Du 22 au 29 novembre : Vive Amélie Nothomb ! À bas les autres !

Vendredi 22 novembre

 

20h45 : Je suis beaucoup trop gentil. D’habitude, après le cours de natation, je rentre chez moi sans atermoiement, me disposant à savourer un bon repas avant de goûter au sommeil du juste – sans oublier d’avoir mis mes affaires de piscine à rincer à la machine, bien entendu. Ce soir, exceptionnellement, j’engloutis un casse-croûte en route et, au lieu de regagner mon doux foyer, je débarque au Kafkerin où a lieu une scène ouverte à laquelle je ne peux même pas participer. En effet, cette scène est réservée aux rappeuses : je n’ai jamais tellement aimé le rap, mais une de mes amies semblait tenir à ce que je vienne l’encourager et, dans un sens, ça tombe bien car j’ai justement quelque chose à lui donner. À peine entré, je suis assailli par l’ambiance sonore ! Le temps de reprendre mes esprits et je fais face à la triste vérité, à laquelle je m’attendais quand même un peu : comme j’arrive relativement tard (le temps de faire la route de Recouvrance à Kerinou), mon amie est déjà passée sur scène… Elle est cependant toujours dans la salle, m’assure une serveuse : mais pour la trouver, il faudrait que je fende la foule déchaînée dont est empli l’espace devant la scène, ce pour quoi je n’ai pas le courage. Alors je sirote un thé noir pour rester éveillé en attendant une hypothétique éclaircie de la foule qui me permettrait de rejoindre mon amie sans mettre en péril mon équilibre mental. Et tandis que les rappeuses se succèdent sur scène, enchaînant des airs que j’ai l’impression d’avoir déjà entendu mille fois (car la féminité n’engendre pas forcément l’originalité), je me pose la question fatale : « Qu’est-ce que je fous là ? »

 

21h55 : La scène ouverte est terminée. J’ai pu retrouver mon amie (qui était contente de me voir) et lui donner ce que je comptais lui offrir (ce qui l’a rendue encore plus contente). La grande maîtresse d’œuvre de cette manifestation, qui me connait, me demande si je me suis bien amusé : je lui réponds « ça va », de la même manière que je répondais à ma mère quand elle me servait un plat que je n’appréciais que modérément ; étant incapable de mentir, je ne fais même pas semblant de m’être amusé, mais je n’ose pas faire de la peine à une femme pour laquelle j’éprouve un profond respect et qui s’est sûrement donnée du mal pour organiser cet événement. J’ai raté le bus pour Lambé et le prochain ne passe que dans une heure, mais une autre amie, qui a participé à la scène ouverte et qui habite à deux pas de chez moi, accepte que je profite moi aussi du transport que lui offre un copain. Elle me fait cependant savoir qu’elle va d’abord participer au « débriefing » des participantes et que je vais devoir attendre : je consens à attendre une grosse demi-heure, je serai quand même gagnant à l’arrivée.

 

22h30 : J’attends dans la salle, déjà sanglé de pied en cap pour le départ. Le débriefing se passe d’une drôle de façon : les participantes n’arrêtent pas de faire des allers-retours entre l’extérieur et le local où elles sont censées se réunir. Je ne m’impatiente pas, j’ai connu de pires attentes, et je suis trop fatigué pour protester. Toutefois, l’un des bénévoles de ce café solidaire et associatif, croit bon de me tenir la jambe en me parlant de mon grand-père paternel, qui était instituteur, dont il fut l’élève et qui lui aurait permis, dit-il, de faire des études et de devenir ingénieur. Je n’ose pas lui répondre à quel point je m’en fiche : je n’ai même pas connu ce « glorieux » aïeul ! D’accord, j’ai de la chance de descendre d’un instituteur républicain et anticlérical qui s’est engagé pour la France libre plutôt que d’un huissier de justice monarchiste et calotin qui aurait collaboré avec l’occupant… Mais je n’ai aucune raison d’en être fier, je n’ai rien fait pour ça ! « Ah, c’est vraiment dommage que tu ne l’aies pas connu », insiste-t-il. « Ben oui, mais c’est comme ça », répliqué-je : la vie est déjà assez dure sans qu’on doive y ajouter des regrets pour ce qui n’a pas pu avoir lieu ! De toute façon, d’après ma mère, son bon esprit ne faisait pas de lui un saint et puis… Qu’est-ce que j’en ai à foutre, à la fin, qu’il ait accompli le sensationnel exploit de transformer des fils de paysans en employés de bureau ?    

 

22h50 : Voilà vingt minutes que le « débriefing » a pris fin et nous n’avons toujours pas décollé, par la grâce de l’incompréhensible manie des neurotypiques de mettre trois heures à se dire au revoir… Quand le conducteur demande cinq minutes de plus « pour une taffe », je craque : le prochain bus va passer dans cinq minutes, ce n’est plus intéressant pour moi d’attendre plus longtemps qu’il veuille bien nous conduire. Je pars avec fracas, sans demander mon reste, laissant interdits mes amis qui ne s’attendaient pas à ma réaction.

 

23h15 : Enfin rentré ! Je m’en veux quand même un peu d’avoir planté là des gens qui ne me voulaient pas de mal. J’appelle donc mon amie pour m’excuser : elle me répond que personne ne m’en veut et ajoute que j’ai bien fait de partir car ils n’ont toujours pas quitté le parking… Elle ajoute qu’ils avaient « besoin de lâcher prise », ce qui suffit à cerner le nœud du malentendu : en effet, « lâcher prise » selon une personne du spectre et « lâcher prise » selon les neurotypiques, ce n’est pas la même philosophie… Je voudrais m’expliquer davantage, mais ma correspondante raccroche après m’avoir crié « On t’aime, Benoît » ! Le bilan a beau ne pas être négatif, je ne peux m’empêcher d’être frustré…

 

Samedi 23 novembre : Saint-Clément, premier évêque de Metz et, selon la légende, pourfendeur du Graoully

 

À cette occasion, voici quelques photos prises dans la grande ville de Moselle qui me reste chère puisque c'est la première ville non-bretonne où j'ai noué des amitiés que je tiens à préserver. C'est vrai que c'est beau aussi, le grand Est ! Dommage qu'il y ait tant de fachos...

 

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9h30 : Je sors pour aller placarder en ville quelques affiches annonçant ma conférence de mercredi prochain. En sortant de mon immeuble, mon regard en croise une autre, d’affiche, éditée par LFI pour demander le cessez-le-feu à Gaza : rien que de très légitime en soi, sauf que… Cette affiche porte, dans le coin inférieur droit, la mention « le 9 juin, je vote insoumis » ! Une fois remis de ma surprise, je comprends que les Insoumis ont recyclé une affiche qui avait été imprimée en vue des européennes… Comme je ne tiens pas à entretenir le souvenir de ces élections, j’arrache le coin inférieur droit de l’affiche, en prenant soin, autant que possible, à ne pas abîmer le message de paix qu’elle cherche à véhiculer. N’empêche que si la gauche se met à recycler des affiches pour des élections passées, il ne faudra pas s’étonner de voir refleurir les visages de Mitterrand et Marchais dans les rues ! En attendant ceux de Jacques Duclos et d’Alain Savary – si vous ne savez pas qui étaient ces deux messieurs, rassurez-vous, ce n’est pas une maladie honteuse.    

 

12h : J’ai placé toutes mes affiches, mais j’ai reçu un message m’annonçant qu’un encadrement sur mesure que j’avais commandé était prêt : je décide donc, en attendant la réouverture du magasin d’aller déjeuner au restaurant ouvrier à Pizza et Tradition, un restaurant ouvrier non éloigné de la boutique en question, au rapport qualité-prix est excellent et où je me reproche de ne pas aller plus souvent. En route, je termine la lecture du dernier-né d’Amélie Nothomb, L’impossible retour. Que dire ? J’ai beau ne pas être passionné outre mesure par la culture japonaise, il est difficile de résister à l’écriture de madame Nothomb qui est définitivement, à l’heure actuelle, la plus grande magicienne du verbe en France : désolé pour ces connards d’identitaires, la plus grande romancière française actuelle est belge ! Peu importe si la photographe qu’elle dit accompagner au cours de ce voyage dans son pays natal existe ou non : Pep, à l’instar de Pétronille dans le roman du même nom, est un reflet inversé du personnage qu’Amélie-San s’est construite – un peu malgré elle, il faut le dire. Mais là où Pétronille menait ledit personnage à la mort, Pep ne tue en lui « que » le peu d’espoir qui lui restait de devenir digne de sa patrie de cœur, ce qui suffit à expliquer pourquoi elle porte un prénom qui sonne à la fois comme une apocope de Pétronille et comme une bulle venue éclater à la surface d’un étendue d’eau : Amélie-San aspirerait à être une paisible rivière japonaise mais le monstre occidental sommeille en son fond et émet un « pep » à la surface pour rappeler son irrévocable présence… Merde, j’écris bien ! Ça y est, elle m’a vampirisé !

 

12h30 : Je n’avais pas prévu que le restaurant serait peut-être fermé le samedi midi… Comme les lignes de bus passant dans cette zone sont aussi les lignes desservant les communes périphériques, les emprunter m’exposerait à de longues attentes pour des allers-retours qui seraient aussi vite expédiés à pied. Malgré le temps de cochon, je décide donc de cheminer jusqu’au magasin, pensant naïvement qu’il me sera facile de trouver un établissement ouvert sur ma route…

 

13h : J’ai déjà dépassé le magasin qui n’ouvre que dans une heure et je n’ai rien trouvé ! Je ne pensais pas que les restaurants étaient sous-fréquentés le samedi midi au point de dissuader leurs gérants d’ouvrir sur ce créneau… Au bord du désespoir, j’ai poussé jusqu’au centre commercial « Le phare de l’Europe » et je me rabats sur une enseigne « Ange » où je commande une pizza savoyarde. Je ne perds pas au change : pour un prix relativement modique, j’ai une pizza assez grande pour deux voire trois personnes ! Le goût n’est pas transcendant mais reste acceptable : de toute façon, je suis si épuisé par mon expédition dans cette zone hostile que je la dévore entièrement ! Je parie que j’ai écœuré les autres clients, en particulier le jeune homme à l’allure sportive qui m’a vu perpétrer cet attentat contre la diététique… Mais je m’en fous ! Mon monstre occidental à moi est totalement réveillé ! Si madame Nothomb me voyait, elle refuserait certainement de m’emmener au Japon ! Mais comme compagnon de beuverie, j’ai encore ma chance…    

 

14h45 : Après avoir récupéré ma commande et cherché vainement une bricole chez Cultura, j’attends le bus sur la place de Strasbourg pour réintégrer mes pénates. Un petit groupe de jeunes feint de se bagarrer juste devant moi : ce genre de situation m’ayant toujours angoissé, je ne puis réprimer un cri d’effroi ! Comme ces branleurs me jettent des regards mauvais, je m’empresse de sortir ma carte « Je suis autiste » : au début, ils s’imaginent que je vais appeler les flics ! Mais quand ils voient ma carte, il n’en faut pas davantage pour qu’ils s’excusent et décident de s’éloigner… J’ai trouvé plus fort que la carte de flic pour calmer les « cailleras » ! Mais je vois mal ces braves agents accepter de se faire accompagner d’autistes : « Hé, oh, on a pas des gueules d’infirmières, hein ! »   

 

17h30 : Ce matin, dans mon marathon d’afficheur, j’étais passé aux Capucins : j’en ai profité pour mettre quelques cartes de visite à la médiathèque. Je reçois donc un message d’un responsable qui me signale ce qu’il prend pour un oubli de ma part ! Quand je réponds que ce dépôt était totalement intentionnel, il m’interdit de réitérer cette opération pour laquelle je n’avais pas demandé d’autorisation… Non mais je rêve ! Cette médiathèque fait 9.700 mètres carrés et ils me reprochent d’y laisser des cartes de visites qui peuvent tenir dans la main ! Je préfère ne pas répondre pour ne pas être grossier… Cette anecdote me paraît représentative de notre époque où on ne peut plus prendre la moindre initiative dans l’espace public sans avoir douze milliards d’autorisations officielles, sous peine d’être aussitôt traité en suspect voire en terroriste ! Toujours moins de liberté et toujours aussi peu de sécurité…

 

Lundi 25 novembre

 

11h30 : Après un dimanche sans histoire, je vais donner mon sang. Malheureusement, je suis pris en charge par une intérimaire qui, tout en me plantant l’aiguille dans une veine du bras gauche, regarde AILLEURS ! Évidemment, ça ne marche pas : pas gênée, elle m’en attribue la responsabilité en affirmant que j’étais « trop tendu » ! Hé, on l’aurait été à moins ! Comme je tiens à faire ce don, j’accepte qu’elle fasse une seconde tentative au bras droit : cette fois, ça marche, et on m’assure même qu’on m’a prélevé assez de sang pour sauver trois personnes. J’en suis fort aise car c’est vraiment tout ce que j’ai trouvé pour me sentir utile sur Terre… N’empêche que si on confie les prélèvements sanguins à des personnes incompétentes qui traitent les donneurs comme des poulets à saigner, il ne faut pas s’étonner que les gens soient réticents à donner !

 

11h50 : Pendant la collation post-don, je termine la lecture d’un autre livre de madame Nothomb, Les combustibles. Sauf erreur de ma part, il s’agit de sa seule pièce de théâtre publiée… Et c’est une tragédie à l’état pur ! Pas seulement parce qu’elle met en scène une situation catastrophique qui contraint les protagonistes aux pires extrémités mais aussi parce que, comme dans Antigone de Sophocle ou même Britannicus de Racine, elle ne met pas en scène le bien et le mal mais plusieurs parties qui ont chacune leurs raisons : Marina a tout à fait raison de lutter contre le froid, mais Daniel est également fondé à vouloir préserver le peu de dignité qui lui reste et le professeur n’a pas tort d’assumer sa bassesse dans un contexte où il n’y a plus de raisons de sauver les apparences… J’ai connu plusieurs universitaires plus soucieux de leur carrière que de la défense des lettres, et de ce point de vue, cet affreux mandarin est plutôt bien senti. Mais pour être franc, ce professeur me fait surtout penser à Prétextat Tach, à cette différence près que, contrairement à l’abominable imprécateur d’Hygiène de l’assassin et à l’instar de Cottard dans la Peste de Camus, il bénéficie de circonstances qui lui permettent de remporter un triomphe provisoire… Je suis sûr que certaines personnes ont dû se tourner vers les Combustibles pendant la pandémie, comme d’autres se sont tournées vers Camus dans la même période : seulement, la situation d’enfermement que nous avons connue pendant les confinements successifs n’a pas plus de rapport avec ce que Camus fait vivre aux Oranais dans son roman qu’avec ce qu’Amélie-San fait vivre aux personnages de sa pièce. En effet, comme la machine n’a pas cessé de tourner quand nous étions enfermés, notamment grâce aux pauvres diables qui ne pouvaient pas s’offrir le luxe du télétravail, nous n’avons manqué de rien et surtout pas de chauffage… Donc, le livre qui offrirait une métaphore pertinente de ce que nous avons vécu dans cette période étrange, nous le cherchons encore ! Et je n’en veux à aucun écrivain contemporain de ne pas avoir envie de l’écrire…

Mardi 26 novembre

 

16h : Après avoir passé la journée à travailler sur un projet de bande dessinée, je sors effectuer quelques achats. J’ai ainsi l’occasion de voir que les journaux locaux n’ont une fois de plus que le Stade Brestois à la une. Il est vrai que ce soir, le club joue contre le FC Barcelone… Je commence quand même à en avoir marre de ce qu’on appelle « l’épopée européenne » du SB 29 ! Je vous rappelle que l’épopée, à la base, est un terme désignant un genre littéraire bien déterminé, en l’occurrence un poème, généralement de grande ampleur, contant les hauts faits d’un héros : l’Iliade et l’Odyssée, textes fondateurs de notre culture, sont considérés comme les paradigmes de l’épopée et les poètes grecs qui nous les ont légués ont eu peu de successeurs, à part l’Énéide en latin et la Chanson de Roland en français. Des auteurs plus récents (à l’échelle de l’histoire humaine, s’entend) comme Ronsard ou Voltaire se sont essayés eux aussi à l’épopée, mais sans jamais révraiment réussir à égaler leurs illustres prédécesseurs… Bref : le jour où un poète inspiré arrivera à écrire pour un club de foot un poème digne d’Homère ou de Virgile, j’accepterai d’entendre parler « d’épopée » à ce sujet. En attendant, messieurs les footeux, arrêtez de souiller le souvenir d’œuvres que vous n’avez probablement jamais lues (ce qui n’est pas une tare, j’en conviens) !

 

Mercredi 27 novembre

 

14h : Pourquoi ai-je la naïveté de penser qu’il peut encore y avoir une « bonne » heure pour aller à la poste ? Il est vrai que je venais tout juste d’apprendre l’arrivée d’un colis que j’attendais depuis la semaine dernière et que j’allais justement sortir pour me faire couper les cheveux avant d’aller donner ma conférence, il aurait donc été sot de ne pas en profiter. Mais j’aurais quand même pu me douter qu’il allait y avoir la queue dès l’ouverture ! Le petit vieux qui me double dans la file pour rejoindre son épouse, j’aurais aussi pu m’y attendre, au lieu de hurler « À la queue comme tout le monde » ! Encore que ça ne lui aurait pas coûté plus cher de m’expliquer tout de suite la raison d’être de son geste, raison que je n’étais pas censé connaître, après tout ! En revanche, qu’on me demande de laisser passer une mère et son bébé parce que le gosse a besoin d’être en intérieur, ça, je ne pouvais vraiment pas m’y attendre… Mais je cède sans coup férir : heureusement que j’aime trop les enfants pour me braquer dans ces cas-là ! Pour ne rien arranger, quand vient enfin mon tour, la postière me demande une signature, mais je dois la faire sur l’écran tactile d’un smartphone et celui-ci y met une mauvaise volonté évidente : je ne peux m’empêcher de signaler qu’avec un simple bordereau de papier qui ne peut pas tomber en panne, l’affaire serait pliée en une fraction de seconde ! En tout, j’aurai mis un bon quart d’heure à ronger mon frein pour enfin récupérer ma commande : un exemplaire du Voyage d’hiver, le seul livre d’Amélie Nothomb que je n’ai pas lu à ce jour ! Je m’empresse de le lire pour me changer les idées… Et je découvre que dès la première page, nous sommes en pleine préparation d’un attentat terroriste ! Amélie-San, c’est une romancière qui nous caresse d’une main et nous gifle de l’autre… À moins que ce ne soit l’inverse !

 

15h30 : Me voilà sorti de chez la coiffeuse, allégé de quelques touffes qui encombraient mon regard quand je sortais de la douche et de quelques euros que j’aurais pu investir dans du matériel de dessin si ces imbéciles de cheveux n’avaient pas la sale manie de pousser sans arrêt alors qu’on ne leur a rien demandé. Cette brave artisane m’a averti qu’elle va encore augmenter ses tarifs l’année prochaine : il m’en faudra cependant plus pour renoncer à fréquenter son salon où, au moins, je ne risque pas de me faire emmerder par une pétasse qui voudrait m’imposer à tout prix une coupe à la mode ou, pire, un merlan qui se prend pour un artiste sous prétexte qu’il sait manier une tondeuse dont même un chien ne voudrait pas sentir la morsure sur sa peau… Chaque fois que je passe devant le salon de mon quartier qui vante la coupe « coup de boule », j’ai un haut-le-cœur rien qu’à imaginer qu’on pourrait me faire arborer cette coiffure de bidasse ! Ce n’est pas que je sois exigeant en matière de look, mais je suis déterminé à ne plus avoir la coupe au rasoir que m’imposait ma mère quand j’étais enfant : à chaque fois, j’avais l’impression d’être privé d’une protection contre ce monde où tout m’était hostile… Voilà pourquoi je porte les cheveux mi-longs : parce que j’ai besoin de mettre une barrière entre moi et le reste du monde ! C’est pour la même raison que je rechigne à me mettre en manches courtes…

 

16h : Au cours de la dernière AG extraordinaire de mon laboratoire, la directrice a insisté sur la nécessité de mettre à jour nos profils sur notre site. Pour ce faire, il faut passer par la plateforme HAL… Ai-je déjà eu l’occasion de dire que c’est un système intuitif et efficace ? Non ? C’est normal : pour être à jour, je dois « seulement » supprimer quatre publications dont la paternité m’est abusivement attribuée et qui sont en fait dues à un homonyme dont les recherches n’ont rien de commun avec les miennes… Et rien que pour trouver comment y parvenir, je galère ! Cette mésaventure, associée à celle que j’ai partagée avec la postière il y a deux heures à peine, me conforte dans l’idée que le tout-numérique n’est peut-être pas l’avenir de l’humanité… Si tant est qu’elle ait encore un avenir, bien sûr !

 

18h : À la fac Segalen, je donne ma conférence sur l’histoire de Brest. Tout se passe bien et le public réagit comme je l’espérais. À part, bien sûr, l’inévitable râleuse qui prend la parole d’autorité pour me reprocher de parler trop vite ! Cette femme, d’âge mûr, n’oserait probablement me traiter ainsi si j’avais vingt ans de plus… Je m’en sors en lui disant que je suis incapable de parler moins vite (ce qui n’est même pas un mensonge), mais je ne peux m’empêcher de penser que si elle était vraiment attentive, elle n’aurait pas de mal à me suivre ! Et oui, madame, désolé de ne pas être un orateur qui vous offre la possibilité de papoter avec votre voisin(e)[1] ! Et après tout, vous êtes bien la seule à vous plaindre…

Une photo prise au cours de la conférence :

 

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Un dessin que j'ai utilisé pour mon diaporama - j'ai changé la réplique initiale pour illustre un paragraphe sur le fait (avéré) que toute la famille De Gaulle, sans exception était partie de Brest pour aller en Angleterre... Si, si, même le grand Charles ! 

 

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Jeudi 28 novembre

 

9h : J’ai une course urgente à faire avant d’honorer un rendez-vous à la fac de droit. Devant la supérette, deux jeunes gens distribuent gratuitement Le Télégramme et proposent quinze jours d’abonnement gratuit aux gens : j’accepte par pitié pour ces petits gars qui font un boulot ingrat dans le froid et aussi parce que recevoir gratuitement un quotidien pendant quelques jours n’est pas pour me déplaire : j’avoue manquer un peu d’inspiration pour les dessins d’actualité, ces derniers temps…

 

11h : Après avoir honoré mon rendez-vous et déposé des chèques à la banque, je reprends le bus et je feuillette le journal que j’ai réceptionné ce matin. Évidemment, il n’y a rien de bien exaltant… Un cessez-le-feu permet aux Libanais de rentrer chez eux : comment ne pas avoir pitié de ces pauvres types qui ne se sentent probablement pas concernés par cette guerre et qui la paient néanmoins au prix fort ? Nous n’avons vraiment aucune excuse pour refuser de les accueillir chez nous… Parlons-en, tiens : nous avons beau nous être mobilisés contre l’extrême-droite en juillet dernier, j’ai vraiment l’impression qu’elle gouverne par personne interposée ! Barnier a tellement peur d’être censuré qu’il cède tout au RN… Mais rien à la gauche, qui est pourtant la seule majorité légitime ! Et pendant que le caniche de Macron traficote pour sauver son seigneur et maître, la catastrophe écologique est déjà en route : le seuil des 1,5 degrés supplémentaires a été franchi et les émissions de CO² ne cessent d’augmenter parce que personne ne veut renoncer à SA bagnole, à SON smartphone, à SA tondeuse à gazon… Dans cette ambiance délétère, il n’y a guère que le procès de Mazan qui offre un appel d’air : l’intensification du combat des femmes pour leur dignité est bien tout ce qui est arrivé de positif au cours des dix dernières années ! Ne lâchez pas l’affaire, les filles : avec Trump et Musk, vous n’avez pas fini de lutter… 

 

Permettez-moi d'illustrer mon propos avec ce dessin de minou féminin bien poilu (Wolinski disait que ça l'impressionnait quand il était jeune), avec pour message : permission de regarder, mais défense de toucher ! En tout cas, pas sans consentement préalable ! Pigé ? C'est pas compliqué, pourtant ! 

 

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14h : Avant de reprendre le travail sur mon projet de BD, je termine la lecture du Voyage d’hiver : il n’y pas de doute, madame Nothomb n’écrit jamais au rabais ! Mine de rien, en une semaine seulement, j’aurais lu trois de ses livres, tous très différents les uns des autres. J’aurai l’audace de qualifier celui-ci de « classique » au sens où il traite du thème qui est au cœur de l’œuvre d’Amélie-San depuis Hygiène de l’assassin : le deuil des idéaux romantiques. La plupart des héros « nothombiens » ont en commun de faire violence à la réalité pour la forcer à se conformer à leurs rêves de pureté et d’absolu ; soit ils finissent par adopter un modus vivendi avec le réel décevant, comme Plectrude dans Robert des noms propres, soit ils s’accrochent à leurs fantasmes et le paient au prix fort : Zoïle, le narrateur du Voyage d’hiver appartient clairement à la seconde catégorie, il ne lui a manqué qu’un peu de patience pour renoncer à commettre l’irréparable… Il a beaucoup de points communs avec Épiphane, le monstrueux héros d’Attentat : tout comme lui, c’est la laideur qui le prive de la communion avec sa bien-aimée, à cette différence près qu’il ne s’agit pas de sa propre hideur (Zoïle n’est jamais décrit, il ne semble cependant pas rebuter la belle Astrolabe) mais de celle de la pauvre Aliénor. Et comme pour Épiphane, on comprend sans peine que l’autrice ne cherche pas à lui attirer à tout prix notre sympathie et encore moins à justifier sa décision finale… Non, je ne vais pas raconter la fin ! Vous n’avez qu’à lire le livre vous-même, crétonnerre !

 

18h : Désormais détenteur d’une Carte Mobilité Inclusion, je décide d’en profiter pour faire valoir mes droits au transport à la demande auprès de Bibus. Je constate que même les meilleurs systèmes ont leurs limites : dans le cas présent, il est dans le fait qu’au moment de préciser mon type de handicap, je ne trouve rien, parmi les cases à cocher, qui me correspond vraiment ! Je ne suis pas en fauteuil, je ne suis même pas mal-voyant et, surtout, je ne tiens absolument pas à laisser croire que je serais intellectuellement défaillant - mon type d’autisme a justement ceci de particulier qu’il ne se manifeste pas par un retard intellectuel ou langagier ! Je me rabats donc sur « personne semi-valide », qui laisse le champ libre à toutes les interprétations et qui n’est même pas tellement incompatible avec le fait indiscutable que les retards excessifs sont pour moi une source d’angoisse disproportionnée et que le brouhaha des autres usagers m’est insupportable… Un bon point quand même : une heure plus tard, j’apprends que mon dossier est validé et on me donne le numéro auquel il me faudra appeler quand j’aurai besoin d’un transport à la demande ! Au moins, c’est efficace…

 

Vendredi 29 novembre

 

10h : Faisant mon marché, je profite d’être au stand de la fromagerie pour demander ce qui s’est passé dernièrement avec le fromage « Mont d’or » : en effet, en amont de mon don de sang de lundi dernier, on m’a demandé si j’en avais mangé, et je remarque, derrière la vendeuse, un papier évoquant un « rappel de produit » concernant ce type de fromage. On me répond qu’en effet, des fromages « Mont d’or » ont été contaminés par une bactérie responsable de gastro-entérites… Les végans, qui jugent que même traire une vache est criminel, ont dû se frotter les mains en apprenant la nouvelle[2] ! En attendant, vu que le fromage est une des rares denrées dont j’aurais beaucoup de mal à me passer, j’ai beau me féliciter de ne jamais manger de « Mont d’or » (dont j’ignorais jusqu’alors l’existence), ça me fait quand même mal au cœur d’apprendre qu’un chef-d’œuvre du génie humain tel que le fromage puisse être vecteur de maladies ! Décidément, tout va à vau-l’eau…

 

Avant de conclure, un profil de poivrot d'après une photo parue jadis dans Hara-Kiri :

 

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Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 

[1] Je n’identifie pas le sexe de la personne à côté de laquelle elle est assise, c’est tout, faites pas chier.

[2] Désolé d’en rajouter, mais je jure que tous les végans que j’ai connus étaient très cons…



29/11/2024
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