Samedi 22 février
11h : Je passe devant le Stella[1] et je peux ainsi apercevoir la « une » du hors-série du Télégramme sur le Stade Brestois avec pour titre « Ils nous ont fait rêver ». Ah bon, ils m’ont fait rêver ? Je suis ravi de l’apprendre, je ne m’en étais pas rendu compte, j’avais plutôt la nette impression de me foutre complètement de leur équipée européenne ! Il faut croire que je ne dois pas faire partie de la société… Ça n’a l’air de rien, mais c’est là que commence l’exclusion : quand on décrète que tout le monde pense la même chose d’un fait quelconque, sans même demander leur avis aux gens, niant de facto toute existence à ceux qui ne partagent pas cet avis. Si ça se trouve, les non-supporters sont plus nombreux que le prétendent les médias mais on ne le saura jamais puisqu’ils nous assènent d’entrée de jeu que les footeux « nous » ont fait rêver, reléguant ceux qui ne se conforment pas à ce modèle au rang de curiosités exotiques… Et, in fine, potentiellement dangereuses pour la communauté ! D’ici à ce qu’on conduise les gens comme moi au stade « pour autre chose que du sport » comme l’a chanté Yvon Étienne[2], il n’y a pas loin… Allez, ne flippons pas tout de suite et entonnons un refrain qui mériterait d’être l’internationale de tous les non-supporters du monde – je parie que vous ne savez pas qui en est l’auteur[3] :
On vend du shampoing, on veut des portables,
Nous les footeux, on est prêts à tout,
Oui le pognon, c’est ce qui nous rassemble,
Jouer au ballon, à vrai dire on s’en fout[4].
12h30 : Déjeuner au Biorek. Valérie, la maman d’Alexandre, trouve qu’il y a peu de monde en ville. Je ne la contredis pas : en venant, j’ai surtout croisé des touristes ! Il y avait des jeunes gens qui discutaient en anglais dans le bus et j’ai croisé dans la rue une famille qui essayait de s’orienter avec un guide en papier – comme quoi, n’en déplaise à ma jolie maman, il n’y a pas que moi qui refuse de céder au diktat du smartphone. Visiblement, les Brestois ont été nombreux à partir en vacances et la ville attire de plus en plus les touristes : tant mieux pour les dragueurs de petites étrangères mais, sorti de ça, je ne vois pas pourquoi ce qui est une calamité dans le Midi et à Paris serait une bénédiction chez nous…
Le 22 février, c'est aussi le Rihanna Day à la Barbade :
Dimanche 23 février
14h : Me sentant un peu déprimé, je relis mes livres de Nadine Monfils, la romancière belge à laquelle la littérature francophone actuelle doit ses polars les plus déjantés : j’avoue, j’avais un peu perdu le souvenir de l’intrigue de La petite fêlée aux allumettes, sans doute parce qu’elle est finalement occultée par les fredaines, aussi catastrophiques qu’hilarantes de l’incontrôlable Mémé Cornemuse, la vieille dame indigne qui défouraille à tour de bras. Ma situation, dont je ne suis pas fier mais dont je n’arrive pas à avoir honte, me rappelle la nécrologie de Frédéric Dard par Cavanna :
« Dard, au départ, comme tout un chacun, lance un flic choc : San-Antonio. Beau gosse, bagarreur, tout. Un vrai con. Dard, homme de métier, lui colle un faire-valoir : Bérurier. Bérurier, en moins de deux, dévore San-A. Bérurier, l’énorme, l’immonde, un Sancho Pança dégueulasse. C’est lui qu’on attend. San-A le play-boy nous emmerde. L’intrigue est ce qu’elle est, toujours honnête[5]. »
Mémé Cornemuse est donc à Nadine Monfils ce que l’inspecteur Alexandre-Benoît Bérurier était à Frédéric Dard[6] : un personnage tellement hors normes qu’il éclipse tous les autres, même si son rôle est, de prime abord, secondaire. Vous l’avez compris, je me régale à relire madame Monfils et je ne pense que je ne me lasserai jamais de ses romans. Cela dit, il y a quand même un passage qui me fait tiquer :
« De toute évidence, ou il écrivait façon textos, ou il était illettré. Tous les échanges qu’elle avait eus avec lui étaient bourrés de fautes d’orthographe. Mais la vieille s’en fichait. On n’était pas chez Pivot. D’ailleurs, elle n’avait jamais aimé ce type, ni ses émissions. Un chroniqueur littéraire qui n’aime pas les polars, c’est comme un prof qui n’aime que les premiers de la classe. Et tout le monde sait que ceux qu’on appelle les « cancres » sont souvent les plus intéressants[7]. »
Je suis parfaitement d’accord avec l’autrice pour dire que le préjugé de Bernard Pivot contre les polars était ridicule[8], mais je n’apprécie pas sa comparaison qui est finalement dévalorisante même pour le genre qu’elle pratique et défend : je peux attester que contrairement à ce qu’on croit, les cancres, du moins dans leur grande majorité, ne sont pas intéressants, ils ne sont pas sympathiques du tout et sont pires que cons ! D’accord, il existe des élèves intelligents qui ont de mauvaises notes parce qu’ils s’ennuient à l’école et qui deviennent finalement de grands artistes, de grands savants… Mais c’est finalement très rare ! Sinon, les génies seraient légion ! La plupart des cancres sont mauvais élèves parce qu’ils ne sont bons qu’à jouer au foot et à regarder la télé en buvant de la bière bas de gamme ! Et ils sont plus nombreux à devenir de gros beaufs supporters de foot, fan d’Hanouna et électeurs du RN qu’à être Mozart ou Einstein ! Quant aux premiers de la classe, il faudrait vraiment cesser de les dévaluer systématiquement : je l’ai déjà dit, la plupart des gamins qui sont bons élèves ne le font pas par méchanceté ! Et il ne faudrait pas s’imaginer qu’ils aiment plus l’école que les autres ! Cette petite conne de Léonie Gratin, dans L’élève Ducobu, qui saute de joie quand l’instituteur annonce une interro, c’est de la caricature, pigé ?
Lundi 24 février
11h30 : Le résultat des élections en Allemagne m’effare… Même outre-Rhin, ils tombent dans le piège ! Alors que c’est bien à cause de ces idées pourries que leur pays a fini par être dévasté ! Ah oui, mais c’était il y a quatre-vingts ans déjà, et la plupart des jeunes à qui on en parle aujourd’hui répondent probablement « J’étais pas né »… Tu n’étais pas né en 1945 mais, à la même époque, beaucoup sont morts prématurément, jeune gland ! Ils avaient ton âge et leur seul crime était d’être juif, tzigane ou homosexuel (entre autres particularités jugées indésirables par le petit caporal autrichien et sa clique de bouchers) ! Ne t’imagine surtout pas que l’extrême-droite s’arrêtera gentiment aux immigrés : quand le bon peuple commencera à s’apercevoir que la chasse aux métèques ne résout pas les problèmes de fin de mois, les fachos trouveront d’autres boucs émissaires et, de fil en aiguille, ils finiront par s’en prendre aux droits des femmes, des LGBT, des handicapés… Jusqu’à ce que, faute de chair fraîche à livrer en pâture à la vindicte populaire, ils t’envoient faire la guerre en Ukraine, en Corée du Nord ou au Canada aux côtés de l’armée de cette grande et belle démocratie que sont les États-Unis d’Amuskrique! Bon, pas de panique, on n’en est pas là : ils ne sont pas (encore ?) majoritaires et puis il y a quand même une défaite de l’extrême-droite à enregistrer : la disparition annoncée d’Hanouna des petits écrans ! Je suis tombé sur un article faisant état du dépit de ses fans : bien fait pour eux ! Je ne conçois pas qu’on puisse encore défendre ce clown maléfique sans être un gros facho ou un crétin inculte ! Prions quand même pour que « Baba » ne se lance pas en politique : il n’aura pas de problème pour recruter des miliciens… « Avant la prise du pouvoir par Hitler, les effectifs des S.A. atteignaient les deux millions de soudards fanatisés, tous recrutés parmi les anciens combattants de 14-18 devenus chômeurs[9] » nous rappelait Cavanna au début des années 1990.
14h : J’assiste à une réunion organisée à la fac par la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne : j’y suis allé par curiosité, m’attendant à ce que ce soit un tantinet chiant et me promettant ne pas m’attarder une fois que ces messieurs-dames auront fini de détailler les services qu’ils peuvent rendre aux chercheurs. Finalement, ce n’est pas si inintéressant que ça, je prends même bonne note d’information qui pourraient m’être utiles pour mes projets et je me promets de les recontacter dès que possible. Il y a quand même un point de mon pronostic qui se vérifie : je ne m’attarde pas. Mais je me promets de mettre une gifle à la prochaine personne qui osera me soutenir que la curiosité est un vilain défaut !
Mardi 25 février
11h30 : J’étais d’humeur massacrante au réveil : j’avais un boulot chiant à exécuter et la simple idée de devoir m’y mettre me détruisait le moral. Pour ne rien arranger, il a fallu que je passe à la poste pour régler une formalité administrative à la con – un pléonasme, excusez-moi. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis néanmoins mis au travail, non sans prendre soin de faire tourner sur mon ordinateur une vidéo de pluie pour me calmer les nerfs. J’avais finalement réussi à trouver mon rythme de croisière dans l’exécution de cette tâche… Quand, tout à coup, le bruit de pluie qui me servait de tranquillisant s’est brusquement arrêté ! Ma connexion à Internet venait de sauter et j’ai eu beau débrancher et rebrancher la Freebox, ça ne redémarrait pas… Il va donc falloir appeler l’assistance Free, ce qui n’est évidemment pas fait pour arranger mon humeur… Il y a des incidents qui ont le chic pour se produire exactement au moment où il ne faut pas !
13h30 : C’est le coup de grâce ! Non seulement je n’ai pas réussi à joindre un seul conseiller de chair et d’os (tout s’est fait par l’intermédiaire d’un répondeur automatique) mais, pour finir, il faut prendre rendez-vous pour faire venir un technicien chez moi et, afin que je puisse indiquer à quel créneau il peut passer, on m’envoie un SMS avec un lien ! Et comment je fais, vu que je n’ai plus de connexion, grandes patates ? Complètement vidé, je file chercher du secours chez une amie qui habite à deux pas et qui, je le sais, ne me refusera pas son aide : je suis tellement stressé que je ne prends même pas la peine de me changer ! Je ne tiens pas à savoir de quoi j’ai l’air, dans la rue, en pantoufles et vêtu de mes frusques de dessinateur…
16h30 : Après deux heures de travail en compagnie de mon DVD du Chat de Geluck qui m’a aidé à faire abstraction du monde extérieur, je constate que ma connexion remarche… Elle est revenue comme elle était partie ! Je dois maintenant recontacter Free pour annuler le rendez-vous : je ne trouve rien sur l’espace abonné en ligne, je dois donc retéléphoner : c’est la croix et la bannière pour joindre quelqu’un et je suis même obligé de m’y prendre à deux reprises vu que, la première fois, je tombe sur une cruche qui ne comprend rien à ce que je lui dis, ce qui a achevé ma patience déjà bien entamée… Il faut être juste : ce genre de mésaventure est, somme toute, assez rare. Mais qu’est-ce que c’est chiant…
Ne me traitez pas de macroniste : je lui fais bien dire "presque"...
Mercredi 26 février
10h30 : Sous une pluie battante, je me procure le dernier numéro de Côté Brest. Je n’ai pas le temps d’attendre l’accalmie, c’est donc trempé comme une soupe que j’atteins l’abribus où je feuillette cette édition qui s’avère très intéressante, et pas seulement grâce à ma propre page : tout le contenu du journal m’inspire… Je suis quand même un peu surpris de constater que l’interview d’Enrico Macias est signée par notre nouvelle recrue qui se trouve être aussi une de mes anciennes camarades de Kerichen ! Il faut croire que la rédaction a décidé de la bizuter ! En tous cas, je lui dis merci, j’aime autant que ce soit elle plutôt que moi qui se tape les chanteurs ringardos… J’imagine que ma page histoire surprendra plusieurs personnes, mais depuis que j’avais découvert que les Guignols avaient fait allusion à Brest au moins deux fois dans les années 1990, je brûlais d’envie d’en parler aux lecteurs ; j’ai donc cherché si, parmi les personnalités liées à Brest, il n’y en avait pas au moins une qui avait figuré parmi les célèbres marionnettes… Et je n’ai trouvé que Béatrice Dalle ! J’ai donc préféré traiter d’un autre grand nom qui figurait sur la liste, Paul Deschanel : après tout, si les Guignols avaient existé dans les années 1920, il y aurait certainement figuré et on aurait eu droit à des sketches gratinés ! Pas tellement sur sa chute de train mais plutôt sur l’exploitation qui en a été faite par ses adversaires, trop heureux d’avoir un prétexte pour accuser de folie cet homme sincèrement attaché aux idéaux de la République, favorable au vote des femmes, à la décolonisation et à l’abolition de la peine de mort…
Quelques caricatures réalisées en vue de cette page, qui ont malheureusement été tronquées à la publication du fait de la mise en page, peut-être un peu trop rigide, du journal :
La pensée de la marionnette est inspirée d'une réplique du guignol de Chirac à celui de Balladur, prononcée en 1993... Putain, trente-deux ans !
Peut-être un peu trop nominative, cette caricature n'a pas été retenue.
13h30 : Je ne suis pas un inconditionnel de Zep, même si je reconnais qu’il a du mérite d’avoir fait tomber le tabou de l’angoisse infantile dans sa série principale (que je n’ai pas besoin, j’imagine, de vous nommer) : toutefois, j’aime beaucoup ses Happy books recueillant des gags liés par un thème bien déterminé. Je me suis donc procuré les albums Happy rock et, surtout, Happy parents qui me rend encore moins pressé de me reproduire : je l’avais déjà lu il y a longtemps mais j’en ris toujours autant aujourd’hui ! Il est juste dommage que l’auteur ait cru bon de raconter l’histoire de ce bon père qui, à force de vouloir se montrer bienveillant envers son ado qu’il croit en plein flirt, fait involontairement croire au jeune homme qu’il lui met la pression pour qu’il fasse l’amour avec sa camarade alors même qu’il n’en avait nulle envie… Philippe Chappuis[10] ignorait-il que ce gag avait déjà été fait par le regretté Wolinski et qu’on le retrouve dans le recueil de ce grand humoriste intitulé Mon corps est à elle ? Bon, je chipote, il en faudrait plus pour nuire à la qualité de cet album…
16h30 : J’ai beau exhorter mes concitoyens à patience face aux difficultés générées par le chantier de la deuxième ligne de tram, j’avoue que j’ai moi-même hâte que le gros du boulot soit terminé ! Pourquoi ? Voilà : s’il n’y avait pas le chantier, la circulation à l’heure de pointe, déjà laborieuse en temps normal, ne virerait pas tous les jours au cauchemar. Donc, s’il ne fallait pas éviter à tout prix d’emprunter l’avenue Le Gorgeu en fin d’après-midi, je n’aurais pas jugé nécessaire de me rapprocher le plus tôt possible de l’annexe des Beaux-Arts, et je serais resté travailler au Béaj Kafé au lieu d’aller le faire à la médiathèque de Bellevue où je supporte depuis deux heures et demie déjà le vacarme que font tous ces affreux petits jojos en courant et en poussant des cris ! Plus personne n’ose faire montre d’autorité envers les enfants, même et surtout dans les médiathèques parce que on ne veut pas dégoûter trop tôt les chers petits de la culture et, au final, ces établissements plus qu’honorables n’offrent plus un refuge contre l’agression permanente que constitue la civilisation… Certaines personnes fustigent mon manque de patience : j’estime au contraire faire montre d’une endurance hors du commun en me retenant de hurler « Vos gueules, les mioches » !
20h45 : Alors là, NON ! On ne peut rien m’opposer ! J’étais sur le passage clouté, il n’y avait pas de circulation, j’étais dans mon droit ! N’importe quel véhicule devait s’arrêter pour me laisser passer, quel que fût le temps que je pouvais mettre à traverser ! Il n’y avait donc aucune, je dis bien AUCUNE raison pour que ce connard, déboulant à toute vitesse sur sa moto, me refuse la priorité… Et fasse même un ÉCART pour me FRÔLER ! À un centimètre près, il me percutait ! On parle beaucoup des motards en colère… Mais pourquoi n’existe-t-il pas de collectif des piétons en colère ? S’il y a des gens qui ont lieu de se plaindre de la façon dont sont conçues les voies de circulation en ville, c’est bien nous ! Non seulement nous devons nous contenter des miettes que nous laissent les conducteurs de poubelles motorisées mais nous n’y sommes même pas en sécurité ! Que les automobilistes arrêtent de chouiner contre les prix de l’essence et la sévérité des règlements, ils ne sont vraiment pas les plus à plaindre…
Sans rapport : un dessin de mon évier.
Jeudi 27 février
14h30 : J’ai jugé préférable de prendre un Accemo pour honorer mon rendez-vous avec la psy. Le chauffeur m’a déjà pris en charge et se souvient de moi : il me demande s’il en va de même pour moi, je réponds mollement que oui. Il espère certainement être bienveillant et je n’ose pas lui expliquer que si je fais appel à ce service de transport à la demande, c’est justement parce que j’ai un handicap qui me rend difficiles les interactions sociales et qu’être traité comme un voyageur anonyme parmi beaucoup d’autres, loin de me déplaire, serait plus sécurisant pour moi… Décidément, il n’y a pas de panacée !
16h30 : Après avoir récolté auprès de mon pote Jean-Yves une histoire qui fera bientôt les délices des lecteurs de Côté Brest, je me replonge dans une corvée : la récupération des dessins qui sont publiés sur mon blog et que je n’ai plus sur mon disque dur depuis le larcin dont j’ai été victime à Paris il y a un peu plus d’un an. C’est long, fastidieux et, surtout, c’est un vrai exercice d’humiliation pour moi de me replonger dans ces dessins déjà très vieux et inégalement réussis : bien sûr, je ne récupère que ceux que je suis encore prêt à assumer, mais j’en arrive à me demander comment je pouvais espérer faire carrière à l’époque alors que j’avais déjà plus de trente ans… Déjà qu’aujourd’hui, j’ai encore des doutes !
18h : Conférence de Johann Leconte sur Fréderic Bouyer, navigateur brestois du XIXe siècle qui ramena d’un voyage vers la Guyane une preuve tangible de l’existence, alors sujette à caution, du calamar géant ! Et ce n’était qu’un de ses mérites parmi beaucoup d’autres : plus de détails dans un prochain Côté Brest… Pour l’heure, sachez seulement que l’orateur, qui se défend pourtant d’être un professionnel, m’offre ce que je commençais à désespérer de trouver : une conférence bien ficelée, passionnante de bout en bout, sans un temps mort, et qui ne laisse à personne le temps de bavarder ! Je n’ai qu’un mot : bravo ! Quand c’est bien, il faut le dire aussi !
19h : Fait rarissime et qui confirme l’intérêt de la conférence : je pose une question ! En effet, Frédéric Bouyer a commencé sa carrière sous la monarchie de juillet et l’a terminée sous la IIIe République en passant par le Second Empire. Je demande donc si ce marin, qui a laissé beaucoup d’écrits et a servi sous trois régimes politiques différents, a eu l’occasion s’exprimer sa préférence pour l’un d’eux. La réponse est non : monsieur Leconte n’a rien trouvé permettant de cerner la sensibilité politique de ce navigateur. De prime abord, c’est un comble pour un homme du XIXe siècle qui était pourtant instruit, érudit même, et qui n’était même pas insensible à la question sociale, comme en témoigna, entre autres, un article qu’il rédigea pour dénoncer la condition des mousses en son temps… En même temps, Bouyer a connu tellement d’aventures sur la mer qu’on ne peut pas lui reprocher d’être resté indifférent à celles qui ont secoué le pays qui le payait pour voyager ! Comment pourrait-on avoir envie de faire la révolution quand on a le privilège de visiter le monde entier ? Laissons ça à ceux qui de bonnes raisons d’être malheureux…
Une vidéo sur une autre personnalité qui fait la fierté des Brestois :
19h30 : Tout heureux d’avoir récolté assez de matière pour le journal, j’attends le bus à la station Liberté Morvan. Je feuillette un album de bandes dessinées trouvé dans une boîte à dons, un produit publicitaire édité pour Bouygues Télécom et compilant des gags de Cubitus, Achille Talon, Léonard et Boule et Bill sur le thème des télécommunications : je l’ai pris pour le plaisir simple et enfantin de retrouver les séries comiques qui ont marqué mon enfance et dont je ne renierai jamais le plaisir qu’elles m’ont apporté. Soudainement, mon livre est maculé (par bonheur à un endroit où ne figure aucun dessin) d’une matière brune manifestement tombée du ciel et dont je ne parviens à cerner ni la nature ni l’origine exacte : ce n’est pas une chiure d’oiseau, ce serait autrement plus malodorant et difficile à enlever. Naturellement, je ne peux compter sur aucun témoin pour éclairer ma lanterne : non que je sois seul, mais toutes les autres personnes attendant l’autobus ont le nez sur leur smartphone… Je pense que j’aurais presque préféré qu’ils assistent à l’incident, quitte à ce qu’ils se moquent de moi. Comme disait Cavanna (oui, encore lui) : « Il y a plus insultant que le rire. C’est l’indifférence[11]. » Je demande à une jeune fille de bien vouloir lever les yeux pour vérifier si je n’ai pas une salissure sur ma casquette : elle me répond par la négative, visiblement d’assez mauvaise grâce, mais je ne sais pas si c’est à cause du ton, un peu condescendant j’en conviens, avec lequel si je l’ai questionnée, ou si c’est tout simplement parce que j’ai eu le front de la déranger de son écran chéri pour lui rappeler qu’il y a un monde autour d’elle.
Toujours sans rapport : un dessin de mon four.
Vendredi 28 février
10h30 : Au marché de Lambézellec, le stand « Mon réseau grandit », qui informe les gens sur l’avancement des travaux du tramway, est au rendez-vous, tenu par le père de la fiancée de mon cousin : je lui demande si les gens ne sont pas trop désagréables, mais non, il semble même qu’ils se sont habitués à la situation et en ont pris leur parti. Tant mieux si ça peut éviter à ce brave homme, qui est littéralement en première ligne, de se faire insulter ! Mais au train où vont les choses, quand le chantier sera terminé (en principe pour la fin de l’année), vous allez voir que les Brestois se plaindront d’être obligés de se réhabituer à une situation normale…
12h45 : Un peu (et même beaucoup) par hasard, j’apprends la mort de Michelle Trachtenberg. Je ne connaissais pas les séries dans lesquelles elle jouait, mais je me dis que c’est quand même dommage : elle était jeune, elle était belle, elle avait du talent… Décidément, il n’y a pas de justice ! Je ne cite personne, suivez mon regard…
13h40 : J’ai repris un Accemo pour honorer un rendez-vous à la faculté : cette fois, le véhicule est conduit par une dame que je ne connais pas. Et réciproquement : comme tous les gens qui viennent à mon adresse pour la première fois, elle est d’abord passée devant l’allée menant à mon immeuble sans la remarquer et c’est en me voyant l’attendre sur le trottoir qu’elle a compris où s’arrêter ! Elle me demande si j’ai besoin d’aide pour mettre la ceinture : je réponds que non mais que je lui saurais gré de parler moins fort et de baisser le volume de sa radio… Ce système de déplacement à la demande n’est pas mauvais, mais il serait encore meilleur si on pouvait informer les conducteurs que le monde du handicap est pluriel et ne se réduit pas aux gens qui ont besoin d’assistance pour des gestes élémentaires !
13h55 : Nous approchons de la fac : un jeune homme remontre l’avenue Foch, qui est en pleins travaux, en improvisant un numéro de funambule sur une des étroites barres de ciment laissées par les ouvriers. Comme une demoiselle marche à côté de lui, je ne peux m’empêcher de dire : « Il y en a qui ne savent plus quoi inventer pour impressionner les filles ! » Mais quand il se sera cassé la gueule en tombant, je lui souhaite bon courage pour continuer à draguer…
14h15 : L’entretien à la fac aura été bref, j’avais seulement besoin de précisions sur un événement organisé le 27 mars prochain mettant en avant une poétesse écossaise et une chanteuse bretonnante : j’ai remercié mes interlocuteurs pour leur accueil, mais ils ont insisté sur leur conviction que c’était à eux de me remercier et ils m’ont même offert un exemplaire du recueil de la poétesse en édition bilingue[12] ! Je leur ai pourtant bien précisé que je ne voulais pas les faire rêver et que l’annonce de l’événement dans le journal ne prendrait que quelques lignes… Je serai toujours impressionné par l’importance qu’on a aux yeux des gens quand on leur promet ne serait-ce qu’une mention dans la presse !
18h30 : Vous vous souvenez des Animaniacs dans les années 1990 ? Entre autres merveilles[13], cette série animée produite par la Warner, où sont nés les inénarrables Minus et Cortex, proposait une pastille intitulée « Bonne idée – Mauvaise idée », avec par exemple : « Bonne idée : jouer du pipeau en défilant dans les rues – Mauvaise idée : jouer du piano en défilant dans les rues ». Comme dirait Gainsbourg[14] : ça vous a plu, hein, vous en demandez encore ? Alors voilà. Bonne idée : descendre au Kafkérin pour aller écouter Jeanne Rose, le jeune prodige brestois de la chanson. Mauvaise idée : venir deux heures avant l’heure du concert et se taper le vacarme du réglage de la sono. Jeanne a intérêt à chanter divinement pour me faire oublier ces bruits aussi discordants qu’incongrus…
20h30 : Évidemment, Jeanne Rose n’a aucun mal à satisfaire mes attentes. Du haut de ses douze ans, elle a déjà tout d’une grande dame et je ne regrette pas d’être venu. Je n’approuve pas forcément tous ses choix de reprise, mais elle chante si bien qu’elle peut se permettre d’interpréter n’importe quoi ! J’ai beau détester Balavoine, je ne lui reprocherai de finir sur une reprise du « Chanteur » qui prouve qu’elle a le sens de l’autodérision. J’ai même pleuré sur « Évidemment » de France Gall puisque c’était la chanson qui a été jouée aux obsèques de ma tante Karine… Pour la féliciter, je lui offre un portrait réalisé sur le vif : je lui ai fait des mains un peu trop potelées, mais il lui en faudrait plus pour dédaigner cette offrande d’un admirateur sincère. Et dans le pire des cas, on pourra toujours dire que ça lui permettra de passer dans un épisode des Simpson… Quoi ? La série s’arrête ? Et bien c’est dommage pour Homer[15], il ne rencontrera pas Jeanne !
Deux croquis exécutés au cours de cette soirée très réussie :
Quelques photos :
Avec, en post-scriptum, Jeanne posant fièrement (?) avec mon dessin :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Bar-tabac-presse de Lambézellec, à ne pas confondre avec le Score qui lui fait face et qui, de toute façon, est en travaux à l’heure où j’écris ces lignes.
[2] Dans sa chanson « Mes collections » où il classe le Parc des Princes parmi les lieux qui attirent son mépris. Retrouvez-la ici : https://youtu.be/YSCUURPUb00?si=L1VPT9NBDl4pbUzs
[3] C’est Karl Zéro !
[4] Retrouvez cette parodie de la chanson de Johnny Hallyday pour la coupe du monde football 2002 à cette adresse : https://youtu.be/GWFZPyDFRdQ?si=MHL2yXtE-GWJEdnT
[5] Charlie Hebdo n°417, 14 juin 2000, repris dans Le dernier qui restera se tapera toutes les veuves, Wombat, collection « Les intempestifs », Paris, 2023, p. 140.
[6] Ne me parlez des pâles copies de ses livres dues à son rejeton, s’il vous plaît.
[7] Nadine Monfils, La petite fêlée aux allumettes, Belfond, collection « Piment » Paris, 2012, p. 185.
[8] Ce qui n’enlève rien à son mérite d’avoir donné au grand public l’accès à une certaine exigence littéraire. Après tout, personne n’est parfait !
[9] François CAVANNA, Coups de sang, Belfond, Paris, 1991, p. 222
[10] Vrai nom de Zep.
[11] Préface à Le pire de Hara-Kiri, Hoëbeke, Paris, 2010, p. 7.
[12] La traduction française ne sera pas superflue car cette autrice n’écrit pas en anglais mais en dialecte des Shetlands !
[13] Pour être tout à fait franc, je n’ai jamais été fan des Animaniacs : quand j’ai vu pour la première Yakko, Wakko et Dot pousser leurs hurlements, j’ai eu une trouille bleue ! Mais j’ai été marqué par le gag que je cite ici.
[14] Dans « Bonnie and Clyde », qu’il a chanté avec Brigitte Bardot quand celle-ci semblait encore sympathique et intelligente, comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences.
[15] Non, je ne plains pas le reste de sa famille : j’avoue que je n’aimais pas trop Marge qui me rappelait ma mère dans ses plus mauvais moments. J’ai souvent détesté Lisa comme j’ai toujours détesté les personnages moralisateurs. Quant à Bart, je le haïssais parce qu’il me rappelait trop les petits branleurs qui me pourrissaient la vie à l’école. En revanche, je m’identifie beaucoup à Homer qui incarne ce que nous avons tous de plus bas mais avec une façon de le porter bien en haut qui est rédemptrice.
Vendredi 14 février
17h30 : Vacances scolaires obligent, il n’y a pas de cours de natation en ce moment. Histoire de ne pas perdre le rythme de l’entraînement, je profite d’être provisoirement libéré de toute obligation pour aller nager à Recouvrance. Au moment de monter dans le tramway, je constate que les panneaux d’affichages diffusent des messages incitant à prendre le tram pour assister au match de football « SB29-AJA » qui aura lieu ce soir. Le Stade brestois affronte l’Ajax d’Amsterdam ? Décidément on aura tout vu ! Non, renseignement pris, il s’agit de l’AJ Auxerre, ce qui est déjà moins étonnant mais reste tout de même presqu’irréel pour moi qui ai grandi avec la figure de Guy Roux. Est-ce que je suis fier de ma ville pour autant ? Pas du tout : il faudrait plus que ça pour me guérir de mon aversion pour tout esprit de clocher et, surtout, l’annonce a pour seul résultat de me faire jurer de ne pas m’attarder en ville afin de ne pas risquer de croiser une meute de supporters !
18h15 : La piscine de Recouvrance était fermée pour problème technique, je me suis rabattu sur celle de Kerhallet à Bellevue. Qu’est-ce que ça change ? Dans l’absolu, il est vrai, pas grand’ chose… Sauf que, quand j’étais petit, ma mère, constatant que j’étais plus apaisé dans l’eau, avait eu l’idée de m’inscrire à l’activité « natation » proposée par le Patronage laïque du Bergot, dans l’espoir de me donner le goût de l’effort physique et de me « sociabiliser ». Seulement voilà : je vivais comme une punition le fait de devoir sortir de la maison alors qu’il faisait déjà nuit et, surtout, j’avais beau aimer l’eau, la compagnie des enfants de mon âge m’était toujours aussi insupportable. Ceci pour dire que la piscine Kerhallet a été le théâtre d’un double échec familial : échec de ma part, puisque je n’ai finalement appris à nager que bien plus tard, et échec de ma mère à comprendre que l’insociabilité de son grand garçon n’était pas dû à un manque de bonne volonté mais bien à un handicap invisible… Bref, venir y nager aujourd’hui, c’est une petite revanche pour moi ! Surtout à cette heure où elle est peut fréquentée et où il règne un calme remplaçant avantageusement le vacarme des affreux petits jojo du patro[1]…
19h20 : Après trois quarts d’heure de nage, j’ai bien mérité un bon repas : heureusement, l’auberge Napoléon III, où les mets sont délicieux malgré le nom peu inspiré de l’établissement, est à deux pas. En chemin, je croise un type qui porte, entre autres, un ballon de baudruche en forme de cœur : il y en a qui n’ont pas peur du ridicule pour déclarer leur flamme… Je dis parfois qu’il faudrait fêter l’amour toute l’année ; mais si ça doit passer par l’achat de babioles grotesques ou l’exécution de rituels imbéciles comme les cadenas d’amour, mieux vaut, à tout prendre, qu’il n’y ait qu’une saint-Valentin par an.
19h50 : En attendant mon andouillette (je n’ai pas souvent l’occasion d’en manger), je jette un œil sur mon téléphone et je constate que j’ai un message d’une personne qui ne me contacte pas souvent : une jeune cousine, actuellement au collège ! Cette jeune fille n’est pas n’importe qui dans la famille : non seulement elle est si belle qu’on lui donnerait le bon dieu sans confession mais, surtout, sa maman nous a quittés quand elle était encore bébé, et comme la demoiselle ressemble de façon plus que convaincante à la défunte, nous ne pouvons nous empêcher de lui vouer une dévotion presque totale. La donzelle me sollicite parce que son sadique de professeur de français, qui n’a visiblement rien compris à la jeunesse, a eu l’idée idiote de faire lire Carmen de Mérimée à sa classe : évidemment, ça ne la passionne pas, et avec son intellect d’adolescente du XXIe siècle, elle s’enlise complètement dans la langue surannée de Mérimée… Bref, elle me demande de lui faire un résumé. Comment dire ? Je me sens comme un chevalier chargé d’une mission par sa dame ! Vous allez me dire que c’est ma cousine et qu’elle est de surcroît mineure ? Mais justement : dans l’amour courtois, il ne peut rien avoir de sexuel entre le chevalier et sa dame, je vous le rappelle !
Samedi 15 février
9h35 : Drôle d’idée, j’en conviens, de s’installer dans le hall d’une mairie de quartier pour écrire sur mon ordinateur ! Une employée ne manque pas de me le signaler à sa manière en me demandant si j’ai rendez-vous : je lui explique donc que j’attends l’heure de l’ouverture de la médiathèque, qui n’a lieu que dans vingt-cinq minutes. Dans ce hall, au moins, je suis au chaud et je peux avancer un peu sur mon travail ; j’ai l’expérience des attentes passées le cul par terre dans le froid et je peux attester que ça n’a rien de gratifiant ! Rien que pour ça, j’imagine ce que doit être la détresse des sans-abris…
10h15 : J’avoue, je n’avais encore jamais vraiment lu Carmen ; j’avais vaguement entendu parler de l’histoire de la belle Bohémienne qui pousse ses soupirants à s’entretuer, mais j’avais trouvé ça tellement con que je n’avais jamais vraiment pris la peine de m’y intéresser, d’autant que le style de Mérimée, pour ce que j’en connais, ne m’a jamais fait vibrer Pour ne rien arranger, ma mère avait pris le fameux air du toréador de l’opéra de Bizet comme sonnerie de portable à l’époque où son père était à l’agonie, de sorte que cette « minable musiquette de bastringue[2] » comme l’appelait Cavanna est désormais associée au souvenir des pires vacances de ma vie, celles où nous recevions au quotidien des nouvelles toujours un peu plus pessimistes de la santé de mon grand-père et où il a fallu finalement rentrer en catastrophe pour assister à ses funérailles…Alors voilà : pour rendre service à une belle jeune fille, qui se trouve être ma cousine et est donc aussi la petite-fille de cet homme que j’avais pleuré en cet été 2002 (même si elle ne l’a pas connu), je lis la nouvelle de Mérimée… Et je ne m’étonne plus que ma jeune parente ne se passionne pas pour cette histoire ! Je m’étonne encore moins qu’elle ait servi d’argument pour l’opéra le plus con du monde – Dieu sait pourtant si la concurrence est rude ! Carmen ? Un ramassis de poncifs sur l’Espagne, les Gitans et les femmes pour conforter le mâle gaulois dans l’idée qu’il s’en fait, rien d’autre : cette nouvelle véhicule le cliché de la femme qui serait perverse et dangereuse à partir du moment où elle refuse de se laisser dominer par les hommes, à plus forte raison si elle est exotique ! Cette vision de l’altérité ne passerait plus aujourd’hui… Et c’est tant mieux !
Mardi 18 février
9h : Je me suis arrangé pour concentrer toutes mes sorties sur la seule journée du jeudi, histoire d’avoir un peu de tranquillité et de me consacrer pleinement à l’avancement de mon œuvre. J’aurais pu me permettre une grasse matinée aujourd’hui, mais je suis réveillé en sursaut par le vacarme qui vient de la cour : se seraient-ils enfin décidés à raser la vieille baraque pourrie occupée jadis par une vielle folle qui m’avait jeté une boîte de conserve ? Ou sont-ils plus simplement occupés à vider l’appartement du rez-de-chaussée dont le locataire est mort il n’y pas si longtemps encore ? Mû par une curiosité que j’ose croire légitime, j’ouvre le volet et la fenêtre de ma chambre : je peux voir des travailleurs en pleine action. Je me sens un peu comme Gaston Lagaffe observant les ouvriers rénovant un trottoir parce qu’il est passionné par le travail à condition que celui-ci soit un spectacle auquel il ne participe pas… L’un des travailleurs me remarque et me salue ; j’en profite pour lui demander ce qui se passe : il me répond qu’ils sont effectivement en train de vider un appartement, mais celui-ci est situé en haut de l’immeuble. Alors décès ou déménagement ? Je ne le sais pas et je ne veux pas le savoir ! Je réalise maintenant que ça fait bientôt six ans que j’habite cet immeuble et que je n’ai jamais pris la peine de monter les escaliers jusqu’aux étages situés au-dessus de la porte de mon appartement. Et pourquoi l’aurais-je fait, d’ailleurs ?
Jeudi 20 février : Cindy Crawford a 59 ans
Réponse : l'anneau, c'est moi qui l'ai rajouté parce que j'ai légèrement abîmé la photo employée pour faire ce collage...
10h45 : Peu pressé de retrouver le bus et ses autres usagers, j’ai pris un Accemo pour honorer un rendez-vous. D’habitude, quand je fais appel à ce service auquel j’ai droit en tant que personne en situation de handicap, le chauffeur est toujours en avance : c’est la première fois qu’il est en retard ! Au téléphone, on me confirme toutefois qu’il doit être en route et qu’il ne devrait donc pas tarder… En attendant, donc, je poireaute sous une pluie battante dans le maigre abri que me procure la porte principale de l’immeuble… Décidément, Accemo dépanne bien, mais ça ne résout pas tous les problèmes !
10h55 : Alors que je viens de prévenir mon ami que j’aurai du retard, je reçois un coup de fil de la chauffeuse : elle avait beau avoir l’adresse, elle a quand même cru qu’il fallait venir me chercher à la résidence senior située de l’autre côté de la rue… Quand j’arrive, elle me demande si je n’ai pas d’accompagnant avec moi : je réponds par la négative sans oser détailler, n’ayant pas envie de me lancer dans un exposé sur le spectre autistique… Une fois en route, elle me pose une autre question : est-ce que l’adresse de destination que j’avais donnée est en bas ou en haut de la rue ? Je m’en tire en répondant : « Si je vous dis que je n’en sais rien, vous me croyez ? » Et oui, madame, si je fais appel à un service de transport à la demande pour personnes handicapées, c’est qu’il y a une raison…
11h10 : Enfin arrivé à destination, j’explique les raisons de mon retard à mon ami. Il me dit avoir parlé à une autre personne du spectre, que je connais par ailleurs, qui n’aurait pas réussi à prouver que son invalidité était suffisamment élevée pour prétendre à ce service de déplacement à la demande. C’est profondément injuste : même si les profils autistiques sont variés, à peu près toutes les personnes avec autisme souffrent au quotidien de se déplacer dans des véhicules bruyants et surchauffés en compagnie de personnes inconnues et indifférentes, surtout si, à l’angoisse que cette situation génère, vient s’ajouter celle d’arriver en retard à un rendez-vous… Et comment voulez-vous quantifier cette invalidité, d’ailleurs ? Ce n’est pas parce qu’un handicap est « invisible » qu’il est moins gênant au quotidien que s’il était visible ! La différence n’est même pas quantitative mais qualitative : la difficulté qu’éprouve au quotidien une personne en fauteuil roulant pour se déplacer n’est en aucun cas comparable à la souffrance que génère tous les jours, chez un autiste, le simple fait de vivre en société ; il n’y en a pas une plus ou moins grande que l’autre, elles sont trop différentes pour être mise en balance. De façon générale, tout ne peut pas être traduit par des données chiffrées, et le handicap en fait partie ! « La vie, c’est pas des maths…[3] »
Faisons une pause : voici une petite BD vite faite sur une cause qui me tient à cœur, celle du harcèlement scolaire...
13h30 : Après un bon déjeuner au Biorek, je comptais passer à Bureau Vallée pour faire un tirage au format A5 de mes poèmes, plus pratique que le classeur que je trimballe habituellement à chaque scène ouverte. Manque de bol, c’est exceptionnellement fermé jusqu’à quatorze heures ! Je décide d’en profiter pour faire une pause au Beaj Kafé mais, auparavant, je prends le dernier Côté Brest qui est justement à la disposition des passants dans un présentoir : outre ma propre page « histoire », je remarque surtout l’article de mon camarade Julien Saliou sur les prix des transports publics à Brest ; apparemment, ils seraient nettement moins chers dans notre bonne ville du Ponant que dans la plupart des métropoles françaises. Je ne suis pas étonné d’apprendre que c’est à Paris qu’ils sont les plus élevés, j’avais été soufflé de constater qu’un aller-retour complet y coûtait cinq euros ! On peut même se demander si tous les types qui y font la manche ne le font pas justement pour pouvoir se payer un ticket…
13h35 : Je porte quatre sacs ! Ma sacoche sur le ventre, mon sac à dos à l’arrière, mon sac de piscine dans une main et mon sac à ordinateur dans l’autre ! Alors quand j’ai enfin l’opportunité de poser tout ça dans un café, j’oublie un peu la prudence… Et l’une des ficelles de mon manteau, détendue par le dépôt de mon sac à dos, m’envoie sur le front l’espèce de gland qu’elle porte à son extrémité ! Je pousse un hurlement qui fait trembler tout l’établissement : je me tape la honte mais comment faire autrement quand on ressent quatre émotions négatives en une fraction de seconde ! Oui, quatre : la douleur bien sûr, mais aussi la surprise car je ne m’attendais pas à cette avanie pour le moins inhabituelle, ainsi que la colère contre les fabricants de fringue qui garnissent leurs oripeaux de babioles inutiles qui se révèlent même dangereuses et, enfin, la peur car, à un centimètre près, je me la prenais dans l’œil… Ça vous va, comme circonstances atténuantes ? Je pense avoir mérité d’être acquitté ! Je me sens soudain proche de Lucky Luke : moi aussi, je suis fâché avec le chiffre quatre !
13h40 : Attablé, je relève mes mails. Je découvre ainsi un message de l’assurance maladie m’annonçant que ma demande de Complémentaire santé solidaire avait bien été enregistrée… Près de quinze jours après son envoi ! Et il leur a fallu une semaine supplémentaire pour me le faire savoir… Et me notifier que je recevrai leur décision d’ici un mois ! Je me sens très proche de Chirac dans les Guignols, d’un coup : « Oh, putain, c’est long ! LONG ! » Si ceux qui nous traitent d’assistés pouvaient savoir à quel point nous jouons des coudes pour trois fifrelins, ils la ramèneraient peut-être un peu moins…
Faisons une autre pause : voici un reportage où j'apparais malgré moi. J'avais bien vu, au moment où je me dirigeais vers le comptoir, que les caméras tournaient, mais j'avais décidé de commander et il fallait plus que ça pour me détourner de mon objectif...
17h : Après avoir réceptionné tous les tirages que j’ai commandés et après avoir nagé pendant trois quarts d’heure à Recouvrance, me revoilà au Beaj pour une tâche pour le moins fastidieuse : la fouille de mon blog. En effet, suite au larcin dont j’ai été victime à Paris en septembre 2023, j’ai perdu beaucoup de fichiers, dont un bon paquet de dessins numérisés. Le seul moyen de les récupérer et de faire des clics droits sur les plus vieilles pages de mon blog… En deux heures, je récupère la production de deux mois et il me manque encore celle de deux années et demie ! J’ai souvent condamné le fait de haïr quelqu’un sans le connaître, mais je fais une exception pour mon voleur…
19h15 : Je dois avoir un don pour collectionner les instants fastidieux et inconfortables. Plantons le décor : il fait nuit, il pleut, j’attends le bus au pied de la galerie commerciale Coat ar Gueven en compagnie de tous les ploucs de Bellevue qui sont impatients de rentrer dans leurs clapiers, j’engloutis un casse-croûte froid car j’ai une faim de loup. Il y a sûrement pire que ma situation, je vais me dire ça pour me donner du courage. Un gazier se sent obligé de me dire « bon appétit » : je n’ai jamais compris pourquoi on disait ça aux gens qu’on surprend en train de manger ! Et dire que je fais tout ça pour participer à une scène ouverte…
20h : Au Kafkérin, Claire m’a proposé d’ouvrir la soirée. Je ne me suis pas fait prier et j’ai déclamé trois slams sur l’amitié. J’ai encore droit à des remarques sur mon débit oratoire : oui, je parle vite, et je n’y peux rien ! Vous n’avez qu’à m’écouter au lieu de regarder vos smartphones, crétonnerre !
21h40 : Il faut bien dire ce qui est : au Kafkérin, il y a un assez bon turn-over sur scène, on est loin du désert auquel on avait si souvent droit au Temple du pharaon ! Il faut dire que le bar de ce cher Mamdouh, situé en plein centre-ville, pâtit certainement d’une forte concurrence dans cette zone, tandis que le Kafkérin, café associatif installé au cœur d’un quartier déshérité, a comblé un vide… Après le passage de six autres artistes dont elle-même, Claire m’a invité à revenir sur scène : je ne m’y attendais pas vraiment et mon élocution s’en ressent, d’autant que je commence sérieusement à sentir le poids de la fatigue accumulée au cours de cette journée bien remplie. Toutefois, comme notre ami conteur Michel Lidou nous a rejoints entretemps, j’ai l’idée de lui rendre hommage en racontant à ma façon « l’histoire absurbe » reprise dans le tome 4 de la Rubrique-à-brac[4]. Il n’en faut pas davantage pour le motiver à remonter sur scène et donner un aperçu de son spectacle où il revient sur son passé de travailleur social aux côtés des sans-abris… Donc, voilà : une prestation mitigée, mais dont je retire la satisfaction d’avoir servi d’aiguillon à un autre artiste qui, sans ça, se serait peut-être fait prier pour nous faire profiter de son talent…
21h50 : Should I stay or should I go ? Je me tâte : j’avais bien prévenu Claire que, chargé comme je suis et avec le temps qu’il fait, j’aimerais autant ne pas rater le bus de 22h. Mais en même temps, je sais que Michel accepterait volontiers de me voiturer. Cela dit, je suis déjà tellement fatigué que je ne suis pas certain d’avoir envie d’attendre qu’il parte lui aussi ! Alors qu’est-ce que je fais ? Finalement, c’est le chanteur qui passe sur scène qui m’aide à trancher : il nous fait une reprise de « Il tape sur des bambous » ! Il ne m’en faut pas davantage pour me décider à partir… Avant que je ne tape moi-même sur autre chose !
Vendredi 21 février
11h30 : Au cours de ma dernière escapade parisienne (ou avant-dernière si on compte mon bref passage lié au salon du livre de Saint-Brice-sous-Forêt), j’avais été marqué par la présence, dans les arènes de Lutèce, d’un groupe de crétins qui faisaient semblant de toréer. J’avais cru qu’ils jouaient aux toréros comme des gosses pourraient jouer aux cow-boys et aux Indiens. Mais j’ai reçu ce matin un mail d’un de mes contacts à la capitale me révélant, par un article paru dans Libération, que c’est bien pire que ça : ces simulacres de corrida sont organisés par des clubs taurins ! Bref, ils s’entraînent VRAIMENT à massacrer ces pauvres bêtes ! En plein dans une ville où la corrida est interdite ! Des associations veulent faire interdire ces entraînements : si une pétition circule, je la signe les yeux fermés ! Je repense à la nouvelle de Mérimée que j’ai dû lire pour aider ma cousine : la Bohémienne a beau être une femme fatale, elle est tout de même assez conne pour s’enticher d’un picador, un bellâtre dont le job consiste à planter des piques dans les dos du taureau pour l’affaiblir encore davantage… Bref, laissons le mot de la fin à Cavanna : « "Carmen", que de mal tu auras fait, triste pute, en réinjectant dans les crânes épais qui n’y pensaient plus la fascination morbide de la corrida[5] ! »
En guise de post-scriptum, voici ma vidéo du vendredi, consacrée à une figure brestoise native de Belgique :
[1] J’écris ceci sans mépris aucun pour le PL Bergot dont les bénévoles font un travail remarquable pour animer la vie dans le quartier de Bellevue : une pensée au passage pour mon ami Dédé qui en fut longtemps le président.
[2] François CAVANNA, Coups de sang, Belfond, Paris, 1991, p. 17.
[3] Réplique d’Astrid et Raphaëlle.
[4] Mais si, rappelez-vous, celle du prisonnier condamné à « mort-mort » par un juge bègue, mettant le roi et le bourreau dans l’embarras : comment peut-on tuer quelqu’un deux fois ?
[5] Cf. supra.
Commençons par un hommage à Osamu Tezuka, le dieu du manga, qui nous a quittés il y a exactement 36 ans, le 9 février 1989 - je ne suis pas fou des mangas ni même des anime japonais, mais j'ai un faible pour la version "adulte" de l'héroïne de sa série Merveilleuse Melmo qui me fait penser à une Rachida Dati en version "gentille"...
Lundi 10 février
18h15 : Ma toux ne s’arrangeant décidément pas, je me suis résolu, au lendemain d’un dimanche plutôt paisible, à sortir pour consulter mon généraliste qui m’a donc dit que j’avais un « rhume à la con » – oui, c’est bien l’expression qu’il a employée, le temps où les médecins émaillaient leurs diagnostics d’expressions latines est révolu. Il m’a donc prescrit de la cortisone à prendre pendant trois jours (pas davantage), m’a recommandé de me rincer le nez à l’eau de mer (ce que je faisais déjà), de manger du miel (ce que je faisais aussi) et de me faire des gargarismes – ce que je n’avais pas encore jamais fait : je peux attester que c’est dégueulasse mais que ça marche. Bref, après la visite chez ce bon docteur, je passe en coup de vent à la pharmacie du Pilier Rouge et à peine suis-je sorti de l’échoppe que je suis saisi par les cris de deux types qui semblent tenir à ce que tout le quartier entende leur conversation ! Tremblant de tout mon corps, je ne peux m’empêcher de leur lancer « Gueulez plus fort, tout le monde ne vous a pas entendu », ce à quoi l’un des deux répond : « Ho, y a pas que le français sur terrer » ! Car oui, ils criaient en arabe[1], mais ils l’auraient fait dans une autre langue que j’aurais réagi de la même manière ; seulement voilà, à notre époque où, quoi qu’en disent les mâles blancs prompts à se poser en victimes, la xénophobie s’exprime sans pudeur, il n’est plus possible de faire des reproches à quelqu’un qui n’a pas une tête de Gaulois sans être automatiquement mis dans le même sac à merde que les Zemmour, Bardella, Retailleau et autres Le Pen ! Et pourtant, la connerie n’a pas de nationalité ! On le saurait…
Puisqu'on parle des virus hivernaux :
18h40 : Dans le bus qui me ramène à Lambé, je termine la lecture du numéro 16 de Présence d’Albert Camus qui m’avait été gracieusement envoyé par la Société des Études Camusiennes (je les en remercie au passage) : les dernières pages de cette livraison de cette brillante revue sont consacrées à deux nécrologies, à savoir celle de Fernande Bartfeld, dont j’ai dû moi-même lire quelques articles pour les besoins de mes recherches, et celle de Pierre Le Baut dont, à quoi bon le taire, j’ignorais encore jusqu’à l’existence la veille. Je suis un peu étonné d’apprendre qu’un homme qui a été ordonné prêtre a pu faire partie de la communauté camusienne (qui est aussi vaste qu’accueillante, il est vrai) , tant Camus s’était tenu à l’écart du christianisme (en parfaite connaissance de cause, il faut le souligner) : si j’étais optimiste, je pourrais dire que ça prouve que Camus est encore plus universel que le Christ ! Mais quand je lis peu après que ce monsieur Le Baut a été marié une vingtaine d’année après son ordination, j’en déduis que ce ne devait pas être un religieux ordinaire… Après tout, Camus lui-même ne condamne pas sans réserve l’abbé Paneloux dans La Peste : il y a des mots durs à dire, mais j’admets que sous la maudite calotte, sous l’horrible soutane noire, derrière l’ignoble pupitre du prêtre, « c’est pas un chien qu’il y a mais quand même un bonhomme[2] » et celui-ci peut être bien inspiré quand il ne cherche pas à convaincre son prochain qu’il est responsable de tous ses malheurs…
Il faut être juste : il y a plus nuisible que les curés à l'heure actuelle...
Puisqu'on parle de télé, restons-y -j'ai beau être plus tolérant avec Dorothée depuis que je sais ce qu'elle a fait avec Cabu, il n'empêche que je n'ai jamais aimé ses émissions, ce qui me met à rebours d'un certain discours dominant sur ma génération :
J'avais dit que j'arrêterais avec Sophie Davant ; le problème, c'est qu'elle, elle n'arrête pas et ne rate pas une occasion de se faire remarquer :
Mardi 11 février
11h30 : J’avais remarqué des imprimantes en solde à Bureau Vallée et je n’excluais pas de profiter des économies que je parviens à faire grâce à l’AAH pour m’en procurer une. Me voici de retour au magasin à l’occasion d’un marathon urbain comme je n’en avais plus vraiment vécu depuis quelques temps (ce qui ne m’a d’ailleurs pas manqué), mais un rapide coup d’œil à l’emballage me refroidit assez vite : je n’y comprends rien, toutes les informations sont écrites en anglais ou en italien ! Déjà que même en français, les modes d’emploi des appareils électroniques me passent souvent au-dessus… Le peu que j’arrive à saisir suffit à me faire craindre que je doive m’abonner à je ne sais quoi pour pouvoir avoir les recharges d’encre adéquates, que je ne pourrais pas m’en servir sans je ne sais quelle connexion… Bref, je préfère renoncer : l’imprimante dont je dispose actuellement n’est pas encore morte, inutile de gaspiller mon argent. Je ne comprendrai jamais les gens qui sautent systématiquement sur les dernières nouveautés technologiques : déjà que la vie n’est pas toujours simple, je ne vois pas l’intérêt de la compliquer davantage en devant réapprendre sans arrêt à se servir des objets du quotidien… Il faut croire que l’être humain aime se faire du mal pour avoir l’illusion de mériter les rares satisfactions que lui apporte l’existence ! Reiser l’avait déjà fait remarquer dans les années 1970 : « Traumatisés par des siècles d’exploitation, de travail opiniâtre pour obtenir des clopinettes, ils sont culpabilisés devant tout ce qui est gratuit, fourni en abondance et sans travail[3] ».
Le 11 février, c'est l'anniversaire de mon père, voici donc un petit hommage au robuste septuagénaire qui m'a engendré (j'exagère à peine !) :
15h : Je suis rentré plus tôt que prévu : j’avais un rendez-vous, mais celui-ci a sauté, mon hôte étant empêché par des états grippaux. Il y a beaucoup de gens malades en ce moment, ça plombe pas mal l’ambiance… Une fois installé à mon bureau devant mon ordinateur, je prends une décision assez radicale : je me désinscris de France Travail ! Il y avait longtemps que ça ne me servait plus à rien, ayant déjà touché tous les droits auxquels m’avaient donné droit les périodes où j’avais travaillé pour l’université. Quand je touchais le RSA et la prime d’activité, je craignais qu’on me sucre ces deux aides si je quittais Pôle Emploi, mais il m’a été assuré que le versement de mon AAH n’était pas conditionné à une inscription à cette institution. Donc : je tourne le dos aux messages faisant la promotion de formations dont je n’ai rien à foutre, aux discours culpabilisants dont les conseillers eux-mêmes ne croient pas un mot et aux convocations pour s’assurer que je fais bien mon boulot de chômeur ! D’ailleurs, je ne suis pas un chômeur, je suis un artiste ! Je le clame désormais à la face du monde ! Et je n’ai pas honte de vivre d’une AAH en attendant de connaître le succès : premièrement, je ne vois pas pourquoi je me soucierais de ce que je peux coûter à la société au vu des sommes scandaleuses que palpent les Bolloré, Arnault et autres Musk sans bouger le petit doigt, deuxièmement parce que cette allocation n’est jamais que la moindre des compensations pour toutes les avanies que j’ai subies et que je continue à subir depuis ma naissance, et troisièmement parce que je n’ai pas non plus honte de ne pas contribuer à faire tourner une machine qui en train de mener le monde à sa perte ! Je ne dois d’ailleurs pas être le seul : il paraît qu’on a annoncé une baisse du chômage, mais ce n’est pas parce qu’il y a moins d’inscrits à France Travail qu’il y a forcément plus de naïfs qui acceptent encore de jouer le jeu de dupes de l’entreprise… Parmi tous ces « chômeurs » qui ne figurent plus dans les statistiques, combien y en a-t-il qui ont vraiment « retrouvé du travail », quelle est la proportion d’individus qui ont tout simplement décidé de tourner le dos à une existence peut-être lucrative mais sûrement dépourvue de signification ?
Puisqu'on parle de Bolloré, voici une petite animation, réalisée avec les moyens dont je dispose, pour ajouter un clou au cercueil (loin d'être fermé, hélas !) de ce nanti fasciste, fossoyeur de l'esprit Canal et sycophante de Ouest France :
Mercredi 12 février
10h15 : Bon, d’accord, j’étais en tort, j’ai traversé en dehors des clous ! Je ne sais que ce n’est pas bien, mais ça m’arrive parfois quand je suis pressé et que je traverse une rue peu passante, comme c’était le cas à ce moment-là. En tout cas, ça ne justifiait absolument pas que l’automobiliste qui arrivait ACCÉLÈRE juste à ce moment-là ! Et s’il m’avait percuté, j’aurais pu faire valoir que j’arrivais de la droite ! Et on voudrait que je passe « mon » permis pour ressembler à ce genre d’abruti ? Merci bien !
17h : Retrouvailles dans un bar avec une prof de psychologie en retraite de mes amies. Elle me raconte une anecdote qui me parait emblématique du rapport actuel de l’homme à la machine : d’après elle, un des membres de sa famille se fie aveuglément aux conseils que lui prodigue une application pour l’éducation de son enfant, à tel point qu’il a un jour laissé le bambin seul à la maison avec une fièvre galopante ! L’appli lui a conseille d’agir ainsi pour « renforcer les défenses immunitaires » du gosse ! Résultat, la fièvre du pauvre môme est montée à 41 degrés et il a fallu le conduire aux urgences ! C’est sûr que ça va vachement fortifier son système immunitaire, au gamin, une expérience aussi traumatisante ! Et malgré ça, ce bon père de famille continue à faire confiance à l’application… Je vais finir par croire que l’humanité prend du plaisir à courir à sa perte : plus on lui dit que quelque chose la mènera inévitablement à la catastrophe, plus elle y court, tête baissée ! L’automobile, le nucléaire, l’extrême-droite, les smartphones, l’intelligence artificielle et tout le reste, on leur répète que c’est nocif, ils en ont même la preuve sous les yeux au quotidien, et pourtant, ils continuent à tomber dans le panneau ! Non, je ne vois pas d’autre explication : ils aiment tout bousiller, ça leur donne l’illusion d’être puissants, et tant pis si ça les entraîne eux aussi au néant ! L’être humain a peur de la mort, mais il n’aime pas assez sa vie pour la protéger comme elle le mériterait…
Un dessin qui tombe à point pour illustrer cette anecdote et la réflexion qu'elle m'inspire - j'avoue, cette illustration doit beaucoup au dessin que Cabu avait réalisé pour la couverture des Coups de sang de Cavanna édités par Belfond en 1991 :
Jeudi 13 février
20h : Alors que la journée touche déjà à sa fin, je m’avise qu’elle marquait un triste anniversaire : il y a douze ans jour pour jour, Nora Fraisse avait la triste surprise de retrouver sa fille Marion, âgée de 13 ans, pendue dans sa chambre, poussée à bout par le harcèlement dont elle était victime de la part de ses « camarades » de collège… Quelques années plus tard, pour dénoncer le harcèlement que j’ai moi-même subi au même âge, j’ai écrit un slam librement inspiré d’une chanson de Bob Dylan[4] et intitulé « Qui a tué Marion Fraisse ? » : j’avoue qu’à l’époque, je n’avais même pas encore ouvert le livre que Nora Fraisse avait consacré à ce drame et à son combat pour faire reconnaître le mal infligé à sa fille et l’incurie des adultes ; ce n’est que l’an dernier que j’ai enfin lu ce livre et j’ai alors découvert avec effarement que les choses s’étaient passées à peu près comme je les avais imaginées et reconstituées dans mon slam… Ceci pour dire : j’ai eu la chance de survivre, mais le harcèlement scolaire TUE et on ne peut plus faire comme si on ne savait pas ! On va à l’école pour s’instruire, pas pour se détruire ! Il n’est pas « normal » ni même « tolérable » qu’aller au collège ou au lycée devienne une source de souffrance morale ! Et il n’y a pas de « il faut bien qu’ils s’amusent » ou « il faut bien que jeunesse se passe » qui tienne ! Contrairement à ce qu’ont pu me dire quelques piliers de bistrot et certaines rombières débiles, le harcèlement ne forge pas le caractère : je suis sorti du collège en me méfiant de tout et de tout le monde, et si j’en crois Nora Fraisse, sa fille était déjà forte avant de devenir la tête de Turc de son bahut, ça n’a donc fait que l’affaiblir ! Foutez à la poubelle vos vieux discours doloristes périmés, ne vous racontez plus d’histoires, arrêtez de vos mentir : se mettre à plusieurs pour faire volontairement souffrir autrui n’est défendable en aucun cas, point barre ! Et ne venez pas justifier le harcèlement scolaire par la dureté du monde : si la vie est si violente, c’est peut-être justement parce qu’on ne se donne pas suffisamment les moyens d’inculquer le respect d’autrui à nos enfants ! Cessons de leur laisser croire que seule compte la loi du plus fort et nous accroîtrons peut-être nos chances de voir advenir un monde plus juste et moins… Et moins con ! Oui, moins con, je ne vois pas d’autre mot ! Tant que j’entendrai encore parler de gosses déscolarisés ou en dépression à cause des insultes de leurs « camarades » et de l’incurie des « responsables », je persisterai à penser que Marion Fraisse est morte pour rien ! Je ne suis pas de ceux qui tiennent à ce que les jeunes en bavent comme ils l’ont fait eux-mêmes, je veux au contraire éviter aux enfants de mes amis le calvaire que j’ai moi-même subi ! De toute façon, ça n’amoindrirait pas mon traumatisme ! Je m’aperçois que je viens de tartiner une page entière sur le sujet : décidément, même treize ans après, j’en ai encore gros sur la patate, ce qui prouve que ça ne mérite pas d’être pris à la légère…
Deux dessins sur le suicide de Marion Fraisse et, par extension, sur le fléau du harcèlement scolaire en général :
Et une vidéo où j'interprète en public le slam en question :
Vendredi 14 février
14h30 : C’est la Saint-Valentin. J’ai trente-six ans et c’est la trente-sixième Saint-Valentin que je passe tout seul. On prétend qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. C’est sûrement vrai. Le problème, c’est qu’on peut être célibataire ET tout de même mal accompagné. La preuve ? Premièrement, j’ai reçu un courrier de mon bailleur annonçant que le local technique de l’immeuble allait être condamné à cause de la présence de déchets qui y ont été déposés par les autres locataires – je jure sur la tête de ma mère que je n’y suis pour rien. Deuxièmement, trois jours à peine après avoir fait savoir que je ne voulais plus être inscrit à France Travail, j’ai quand même reçu un message de relance pour répondre à une enquête concernant les informations relatives à des indemnisations que je ne perçois plus depuis longtemps ! Conclusion : j’ai un voisinage de cochons et je suis fiché par des cons ! Donc, oui, je confirme : il vaut mieux être seul que mal accompagné, mais à notre époque hyper-connectée, être VRAIMENT seul est devenu un luxe… Il parait que la population humaine mondiale va atteindre un plafond et diminuer : je ne dirai pas que j’ai hâte car je n’ai pas la preuve que la proportion d’imbéciles diminuera elle aussi…
[1] Ou peut-être en kabyle, je ne suis pas spécialiste de ces langues et je n’en tire aucun orgueil.
[2] Emprunt à « Je ne veux plus le savoir », chanson de François Béranger.
[3] Planche reprise dans Yves FRÉMION, Reiser, Albin Michel, Paris, 1974, p. 95.
[4] Pour être honnête, c’était surtout la version française de la chanson, due à Graeme Allwright, qui m’avait inspiré.
Samedi 1er février : Il y a 76 ans naissait Jean-Marc Lelong, le créateur de Carmen Cru, décédé il y a bientôt 21 ans déjà...
10h30 : Conférence à distance de la Société d’Études Camusiennes, consacrée à un livre récemment publié traitant d’un point quelque peu oublié de la vie d’Albert Camus : son séjour au Chambon-sur-Lignon en 1942-43. Il y était allé pour raisons de santé, suite à une offensive de la tuberculose sur son organisme, et ce serait dans cette minuscule commune de Haute-Loire que se serait opérée la bascule l’ayant conduit à entrer dans la résistance… J’avoue que j’ignorais cet épisode ! Il est vrai qu’aujourd’hui, on a tendance à occulter tout ce qui peut rappeler que Camus a été un juste parmi les justes : il est plus vendeur de profiter de l’inconfort dans lequel le plongea la guerre d’Algérie pour l’accuser d’avoir fait l’apologie du colonialisme tout au long de son œuvre ! Que ce soit donc clair : Camus ne disait pas que l’Algérie, c’était la France, il disait que l’Algérie, c’était l’Algérie et qu’il en faisait lui aussi partie, ce qui était déjà intolérable aux yeux de cette « gauche » puérile et flicarde qui fonctionne avec les mêmes manichéismes que ceux dont elle se prétend l’ennemie… Vous remarquerez que je n’en parle pas au passé, hélas !
Une caricature égratignant la nouvelle tête de Turc des camusiens :
Quelques croquis réalisés au cours de cette conférence :
15h30 : J’ai une toux grasse depuis le lever : j’ai heureusement pu me procurer un sirop avant la fermeture de la pharmacie, mais j’ai un mal de chien à travailler. Je tombe un peu par hasard sur la vidéo d’un type qui a essayé de faire revivre les Guignols de l’info grâce à une intelligence artificielle ! Le résultat est monstrueux… Cette trouvaille peu agréable me rappelle qu’il y a longtemps que je n’ai plus de nouvelles des Marioles de Blast ; une recherche rapide me confirme ce que je craignais : la tentative de Denis Robert est un échec, les critiques sont dévastatrices ! Bref, on attend toujours celui ou celle qui nous rendra les Guignols… Putain, sept ans[1] !
Malgré la toux, je parviens quand même à réaliser ce dessin avec des crayons de couleur :
Dimanche 2 février
15h : Quoi de plus désagréable que passer son dimanche malade comme un chien, qui plus est avec la peur de se faire dépouiller ? Car, comme si ça ne me suffisait pas de tousser comme la Dame aux Camélias et d’être aussi fiévreux qu’une baraque à frites au beau milieu des Everglades, voilà que j’ai reçu un coup de fil m’annonçant que je me suis fait pigeonner par des fraudeurs ! Normalement, les tentatives de paiement suspectes ont été refusées par ma banque, ils n’auront donc pas eu le temps de me dérober un centime : il n’empêche qu’un mois à peine après avoir reçu ma nouvelle carte, il va encore falloir que j’en demande une nouvelle ! Et, surtout, c’est la quatrième fois en moins de deux ans que je suis victime d’agissements malhonnêtes ! Cette mésaventure ajoute la détresse morale à la souffrance physique et me terrasse littéralement : dès que j’ai une velléité d’initiative, je m’écroule sur mon lit, « malade du cœur autant que du corps »[2]. La prochaine fois que je dirai que je hais les dimanches, je saurai pourquoi…
Des dessins de textures réalisés au cours du mercredi soir :
Lundi 3 février
8h30 : L’agence qui gère mon compte n’ouvrira que mardi matin : en attendant, je peux déjà appeler le service client de la banque qui me confirme que toutes les tentatives d’opérations frauduleuses ont été refusées. Il y a des mots durs à dire mais il arrive parfois que les banquiers fassent du bon travail… Je n’aime pas les escrocs professionnels tels que les banquiers, mais j’aime encore moins les escrocs amateurs ! Les Pieds Nickelés, c’est marrant, mais c’est de la fiction : les vrais arnaqueurs ne sont ni sympathiques ni audacieux et ne sont bons qu’à pourrir la vie de plus pauvres qu’eux !
Un petit montage réalisé avec les dessins de textures :
Mardi 4 février
9h30 : À l’agence bancaire gérant mon compte, on me confirme qu’il n’y a plus aucun prélèvement frauduleux à craindre et que j’ai eu le bon réflexe en faisant opposition sur ma carte bleue. J’en profite pour retirer un peu de liquide avec une carte provisoire car j’ai besoin d’argent pour aller à la pharmacie : je donne une conférence cet après-midi à Saint-Renan et il faut que je mette le paquet si je ne veux pas passer plus de temps à tousser qu’à parler… Voilà pourquoi, entre autres, je vivais si mal ce problème de santé, pourtant anecdotique dans l’absolu : parce qu’il tombait au plus mauvais moment ! J’ai vraiment craint d’être obligé d’annuler cette causerie que je prépare depuis des semaines…
10h : Un responsable doit venir me chercher à Bellevue à 11h. Je tue le temps à la médiathèque du quartier où je relis Mes hommes de lettres de Catherine Meurisse : cet album est paru il y a bientôt dix-huit ans déjà et la magie opère toujours ! Je repense à ma jeune cousine qui va devoir se taper le Carmen de Mérimée au lycée : si on veut vraiment donner aux ados l’envie de découvrir les classiques de la littérature, il serait mille fois plus constructif de leur faire lire le livre de madame Meurisse plutôt que leur asséner le livret de l’opéra le plus con du monde ! Mais si on se mettait à prendre au sérieux l’enseignement de la littérature à l’école, comment ferait-on pour bâtir les générations d’analphabètes accros au smartphone dont notre économie aura besoin pour rester compétitive ?
11h : Me voici en route pour Saint-Renan, à bord de la voiture du responsable de l’Université du Temps Libre qui m’avait sollicité pour cette conférence : j’aurais très bien pu faire l’aller par mes propres moyens, mais les circonstances rendant indispensable un passage à la banque, il valait mieux que je donne suite à l’offre de co-voiturage gratuit que m’avait faite ce monsieur. Il m’interroge sur la dernière édition du festival d’Angoulême dont je ne sais rien, me demande mon avis sur les reprises de séries classiques sur lesquelles je n’ai pas d’opinion tranchée, et me parle des dernières nouveautés que je ne connais même pas de nom. Après tout, il m’a sollicité en tant qu’historien, je ne suis pas tenu de jouer au polémiste ayant toujours quelque chose à dire sur l’actualité…
12h : Déjeuner à la Casa Vecchia à Saint-Renan, en compagnie d’une seconde responsable : le repas m’est offert en supplément du cachet pour ma conférence, j’aurais eu tort de m’en priver. Il faut reconnaître qu’on y mange bien. Mais au bout d’une heure, le brouhaha des autres clients m’incommode déjà sérieusement et nous ne nous attardons donc pas dans ce restaurant pourtant sympathique : je n’allais pas mettre mon casque anti-bruit alors que j’étais accompagné, non ?
13h45 : L’heure de la conférence approche. Je suis déjà installé, prêt à faire ma prestation, et la salle devrait être bien pleine. Même mes parents, fait rarissime, ont fait le déplacement. D’aucuns s’étonnent que je ne me laisse pas impressionner quand je dois prendre la parole devant une vaste assemblée ; mais c’est le mot « devant » qui est important : si j’étais mêlé à la masse, j’aurais tendance à me sentir oppressé, mais quand j’interviens en tant que conférencier, la démarcation entre l’assistance et l’orateur que je suis est généralement assez nette pour que je me sente à l’aise. Pour l’heure, une seule chose m’inquiète : mon PC avec le power point accompagnant ma causerie était déjà raccordé au projecteur de l’amphithéâtre, mais on m’a demandé de céder le câble pendant quelques instants pour projeter un autre diaporama, celui présentant les activités de l’UTL… J’espère donc que le re-raccordement va pouvoir s’opérer sans difficulté ni mauvaise surprise quand sonnera l’heure H…
Au cours de cette conférence, j'évoque le dessinateur Caran d'Ache : j'illustre mon propos avec ce dessin recyclé pour l'occasion - il n'est effectivement pas inutile de rappeler qu'Emmanuel Poiré avait mis son indiscutable talent au service d'idées pourries...
15h : Ouf, tout s’est bien passé ! Ma communication suscite peu de questions : apparemment, on la juge complète. On frôle quand même l’incident diplomatique quand un particulier me demande mon avis sur le « politiquement correct » qui a entraîné la disparition de certains personnages noirs des aventures de Tintin : je réponds du tac au tac que « politiquement correct » est une étiquette destinée à faire fermer leur gueule aux progressistes ! Le questionneur n’insiste pas, mais j’aurais pu développer en signalant que décidément, concernant Hergé, les gens ne sont jamais satisfaits : quand c’est trop raciste, ils râlent, mais dès que ça ne l’est plus assez, ils râlent de plus belle ! Plus sérieusement, les « personnages » en question étaient des figurants anecdotiques : une nounou dans Tintin en Amérique, un homme d’équipage dans Le crabe aux pinces d’or… Même s’ils étaient restés noirs, ils auraient été transparents ! Quand l’assistance se disperse, le président de l’UTL se permet de me dire que j’aurais pu parler moins vite et laisser aux gens le temps de regarder les images que je projetais : je n’ose pas répondre que je ne le ferai jamais parce que j’ai horreur des conférenciers qui opèrent ainsi ! Et si j’étais cynique, j’ajouterais que je m’en fiche du moment que je suis payé pareil…
Quelques photos prises par mon ami Gilbert au cours de ma prestation :
Mercredi 5 février
17h : Il arrive que je ne sois pas dans Côté Brest : ce n’est pas une raison pour ne pas le lire. Cette semaine, il y a un article fort intéressant sur la place de la tour d’Auvergne qui est laissée à l’abandon et est devenue, de ce fait, le repère des rats et des étourneaux ! Aussi, pour la désenclaver, la municipalité va y interdire le stationnement : initiative intelligente car ce n’est pas d’aujourd’hui que les automobilistes sont plus nuisibles que les rongeurs et les oiseaux ! Une autre page est consacrée aux larcins dans les magasins et insiste sur le fait qu’il n’y pas de profil type du voleur : même des vieilles dames de plus de 90 ans piquent aux étalages ! Et oui, les délinquants ne sont pas forcément des Maghrébins de moins de vingt piges ! Désolé pour ceux qui croient que la société ressemble à l’image que nous en donnent TF1, CNews et Aujourd’hui en France… Enfin bref ! Vous savez quoi ? Le plus fort dans l’édition de cette semaine, c’est qu’apparemment, malgré les rats, malgré la délinquance, malgré les travaux du tram… Brest arrive deuxième[3] au classement des grandes villes de France où il fait bon vivre ! Qu’est-ce qu’on doit se faire chier, alors, dans les autres métropoles ! Ça ne donne pas envie d’aller habiter ailleurs !
18h : Arrivée au cours du soir où une élève me confirme avoir assisté à ma conférence d’hier. Je m’étonne qu’elle n’en ait pas profité pour me saluer : elle me répond qu’elle n’était pas sûre que cela aurait été approprié, vu que certains conférenciers ne l’acceptent pas… Elle affirme avoir apprécié ma causerie mais me fait tout de même remonter un commentaire : beaucoup de gens étaient surpris que ma conférence ne dure qu’une heure ! J’estime pourtant que c’est suffisant : j’ai subi trop de causeries interminables pour avoir le sadisme d’infliger le même supplice à mon public ! J’aime mieux proposer une heure bien dense, dont les gens sortent avec le sentiment d’avoir vraiment appris quelque chose, plutôt que deux heures inconsistantes qui donnent à l’assistance l’impression d’avoir vieilli ! C’est bien pout ça que je suis un conférencier : ouvrir la bouche pour raser les gens, je laisse ça aux éditorialistes et aux curés – ce qui est à peu près le même métier, en dernière analyse.
Un petit gag sur le mythe de l'Hydre de Lerne - ce dessin faisait partie des illustrations de mon calendrier 2024 :
Jeudi 6 février
14h : Avant de voir ma psy, je passe à la poste retirer un colis. Je n’ai pas le numéro, je n’ai pas pensé à le noter avant de partir de chez moi, mais je dis fermement à la postière que je ne partirai pas sans mon paquet ! « C’est plus long sans le numéro », proteste-t-elle. Mon œil ! Si elle met une demi-minute de plus, c’est le bout du monde ! Quand elle me l’apporte, je n’ai même pas l’impression d’avoir dû attendre ! Elle ajoute que le numéro permet d’éviter la confusion avec un homonyme : c’est sûr que des gens qui portent mon nom et qui viennent chercher un colis dans une petite poste de quartier, il doit y en avoir des milliers ! Quand on se cherche une bonne excuse pour en faire le moins possible, on en trouve toujours une ! Ceux qui croyaient que la privatisation allait pousser les employé(e)s à faire du zèle en sont pour leurs frais… En attendant, je repars avec mon paquet, peu fier d’être passé pour un malappris mais heureux de ne pas m’être laissé marcher sur les pieds ! Je ne me prends pas pour Jean Moulin mais, mine de rien, j’ai asséné, à mon échelle, un coup dur au diktat de la technologie : je n’avais pas de numéro, je suis un homme libre !
15h30 : Sorti de chez la psychologue, je passe devant une maison de la presse, je peux ainsi voir les « unes » que certains magazines consacrent à Trump : je sais que je n’achèterai pas ces torchons qui s’inquiètent davantage de voir l’Europe « faire de la figuration » que du risque de voir le monde à feu et à sang ! Suis-je vraiment le seul à me désintéresser de la façon dont les pourris au pouvoir poussent leurs pions et à m’inquiéter davantage de la souffrance de mes semblables en tout lieu du monde ? Au vu des difficultés que connaît aujourd’hui la presse, je n’en suis pas certain…
Un petit gag sur le mythe d'Ulysse et du cyclope Polyphème (fils de Poséidon et de Thoôsa) - ce dessin a illustré mon calendrier 2024 :
Vendredi 7 février
19h30 : À la piscine, la monitrice, vraisemblablement satisfaite de mes progrès, me propose d’apprendre à plonger. Mais j’ai beau me mettre en position, je n’ose pas me lancer : autant je n’ai pas peur de l’eau, autant j’ai une peur bleue du vide ! Je ne parviens pas à me débarrasser de l’idée que je risquerais de me fracasser le crâne au fond du bassin. Il parait qu’il faut se laisser tomber en avant : autant dire qu’il faut que je mette de côté tous les réflexes de défense que j’applique au quotidien depuis des années… Je pourrais donc dire que je ne suis pas près d’y arriver, mais je n’oublie pas qu’il y a à peine un an, j’étais encore incapable de nager sur le dos sans boire la tasse : on a souvent tort de sous-estimer le corps humain…
Une photo prise par Thierry Richard :
Samedi 8 février
10h : Rencontrer un crétin qui croit connaître l’autisme mais à tout compris de travers : check ! Assis dans le tramway, je montre ma carte « Je suis autiste » à un type qui parle un peu trop fort, non sans le prier de baisser d’un ton. Il me répond que normalement, être autiste, ça veut dire mal entendre et que je ne devrais donc pas être gêné de l’entendre hurler dans son téléphone… « C’est tout le contraire, Ducon ! Les personnes avec autisme sont hypersensibles au bruit ! » Voilà ce que j’aurais dit si je ne savais pas depuis longtemps que discuter avec un imbécile est une perte de temps : je me contente donc de lui dire « crétin » et de me replier sur moi…
10h30 : Il y avait longtemps que je n’avais plus pris le téléphérique pour traverser la Penfeld : je me rends aujourd’hui aux Capucins pour emprunter la biographie de Paul Deschanel. Pourquoi m’intéressé-je au président tombé d’un train ? D’une part parce que la vie de cet homme d’État, progressiste et anticolonialiste, mérite ne pas être réduite à cette anecdote montée en épingle par ses adversaires, et d’autre part parce qu’avant de devenir président de la République, monsieur Deschanel fut, entre autres, préfet de Brest ! Quand on consulte la liste des personnalités nationales liées à Brest, son nom est même l’un des rates à être connus à l’échelle nationale, outre celui de… Béatrice Dalle ! Et comme je n’ai pas spécialement envie de me pencher sur la vie de cette actrice… Enfin bref : me voici donc à bord du téléphérique où un gamin fait du boucan, visiblement désireux d’attirer l’attention. Certains rient de son petit numéro ; sa mamie, qui l’accompagne, se borne à lui lancer des « chut » touchants d’inefficacité ; pour ma part, à cause de lui, je n’arrive même pas à lire en attendant que la cabine démarre et je suis d’autant plus agacé que je ne peux m’empêcher à ce que j’aurais pris si, au même âge, j’avais eu le quart de cette conduite… Le président Deschanel était tombé d’un train : pour ma part, c’est ma motivation à affronter le monde en période de vacances scolaires qui vient de tomber d’un téléphérique ! À l’heure qu’il est, elle nage au fond de la rade de Brest à cause des adultes qui ont abdiqué toute autorité parentale…
11h40 : Passage à Bureau Vallée pour acheter du papier-bulle en vue du transport d’une vitre et de l’expédition par la poste de certaines de mes œuvres. Comme je sais qu’ils ont aussi un rayon dédié aux boissons chaudes que l’on consomme au boulot, j’en profite pour voir s’ils n’ont pas aussi des bouilloires pas chères car j’ai cassé la mienne récemment. Ils n’en ont pas : je ne trouverais pourtant pas ça incongru dans un rayon qui vend des gobelets et des dosettes bon marché ; quitte à suivre une logique, autant aller jusqu’au bout. Histoire de ne pas être venu pour rien, je prends la carte fidélité du magasin : je n’aime guère aller là, mais j’y suis souvent contraint, alors autant que j’en retire des avantages. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, prendre la carte de fidélité d’un commerce n’est pas toujours une preuve d’affection pour la boutique en question : au contraire, c’est même un moyen efficace de compenser ce que sa fréquentation a de désagréable ! Faire des achats dans un magasin qu’on n’aime guère est déjà moins désagréable quand on a l’espoir d’avoir une ristourne à long terme : je suis sûr que le premier commerçant à avoir eu l’idée de créer un compte fidélité pour ses clients les plus assidus n’a pas raisonné autrement !
12h : Petite pause au Biorek ; comme chaque week-end, Alexandre peut compter sur l’assistance de sa mère et associée Valérie. Ça n’enlève rien au plaisir que j’ai à fréquenter l’ établissement car « Valou », comme je l’appelle, est presque aussi maternelle avec les clients qu’avec son fils. Son accueil me réconforte à l’issue de la semaine un peu rude que je viens de vivre… Et il va falloir que je reconstitue mes forces car j’ai prévu au moins une sortie par jour la semaine prochaine ! À moi les affreux petits jojos en vacances qui crient pour un oui ou pour un non sous les yeux indifférents de leurs aînés démissionnaires…
Terminons avec ma vidéo du vendredi :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Ou plutôt dix si, comme moi, on tient pour négligeables les trois années postérieures au limogeage d’Yves Le Rolland… Pas formidab’ !
[2] Albert CAMUS, Journaux de voyage, Gallimard, Paris, 1978, p. 26.
[3] Derrière… Dijon ! Même là-bas, je n’ai pas envie d’aller : qu’est-ce qu’il y a, à Dijon ? Et puis, le « tonnerre de Brest », c’est quand même plus classe que la « moutarde de Dijon », non ?
Ouvrons le bal avec une caricature pour soutenir le combat des femmes :
Samedi 25 janvier
10h : Bien décidé à avancer sérieusement sur mon œuvre, je me penche à nouveaux frais sur une part un peu marginale de celle-ci : mes nouvelles. Je ne me prends pas pour un nouveau Maupassant : à ce jour, j’ai dû en écrire une par an en moyenne et il y a beaucoup de déchet, mais en ne gardant que le meilleur, je devrais avoir de la matière pour maquetter un recueil qui suffirait à me faire reconnaître comme écrivain à part entière. Évidemment, certains textes datent d’il y a déjà plusieurs années : le recul et l’expérience aidant, je distingue mieux les passages dont je peux légitimement être fier et ceux qui, au contraire, méritent une révision. J’imagine que ce n’est pas très original et que tous les littérateurs, amateurs ou confirmés, vivent la même expérience à un moment donné quand ils réexaminent leurs travaux passés. Mais dans mon cas, je constate qu’il en va en littérature comme en tous les arts : loin d’être un don qui ne demanderait que l’effort de naître pour être acquis, le talent se travaille et s’amende avec le temps. Bien sûr, ça demande une certaine patience qui n’est pas forcément compatible avec le culte de l’immédiateté qui caractérise notre époque…
Sans transition, un petit dessin réagissant à une récente "une" de Libération :
Dimanche 26 janvier
21h30 : Imaginez un instant que, sous prétexte de résoudre les problèmes linguistiques de la Belgique, on force les Wallons à aller vivre dans le Midi de la France ou les Flamands dans les zones inondables des Pays-Bas ? Ou que l’on oblige les Alsaciens et les Mosellans à aller vivre en Bavière ? Ou les Bretons en Irlande ? Vous seriez indignés, n’est-ce pas ? C’est pourtant ce que propose la tête de con en chef des États-Unis pour les Gazaouis ! Ce serait presque risible si ce n’était pas si dangereux ! Les « solutions » les plus ridicules sont aussi les plus criminelles : l’extermination des Juifs, sur le papier, ça devait sembler grotesque ! Mais quand on s’est aperçu que le petit caporal autrichien ne plaisantait pas, on a moins rigolé…Vous pensez que j’exagère, que je caricature, que je délire ? Oh que non ! La caricature est du côté de ces imbéciles qui s’imaginent que le monde arabo-musulman est monolithique, que tous ses ressortissants se valent au point qu’on peut les faire vivre indifféremment dans n’importe quel État qui le compose (je ne suis pas certain qu’un Libanais aimerait vivre en Irak…) et qu’Israël serait une oasis d’état de droit au milieu d’une région de barbares ! On prétend que les cons osent tout : une chose qu’ils n’osent pas, c’est écouter les gens qui s’y connaissent vraiment en géopolitique… Et dont je ne prétends pas faire partie !
Lundi 27 janvier
10h : Je visionne Nous étions enfants à la Libération de Brest, le court-métrage documentaire réalisé par l’ORB, désormais accessible sur le site web de la cinémathèque de Bretagne – inutile de préciser de quoi ça parle, c’est très clair. Sans vouloir me vanter, je n’apprends pas grand’ chose à l’écoute des témoignages de tous ces nonagénaires, mais je suis impressionné par la vivacité d’esprit dont ils font montre : on est loin de la caricature du vieillard décrépit incapable d’aligner deux mots ! Quand on sait qu’il y a à peine un demi-siècle, certains septuagénaires étaient moins éveillés que ces femmes et ses hommes qui ne sont plus très loin des cent ans, on se dit que tout n’était pas mieux avant ! Je me surprends même à trouver très belle l’une de ces dames : la beauté d’une femme ne se dégrade pas forcément avec le temps, j’ai même la conviction que le vieillissement peut l’aider à s’exacerber et à s’exprimer dans toute sa vérité, comme si la nature tenait à nous révéler quelles personnes elle avait réellement voulu gâter et à les distinguer de celles dont le charme n’était soutenu que par leur jeunesse ; c’est ce qui explique que la regrettée Jeanne Moreau ait mieux vieilli que la mère Bardot et qu’Helen Mirren soit plus magnifique aujourd’hui que quand elle était une jeune actrice…
Voici une capture d'écran - c'est la femme de gauche qui m'a charmé :
Mardi 28 janvier
9h45 : Achat de timbres au bureau de poste de mon quartier : on me demande si j’ai une adresse mail. Ce n’est pas la première fois : n’étant plus surpris par cette question mais persistant à la trouver incongrue, je n’envoie pas paître la guichetière et je me borne à lui demander pourquoi elle a besoin de ce renseignement : « c’est pour notre fichier client », dit-elle. Comme si je n’étais pas déjà suffisamment fiché comme ça ! Voilà le monde d’aujourd’hui : on demande aux gens de faire gratuitement le boulot des RG, et avec le sourire ! Et ce n’est même pas en tant que citoyens qu’on le leur demande mais en tant que clients se services privatisés ! Orwell était en-dessous de la vérité…
28 janvier : il y a 53 ans, la cathédrale de Nantes prenait feu. Et oui, ça n'arrive pas qu'à Paris ! Je dois être très con car il ne m'en faut pas plus pour être convaincu que Dieu n'existe pas...
19h : Recevant la visite d’une de mes meilleures amies, je ne résiste pas à l’envie de lui montrer une de mes dernières créations, à savoir une planche où j’explique à des enfants certaines des bizarreries et incohérences de notre époque : je l’ai réalisée avec une certaine rapidité, je suis donc peu sûr de moi – à croire que la célérité engendre la sévérité ! Le commentaire de mon invitée me rassure assez vite sur ce point, même si je suis très étonné de l’entendre me demander… Ce qu’est #MeToo ! Voilà bientôt huit ans que #MeToo pourrit comme elle le mérite la vie des mâles blancs cisgenres, que les télés et les radios ne cessent d’en parler, que les imprécateurs médiacratiques machistes l’accusent de tous les mots, et voilà que cette femme chère à mon cœur, qui est pourtant intelligente, instruite et moderne (entre autres qualités) m’avoue qu’elle n’en avait jamais entendu parler ! C’est là qu’on relativise l’importances des polémiques médiatiques, même quand elles revendiquent une échelle mondiale…
Voici la planche en question :
21h : Tombant par hasard sur une vidéo revenant sur les mouvements que connaît actuellement la télévision française, je remarque le logo au poing levé qu’a adopté la future défunte NRJ 12 : je croyais avoir tout vu en matière d’indécence et de ridicule, mais je n’avais pas encore vu une machine à enconner oser adopter un symbole du mouvement ouvrier ! Cette chaîne est une émanation du Grand Capital, une machine à abrutir les téléspectateurs pour les réduire à l’état de consommateurs béats, rien d’autre : le fait qu’elle puisse s’arroger sans coup férir le droit de détourner la symbolique du point levé confirme que le mouvement ouvrier ne signifie plus rien et que la notion même de révolte est devenue anachronique à notre époque de porcidés heureux de se faire gaver de déchets…
Puisqu'on parle de télé :
Mercredi 29 janvier
15h30 : Ce matin, j’ai fait une sortie pour rien, ce que je déteste le plus au monde. Aussi, pour ne pas multiplier les allées et venues avant d’aller au cours de dessin et, surtout, pour éviter le chaos de l’heure de pointe, j’ai décidé de ma poster à Bellevue, non loin du bâtiment où a lieu le cours. Dans un premier temps, je m’arrête à la médiathèque pour pouvoir me connecter à Internet : j’ai ainsi l’occasion de jeter un œil au panneau placé à l’entrée et précisant les règles de comportement que les usagers sont tenus de suivre. C’est édifiant : il est écrit noir sur blanc qu’on n’est pas tenu de chuchoter pour se parler et qu’on peut utiliser son portable ! Le temps des bibliothèques silencieuses et définitivement révolu et les personnes hypersensibles au bruit dont je fais partie ne peuvent trouver de refuge nulle part ! Dans ses vœux de nouvel an, le président du conseil départemental a rappelé que le handicap était sa priorité… Et il commence quand, au juste ?
29 janvier : il y a 11 ans, Cavanna nous quittait...
Ce dessin est dédié à Jean Teulé car c'est sa préface à Cavanna raconte Cavanna qui m'a inspiré cette image. L'expression "baise la mort" est la traduction littérale de la retranscription japonaise du nom d'un autre grand fouteur de merde : Siné ! Le hérisson représente Virginie Vernay, la "petite Virginie" de Lune de miel, que vous voyez ci-dessous, photographiée par votre serviteur devant des clichés représentant Cavanna e Reiser lors d'une escapade à Paris - je l'ai prié de lever la main pour camoufler le visage d'une autre célébrité qui, quoi qu'on en dise, n'avait rien à faire dans cette image...
Jeudi 30 janvier
10h : Alors que j’attends déjà le tramway, je m’aperçois que j’ai oublié ma casquette dans la boutique de reprographie dont je viens de sortir : je suis donc obligé de retraverser la place de la Liberté pour récupérer mon couvre-chef auquel je tiens énormément… Ce n’est pas une longue distance à parcourir, on est bien d’accord ! Mais il fait si froid et j’étais si impatient de pouvoir me réchauffer dans le tram que ces quelques mètres à parcourir me font l’effet d’une insupportable corvée… Et je me dis que tant qu’on n’aura pas créé d’application permettant de ne rien oublier derrière soi, toutes les intelligences artificielles dont on nous rebat les oreilles ne serviront à rien !
A propos d'intelligence artificielle :
Vendredi 31 janvier
13h20 : Dans notre série « rien n’est parfait », aujourd’hui, j’ai réservé un Accemo pour ne pas arriver en retard au Centre de Ressources Autisme où j’ai un rendez-vous important. Le chauffeur est certainement un brave homme, mais il aurait peut-être fallu lui préciser plusieurs choses : premièrement, il n’était pas tenu d’arriver un quart d’heure plus tôt que prévu, c’est même plus déstabilisant qu’autre chose. Deuxièmement, couper sa radio pour ne pas gêner un passage souffrant d’hypersensibilité auditive est une très bonne chose, mais ne pas parler trop fort en est une meilleure. Troisièmement, enfin, il aurait pu se passer de me tutoyer d’entrée de jeu et de me poser des questions liées au fait qu’il ne m’ait encore jamais vu : ça part d’un bon sentiment, mais ça ne fait que me conduire à me recroqueviller… Mais ne faisons pas la fine bouche : dès que je reprendrai le tramway, je me rappellerai pourquoi je fais appel à ce service !
Puisque nous sommes le 31 janvier :
14h : Entrevue avec l’assistante sociale du CRA pour faire valoir mes droits à la Complémentaire Santé Solidaire (le nouveau nom de la CMU) et ne plus me faire racketter pa la MGEN : de son propre aveu, elle n’avait pas lu en détail le formulaire à remplir et elle est donc surprise de constater que les formalités s’annoncent un peu plus compliquées que prévu ! Fort heureusement, j’avais pris la peine d’apporter mon disque dur externe, ce qui me permet de fournir le renseignement qui aurait fait défaut. Il n’empêche que finalement, nous y mettons plus d’une heure… Même les professionnels sont surpris par les caprices de l’administration ! Bref : le formulaire est tout de même rempli et ma demande devrait être expédiée ce week-end, de sorte que d’ici peu, logiquement, je n’aurai plus qu’à envoyer à ma mutuelle un document attestant l’acceptation de ma requête… J’ai bien dit « logiquement » ! Mes mésaventures de l’an dernier m’ont rendu circonspect ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour ne plus être pris pour une vache à lait, quand même…
Sans transition (quoique...), une illustration réalisé dans le cadre des cours du soir :
15h30 : Qu’est-ce que je disais à propos du tramway ! Ça ne fait pas cinq minutes que je l’ai pris pour rejoindre le centre-ville et je n’en peux déjà plus ! J’essaie de finir la lecture d’un article dans un numéro de la revue Présence d’Albert Camus mais j’ai un mal de chien à me concentrer, entre autres à cause d’un crétin qui, dans son portable, livre ses impressions sur la machine qu’il vient d’acheter avec l’intention très nette d’être entendu de tout le monde ! Je comptais passer à la poste et m’arrêter à la médiathèque des Capucins en attendant l’heure du cours de natation : je préfère m’abstenir avant que ma batterie sociale soit épuisée…
Allez, on se quitte avec ma vidéo du vendredi :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !