Du 1er au 8 octobre : Le nez dans le guidon

Samedi 1er Octobre

 

15h : Passage à la médiathèque de mon quartier pour consulter un livre : je suis surpris par la rapidité avec laquelle la bibliothécaire le sort de la réserve où il est entreposé ! Elle a beau se justifier en disant que leur réserve n’est pas énorme, je me dis quand même que la vie serait belle si tous les agents du service public pouvaient être aussi efficaces…

 

15h30 : Je n’ai pas été long à trouver ce que je cherchais : déjà sorti, je fais quelques achats de première nécessité, ce qui me vaut de surprendre la conversation de deux « seniors » à l’entrée d’une boutique : j’en ai raté un gros bout, mais il est évident qu’ils parlent du rapport qu’entretiennent les « jeunes » avec le travail : « Nous, on n’a pas été élevés comme ça » dit l’un de ces duettistes. Parfaitement exact, mon cher : à peine sortis de l’école, vous étiez envoyés au champ, à l’usine ou au bureau où vous passiez huit heures par jour à produire des choses inutiles et même, parfois, nuisibles pour l’environnement, plus l’aller-retour interminable dans des rues encombrée et polluées. Vos enfants, tous les soirs, vont ont vu rentrer exténués et abrutis, tout juste bons à vous abreuver des conneries de la télé : et vous trouvez bizarre qu’ils n’aient pas envie de suivre votre exemple ?

 

16h15 : Un nouveau lieu d’exposition et de vente d’objets d’art vient d’ouvrir en ville, sur la rue Jean Jaurès : ça s’appelle Les Ovnis (vous auriez une meilleure idée, vous ?) et je suis bien décidé à jeter un œil pour voir si ma production pourrait y trouver sa place. Une fois franchi le seuil, j’en doute déjà, mais je me permets quand même de poser la question à l’un des deux jeunes gens qui ont l’air d’être les responsables : ne me connaissant ni d’Êve ni d’Adam, ils me disent de leur envoyer par mail un échantillon de mon travail. Affaire à suivre ! En attendant, n’hésitez pas à aller les voir car ils sont doublement méritants : premièrement d’ouvrir une boutique dans cette zone sinistrée qu’est le haut Jaurès et, deuxièmement, de créer un lieu dédié à l’art à une époque où tout le monde s’en fiche…

 

17h15 : Je pensais que j’avais le temps, après avoir récupéré un colis à l’épicerie où j’ai l’habitude de le faire, de passer à la BU pour rendre un livre dont je n’ai déjà plus besoin. Évidemment, j’avais oublié que cette bibliothèque fermait à 17 heures le samedi… Ne sachant que faire en attendant l’heure de me rendre à Kafkérin pour le concert de Liloo, je tue le temps en lisant le bouquin que je viens de réceptionner, le Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis de Pierre Desproges. Naturellement, on peut légitimement se demander si certaines trouvailles de ce grand auteur seraient acceptées aujourd’hui, je pense notamment à certaines blagues sur les femmes ou les étrangers qui étaient évidemment à prendre au second degré. Cela dit, je ne dirai pas que notre époque est moins tolérante que celle où vivait Desproges : je pense, au contraire, qu’elle l’est bien davantage, beaucoup trop même, et que là est précisément le problème ! En effet, ce que Desproges disait au second degré en son temps, beaucoup de gens le disent aujourd’hui au premier degré et il est donc devenu difficile de les imiter sans prendre le risque d’être assimilés à eux, d’autant que cette recrudescence d’idées que l’on croyait révolues met sur la défensive les progressistes qui ont tendance, inutile de se le cacher, à réagir au quart de tour, de façon parfois bien injuste… Bref, cette lecture me conforte dans une conviction : le problème de notre époque, ce n’est pas qu’on ne peut plus rien dire, c’est plutôt qu’on peut dire trop de choses ! Heureusement que Desproges me fait toujours autant rire 34 ans après sa mort, sinon j’en déprimerais…

 

19h : Fidèle à mes mauvaises habitudes, j’arrive largement en avance à Kafkérin où Liloo en est encore à faire les réglages : gentleman, je la laisse travailler et je commande à boire. C’est là que je découvre qu’il n’y a que des boissons sans alcool ! Après tout, c’est logique : l’association qui gère le lieu n’a probablement pas de Licence IV et cet établissement, du fait de sa vocation culturelle, n’est pas tout à fait indiqué pour les bagarres de poivrots et les rots de Kronenbourg… Pas question d’une bière sans alcool, je ne sais que trop le mal que ça a fait à mon père : je me rabats sur un jus de fruits et je ne boude pas mon plaisir d’écouter Liloo en répétition ! Je reconnais notamment « Le baiser » d’Alain Souchon dans son répertoire : ça nous fait déjà un goût commun !

 

20h : Après m’avoir fait une bise et pris un casse-croûte, Liloo commence son tour de chant, accompagnée de son claviériste, devant une petite salle bondée. J’ai l’heureuse surprise de me sentir à l’aise dans cet endroit qui n’est plus une terra incognita pour moi, d’autant que j’y ai déjà retrouvé des gens qui me connaissent et qu’on m’a remercié pour mon article annonçant le concert qui, semble-t-il, a drainé pas mal de monde. Et puis le talent de chanteuse et de guitariste de Liloo est si indiscutable qu’on ne peut que passer un bon moment !

 

Quelques croquis de Liloo et de son claviériste...

 

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...et une petite photo.

 

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Dimanche 2 octobre

 

14h : Je me souviens comme si c’était hier de l’édition 2021 de « Un dimanche à Lambé » : c’était le premier événement culturel auquel j’assistais après une assez longue disette, il y avait beaucoup de monde, j’y retrouvais tous mes amis musiciens… Cette année, c’est moins glamour : déjà, il y a beaucoup moins de public, l’effet post-covid ayant pour conséquence que l’événement fait face à une certaine concurrence, à commencer par celle des Geek days qui m’intéressent à peu près autant que le vie privée de Kate Middleton (ce qui donne une idée du nénat) mais dont la tenue à Brest me conforte dans l’idée que ma ville est de plus en plus attractive, ce qui suffit à me réjouir. Mais je m’égare : j’ai beau ne pas trop aimer la foule, c’est quand même un peu triste, ce public clairsemé pour une fête de quartier au demeurant fort sympathique… Ensuite, la seule artiste programmée que je connaissais, la peintre Josette Georgel, n’a finalement pas pu venir pour raisons de santé et les scènes de mer de l’artiste qui expose à sa place ne suffisent pas à combler le vide que me laisse mon amie. Enfin, la programmation n’est pas trop à mon goût : le bagad, ça va bien cinq minutes, et le groupe de « seniors » qui prend la suite ne relève pas le niveau avec sa reprise discutable d’une pourtant fort belle chanson de Nino Ferrer… J’ai la surprise de croiser mon amie chanteuse Lyz’An qui n’était pourtant pas au programme : elle m’explique, radieuse dans ce que je pense être une robe de scène, qu’elle et son groupe avaient été appelés en renfort suite à la défection d’une autre chanteuse mais que les organisateurs ont finalement réussi à se débrouiller ! Au moins, je ne serai pas le seul à m’être déplacé pour rien… Heureusement, l’asso organisatrice est composée de gens corrects et ma copine a été dédommagée : pour ma part, histoire de ne pas être sorti pour rien, je m’arrête à l’atelier « mosaïque » et à l’atelier « fabrication de badges » : au moins, j’aurai quelque chose à ramener. Je suis même tenté un instant par l’atelier « poterie » mais je n’oublie pas la tentative malheureuse que j’avais faite il y a vingt ans lors d’un voyage scolaire en Andalousie sous les yeux moqueurs de mes « camarades » : si c’est pour en arriver à ramener un vase moche dont le seul intérêt sera d’avoir été fabriqué de mes propres mains (ceci expliquant cela) alors que je suis déjà assez encombré comme ça chez moi, inutile de me salir les doigts… Bref, je ne m’attarde pas outre mesure, d’autant qu’il fait déjà froid. On ne devrait jamais revenir aux mêmes événements d’une année sur l’autre, ça éviterait bien des déceptions…

 

La mosaïque que j'ai réalisée à l'atelier du même nom :

 

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Un croquis pour une peinture que j'ai mise en chantier en rentrant :

 

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Lundi 3 octobre

 

14h30 : Le lundi est mon jour de prédilection pour écrire mes articles destinés à Côté Brest : je boucle ma production de la semaine à la bibliothèque universitaire où je comptais consulter le journal pour trouver des idées et, par la même occasion, m’enquérir du résultat des présidentielles brésiliennes – une expérience récente m’a fait comprendre que je ne pouvais plus compter sur la cafétéria pour ça, d’autant que je n’y retrouve plus l’ambiance qui me motivait tant jadis. D’habitude, les quotidiens du jour sont déjà en rayon dès le milieu de la matinée : aujourd’hui, ce n’est toujours pas le cas en début d’après-midi. Je rentre, me disant qu’il devient difficile de s’informer quand on a peu de moyens et qu’on n’aime pas consulter les sites web d’actualité – ça m’a fait trop de mal pendant le confinement.

 

15h : Revenu à Lambé, je fais la queue chez un bar-tabac-presse pour me payer deux quotidiens locaux : il y avait longtemps que je n’avais plus fait ça et j’avais oublié à quel point poireauter dans un tel endroit m’était désagréable… Je ne sais plus si la personne qui était devant moi s’attardait à ce point pour un jeu ou pour des cigarettes (ou pour les deux), mais j’ai bien du mal à cacher mon impatience. Pour couronner le tout, quand je peux enfin lire mes journaux sans remords (je ne tiens pas à affronter les regards que font les marchands aux gens qui feuillettent la presse sans rien acheter), je vois tout de suite qu’ils ne savent rien du Brésil ! J’aurai vraiment tout perdu…

 

15h30 : Rentré au bercail, n’y tenant plus, je tape « Brésil » sur un moteur de recherche pour savoir comment le premier tour des élections a tourné. Inutile de dire que je partage la déception de la gauche brésilienne qui espérait écraser d’entrée de jeu ce gros con de Bolsonarao ! Si même le goût du fascisme ne suffit plus à en dégoûter les gens, je ne sais vraiment plus quoi faire contre l’extrême-droite... D’accord, Lula peut encore gagner : mais ce n’est plus aussi sûr qu’on le croyait et, même s’il y arrive, le bolsonarisme ne passera pas aux oubliettes pour autant ! Je suis un peu découragé, pas vous ?

 

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Il n'y a rien d'étonnant à voir De Gaulle parler à Lula car la langue française est encore abondamment parlée au Brésil. Vous trouvez la facture de ce dessin étrange par rapport à mon style habituel ? Patience, vous allez comprendre...

 

Mardi 4 octobre

 

9h45 : Passage à Guilers, plus précisément à l’Agora, une maison dont j’ai longtemps été un habitué avant que ma route ne me sépare (sans trop de regrets, je dois bien l’avouer) de la commune où j’ai grandi : toutefois, comme l’asso abritée par le lieu fait (presque) systématiquement appel à moi pour faire annoncer ses événements dans Côté Brest, le lien n’est pas sur le point de se rompre. Ainsi, je collecte des informations sur un concert dessiné qui doit avoir lieu pendant les vacances de la Toussaint : je me dis que ce concept serait un bon débouché pour moi en tant que dessinateur… La personne qui me renseigne m’explique entre autres que l’événement se fera dans une ambiance « cocon » avec les rideaux tirés, les lumières tamisées et le public installé sur des canapés : comme quoi il n’y a pas que les « aspies » comme moi qui trouvent agréable ce genre d’ambiance, alors ne tirons pas sur les autistes !

 

10h15 : J’ai laissé passer le bus pour revenir à Brest et le prochain ne passe que dans vingt-cinq minutes ! Heureusement, j’ai de quoi lire pour patienter, à savoir la biographie de Berthe Morisot par Dominique Bona. Apprendre que cette artiste, sans doute la seule femme à s’être illustrée au sein du mouvement impressionniste, était d’origine bourgeoise ne me surprend pas : c’est malheureusement le cas de la plupart des peintres du XIXe siècle, pour la bonne et simple raison que pour être artiste, même quand on s’affranchit des canons officiels, il faut avoir à la base une certaine culture qui n’était pas la chose la plus répandue au sein du peuple, trop occupé à essayer de survivre à une époque qui n’avait de « belle » que le nom… En revanche, j’ignorais que Berthe avait deux sœurs dont une avec laquelle elle vivait en osmose presque parfaite : madame Nothomb se serait-elle inspirée, consciemment ou inconsciemment de ce détail pour créer les protagonistes du Livre des deux sœurs ? Après tout, Berthe aussi était toute vêtue de noir sur son portrait dû à Manet… Mais ma plus grande surprise arrive quand j’apprends qu’elle descendait du peintre Fragonard, qui n’a pourtant dû que peu l’influencer : ce détail qui n’en est pas un me conforte dans ma conviction sur le rapport entre milieu social et production artistique : quand une bonniche comme Séraphine de Senlis (ne vous fiez pas à la particule, elle était d’origine paysanne) produit des chefs-d’œuvre, c’est suffisamment événementiel pour donner lieu à un biopic avec Yolande Moreau… Pour Berthe Morisot, je verrais mieux Chantal Lauby qui a l’habitude de jouer les bourgeoises ! Je dis ça sans méchanceté car j’adore Berthe Morisot – et j’adore Chantal Lauby aussi.         

 

17h30 : Au terme d’une séance de travail au Béaj Kafé, j’y retrouve Liloo en vue d’un portrait qui paraîtra dans Côté Brest à l’occasion de la sortie de son cinquième album, qu’elle déclare avoir écrit et enregistré pendant le confinement : encore une personne qui a mieux vécu que moi cette épreuve, j’en trouve partout, je marche dessus ! L’interview en tant que telle est vite faite, mais nous nous attardons à converser de choses et d’autres… Je râle beaucoup, mais au fond, peu de gens peuvent se vanter de fréquenter autant de gens intéressants que je le fais.

 

Deux dessins inspirés par la chanson " Ode au dodo" de Liloo :

 

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19h30 : Déjà fourbu, je m’autorise un petit apéro devant la chaîne YouTube des Guignols : en attendant qu’une nouvelle émission satirique française apparaisse (on peut rêver, non ?), c’est déjà un plaisir de retrouver les célèbres marionnettes et certains sketches oubliés. Évidemment, les séquences postérieures au licenciement d’Yves Le Rolland ne m’arrachent, au mieux, qu’un sourire. Heureusement, il y a les autres : on n’a pas manqué d’accuser les auteurs d’homophobie à cause de la représentation très masculine qui était faite d’Amélie Mauresmo, mais abstraction faite des penchants amoureux de la tenniswoman, il faut bien reconnaître qu’elle a une carrure et des traits assez masculins – les caricatures de Cabu, totalement insoupçonnable d’homophobie, étaient d’ailleurs encore plus féroces ! Bref, je m’offre une séance de « guignolades » d’une durée équivalente à celle des best of édités dans les années 1990, autant dire que je renoue avec une époque où la société n’avait pas encore rattrapé sa propre caricature…

 

Mercredi 5 octobre

 

10h : Brève sortie pour acheter du pain et du papier, deux denrées de première nécessité pour moi : on installe le dernier Côté Brest dans les présentoirs pile au moment où je sors, ce qui me permet de découvrir, outre ma rubrique historique, un article consacré à la nouvelle Miss Bretagne, originaire de Guipavas. Sans nourrir la moindre animosité envers cette jeune femme, j’espère qu’elle ne deviendra pas Miss France : on nous a suffisamment cassé les oreilles (sans parler d’autre chose) avec Laury Thilleman il y a dix ans… Je n’ai rien contre la nouvelle Miss Bretagne, mais j’ai plus d’une dent contre les concours de beauté !

 

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18h : Au cours du soir, nous dessinons… Des éponges. Des éponges naturelles, pour être exact : encore une idée dont notre professeur a le secret. Ne riez pas ce n’est pas si facile : l’intérêt d’une éponge naturelle est que sa forme est rarement régulière et qu’il faut être attentif pour la restituer avec une relative fidélité. Dessiner est toujours pour moi un moment de plénitude, même si mon voisin m’énerve un peu : qu’il porte un masque, après tout, c’est son droit, mais qu’il passe le cours avec son walkman qui laisse échapper certains bruits, je trouve ça d’une rare incorrection à l’égard de la prof et des autres élèves ! Ce n’est pas la première fois que je vois quelqu’un faire coïncider un zèle prophylactique (déplacé) avec un irrespect flagrant d’autrui, mais je pensais naïvement que je n’en verrais plus une fois que le gros de la pandémie serait derrière nous… Qu’on ne me dise plus jamais que le port du masque est une preuve de civisme, sinon c’est moi qui risque de l’oublier, le civisme !

 

20h30 : Retour au Café de la Plage où j’arrive à avoir deux clients pour les caricatures, dont un monsieur d’un certain âge qui, quand il se voit, trouve que je le fais ressembler à Poutine ! Je m’empresse de lui montrer comment je dessine l’actuel tsar de toutes les Russies pour qu’il se rende bien compte que ça n’a rien à voir… Je passe sur scène après un jeune homme qui fait la human beat box, ce qui veut dire qu’il imite des instruments de musique à la bouche ! C’est effectivement impressionnant, même si je pense que ça reste un art de seconde main qui vaut surtout par les mélodies que l’on peut interpréter par ce biais. Évidemment, mon intervention est moins spectaculaire, même si elle me vaut toujours autant de compliments. Je ne rentre pas trop tard, d’autant que j’ai oublié mon carnet de route et ne peux donc pas le compléter avec des portraits d’artistes sur scène ; je reste néanmoins assez longtemps pour écouter chanter ma copine Sterenn Alix dont j’ai déjà vanté le talent et la force vindicative… Il paraît qu’elle va bientôt faire la première partie d’une artiste reconnue : que dire si ce n’est que justice et que je ne peux que lui souhaiter d’aller encore plus loin ?

 

Quelques photos prises au Café de la plage - faute de croquis :

 

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Jeudi 6 octobre

 

10h30 : Tard levé, je décide assez vite, après avoir évacué une corvée, de consacrer la journée au dessin : j’en profite pour mettre en application l’idée d’un nouveau style pour les dessins d’actualité afin de les rendre plus rapides et plus drôles. Évidemment, je ne sais pas comment ce nouveau grahisme sera perçu, mais je n’abandonne pas totalement le dessin plus « classique » que je réserve pour les BD et les caricatures de « grandes gueules ».

 

Quelques exemples : d'abord sur l'Allemagne qui renforce son armée...

 

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Vous remarquerez au passage que les couleurs sont désormais faites sur logiciel : j'en ai marre de m'user la santé à manier des matériaux rebelles, et ceux qui crient à l'imposture n'ont qu'à se faire voir !

 

Sur le roi d'Angleterre qui n'ira pas à la Cop27 parce que Liz Truss ne veut pas... 

 

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Sur les réfugiés...

 

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Je précise que le drapeau du personnage noir est celui du Burkina Faso.

 

... et sur les distributeurs de protections périodiques.


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D'autres dessins de facture plus classique : sur le combat des femmes en Iran...

 

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Sur le nouveau parti de Xavier Bertrand...

 

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...et sur la guerre en Ukraine qui ne tourne pas à l'avantage de la Russie.

 

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19h30 : Après une traversé de Brest rendue laborieuse par les travaux dans mon quartier et les bouchons de l’heure de pointe (d’autant que le port de commerce est aussi mal desservi qu’une commune périphérique), j’arrive à La Raskette pour l’Open Mik. Éléonore, me dit-on, est absente pour cause de grossesse : je suis surpris, je n’avais pas remarqué qu’elle était enceinte, mais je suis bien content pour elle et pour l’enfant qui aura la chance de l’avoir comme maman ! Elle est donc remplacée, non pas par le crétin prétentieux de la dernière fois mais par une exquise jeune femme qui se tire honorablement de cet exercice difficile. Je passe une soirée d’autant plus agréable que notre délicieuse hôtesse semble adorer ce que je fais : elle se pâme littéralement devant mes slams et mes caricatures, j’en ai les chevilles comme des montgolfières ! Bien sûr, ce n’est pas pour me déplaire, surtout en cette période où j’ai besoin de reprendre confiance en mes capacités artistiques…

 

Quelques croquis réalisés à La Raskette... 

 

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...et quelques photos : un couple de danseurs...

 

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Une belle méridionale qui a bien voulu se faire défigurer par votre serviteur...

 

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...et une accordéoniste venue de Leipzig.

 

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Vendredi 7 octobre

 

14h30 : Passage à Bureau Vallée afin d’acheter de nouvelles cartouches pour mon imprimante : on me dit que ce n’est pas possible si je n’ai pas la référence exacte de ma bécane ! La vendeuse me montre deux cartouches du type de celles dont j’ai besoin et m’explique qu’elles ont beau avoir exactement la même forme, elles ne sont pas forcément compatibles avec ma machine… Comme j’ai commis l’erreur d’enlever les étiquettes qui auraient pu indiquer clairement de quel modèle mes cartouches provenaient, j’en serai quitte pour revenir demain après avoir noté cette maudite référence. N’empêche : si on a réussi à imposer un standard pour les chargeurs de téléphones portables afin qu’ils soient compatibles avec (presque) tous les modèles disponibles, il y a encore beaucoup d’appareils avec lesquels les marchands de soupe font leur beurre en nous pourrissant la vie !

 

17h15 : J’arrive largement en avance à la mairie de quartier de Saint-Pierre où doit se tenir le vernissage de l’exposition « Regards d’artistes sur Saint-Pierre » : officiellement, le bâtiment est fermé, mais la porte est déjà ouverte, je me faufile donc sans demander l’autorisation à qui que ce soit – de toute façon, je ne croise personne. Une fois dans la place, je remarque la présence d’un ordinateur allumé, sans même un code pour m’en barrer l’accès, et aucun usager n’est assis devant. Je ne résiste pas à la tentation, je m’y installe pour écrire et mettre à jour le présent journal : tout en martelant le clavier, j’avise une affichette précisant que ce poste est destiné à permettre au public de se connecter à Internet, à condition de s’être préalablement inscrit auprès du personnel… Aussi, quand, plus tard, une employée municipale de passage me dit qu’elle utilise une cafetière remplie d’eau pour arroser ses plantes, je lui réponds : « Ne vous justifiez pas, je suis moi-même doublement dans l’illégalité » !

 

18h : Début du vernissage de l’expo, déjà la troisième du genre en ces murs, qui a attendu deux années pour enfin se tenir : censée se tenir au printemps 2020, elle a été reportée au moins trois fois (vous savez pourquoi) et les organisateurs, au lieu de lancer un nouvel appel, ont préféré rappeler les artistes qui s’étaient inscrits il y a déjà deux ans et demi, dont votre serviteur : comme quoi l’entêtement des Bretons n’est pas une légende ! Concernant l’expo elle-même, on n’a évidemment pas pu échapper à la « tarte à la crème » de la Maison blanche (petit port de pêcheurs célèbre à Brest pour ses maisonnettes colorées), mais il y a aussi des travaux plus originaux, comme ces 45 tours peints sur une face – l’autre restant écoutable ! C’est tout de même, en toute modestie, mon œuvre représentant la vieille gare de Saint-Pierre rénovée (dans la vraie vie, ce n’est pas pour demain) et réhabilitée en station de tram qui « tranche » le plus : contrairement aux années passées, je n’ai pas essayé de jouer au peintre et j’ai traité cette scène imaginaire dans le même style que pour une planche de BD. Pour cette raison, un ami pense que je n’ai aucune chance de gagner le concours organisé à l’occasion de l’expo : peut-être, mais lors des précédentes éditions, je n’ai jamais gagné non plus, alors autant rester moi-même !   

 

Mon dessin, parmi d'autres œuvres, en haut à droite :

 

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Les organisateurs de l'expo avec Robert Jestin, conseiller municipal et adjoint de la ville de Brest chargé du quartier de Saint-Pierre :

 

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20h45 : Me revoici à Kafkérin, dont je deviens peu à peu un habitué, pour écouter Cyril le jeune conteur dans son spectacle : une heure au cours de laquelle il raconte plusieurs histoires, reliées entre elles par une trame. Il a un timbre parfait pour cet exercice, j’arrive à l’écouter parler une heure sans en avoir marre. Ses récits sont particulièrement parlants pour notre époque où il est urgent de ralentir et de réfréner la course au profit : ses personnages ont à peu près tous en commun de chercher très loin une richesse qu’ils pensent pouvoir acquérir à toute vitesse sans savoir qu’ils la possèdent déjà, à condition de laisser du temps au temps… Message reçu, Cyril !

 

Cyril en pleine action : quatre croquis...

 

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...et deux photos.

 

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Samedi 8 octobre

 

10h30 : Je débarque chez une amie qui suit actuellement une formation de masseuse et a besoin de volontaires en vue de son évaluation ; je me suis donc porté volontaire, ne voulant pas rater une si belle occasion de revoir une personne chère à mon cœur et de m’offrir un bon massage pour une somme modique. Hélas, je n’arrive pas au meilleur moment : elle vient de rentrer après avoir passé une soirée festive et a eu la mauvaise surprise de retrouver son coquet intérieur désorganisé par son pré-adolescent de fils… C’est donc passablement agacée par ce manque de respect manifeste qu’elle m’accueille : je ne peux pas lui en vouloir, je serais dans le même état à sa place. Je connais bien son fils, qui devient déjà un grand et fort beau jeune homme (rien d’étonnant quand on voit sa mère) : avec son attitude effrontée, il me fait penser à Childéric, fils de Mérovée et père de Clovis, le roi des Francs Saliens tel que le représente Cavanna dans Le Hun blond : rien que pour ça, il devait se méfier, car l’histoire nous dit que Childéric a été exilé par ses propres sujets…

 

11h30 : Après un bon café et une douche réparatrice, mon hôtesse me prodigue le massage promis : c’est la première fois que je me fais masser par une professionnelle en devenir – et même par une professionnelle tout court, d’ailleurs ! Je dois convenir que ma praticienne en herbe a des gestes très doux, très délicats, idéaux pour un hypersensible tel que moi pour lequel le contact physique n’a rien d’évident… Je saurai à qui m’adresser à l’avenir en cas d’excès de stress ! J’y prends tellement de plaisir que je ne vois pas le temps passer et mon moral est regonflé à bloc quand je prends le car pour rentrer…      

 

En post-scriptum, une mini-BD réalisée cette semaine : 

 

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Pour dessiner à plusieurs reprises mon alter ego de papier dans la même position, il m'a suffi de réaliser le croquis ci-dessous et de le reproduire grâce à la table lumineuse :

 

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Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 

 


08/10/2022
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Du 23 au 30 septembre : Ils sont vraiment bizarres, les gens normaux...

Vendredi 23 septembre

 

16h30 : Passage dans une épicerie pour retirer un colis. La commerçante, qui commence à me connaître, me demande ce que je compte faire ce week-end : je lui apprends ainsi que je suis dessinateur. Sa première question est : «  Vous avez un compte Instagram ? » Il n’y a pas si longtemps, on m’aurait demandé si j’avais publié des livres ou si mes dessins passaient dans la presse… Je sais que les temps changent, mais j’ai le droit de ne pas apprécier sans réserve certains changements, non ?

 

17h30 : Ma sortie en ville a duré plus de temps que prévu et il se fait déjà tard, surtout pour quand, comme moi, on a pour projet de se lever très tôt le lendemain. Ma patience atteint donc déjà ses limites quand, pour la deuxième fois en une semaine, le bus, au lieu de tourner et de prendre le boulevard de l’Europe comme il est censé le faire, va tout droit vers le terminus sans qu’aucune déviation n’ait été annoncée ! Je descends au premier arrêt venu, le chauffeur essaie de s’expliquer mais je coupe court en criant « Je veux rien savoir ! On respecte le tracé de la ligne, point ! » C’est vrai, à la fin, non ?

 

Samedi 24 septembre

 

19h : Fin d’une première journée de foire Saint-Michel ; le bilan est très positif, les caricatures ont bien marché et même quelques vieux livres que j’avais emmenés ont trouvé preneur. Je suis d’autant plus satisfait que je n’ai jamais oublié le jour où j’avais également proposé des caricatures au cours de cette foire, accompagné de deux amies : j’avais pris un bide ! Il faut dire qu’aujourd’hui, j’étais mieux placé, pile à l’entrée du jardin Segalen, on ne pouvait donc pas me rater, et surtout, la précédente tentative remonte à plus d’une dizaine d’années ! J’ai eu le temps de faire quelques progrès en dessin, depuis… En tout cas, mon petit succès atténue grandement mon amertume car c’est tout de même à une version a minima de la foire Saint-Michel que nous avons eu droit cette année : les déballeurs ne pouvaient s’installer que sur le jardin Segalen et le cours Dajot – plus la place de la Liberté pour les gosses, bien sûr. Certes, c’est toujours mieux que les années où tout déballage était interdit à cause de la menace terroriste, sans parler de celles où il n’y avait pas de foire du tout à cause de l’épidémie… Mais où sont les déballages géants de jadis, où toutes les rues du centre-ville grouillaient de stands improvisés ? Où sont les rues libérées des poubelles à roues motorisées ? Là, oui, pour une fois, il y a lieu d’être nostalgique, et les bombardements de 1944 n’y sont pour rien !

 

Votre serviteur à son stand :

 

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Une cliente avec sa caricature :

 

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Dimanche 25 septembre

 

9h : Retour à la foire Saint-Michel : j’arrive plus tard qu’hier où j’étais déjà présent dès 6h30, les horaires dominicaux des transports en commun étant ce qu’ils sont. Cette fois, je n’ai emmené que mon matériel de caricaturiste : ça rapporte plus que faire le brocanteur, et surtout, cette arrivée (relativement) tardive ne me garantit pas d’avoir beaucoup de place, alors autant m’assurer que je puisse au moins me glisser entre deux stands. Je retrouve toutefois un emplacement exactement au même endroit qu’hier et j’aurais pu étaler à nouveau les bouquins qui me restaient. En attendant d’avoir des clients, je lis le dernier roman d’Amélie Nothomb, Le livre des sœurs, sans doute son premier livre où le rock joue un rôle important – ben oui, il ne faut pas la confondre avec Virginie Despentes ! Quand elle y dit que le bassiste est « l’autiste du groupe », l’idée d’apprendre la basse pour accompagne l’un(e) ou l’autre de mes ami(e)s musicien(ne)s me vient brièvement à l’esprit, mais je renonce aussitôt quand elle précise que l’art d’Euterpe[1] est le seul pour lequel la vocation ne peut venir que pendant l’enfance ou l’adolescence, jamais après : le démon de la musique ne m’a jamais habité, alors pourquoi s’y mettrait-il à mon âge ? D’un autre côté, j’ai peut-être tort de prendre au pied de la lettre tout ce qu’écrit madame Nothomb…  

 

11h : Les caricatures marchent mieux qu’hier. L’un de mes clients me demande de ne pas être trop caricatural : je fais de mon mieux, mais il trouve quand même le moyen de dire qu’il ne se « retrouve pas »… Il paie quand même, je lui donne ma carte, mais voyant qu’il est écrit « docteur en philosophie » sur ma carte de visite, il se met à m’interroger sur ma thèse : je soupire intérieurement car j’avais déjà hâte de me débarrasser de ce vieil emmerdeur, mais je lui expose quand même les grandes lignes de ma thèse, par simple politesse. Mais quand il me relance alors que je croyais en avoir terminé, je finis tout de même par lui dire que l’endroit où nous nous trouvons n’est pas le plus approprié pour un débat philosophique, que je n’ai pas la tête à ça en ce moment et que le tabouret qu’il occupe actuellement est destiné à mes clients… Il n’insiste pas et s’en va enfin, mais je sens qu’il ne me fera pas une bonne publicité !   

 

Deux jeunes clients avec leur caricature :

 

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19h : Ayant bien gagné ma journée, je quitte la foire, les poches pleines et l’auto-estime regonflée, en direction d’un petit restaurant dont le récent acquéreur m’a sollicité pour re-décorer sa façade. Je n’ai jamais fait ça, mais il y a un début à tout, et puis ça peut être l’occasion d’un bénéfice confortable assorti du commencement d’une nouvelle carrière…

 

20h30 : Voilà plus d’une heure que je poireaute devant le resto, le patron n’est toujours pas là. Tant pis, il commence à faire froid, je suis déjà fatigué de ces deux journées assez intenses et je ne vais pas lui courir après : je rentre. Mais mon auto-estime est déjà légèrement dégonflée…

 

Lundi 26 septembre

 

10h : Je me rends à la BU afin de rédiger ma production de la semaine pour Côté Brest ; chemin faisant, je croise un chercheur que j’avais sollicité dans le cadre d’un projet de journée d’études sur Cavanna à l’occasion du centenaire de sa mort : il en a parlé à des gens bien placés qui nous seront d’une grande aide, mais selon lui, il vaudra mieux prévoir notre manifestation pour 2024, année du dixième anniversaire de la mort du grand homme… J’aurais dû m’y prendre plus tôt, mais j’avais été retardé par la crise sanitaire : comment aurais-je pu avoir la certitude que nous retrouverions la liberté en 2024 et même que nous retrouverions la liberté un jour ? Bref, au lieu de célébrer le centenaire de Cavanna, je risque fort de ne célébrer que le dixième anniversaire de a mort… C’est tout de suite moins classe, non ?

 

17h : Aïe, aïe, aïe, l’Italie… Un dont le centenaire aura été célébré dignement, c’est Mussolini, tiens ! Ce n’est pas d’aujourd’hui que nos voisins transalpins perdent la boule sur le plan politique, mais je pensais que les années Berlusconi les avaient vaccinés ! Je ne ferai pas d’autre commentaire car j’en ai marre de me faire traiter d’ennemi du peuple chaque fois que j’exprime la répulsion que m’inspirent l’extrême-droite et ses idées…

 

Dans un autre ordre d'idées : une mini-BD sur la carrière de Jacques Chirac qui nous a quitté il y a trois ans...

 

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Un dessin sur la guerre en Ukraine...

 

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Sur l'affaire PPDA...

 

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Sur les appels au boycott de la coupe du monde au Qatar...

 

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...et sur les dernières déclarations de François Bayrou - je ne pouvais pas m'en empêcher.

 

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Mardi 27 septembre

 

18h : J’ai enfin terminé la relecture du troisième tome du présent journal, mais il me reste à retrouver la référence exacte pour quelques citations… Certains diraient que je pourrais m’en passer, mais je ne suis pas d’accord : rien de pire qu’une citation tirée de son contexte qui n’est connue que par ouï-dire, je ne veux pas qu’un lecteur pointilleux puisse me reprocher d’attribuer à un auteur quelque chose qu’il n’a jamais écrit ou de lui faire dire le contraire de ce qu’il voulait exprimer. Et puis on ne se débarrasse pas d’un coup de baguette magique des réflexes acquis au cours d’une formation de chercheur en lettres…

 

 

Mercredi 28 septembre

 

16h : Avant de partir retrouver un particulier auquel j’ai acheté, via Internet, de vieux bouquins pour compléter mes collections, je prends le dernier Côté Brest : c’est fou, tout ce qui se passe en ville, en ce moment ! Un concours de chant, les Geek days, l’ouverture d’une nouvelle galerie d’art… Je comprends mieux pourquoi un de mes articles, qui annonçait une conférence prévue pour demain, a finalement sauté ! En tout cas, qu’on me dise plus après ça que « Brest c’est mort » ! Au contraire, l’appel d’air post-Covid est particulièrement sensible chez nous et l’attractivité du territoire se confirme. Je ne vais bien sûr pas m’en plaindre, mais j’espère que les retombées seront positives pour les Brestois les plus démunis… Dont moi-même !

 

17h : Avant de rejoindre l’annexe de l’école des Beaux-arts pour reprendre les cours du soir, je m’arrête au Carrefour Market de Bellevue. J’y trouve une nouvelle paire de chaussons qui remplacera avantageusement celle, agonisante, que je porte depuis déjà un an ; en revanche, j’y cherche en vain un casque antibruit qui remplacerait avantageusement les boules Quiès que j’ai l’habitude d’enfiler dans la plupart des endroits bruyants : ce serait plus hygiénique, plus économique à long terme, et surtout, ça se négocierait plus facilement auprès des gens qui prennent la mouche quand ils me voient me déboucher les oreilles (comme si ça voulait forcément dire que je ne veux pas les écouter !) et qui pourraient croire que j’écoute de la musique comme n’importe quel imbécile normal… Alors que j’en suis encore à errer dans les rayons, la soupasse musicale déversée par les haut-parleurs est brièvement interrompue par une voix annonçant que le son et la lumière sont désormais baissés dans le magasin pendant quatre heures par jour afin de pouvoir mettre à l’aise les personnes avec autisme : ça part sûrement d’un bon sentiment et ça prouve que la connaissance du spectre autistique en France s’améliore, mais hic et nunc, ça me fait une belle jambe ! Premièrement, je suis présent dans ce supermarché à une heure qui n’est pas concernée par cette mesure, ce qui prouve que les personnes avec autisme n’ont pas forcément la bonne idée de pouvoir faire leurs courses au moment où on est prêt à les accueillir ! Deuxièmement et surtout, étant donné que je ne trouve pas la marchandise que je cherche et dont j’ai besoin pour vivre confortablement avec mon autisme, je suis en droit de penser que cette enseigne a encore des progrès à faire si elle veut vraiment être inclusive… Mais n’en va-t-il pas ainsi de la société toute entière ?

 

18h : Ah, quelle joie de retrouver ce cours du mercredi soir, avec notre professeur toujours de bon conseil et pleine d’idées originales, et d’y retrouver d’autres passionnés de dessin, à commencer par les quatre dames d’âge mûr qui étaient déjà là l’année dernière et que j’appelle affectueusement « mes vieilles canailles » ! Pour débuter et faire connaissance, la prof nous fait faire des portraits de profil entre nous, la pose devant durer huit minutes. J’ai le temps de faire cinq portraits et de poser cinq fois : je tombe sur un os pour le premier de mes dessins, la prof me faisant remarquer que j’ai fait un crâne trop petit par rapport au reste du visage ! Réflexe de caricaturiste… Bon, rien de très grave : je rectifie sans problème et je ne réitère pas cette erreur pour les suivants, mais même pour ce premier portrait, la prof ne remet pas en cause la ressemblance ! Ce cours est décidément gratifiant pour moi à tous les points de vue…  

 

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20h15 : Dans le bus qui me conduit en centre-ville, je retrouve une autre élève que j’avais prise comme modèle (et réciproquement), une femme assez jeune : bien sûr, nous nous renseignons l’un(e) sur l’autre et elle m’apprend qu’elle n’habite Brest que depuis peu et qu’elle est actuellement en pleine reconversion professionnelle après avoir été aide-soignante… Mine de rien, cette conversation innocente confirme trois constats. Du plus positif au plus négatif : premièrement, la ville de Brest est de plus en plus attractive ; deuxièmement, il y a beaucoup de gens qui décident de changer de vie, surtout dans ma génération, le Covid ayant bousculé beaucoup de certitudes ; troisièmement, les métiers liés aux soins attirent de moins en moins, les praticiens en ayant marre qu’on leur demande toujours plus d’efforts avec toujours plus de moyens, et la crise sanitaire, encore elle, n’a fait que renforcer cette impression de mépris… Conclusion : dans un futur proche, les Brestois auront beaucoup d’opportunités professionnelles, mais je les déconseille pour autant de trop se fatiguer à la tâche car ils manqueront de personnel pour les soigner s’ils sont surmenés…         

 

20h30 : Ayant envie d’une calzone, je m’arrête dans une pizzeria du centre-ville : en attendant d’avoir une place, je patiente au bar où la revue que je feuillette, le numéro 1 de Cargo Zone, paru en 2007, ne laisse pas indifférent un jeune serveur, avec sa couverture représentant Lucien, le personnage fétiche de Margerin. Le serveur me demande des renseignements sur ce magazine : je suis bien obligé de lui expliquer qu’il a cessé de paraître après cinq numéros… J’en ai mal au cœur, d’autant que la curiosité dont a fait montre ce garçon (et à laquelle les serveurs ne m’ont guère habitué) prouve que cette revue dirigée par Alexandre Coutelis aurait pu trouver son public à moyen terme et connaître une meilleure carrière. Écrasons une larme…

 

21h30 : Ayant fini mon repas, je paie ; heureux de ma journée, je me permets de glisser à la jeune fille qui me rend la monnaie : « Permettez-moi de vous souhaiter une soirée aussi radieuse que vous l’êtes, mademoiselle » ! Elle me remercie : voilà qui prouve qu’on peut tout à fait complimenter une femme sans se retrouver sur #MeToo, encore faut-il avoir un minimum d’élégance et ne pas se contenter de lancer des « Tu sais qu’t’es bonne, toi » et autres mains aux fesses verbales que s’échinent à défendre les machos de tout poil… Non, la galanterie n’est pas condamnée ! Mais la lourdeur, si…

 

Jeudi 29 septembre

 

11h30 : Certaines références sont assez aisées à retrouver… D’autre moins. J’en suis déjà à mon troisième feuilletage de l’édition Pléiade des Rougon-Macquart, dans l’espoir insensé de retrouver les deux citations de La fortune des Rougon dont j’ai encore besoin ! J’en suis à deux doigts d’en vouloir au vieux Zola d’avoir écrit des chapitres aussi longs et je ne suis pas loin non plus d’en arriver à détester ce pauvre Silvère dont il parle si longuement alors que ce que je cherche ne peut pas être dans les développements consacrés à ce garçon… Entre parenthèses, j’avoue cependant que Silvère n’a jamais été mon personnage préféré et que sa pureté morale de berger d’Arcadie m’a toujours exaspéré ; quitte à retenir un personnage positif de ce roman (et de la saga toute entière), je préfère de loin le docteur Pascal, ce savant passionné, généreux, humaniste et, surtout, pragmatique que les idées arrêtées et le prestige social indiffèrent au plus point : j’aime les « justes » qui luttent à leur niveau pour améliorer le sort de leurs semblables, mais je n’aime pas les « purs » qui vivent comme s’ils n’avaient pas de corps… Fermons la parenthèse : je localise enfin mes citations après avoir tapé au moins trois fois du poing sur la table, geste d’autant plus regrettable que je suis tout de même dans une bibliothèque universitaire… Peu après, je cherche la correspondance de René Char et Albert Camus, et je suis bien surpris de ne pas la trouver parmi les autres livres de ce dernier : ce n’est qu’en consultant une seconde fois le catalogue de la bibliothèque que je comprends qu’elle dispose d’un rayon spécial pour les correspondances ! J’avoue ne pas comprendre ce choix…

 

12h45 : Mes recherches laborieuses m’ont fait perdre un temps précieux : plus question de manger à la cafétéria de la fac, il ne doit plus rester grand’ chose à cette heure-ci, et puis j’ai besoin d’un bon reconstituant. Je me rends à la friterie où j’ai mes habitudes et je suis bien surpris par la queue qu’il y a déjà à l’entrée ! J’avais oublié qu’il y avait un mouvement social aujourd’hui : les manifestants, dont certains portent encore leurs drapeaux syndicaux, viennent manger après avoir défilé… Dans la file, je retrouve le photographe dont je m’étais rapproché à Porspoder : il semble désappointé quand je lui annonce que j’ai désactivé mon compte Instagram. Décevoir quelqu’un qu’on apprécie n’est jamais agréable, mais ça l’est tout de même moins que les deux jacasseuses qui me cassent les oreilles dans mon dos !

 

Une proposition de logo pour une association qui cherche à faire connaître la culture finlandaise en Bretagne :

 

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 Une plaque qui a été apposée la semaine dernière à l'entrée de la maison natale d'Alain Robbe-Grillet : 

 

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La maison natale d'Alain Robbe-Grillet :

 

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Un autocollant repéré sur un poteau - j'estime que ce message est valable aussi pour les hommes victimes de grossophobie :

 

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17h : Après un passage à Saint-Pierre pour prendre des photos et déposer un dessin en prévision d’une expo qui doit enfin se tenir après deux ans de reports, je risque un tour en centre-ville dans l’espoir d’y trouver un casque antibruit et une éponge naturelle – la prof nous a demandé d’en ramener une qui nous servira de modèle. On m’avait assuré qu’on trouve ces marchandises un peu partout aujourd’hui… Mais je fais cinq magasins en vain ! À la frustration s’ajoute vite l’épuisement physique et moral : pour quelqu’un qui ne supporte pas l’ambiance enfiévrée des boutiques, ce genre d’épreuve vire vite à la torture ! Et dire que certaines personnes font du shopping pour le plaisir…

 

18h : Je m’arrête à la librairie Antinoë où Colette Camelin vient présenter son édition du Maître du Jouir de Victor Segalen : je ne savais pas que ce dernier avait employé des mots tahitiens dans Les immémoriaux, ce qui lui avait valu une levée de bois vert de la critique de l’époque qui ne tolérait pas que l’on mêle à la langue française ce qui était alors considéré comme un dialecte de primitif ! Mauvais esprit, je lance : « Aujourd’hui, on est plus tolérant, on se contente de dire que l’arabe est la langue du terrorisme ! » Ma remarque fait rire un peu jaune, mais je voulais signifier ainsi que le complexe de supériorité occidentale n’a pas totalement disparu de nos sociétés…

 

Colette Camelin signant le livre...

 

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...et faisant sa présentation, croquée par votre serviteur.

 

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20h : La présentation est terminée. J’étais censé dîner à la crêperie en compagnie de madame Camelin et de mes collègues chercheurs ayant co-organisé l’événement. Mais je suis déjà épuisé par les épreuves de cette journée alors que ces messieurs-dames en sont encore à ergoter sur des documents iconographiques que la libraire a bien voulu sortir de ses réserves : je comprends assez vite que si je reste avec eux, je me retrouverai assez vite dans la même position que Marguerite dans La différence invisible quand elle a la sensation de disparaître au milieu d’une troupe qui festoie[2]… Je décide donc de prendre congé prématurément, ce qui est plutôt bien accepté – les autres chercheurs connaissent mon handicap. Mais une fois partie, chemin faisant, je ne peux m’empêcher de me maudire, moi qui persiste, à mon âge et alors que je suis diagnostiqué depuis déjà six ans, à faire fi de mes limites en me contraignant à des sorties qui ne m’intéressent qu’à moitié et ne font que m’épuiser ! Notez qu’avant mon diagnostic, je me maudissais aussi, mais pour mon incapacité à apprécier des moments censément agréables pour tout le monde… Je dois l’admettre : il n’y pas que le degré de nos tolérances de nos sociétés qui ne fait pas de progrès !

 

Vendredi 30 septembre

 

14h30 : Je n’ai pas veillé longtemps hier soir, m’étant couché, tel Camus après sa première journée à New York, « malade du cœur autant que du corps »[3]. J’ai ainsi pu me lever relativement tôt et en finir rapidement avec quelques affaires courantes en ville : une fois rentré, j’ai la surprise de trouver dans ma boîte aux lettres un exemplaire d’un ouvrage auquel j’avais contribué ! Je savais que je devais le recevoir, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi tôt ! Avant de ranger mes affaires et de reprendre le boulot, je m’installe dans mon canapé pour relire mon article, histoire de savourer le plaisir d’être publié aux côtés de prestigieux chercheurs… Et j’ai à peine commencé qu’on sonne à la porte. Je mettrais ça dans une BD, personne n’y croirait ! J’ouvre : ce n’est pas un vendeur de brosses, c’est un employé de chez Free qui vient vérifier quelque chose à propos de ma connexion Internet ; je n’ai rien compris à son charabia mais, apparemment, mon installation ne serait plus « aux normes » (quel vilain mot !) et je devrais recevoir bientôt une autre visite pour la réactualiser : que de menaces en si peu de mots ! Il y en a décidément qui ont le chic pour pourrir l’ambiance…   

 

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Le livre en question : il coûte 74,90 euros (ce n'est pas moi qui fais les prix) et mon article s'intitule "Reiser ou la revanche du corps meurtri".

Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] C’est la muse de la musique, bande d’ignares !

[2] MADEMOISELLE CAROLINE & DACHEZ Julie, La différence invisible, Delcourt, Paris, 2016, pp. 38-39.

[3] CAMUS Albert, Journaux de voyage, Paris, Gallimard, 1978, p. 26.


30/09/2022
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Du 17 au 23 septembre : dans quel état j'erre ?

Samedi 17 septembre

 

4h : Je suis brutalement réveillé par une crampe au mollet. Ça y est, à force de me faire du souci et de me poser des questions, je commence à somatiser !

 

17h30 : J’arrive déjà au Fort Montbarey où je dois lire, dans un peu plus d’une heure, Inconnu à cette adresse en public avec mon camarade Mikaël ; celui-ci n’est pas encore arrivé et je ne sais pas où me mettre en attendant. Une responsable me fait m’asseoir dans la salle où la lecture doit avoir lieu, pour l’heure occupée par un conférencier qui termine sa causerie consacrée à l’histoire de l’arsenal. Explorant le passé brestois depuis déjà sept ans, je n’apprends pas grand’ chose de nouveau et je stresse déjà, d’autant que je me demande comment nous allons faire les réglages si mon complice n’arrive pas bientôt !

 

18h30 : Déjà sur scène, je suis toujours seul. Mikaël est censé arriver d’ici quelques minutes, mais je me demande si ça ne va pas être trop juste pour régler le son, les lumières et tout le toutim : cette situation d’incertitude m’énerve et me rend vite imbuvable ! La responsable, qui essaie vainement d’apaiser mon stress, finit par comprendre qu’il vaut mieux laisser passer l’orage…

 

18h45 : Nous commençons enfin. Une fois encore, mes inquiétudes se révèlent bien vaines : la mise en scène se limite à un panneau qui nous sépare (nous sommes censés nous écrire de part et d’autre de l’Atlantique) et nous n’avons même pas besoin de micro vu qu’il n’y a qu’une dizaine de personnes dans la salle – compte tenu de l’offre assez impressionnante de Brest pour les journées du patrimoine, à laquelle s’ajoutaient les rencontres brestoises de la BD, ce n’est pas si mal ! Nous faisons notre lecture et je me surprends à être beaucoup plus à l’aise que je ne le craignais, Mikaël ne bafouille presque plus. Il est vrai que nous ne sommes plus du tout surpris par le texte et que, sur scène et en public, le rapport n’est pas le même que seuls dans mon salon ou celui de mon camarade… Bref, finalement, arriver avec seulement cinq minutes d’avance, ce n’était pas irresponsable : c’est encore moi qui ai fait de l’excès de zèle…

 

Votre serviteur et Mikaël sur scène :

 

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Une photo qui prouve que la salle, faute d'être pleine à ras bord, n'était pas vide :

 

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La prochaine fois, je demanderai un pichet, ce sera moins anachronique qu'une bouteille en plastique - il fallait bien que je m'hydrate la bouche !

 

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19h30 : Nous avons terminé. Les retours sont très positifs, il n’est pas exclu que nous renouvelions l’opération. J’en suis d’autant plus ravi que, pour un autiste et un dyslexique, faire une lecture publique est une vraie revanche sur la vie… La responsable m’invite à rester pour manger une crêpe : je suis à deux doigts de refuser poliment car j’ai déjà prévu mon dîner chez moi et j’aimerais autant rentrer assez tôt. Comme toujours, on m’a à l’usure : après tout, une crêpe, ce n’est pas bourratif au point de me priver du repas que j’ai déjà programmé. La compagne de mon camarade nous a rejoints, ainsi que son jeune fils et un copain de ce dernier : en fait, ils étaient déjà dans la salle quand nous avions commencé la lecture, mais évidemment, il ne fallait pas compter sur ces deux garçonnets pleins de vie pour rester sagement assis dans cette pièce austère alors que la cour du fort leur tendait les bras pour leur permettre de se défouler. Et puis l’horreur du nazisme, qui est au cœur de l’œuvre que nous avons lue, ils auront bien le temps de la découvrir plus tard…

 

20h20 : Une fois ma crêpe engloutie, je prends poliment congé : la responsable, qui n’a pas l’air de m’en vouloir pour mes sautes d’humeur imputables à un trac on ne peut plus légitime, s’est proposée de me ramener à Lambézellec, mais si je dois attendre l’heure de fermeture du fort, je risque d’être encore là une heure plus tard, ce à quoi je tiens d’autant moins qu’il commence à faire froid et je n’ai qu’une chemise sur le dos… Bref, comme le bus qui dessert Lambé passe juste à côté de ce site patrimonial, j’en profite pour ne pas m’attarder et regagner mon cocon au plus vite. Comment faire comprendre aux gens que si on a hâte de rentrer chez soi, ça ne veut pas dire qu’on ne se plait pas avec eux ? C’est le cadet de mes soucis pour l’instant : malgré la bonne impression laissée par notre lecture, une fois en route, je ne peux m’empêcher de me ronger les sangs de plus belle…

 

21h15 : Déjà rentré ; j’ai bien calculé car, si j’avais accepté le co-voiturage gratuit qui m’était proposé, je serais sans doute encore là-bas. En attendant que mon repas soit chaud, je me passe, cédant à une envie digne d’une femme enceinte, Sunshine makers, un cartoon de 1935 dû aux studios Van Beuren. Je l’avais découvert il y a longtemps dans Cartoon factory, une émission diffusée sur Arte, et j’avais été marqué par cette histoire où de joyeux gnomes, producteurs et distributeurs de soleil en bouteille, affrontent des gobelins qui se complaisent dans l’obscurité et la sinistrose… Difficile de ne pas penser aux Rigolus et aux Tristus de Cézard, mais ce n’est probablement qu’une coïncidence ; dans le souvenir que j’avais de ce film, les gobelins étaient barbus, je suis donc surpris de les voir imberbes ! Mais surtout, je suis assez impressionné par la qualité de l’animation qui n’a rien à envier à celle qu’obtiennent les studios Pixar avec des moyens techniques autrement plus astronomiques : le cartoon américain n’a jamais été aussi grandiose qu’au temps où il était encore un artisanat, avant que le modèle industriel des studios Disney n’écrase tout… Cela dit, avec mes yeux d’adulte, je réalise aujourd’hui le mal que ce genre de film a fait aux gosses en leur faisant croire qu’il y avait le mal d’un côté et le bien de l’autre et qu’on avait le droit de faire le bonheur des gens malgré eux ! Je dis ça sans doute parce que je me sens assez proche des gobelins qui ne veulent pas qu’on les force à être de bonne humeur…

 

Voici le film en question, vous pourrez vous faire votre propre opinion :

 

 

Dimanche 18 septembre

 

10h : J’ai fait un cauchemar étrange : je résidais chez mes parents pendant leur absence et la maison était envahie par des inconnus qui se croyaient tout permis ; j’en chassais deux, il en arrivait dix de mieux ! Dans le tas, il y avait même Michel Onfray qui venait répandre son salmigondis pseudo-philosophique… Dans ce rêve désagréable, il y a bien sûr une part de réminiscence : je n’oublierai jamais cette semaine où mon petit frère avait profité de l’absence de nos parents pour inviter toute une troupe de copains, avec la permission de nos géniteurs mais sans m’en parler ! Quant à la présence Michel Onfray, c’est évidemment lié au fait que jadis, chaque fois que je me présentais à autrui en tant que docteur en philosophie, on me demandait mon avis sur ce triste sire… Mais ce cauchemar est aussi révélateur de mes angoisses actuelles : tous ces intrus contre lesquels je ne pouvais rien ne représentaient-ils pas cet inconnu que je crains de voir arriver dans ma vie, à cette heure où je suis plus ou moins à la croisée des chemins ? 

 

14h30 : Je reçois un couple d’amis avec leurs deux enfants, un fort bel adolescent et un charmant garçonnet de deux ans : le petit monte déjà les escaliers avec une aide minimale (c’est à peine s’il faut rester derrière lui !) et le grand, bien qu’encore lycéen, peut se lancer à tout moment dans un exposé improvisé sur l’économie mondiale… Cette génération semble avoir du talent ! Au fil de la conversation avec mes invités, je m’aperçois que ceux-ci ne connaissaient pas ma chaîne YouTube : manifestement, j’ai encore quelques lacunes en matière de communication ! Pas étonnant que je ne croule pas sous les vues, si même mes amis ne sont pas au courant…

 

Lundi 19 septembre

 

16h : Un bon point pour commencer la semaine : j’ai réussi à faire le ménage dans ma boîte mail. Depuis que la présentation en a été modifiée, celle-ci donne l’impression de déborder au bout de cinq messages reçus, ce qui ne fait qu’aggraver mon mal-être. Ah, cette incompréhensible manie du changement qui caractérise les gens que l’on dit normaux…

 

18h : Ils sont mignons, ceux qui appellent à boycotter la coupe du monde de football au Qatar pour des raisons éthiques… Ils ont l’air de découvrir que les grandes compétitions sportives ne sont que des pompes à fric qui n’apportent que des désastres partout où elles se tiennent ! Ils ont fait l’autruche jusqu’à présent et se découvrent une conscience morale maintenant qu’il est  impossible de cacher ce qu’ils se sont obstinés à nier pendant des années ! Ils semblent oublier que la précédente coupe du monde a eu lieu… En Russie ! Oui, en Russie, chez Poutine, dans ce pays devenu l’ogre mondial depuis l’invasion de l’Ukraine ! Et elle n’a pas changé depuis : à l’époque, elle était déjà la puissance belliqueuse et liberticide d’aujourd’hui, et ça n’a pas gêné outre mesure les footeux ! Même avant ça, il y avait eu l’édition de 1934 en Italie fasciste et celle de 1978 en Argentine dictatoriale : c’est MAINTENANT qu’ils se rendent compte que la FIFA se fout des droits de l’Homme comme d’une guigne ? Ou bien ils sont complétement cons ou bien ils se foutent de nos gueules, le père Cantona en tête ! Ce n’est pas la coupe du monde au Qatar qu’il faut boycotter, c’est la coupe du monde tout court !

 

Mardi 20 septembre

 

10h30 : En venant travailler à la BU, j’ai l’heureuse surprise d’y retrouver un couple d’amis enfin rentré en Bretagne après trois ans passés en Martinique ! Je n’ai pas reconnu tout de suite monsieur dont les cheveux et la barbe ont beaucoup poussé, une pilosité qui s’explique aisément : il n’a pas récupéré sa tondeuse vu qu’une partie de ses cartons est toujours retenue aux Antilles ! Et ce n’est que le moindre de leurs soucis : leur appartement brestois a été littéralement saccagé par les gens auxquels ils l’avaient loué, monsieur est en reprise d’études mais, comme il est inscrit à l’université de Caen, il travaille à distance avec les inconvénients que ça comporte, et madame est en pleine recherche d’emploi, avec les galères qui vont avec. Heureusement, leur couple semble soudé et ils se soutiennent mutuellement : quand je parle avec madame, je ne sais pas ce qui m’impressionne le plus entre sa sublissime beauté (elle ressemble assez à Gwyneth Paltrow) ou son optimisme qui semble à toute épreuve…

 

16h30 : Passage à Saint-Martin pour rencontrer en chair et en os Yann Quenet, ce baroudeur rentré en Bretagne cet été après trois ans passés à faire le tour du monde sur un petit voilier : il n’en est pas plus fier pour autant, malgré le succès médiatique que ça lui a apporté. Ce sont toujours ceux qui accomplissent les plus fabuleux exploits qui sont les plus modestes, un contraste qui m’impressionne toujours autant…

 

17h : Petite étape au Locus, un bistrot ouvert dernièrement : c’est l’happy hour, j’en profite pour savourer une pinte de bière qui me procure un rafraîchissement bienvenu par ce temps orageux. Mais surtout, comme je sais que le patron envisage, à terme, d’organiser des expos et des concerts dans son établissement, je lui laisse ma carte en lui disant qu’il peut compter sur moi : il la met de côté mais je sais qu’il ne faudra pas y compter avant plusieurs mois… Avant le Covid, je faisais beaucoup de démarchage de ce genre, mais je ne sais pas si je vais m’y remettre de façon intensive : j’ai finalement peu de résultats et j’en suis un peu las…

 

22h30 : Il se fait tard mais je veille encore pour mettre la dernière main à une mini-BD résumant (à ma façon bien sûr) la carrière de Jacques Chirac dont on célébrera la semaine prochaine (et assez discrètement, j’imagine) le troisième anniversaire de la mort. Pour me donner du cœur à l’ouvrage, je dessine au son des vidéos des 10 ans du Zapping de Canal+ mises en ligne sur YouTube. Coïncidence : je termine ma planche pile au moment où passent les images de l’élection de Chirac en 1995… Faut-il y voir un signe ? En tout cas, je me souviens qu’à l’époque, j’évitais autant que possible de me repasser ces images : les revoir était au-dessus de mes forces tant j’étais persuadé que Chirac était ce qu’il pouvait y avoir de pire en matière de crapule politicienne. J’avais sept ans et Sarkozy n’était encore qu’un second couteau…

 

En attendant de voir ma planche, voici la vidéo en question :

 

 

Mercredi 21 septembre

 

10h : Aujourd’hui, Chuck Jones aurait eu 110 ans. Le monde des créateurs de cartoons de divise en deux catégories : dans la première, on trouve Tex Avery, et dans la seconde, tous les autres. Mais dans cette deuxième catégorie, le grand Chuck occupe certainement le haut du panier tant il innova à plus d’un titre. Ne citons que The Dover Boys, sorti en 1942, qui a bien failli lui coûter sa place à la Warner : pas parce que cette parodie des romans bon marché pour midinettes tournait en dérision les préjugés de l’Amérique puritaine (venant des farceurs de chez Warner Bros, on en avait l’habitude) mais parce que mister Jones y prenait des libertés, impardonnables pour l’époque, avec les règles de l’animation ; ses personnages, outrancièrement caricaturés, sautaient littéralement d’une pose à une autre dans des décors stylisés à l’extrême. Avec ce dessin animé, Chuck Jones s’attira les foudres de ses patrons mais inventa une nouvelle forme d’animation, plus rapide et plus drôle, qui allait s’imposer comme une alternative au style disneyen. Cela étant, la séquence de son cru qui m’a le plus marqué reste celle de Broom-Stick Bunny (1956) où la sorcière Hazel, buvant par inadvertance son élixir de beauté, se transforme, à son grand dam, en une superbe rouquine : comment ne pas être troublé par une scène pareille quand on est enfant ?

 

Voici The Dover Boys en VF...

 


 

...et deux dessins de mon cru inspirés par ce cartoon :

 

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La séquence de Broom-stick Bunny qui m'a tant marqué (amusez-vous à vous la passer au ralenti, c'est édifiant)...

 


 

...et un petit hommage :

 

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Le petit monstre auquel la sorcière fait un bisou (et on voudrait être à sa place) est un autre personnage créé par Chuck Jones, le monstre Gossamer, devenu minuscule comme dans le cartoon Water, water every hare (1952) que vous pouvez découvrir en VO en suivant ce lien.

 

14h : Réunion en visioconférence du comité de rédaction de la revue Motifs dont je fais partie. Vous vous imaginez peut-être que ça signifie lire des articles universitaires passionnants ? Et bien non : comme la responsabilité du contenu de chaque numéro est déléguée au chercheur qui en a proposé le thème (le plus souvent pour publier les actes d’une manifestation qu’il a organisée), le comité se borne, la plupart du temps, à s’esquinter la santé à propos de la place d’une virgule dans des documents que seuls les auteurs liront… Le comité devra être renouvelé bientôt : si on me le demande, je ne suis pas sûr de me représenter !

 

Jeudi 22 septembre

 

9h : J’arrive à la fac où doit avoir lieu un colloque organisé à l’occasion du centenaire d’Alain Robbe-Grillet – le « pape du nouveau roman » était né à Brest, plus précisément à Kerangoff, il serait donc intéressant d’en parler aux lecteurs de Côté Brest. Il y a beaucoup de monde sur le parvis : un historien de mes amis m’annonce que j’arrive en pleine alarme incendie ! La cause ? Un four du restaurant universitaire qui déconne… Cet incident ne m’affecte pas directement mais il me rappelle quand même un mauvais souvenir, en l’occurrence le jour où mon propre cours, qui avait déjà mal démarré, a été interrompu à cause d’une alarme incendie déclenchée par un fumigène que des étudiants avaient allumé pour répéter un spectacle… Et dire que l’homme revendique la gloire d’avoir « maîtrisé le feu » ! Si on maîtrisait vraiment le feu, il n’interromprait pas si facilement la vie intellectuelle !

 

10h : Quand je vous dis « Alain Robbe-Grillet », je suppose que vous pensez spontanément à un intellectuel parisianiste assez chiant ? Et bien vous vous trompez : premièrement, comme je l’apprends au cours de cette matinée, il n’a jamais oublié ses origines et s’est volontiers inspiré de légendes bretonnes pour son œuvre. Deuxièmement, dans son combat contre la fixation du sens, l’humour était pour lui une arme qu’il n’a jamais manqué d’utiliser. De ce double point de vue, il est un digne ambassadeur de l’esprit brestois : je pense que je vais mettre ça en avant dans mon article. En attendant, je rencontre deux personnalités des plus prestigieuses : Benoît Peeters, qui vient de publier une biographie de référence de Robbe-Grillet, et Catherine, la veuve de ce dernier ! Et dire que nous ne sommes qu’une dizaine à être venu à leur rencontre ! Moi-même, je ne peux pas m’attarder, j’ai une amie qui a besoin de moi…        

 

17h : Je reçois mon amie qui est en plein combat contre l’entreprise où elle est actuellement salariée et où on n’a que trop abusé de sa gentillesse. Elle n’exclut pas de se faire embaucher dans une autre boîte ; mais pour l’heure, son avenir proche est plutôt incertain et elle se pose beaucoup de questions sur ce qu’elle va devenir… Un peu comme moi et le couple que j’ai revu mardi ! Mine de rien, je ne suis pas seul, il y a beaucoup de gens qui sont en pleine interrogation sur leur vie : y a-t-il un lien entre ce doute généralisé et le contexte post-Covid ? Je n’ai pas la réponse mais je n’en suis qu’à moitié étonné : comment se motiver pour continuer à faire tourner une machine dont l’absurdité intrinsèque a été mise à nu par la crise sanitaire ?

 

Vendredi 23 septembre

 

10h : Il n’y a pas grand-monde au marché aujourd’hui. Il faut dire qu’il pleut… Mais peu importe la météo, mon frigo est presque vide et il faut bien manger : au moins, je n’ai pas à faire la queue trop longtemps et ces averses apaisent mon mental ravagé. Il se trouve quand même quelqu’un, à la boulangerie, pour pester contre ce « temps pourri »… Oh, les héliotropes, vous avez été assez gâtés jusqu’à présent, non ? Il faut bien qu’il pleuve un peu, si vous voulez continuer à vous nourrir, non ? Et puis ceux qui n’aiment ni la chaleur ni la lumière, vous y pensez un peu ? Eux aussi ont le droit de se sentir bien !

 

10h15 : Un quotidien local consacre sa « une » aux Russes qui fuient leur pays : manifestement, plus personne n’ose faire semblant d’ignorer que Poutine impose à ses compatriotes un régime de terreur et on ne se cache plus derrière l’alibi de « l’âme slave » pour donner des circonstances atténuantes à ce tyran ! Pour que nous osions enfin ouvrir les yeux, il aura fallu que les Ukrainiens paient cash notre aveuglément…

 

14h : Demain, c’est la foire Saint-Michel, avec le grand retour des déballeurs. Je n’ai pas été sollicité pour le village des artistes, peut-être qu’il n’y en a pas cette année – on n’en parle même pas dans Côté Brest. Tant pis, je vais me chercher un coin où je mettrai en vente mes vieux livres et proposerai mes caricatures. De toute façon, même si j’avais pu exposer mes originaux, ce seraient les caricatures qui auraient le mieux marché. Mais il faudra que je me lève très tôt…  


23/09/2022
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Du 9 au 16 septembre : Et oui, j'aime Reiser et Amélie Nothomb, na !

Vendredi 9 septembre

 

19h : Scène ouverte au Temple du pharaon, premier événement de la saison culturelle organisé par le Collectif Synergie : l’occasion pour moi de retrouver quelques vieilles connaissances, de déclamer mes textes les plus récents (l’accueil est un peu plus froid pour mon slam sur Amélie Nothomb que pour mes autres poèmes, Il doit y avoir plus dans la salle plusieurs personnes qui refusent d’ouvrir les livres de l’intéressée car j’ai cru remarquer que ses pires détracteurs étaient ceux qui ne la lisaient même pas) et de faire quelques dessins tout en écoutant se produire en solo le chanteur du groupe Clara Vénus. Quand je montre mes crobards, les gens présents dans la petite salle semblent m’être favorables, ce qui me réconforte dans la période de doute que je traverse. 

 

Pour commencer, trois dessins sur la mort de la reine Elizabeth II qui défrayait encore la chronique ce jour-là...

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Quelques croquis représentant les artistes présents ce soir-là au Temple du pharaon...

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Quelques photos...

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Et deux dessins inspirés par les chansons du chanteur que vous voyez ci-dessus : la chanson écologiste "L'homme à pinces"...

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Ce dessin gagnerait à être colorié mais je n'en ai pas eu le temps.

 

...et "Selfie avec Jésus", consacré à une influenceuse qui a trouvé la mort en faisant un selfie dans une position dangereuse.

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Elle avait 32 ans. On pourrait lui appliquer les paroles d'une chansons de Renaud : "P'tite conne tu voulais pas mûrir, tu tombes avant l'automne juste avant de fleurir"

 

 

Samedi 10 septembre

 

18h : Je termine un dessin qui me tenait à cœur depuis un certain temps et je me surprends à en être satisfait : en l’examinant, je mesure le chemin parcouru depuis quelques années, je vois les erreurs que je ne commets plus, les effets que j’aurais été incapable d’obtenir il n’y a pas si longtemps… Ce crobard résume l’idée développée dans mon slam « Ibiza blues » : un type qui a la chance de vivre dans un cadre luxueux, au soleil, entouré de créatures en bikini, et qui préférerait un décor plus rustique, une ambiance hivernale, une gentille mamie… C’est un peu autobiographique de ma part, je l’avoue : je ne vis certes pas dans un cadre luxueux, mais je reste attaché aux ambiances rustiques, l’été n’est pas la saison que je préfère et depuis que ma grand’mère n’est plus de ce monde, j’ai parfois des manques…

 

Le dessin en question...

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...et le slam qui va avec :


 

Lundi 12 septembre

 

10h30 : Après un dimanche où j’ai éprouvé le besoin impérieux de souffler malgré mes récentes vacances, j’ai commencé la journée par un crochet à Bureau Vallée pour y acheter de grandes enveloppes matelassées : j’en ai besoin pour faire un envoi qui doit partir aujourd’hui même. Pour ne pas perdre de temps et expédier mon paquet dans le premier bureau de poste à ma portée, je fais mon paquet sur un banc, ce qui surprend une dame âgée qui rit de me voir faire mon courrier en pleine rue ! Un peu décontenancé, je me borne à lui expliquer que c’est une urgence : elle s’en contente et passe son chemin, mais je comprends mieux ce que devait ressentir Amélie Nothomb (comment ça « encore elle » ?) quand elle avait l’impression de faire figure de clownesse dans l’entreprise japonaise où elle travaillait…

 

11h : Il fait de plus en plus chaud et je me suis un peu trop couvert, ne m’attendant pas à ce qu’il fasse aussi lourd au début du mois de septembre à Brest ! Le réchauffement climatique ne me fait aucun bien… Cela influe-t-il sur mon psychisme ? Toujours est-il qu’à la poste, quand une employée m’interpelle, je ne comprends pas ce qu’elle me veut : je reste un instant comme deux ronds de flancs, telle Marguerite dans La différence invisible quand elle ne comprend ce que sa collègue attend d’elle[1]. Cette dame me tourne le dos, mais je la rattrape pour lui demander des éclaircissements : elle m’explique qu’elle croyait que j’avais des colis à expédier mais qu’elle a vu que tous mes paquets étaient à envoyer en lettre verte… Qui a été le plus ridicule de nous deux ?

 

11h30 : Casse-croûte à la cafétéria de la fac et lecture d’un quotidien : apparemment, l’Ukraine a infligé de sérieux revers à l’armée russe. J’ai envie de dire : et alors ? Peu importe qui la gagne, cette guerre ! D’accord, Poutine mérite qu’on lui résiste ! D’accord, c’est l’Ukraine qui est dans son droit en se défendant ! Mais que ce soit elle ou la Russie qui gagne, il n’y en aura pas moins autant de dégâts matériels et de pertes humaines ! On oublie un peu vite que les soldats russes ne sont pas forcément tous des barbares assoiffés de sang et sont probablement, dans la plupart des cas, de pauvres bougres qui ne font que subir ce que leur impose leur tyran… Je ne vois donc pas l’intérêt de compter les points pour savoir qui va gagner : au point on en est, il faut que la Russie perde, c’est entendu, mais il aurait mieux valu faire en sorte que cette sale guerre n’ait jamais lieu ! Il n’y a jamais de victoire au bout de la guerre : la guerre est déjà une défaite en soi, pour tout le monde. Absolument tout le monde.

 

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Egalement dans l'actualité ce lundi : la grippe aviaire qui fait des ravages chez les oiseaux marins...

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...la rentrée politique de Zemmour et le sable du Sahara qui débarque en France :

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En bonus : une caricature de Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne.

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Ce monsieur, élu sous l'étiquette socialiste, se sent plus proche de Cazeneuve que de NUPES ; c'est drôle, je trouve que c'est marqué sur sa tronche !

 

Mardi 13 septembre

 

15h : Je reçois mon vieux complice pour une répétition en vue de la lecture d’Inconnu à cette adresse que nous sommes censés proposer samedi prochain au Fort Montbarey. Au grand désespoir de mon camarade, je suis incapable de ralentir mon débit oratoire : j’ai pourtant fait des progrès depuis l’époque pas si éloignée où j’étais quasiment inintelligible, mais même avec ça, j’ai beau commencer en parlant le plus lentement possible, je finis inévitablement par m’emballer et ma langue s’agite à la vitesse d’une formule 1 ! Je reste compréhensible, mais alors que nous disposerons d’une heure pour faire notre lecture, celle-ci risque d’être expédiée en moitié moins de temps ! Autant dire que le public aura intérêt à ne pas arriver en retard s’il ne veut pas en rater un gros bout… Mais je ne peux rien y faire : je n’oublierai jamais ce jour où une dame m’a dit que ma pensée allait plus vite que ma parole et que celle-ci suivait comme elle pouvait. En conclusion : il faudra bien faire avec !      

 

Mercredi 14 septembre

 

12h : Après quelques heures de boulot à la BU où j’ai finalisé le manuscrit d’un projet de livre pour la jeunesse, pause déjeuner à la cafétéria : en feuilletant le journal, j’apprends la mort de Jean-Luc Godard. J’avoue que je n’ai jamais vu ses films : je ne suis pas cinéphile pour deux sous et ce n’est pas ce que m’en a dit ma mère (qui, elle, aime sincèrement le 7e art) qui va me donner envie de me plonger dans la filmographie de ce personnage. Même la fameuse scène du Mépris ou Bardot demande à Piccoli s’il aime ses seins, ses fesses, ses lobes d’oreille et tout le tralala ne m’inspire pas du tout : j’ai toujours trouvé ce dialogue profondément ridicule pour ne pas dire digne d’un enfant de trois ans ! S’il faut s’extasier là-dessus pour être un cinéphile éclairé, je préfère rester inculte dans ce domaine !

 

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Autres personnalités à avoir eu les honneurs des médias cette semaines : Koffi Yamgnane...

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 ...et Julien Solé et Arnaud Le Gouëfflec, les auteurs de Monsieur Léon

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Un autre fait d'actualité : le rapport du conseil d'éthique sur l'euthanasie.

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Je suis un peu méchant. Dans l'absolu, j'aime bien Cazeneuve qui m'a tout l'air d'être un homme intègre et droit : mais sa conception de la gauche est dépassée et n'est plus pertinente face aux problèmes du monde d'aujourd'hui.

 

14h : Soutenance de thèse de Dimitri Poupon sur le massacre de Penguerec, perpétré à Gouesnou le 7 août 1944 par la Kriegsmarine[2]. La thèse avait été co-financée par la mairie de la commune concernée, où le massacre en question a laissé une plaie vive dans les mémoires, ce qui explique peut-être pourquoi aucune étude sérieuse, même judiciaire, n’avait été vraiment consacrée à cet épisode traumatisant. Ce qui ressort surtout du travail du jeune historien, c’est que le massacre n’a probablement pas été commis par des sous-mariniers fanatisés comme on a pu le prétendre jusqu’à présent mais plus vraisemblablement par des fusiliers marins casernés à proximité de la commune, qui n’étaient pas plus nazifiés que la plupart des soldats de l’armée du Reich mais qui, alors que les Alliés approchaient du site où ils étaient casernés, se sentaient dans leur droit en jouant ainsi leur dernière carte. Ne l’oublions jamais : les actes les plus innommables ont souvent été perpétrés par des individus tout à fait ordinaires et non par des monstres. C’est même précisément ce qui les rend effrayants puisqu’ils nous rappellent que nul n’est à l’abri de basculer dans la folie meurtrière… Bon, on enchaîne ?

 

Dimitri Poupon

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Jeudi 15 septembre

 

11h : Une amie qui devait me rendre visite aujourd’hui m’annonce qu’elle préfère reporter à cause de tous les ennuis qu’elle rencontre sur son lieu de travail. Comme quoi la souffrance au travail n’est pas un mythe élaboré par des gauchistes illuminés ni un prétexte de fainéants pour ne pas aller bosser : pas étonnant, après ça, qu’il y ait pénurie de main-d’œuvre dans certains pays ! Les gens ne voient plus l’utilité de participer à ce jeu de dupes et de perdre leur vie à faire tourner une machine qui les broie avant de mener le monde à sa perte ! Ça me rappelle une planche de Reiser avec ce dialogue entre un corbeau et un ouvrier retraité :

 

- Quel âge tu as ?

- Tiens, un corbeau. 65 ans.

- Moi aussi.

- Tu les fais pas…

- J’ai jamais été en usine, moi… Pourquoi t’as travaillé ?

- Pour vivre.

- Moi aussi j’ai vécu.

- Moi, j’ai eu des congés payés.

- Moi, j’ai été tout le temps en vacances.

- J’ai voyagé.

- J’ai vu plus de pays que toi.

- Je suis à la sécurité sociale.

- Moi, je suis en bonne santé.

- Je suis civilisé, moi !

- À quoi ça te sert ? À mon page, tu peux à peine marcher.[3]

 

Ce dialogue date des années 1970, on le croirait d’aujourd’hui ! Reiser avait compris avant tout le monde l’absurdité, qui est en train de nous péter à la gueule, de ce système. Ce n’est pas le surmenage qui l’a emporté : on parlera encore de son œuvre quand beaucoup d’entreprises d’aujourd’hui seront liquidées et oubliées depuis longtemps, la pression morale exercée sur leurs salarié(e)s les ayant finalement menées à la faillite…

 

18h : Toujours dans l’optique d’une publication, j’achève la relecture d’une bonne partie du journal que vous êtes en train de lire : j’en suis à l’automne de l’année dernière et je ris presque de me revoir vitupérer contre les masques qu’on nous imposait encore un peu partout – non sans atermoiements d’une semaine sur l’autre suivant le degré d’inquiétude que l’épidémie inspirait à nos dirigeants. En revanche, quand je retombe sur les promesses que je faisais à moi-même et que je n’ai pas tenues, notamment celle de limiter mon temps de présence sur les réseaux sociaux, je rigole un peu moins voire pas du tout…

 

20h : J’ai vent du fait que dans la version live de La petite sirène de Disney, dont la sortie est prévue pour l’année prochaine, Ariel serait jouée par Halle Berry ! J’en suis un peu étonné, non pas parce que la sublime Halle est noire mais parce qu’elle n’a plus tout à fait l’âge du rôle : elle ne les paraît pas, mais elle a tout de même 56 ans et ne serait donc que moyennement crédible dans le rôle d’une adolescente qui découvre la passion amoureuse et se retrouve dépassée par ce sentiment qu’elle ne maîtrise pas. Renseignement pris, je découvre qu’il y a en fait une confusion entretenue par quelques ignares : ce n’est pas Halle Berry mais Halle Bailey, une autre actrice afro-américaine, qui jouera le rôle de la sirène. Outre le fait qu’elle n’a pas tout à fait le charisme de sa collègue oscarisée, Halle Bailey n’a que vingt-deux ans (trente-quatre de moins) et constitue donc une cible plus facile pour les mâles blancs qui ne supportent pas que les petites filles puissent rêver aux aventures d’une demoiselle noire… C’est à des petits riens comme ça qu’on voit qu’il y a encore du boulot ! Malcolm X est parti trop tôt…

 

Vendredi 16 septembre

 

9h15 : J’arrive, toujours largement en avance, au cimetière Saint-Martin pour assister à l’inauguration de la chapelle Grandjean qui a été rénovée récemment. Je suis un peu chargé car j’ai prévu de profiter de cette virée en ville pour faire un don de vieux bouquins pour une foire aux livres organisée par la librairie Dialogues – retenez bien ce détail qui a son importance pour la suite. La gardienne du cimetière m’accueille et me dit qu’il est aisé de repérer la chapelle en question : elle est encadrée de deux palmiers ! La présence de ces arbres exotiques à Brest n’est pas étonnante en tant que tel : ma ville a accueilli de grands voyageurs qui n’ont pas manqué de ramener des végétaux des terres qu’ils ont explorées et le climat finistérien, plutôt tempéré, se prête fort bien à la culture de plantes de tous horizons... Mais dans un cimetière, c’est quand même surprenant !

 

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9h30 : En attendant l’inauguration qui doit avoir lieu dans une demi-heure, j’entame un croquis du monument funéraire ; me voyant assis sur le tabouret pliant que j’ai pris la précaution d’emmener, la gardienne se propose de l’ouvrir pour que je puisse en découvrir l’intérieur avant tout le monde. Je n’ose pas refuser et, délaissant brièvement mon crayon pour mon appareil photo, je pénètre dans la chapelle où je découvre l’horrible vérité : l’édifice avait été érigé par des parents en hommage à leur fille disparue à l’âge de seize ans ! Ce qui aurait pu passer pour une manifestation d’orgueil de notables désireux d’étaler leur richesse même après la mort était en fait l’expression du chagrin inconsolable de parents qui avaient vu mourir leur enfant – je ne connais pas pire drame, je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi ! Mon article risque de faire pleurer dans les chaumières…

 

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9h45 : Alors que je termine mon croquis, les huiles commencent déjà à affluer, dont un représentant de la Fondation du patrimoine qui me complimente pour mon modeste dessin. À part madame Berthou-Ballot qui représente la municipalité, je ne connais pas grand-monde, ce qui me donne une position privilégiée pour percevoir le paradoxe de la situation : tous ces gens qui ont présidé ou participé, directement ou non, à la rénovation de ce bâtiment, sont tous très contents de se retrouver et de saluer l’aboutissement de leurs efforts, et je me dis qu’il est bien rare de voir autant de gens de bonne humeur dans un cimetière !

 

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10h : L’inauguration proprement dite commence enfin ; les discours s’appesantissent surtout sur le processus ayant conduit à la rénovation de la chapelle et au dispositif dans lequel elle s’inscrit, je n’apprends donc pas grand’ chose sur le bâtiment en tant que tel. Je sursaute quand même un peu quand on dit qu’il est question d’encourager les Brestois à visiter davantage les cimetières et à en faire, je cite, « des lieux de vie » ! De là à encourager les citoyens à aller faire l’amour dans ces endroits comme l’a dessiné Reiser (comment ça « encore lui » ?) en 1974[4], il n’y a qu’un pas !

 

Un zombie sortant de la chapelle... Mais non, je déconne, c'est moi !

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10h30 : N’ayant rien pu tirer de plus concernant la famille Grandjean (vraisemblablement des notables de Landerneau) ni sur les autres caractéristiques insolites de la chapelle (pourquoi des palmiers ?), je décide de ne pas m’attarder et de descendre à pied la rue Jean Jaurès, direction Dialogues enfants, où doit se faire le dépôt des livres. La distance ne me semble pas justifier que je prenne le tram, mais avec mon chargement, la route est quand même peu confortable. Je m’accroche néanmoins, pensant au bien que j’éprouverai une fois que je repartirai allégé…

 

11h : J’arrive à destination et je comprends tout de suite que je suis tombé sur un os : pour cette édition, ils ne prennent que les livres pour enfants ! J’aurais pu m’en douter au vu de la façon dont la collecte était annoncée, mais comme ce n’était exprimé explicitement à aucun moment, je me suis foutu dedans ! Encore une fois, ma difficulté, typique des autistes Asperger, à saisir l’implicite, m’aura joué un tour. Je fais cependant contre mauvaise fortune bon cœur et je décide de faire un aller-retour jusqu’à chez moi pour ne pas devoir trimbaler mon chargement tout au long de cette journée qui s’annonce déjà bien remplie.

 

11h30 : C’est bien ma veine : il a fallu que le chauffeur de bus se trompe et oublie de tourner ! Je me tape une distance supplémentaire à pied avec ma cargaison sur le dos et je commence déjà à saturer, d’autant que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit, comme à chaque fois que je me laisse emballer par l’enthousiasme que m’inspirent les promesses dont la vie semble parfois remplie… J’espère donc de tout mon cœur que cette contrariété était la dernière ! C’est drôle, je n’y crois pas tellement…  

 

13h : Une fois revenu au centre-ville et après avoir avalé quelques frites pour tenir toute la journée, je me rends dans un bar doté de la wifi histoire de poursuivre la rédaction du présent journal et de relever mes messages. Une chape de plomb me tombe dessus : un administrateur du musée de la marine m’a écrit pour me signaler que la salle consacrée au canon La Consulaire, que je mentionnais dans mon dernier article paru dans Côté Brest, n’existe plus depuis cinq ans ! Je lui explique que je m’étais appuyé sur une source de 2019 qui relayait cette information alors qu’elle était déjà obsolète : je doute que cela suffise à le convaincre de ma bonne foi et de mon professionnalisme ! Voilà ce qui arrive quand on veut aller trop vite…

 

15h : Troisième et dernière répétition de la lecture d’Inconnu à cette adresse : mon camarade et moi-même sommes de moins en moins surpris par le texte, nous devrions réussir à faire quelque chose d’acceptable en dépit du fait que je suis autiste et lui dyslexique. Ce n’est que sur la route du retour que j’ai une idée pour rattraper le coup avec le musée de la marine : pourquoi ne pas lui demander ce qu’il y a désormais à la place de la salle consacrée à la Consulaire et, par voie de conséquence, y consacrer un article ? Hélas, je ne pourrai pas soumettre la suggestion tout de suite car je n’aurai pas facilement accès à Internet avant la fin de la soirée… Vivre sans smartphone a aussi un prix, de nos jours. Mais je suis prêt à le payer, ça me semble toujours moins cher que ce fil à la patte électronique !      

 

17h30 : Le dessinateur David Sala est venu à la fac parler de son album Le poids des héros qui évoque son rapport avec son histoire familiale, marquée notamment par le parcours de ses grands-parents, républicains espagnols exilés en France. Il a traité le sujet dans un style graphique assez nouveau pour lui et va jusqu’à dire qu’à ses yeux, il faut constamment se renouveler, ne jamais avoir le même style d’un album à l’autre et ne pas faire comme Hergé ou Uderzo qui ont fait à peu près les mêmes dessins tout au long de leur carrière. J’ai un peu de mal à être d’accord avec lui, notamment parce que je peine à croire qu’un auteur puisse vraiment s’affranchir de son style qui est souvent l’expression de son individualité. Bien sûr, on évolue. Bien sûr, les changements peuvent être brutaux. Mais de là à en faire une exigence absolue ! De surcroît, je ne vois rien de honteux à garder un style de dessin constant et à en exploiter jusqu’au bout les potentialités. Je raisonne en vieux con ? Peut-être. Comme disait Wolinski, « finalement, être un vieux con et dire comme Ingres : « N’étudiez le beau qu’à genoux », ça ne me déplaît pas »[5]… Mais je chipote : quand il justifie son choix de traiter avec des couleurs vives ce sujet douloureux (certaines scènes se passent au camp de Mauthausen !), je ne peux qu’être d’accord avec lui ; on a trop tendance à penser que ces moments terribles ne pouvaient avoir lieu que sous la pluie et n’être représentés qu’en noir et blanc, ce qui est une façon de se rassurer en situant ces horreurs dans un autre monde. Seulement voilà : ça ne s’est pas passé dans une autre dimension ou sur une autre planète mais bien sur cette même Terre que nous foulons aujourd’hui, les déportés ont donc vécu leur calvaire avec les mêmes couleurs que celles que nous voyons au quotidien et rien ne s’oppose à ce que le soleil ait brillé sur les camps nazis ! Il faut vraiment être con comme l’était Aznavour pour s’imaginer que la misère serait moins pénible au soleil : au contraire, vieux nabot, la souffrance est encore plus insupportable quand la nature est en fête autour de toi et manifeste son indifférence totale pour les peines humaines ! En somme, représenter les souffrances des déportés en couleurs vives, c’est pertinent car ça n’adoucit rien du tout, bien au contraire : ça nous rappelle que c’est arrivé dans notre monde, et ça n’en est que plus effrayant… Bon, on passe à autre chose ?  

 

David Sala croqué (avec peu de complaisance) par votre serviteur :

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19h45 : Arrivée à Kafkerin où le Collectif Synergie inaugure un nouveau partenariat en organisant une nouvelle scène ouverte. Je ne suis pas de très bonne humeur : la rue Auguste Kervern, où est situé ce café associatif, est toujours barrée pour cause de travaux et le bus a donc fait une déviation à laquelle je ne m’attendais pas… Sans aller jusqu’à dire que j’ai collectionné les contrariétés, ça en fait tout de même au moins une de trop, d’autant que j’ai eu peur, à cause de ce changement d’itinéraire, de ne pas accéder facilement à cet établissement. De surcroît, quand j’entre, je suis un peu déçu : je m’attendais à une ambiance intime et feutrée et je suis ébloui par une orgie lumineuse ! Je suis à deux doigts de paniquer quand je ne retrouve pas Claire Morin et ses acolytes : je les retrouve finalement dans l’arrière-salle, en train de casser une graine… Je fais part de mes mésaventures : une autre slameuse espère me réconforter en me disant que c’est fini et que je vais pouvoir être plus « relax », mais elle ignorait qu’il ne faut jamais prononcer ce mot en ma présence et le cri que je pousse le lui apprend à ses dépends ! Elle m’a heureusement vite pardonné. Que dire de la scène ouverte en tant que telle ? Pas grand-chose d’autre que celle de la semaine dernière, si ce n’est la prestation d’un jeune homme reprenant une chanson de Céline Dion, un grand moment d’humour involontaire ! J’ai cependant du mal à en rire car la fatigue se fait sentir. Pas aux yeux du public qui apprécie mes passages sur scène, fort heureusement.

 

Quelques croquis de la soirée...

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...et des photos (prises dans d'assez mauvaises conditions, il faut bien le dire).

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22h30 : Rentré au bercail, je relève mes messages et je découvre, entre autres, un message de refus d’un éditeur pour mon Voyage en Normalaisie : je suis un peu découragé et je n’exclus pas de ne sortir demain que pour la lecture que je suis censé assurer, faisant autant fi des journées du patrimoine et des rencontres brestoises de la BD. Après tout, je fais déjà beaucoup pour le patrimoine et la bande dessinée à longueur d’année, le plus souvent en étant bien mal récompensé, ce n’est pas en multipliant les sorties que je vais réaliser mon œuvre…

 

Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] MADEMOISELLE CAROLINE & DACHEZ Julie, La différence invisible, Delcourt, Paris, 2016, pp. 56-57.

[2] POUPON Dimitri, Le massacre de Penguerec : Gouesnou, le 7 août 1944. Récits et mémoires d’un traumatisme (1944-2021) Cf. https://www.theses.fr/s213381

[3] REISER Jean-Marc, La vie des bêtes, Square, Paris, 1974, p .68.

[4] REISER Jean-Marc, On est passé à côté du bonheur, Albin Michel, Paris, 1994.

[5] « Wolinski est un grand artiste contemporain » in Les années Wolinski, Glénat, Grenoble, 2018, p. 88.


17/09/2022
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Du 5 au 9 septembre : La reine est morte. Et vous, ça va ?

Lundi 5 septembre

 

8h30: J’arrive à la bibliothèque universitaire pour avancer dans un travail plus chronophage que je ne le pensais : remaquetter le présent journal afin de le rendre présentable pour les éditeurs. Je trouve une petite salle où je peux facilement m’isoler : j’y suis seul, il n’y a pas de bruit, peu de lumière et je n’arrive même pas à me connecter à Internet. Bref, il n’y a rien pour me perturber, c’est un cadre de travail parfait pour un « aspie » comme moi.

 

11h30 : M’étant levé tôt, je vais déjà à la cafétéria de la faculté pour casser la croûte. Je renoue avec la vieille habitude d’y feuilleter le journal pour trouver l’inspiration, même si la cafétéria a beaucoup changé et n’a plus tout à fait l’ambiance qui me motivait tant jadis. Je prends tout de même sur moi, bien décidé à prouver, au moins à moi-même, que je suis capable de tenir la distance et de devenir un dessinateur professionnel… Deux articles ne m’inspirent pas vraiment de dessins mais m’interpellent quand même : premièrement, je ricane en apprenant les difficultés auxquelles doivent faire face aujourd’hui les fournisseurs d’électricité privés qui s’étaient créés à la suite de l’ouverture à la concurrence il y a une quinzaine d’années ; certains sont même obligés de demander à leurs clients d’aller voir ailleurs voire de revenir chez EDF ! Conclusion évidente : la privatisation, ça peut marcher tant qu’on est sûr de disposer de la marchandise, mais dès que le marché devient plus incertain, on réalise à quel point le monopole public était une sécurité… Un peu plus loin, il est question de réfugiés qui « occupent » un immeuble en voie d’être détruit en région parisienne… Personnellement, le terme « occuper » me paraît mal choisi : ces malheureux ne séjournent pas en ce lieu comme une armée d’occupation accaparerait un territoire conquis, ils se réfugient en un lieu où ils peuvent être, au moins provisoirement, à l’abri des intempéries, des persécutions policières, et accessoirement, du rejet des gens du coin… Bref, en affirmant qu’ils « occupent » un lieu inoccupé où le confort est sûrement des plus précaires, on fait passer des victimes pour des envahisseurs : je sais bien que travailler dans un quotidien n’est pas facile et qu’écrire : « des réfugiés se sont réfugiés », ça fait doublon, mais il doit bien y avoir un synonyme, non ?


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Autres sujets qui m'ont inspiré : le départ de Boris Johnson...

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Le "Conseil National de la Refondation" qui ne séduit pas vraiment l'opposition...

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Les déclarations de Bernard Cazeneuve sur la "toutouïsation" de la gauche...

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13h30 : Je me remets au boulot : c’est assez plombant pour le moral car je me repasse la période où je m’étais réfugié (on n’en sort pas !) chez mes parents en attendant que le plus gros de la crise sanitaire soit passé. Je n’arrive toujours pas à rire de ce que nous avons enduré à ce moment-là : en revanche, je relativise énormément les problèmes actuels, y compris la crise de l’énergie ! J’ai honte de l’écrire, mais quand je repense à ce qu’était la situation il y a un an et demi, je me dis que la hausse des prix du gaz et de l’électricité est finalement peu de chose ! J’aime mieux être fauché et libre de mes mouvements que rester cloîtré chez moi avec les poches remplies !

 

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Mardi 6 septembre

 

14h : Pour récupérer un colis, je me rends au magasin « Shangaï Style », situé rue Louis Pasteur : j’étais souvent passé devant, je n’avais encore jamais eu l’occasion d’y entrer. Alors c’est quoi ? Une sorte de bazar où l’on vend tout un tas de saloperies vaguement asiatiques, dont des pandas en peluche… De toute façon, étant donné que je suis obligé de faire la queue derrière deux personnes qui viennent pour les mêmes raisons que moi et que le local est encombré de paquets qui attendent d’être retirés, je me dis que le magasin doit surtout vivre du dépôt de colis ! La charmante personne (les femmes asiatiques ont toutes un charme délicat) qui m’accueille aurait plus vite fait de reconvertir son établissement en le consacrant uniquement à cette activité qui n’a rien de déshonorant et est sûrement plus utile à la société que le commerce de babioles dont même les touristes allemands ne voudraient pas !

 

Mercredi 7 septembre

 

10h30 : Légèrement désemparé et quelque peu inquiet pour mon avenir proche, je rends visite à une historienne de mes amis : je lui fais part de mon envie de refaire une thèse, cette fois en histoire, avec un sujet en lien avec la bande dessinée, histoire de faire fructifier l’expérience accumulée ces dernières années en proposant un cours sur l’histoire de la BD francophone. Après tout, un autre « Asperger notoire, Josef Schovanec a lui aussi deux doctorats. Mon interlocutrice juge mon idée réalisable mais m’exhorte à ne pas me précipiter : c’est vrai que je peux encore donner une chance à ma carrière artistique…

 

Quelques dessins : d'abord sur la nouvelle première ministre anglaise qui aime les patrons et beaucoup moins l'écologie...

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Les pénuries diverses et variées dans les magasins...

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La censure de la presse en Russie, dont le journal Novaïa Gazeta est présentement victime...

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Et enfin, la hausse de la taxe foncière.

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Jeudi 8 septembre

 

14h : Bref passage chez mon vieux complice pour répéter en vue de la lecture de Inconnu à cette adresse que nous sommes censés proposer la semaine prochaine au fort Montbarey dans le cadre des journées du patrimoine : nous réalisons ainsi qu’à nous deux, il nous faut moins de trois quarts d’heure pour lire à voix haute l’intégralité de l’œuvre. Comme je suis antifasciste primaire et que je n’arrive à accorder aucune circonstance atténuante à celles et ceux qui se laissent séduire par les thèses d’extrême-droite, je me réserve le rôle le moins pénible, celui du Juif résidant en Amérique et qui garde les yeux ouverts pendant que son correspondant est aveuglé par le magnétisme du petit caporal autrichien… Il n’empêche que le texte est tristement d’actualité et que c’est assez glaçant ! J’espère que nous aurons du public…

 

19h : Je retrouve La Raskette et sa scène ouverte du jeudi soir. Comme je suis connu des serveurs, que j’ai presque tous caricaturés, et que l’animatrice de ces soirées, Éléonore, n’a pas son pareil pour mettre les gens en confiance, je me sens chez moi dans ce bistrot. Il n’y en a pas tant que ça, des lieux où je me sens facilement à l’aise…

 

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19h50 : J’ai le douteux privilège d’être le premier à passer sur scène, après Éléonore qui a, une fois de plus, été particulièrement brillante avec ses improvisations sur des poèmes classiques, dont des œuvres de Joachim Du Bellay et Victor Hugo – qui méritait amplement d’être qualifié de plus grand poète français et j’emmerde André Gide. Après ça, je pourrais avoir l’air nouille, mais mes slams semblent plaire, en particulier « Ça m’intéresse pas » : Éléonore, en particulier, me félicite pour ma sincérité, il est vrai que c’est sans doute un des textes les plus personnels qu’il m’a été donné de rédiger…

 

Le slam en question :

 

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21h : Toujours à La Raskette, un SMS de ma mère m’apprend la mort de la reine d’Angleterre. C’est terrible, de mourir si jeune, pas vrai ? À mon avis, elle en a dû en avoir marre d’avoir des con(ne)s comme prime minister depuis quelques temps et les discours anti-écologistes de Liz Truss lui ont donné le coup de grâce ! Commencer son règne avec Winston Churchill et le finir avec Boris Johnson, ça doit dégoûter de la vie… Profitant d’avoir mon matériel, je réalise à toute vitesse le dessin que vous pouvez vois ci-dessous : je ne peux l’empêcher de le montrer à mes plus proches voisines, visiblement des proches du jeune (et talentueux) pianiste qui est en train de se produire sur scène ; elles éclatent de rire en voyant l’œuvre sacrilège, ce que j’apprécie d’autant plus que je me rends compte après coup que ces dames… Sont toutes anglaises ! Il y a des moments comme ça qui sont particulièrement délicieux…

 

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22h30 : Il est temps pour moi de rentrer. J’attends le bus en compagnie d’une jeune fille qui semble particulièrement angoissée, craignant ne pas pouvoir attraper à temps la rame qui la conduira jusque chez elle. Quand elle monte dans le véhicule, le conducteur lui fait comprendre qu’elle est obligée de changer à Liberté : quand nous descendons à cet endroit, elle découvre, effarée, qu’elle doit attendre trois quarts d’heure pour sa correspondance contre seulement dix minutes pour moi… On a un bon réseau de transports en commun à Brest, dire le contraire serait malhonnête, mais on peut encore faire mieux !

 

Vendredi 9 septembre

 

10h30 : Au marché, je fais la queue devant le fromager. La cliente qui est juste devant moi faisait partie de l’auditoire à ma dernière conférence : elle me félicite encore une fois pour mes causeries. Touché par cette marque d’admiration alors que je suis en pleine période de doute, je fais la bise à cette dame âgée, histoire de retrouver pendant quelques secondes le plaisir d’embrasser une gentille mamie… Si vous n’avez pas pleuré sincèrement à la mort de votre grand’mère, je vous interdis de rigoler !

 

11h : Après avoir rangé mes courses, j’apprends enfin une bonne nouvelle : mon inscription aux cours publics des beaux-arts de Brest a été prise en compte, je vais donc pouvoir poursuivre mes progrès sous l’égide de Delphine, cette prof géniale que j’aurais aimé avoir dans le secondaire… L’espoir renaît.

 

16h : En vue d’un article pour Côté Brest, entrevue avec le président et la secrétaire générale d’une association qui vient en aide aux femmes gérant une éco-ferme au Burkina Faso. La secrétaire s’appelle Elisabeth : encore une qui en aura vite marre d’entendre son prénom partout, à plus forte raison si c’est pour qu’on lui dise qu’elle est morte ! Le président, lui, est burkinabé et réside à Brest depuis son mariage avec une française : l’amour dépasse encore les frontières, ça rassure…

 


09/09/2022
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