vient mon tour, je lui exprime mon admiration d’arriver à supporter avec le sourire tous ces vieux cons qui se croient drôles. D’accord, les gens qui passent leur vie à se plaindre, c’est pénible, mais ceux qui rigolent tout le temps, c’est aussi fatigant, à la longue… Vous ne trouvez pas ?

 

18h : Je peux enfin relever mon courrier : j’ai reçu, entre autres, un chèque de remboursement pour les cours de natation qui n’ont pas pu être assurés, ce qui me rapporte… 3 euros 60. D’un côté, c’est bon signe, ça prouve qu’il y a eu peu de séances annulées. D’un autre, je regrette presque d’avoir fait la demande pour une somme aussi dérisoire ! Mais bon, on a des principes ou on n’en a pas, et pour une fois que l’administration daigne lâcher de l’argent sans faire douze milliards de difficultés…

 

Mercredi 13 novembre

 

11h : En ce jour de triste mémoire, une AG extraordinaire du laboratoire dont je suis membre est organisée en mode hybride : comprenez que seule une dizaine de chercheurs sont présents dans la salle prévue à cet effet, tous les autres suivant la réunion en visioconférence, à commencer par les chefs eux-mêmes qui sont à Lorient ! Nous avons en effet été contraints et forcés par les huiles de l’université à nous réunir de toute urgence, en faisant fi des obstacles matériels, pour trancher des questions qui, de l’avis de ces messieurs, ne pouvaient pas attendre. « Oh, mais quoi, c’est facile, avec la visio, maintenant ! » Ce serait vrai si la technique était au point et facile à utiliser pour tous : c’est loin d’être le cas, et mes collègues ont beau être hyper-calés dans leurs domaines de recherche, ils ont en revanche hyper-recalés en informatique ! Je ne vaux d’ailleurs pas mieux qu’eux… La réunion se tient donc dans des conditions laborieuses, ne serait-ce que parce qu’il faut une très bonne écoute pour comprendre ce que dit la directrice… Seul bon point : à la fin, personne n’a envie de s’attarder ! Je suis quand même satisfait de cette AG qui consacre l’entrée dans notre équipe de Véronique Brière : j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer une héroïne de roman en chair et en os, à savoir la « petite Virginie » de Cavanna, voilà que je vais compter parmi mes camarades de labo une héroïne de BD ! Car madame Brière, au cas où vous ne le sauriez pas, n’est autre que la femme de Julien Solé, c’est donc elle la jolie brune[6] qui donne la réplique à ce dessinateur virtuose dans son album Passer à l’ouest ! Et elle a également posé pour des photo-BD de Bruno Léandri parus dans Fluide Glacial : c’est elle, par exemple, qui a joué la secrétaire qui se fait peloter par Maëster dans le hors-série spécial Crime paru en 2003… Rien que pour ça, je l’admirerais déjà si je n’étais pas également convaincu de ses compétences de philosophe : il en faut, du courage, pour affronter les regards des étudiants de la Sorbonne après une telle expérience…

 

13h : Je monte au Beaj Kafé pour m’y réfugier jusqu’à l’heure du cours du soir et avancer sur mes illustrations pour le calendrier de 2025. Un bref coup d’œil sur la presse m’apprend que Trump annonce que l’immigration sera sa priorité. Je suis très surpris, tiens ! J’ai beau m’y attendre, je ne peux m’empêcher d’être effaré : la survie de l’humanité est menacée et l’homme occidental gaspille son énergie à faire la guerre aux pauvres types qui grattent à la porte de ses pays nantis… Quand New York sera sous les eaux, qu’est-ce qu’il fera, Donald le connard ? Il reconduira l’Océan à la frontière, peut-être ? Et notre Retailleau national en fera autant avec la Seine quand elle débordera de son lit treize mois sur douze ? 

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17h30 : Le cours commence dans une demi-heure. Je suis néanmoins déjà sur place, j’en profite pour continuer à avancer sur mes illustrations. Une élève, elle aussi en avance, jette un œil sur mes dessins et me dit « J’adore ton style » : ça me fait d’autant plus plaisir que je me suis longtemps demandé si j’en avais vraiment un, de style…

 

Quelques aquarelles réalisées lors du cours du soir - ce sont des élèves qui ont posé à tour de rôle :


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Jeudi 14 novembre

 

18h30 : J’ai enfin terminé mes illustrations, « ya-pu-ka » mettre en page le calendrier et passer commande à l’imprimeur… C’est chaque année la même chose : j’attends toujours d’être à la mi-novembre pour m’y mettre, et je suis obligé d’appuyer sur l’accélérateur pour être sûr d’être prêt à temps ! Alors qu’un calendrier, dans l’absolu, j’ai une année entière pour le préparer, non ? Mais bon, à ma décharge, est-ce qu’il vous viendrait à l’idée, à vous, de préparer un calendrier pour l’année prochaine au beau milieu du mois d’août ? Notez, il paraît que les professionnels sont souvent contraints à ce genre de contorsion chronologique du fait des délais d’impression : à la fin des années 1990, Zidrou avait mis en scène la rédaction de Spirou planchant sur son numéro « spécial Noël » alors qu’il faisait 35 degrés à l’ombre… Enfin bref :   voilà une bonne chose de fait, je vais pouvoir me consacrer à l’urgence suivante, à savoir ma causerie sur Reiser prévue dans trois semaines…

 

Quelques croquis réalisés pour le calendrier en question :

 

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Vendredi 15 novembre

 

17h30 : Voilà quatre heures que je n’arrive plus à envoyer de SMS à personne. C’est bien embêtant, je ne peux pas annoncer à mes amis qu’ils peuvent déjà réserver leur exemplaire de mon calendrier 2025. Je ne peux même pas répondre au texto que m’a envoyé ma mère. Je ne comprends pas ce qui se passe : en principe, mon forfait me garantit des SMS illimités… Ne ricanez pas, je suis sûr que ça pourrait arriver aussi avec un téléphone de la dernière génération ! Il va donc falloir appeler mon opérateur, ce qui est déjà une épreuve pour moi… Il sera dit que la technologie ne m’aura pas tellement facilité la vie cette semaine !



[1] « Les femmes dessinées par Reiser sont plus bandantes que celles de Manara ! » Reiser Forever, Denoël Graphic, Paris, 2003, p. 66.

[2] « Reiser dessine mieux les femmes que Botticelli, Ingres ou Manara. » Télérama hors-série, Le Chat, quel cabot !, Paris, 2008, p. 29.

[3] « Toutes les religions sont à foutre au pilon ! Dieu n’a jamais existé et n’existera jamais ! » SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, p. 13.

[4] Jean-Claude MORCHOISNE et François MOREL, Portraits crachés, l’abécédaire de nos amis (ou pas), Glénat, Grenoble, 2015, p. 23.

[5] « Amélie NOTHOMB : "Les idiots intelligents sont partout" » Url : https://youtu.be/VIuk79nqDME?feature=shared Consulté le 15 novembre 2024

[6] Précisions que les dessinateurs ont toujours tendance à ne pas être tendre avec eux-mêmes quand ils se représentent mais ne se privent pas d’exalter la beauté de la femme qu’ils aiment : il suffit de voir ce que ça donne chez Lambil, Tabary, Tardi, Gotlib, Siné, Cabu, Wolinski et j’en passe.



15/11/2024
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