Du 6 au 9 décembre : Scènes ouvertes, Covid, Mylène Demongeot, etc.

 

Commençons avec une petite bêtise sur la chirurgie esthétique :

 

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Mardi 6 décembre

 

11h : Légèrement enrhumé, je passe à la pharmacie pour acheter du Doliprane. Je ne sais pas très bien si, avec le rebond épidémique, il faut à nouveau mettre un masque ou non pour pouvoir entrer dans ce genre de boutique : si je m’en tenais à ce qui est affiché sur la porte, il faudrait non seulement se masquer mais aussi faire en sorte de n’être qu’à six dans l’officine. C’est bien gentil, mais il fait froid et je ne vais pas risquer une pneumonie pour éviter le Covid à quelques vieux ! Bref, je passe outre… Et personne ne me dit rien. On me vend du Doliprane en comprimés sans problèmes : j’ai plus de chance que le client qui me précédait et qui voulait de l’effervescent, ce dont la pharmacienne ne disposait pas ; si c’est ça la pénurie de médicaments, on ne peut pas dire que ce soit dramatique pour l’instant… C’est ennuyeux si on veut, mais on n’en est pas encore à demander à Balto d’aller braver la neige pour ramener les médocs !

 

18h : J’apprends que Mylène Demongeot est morte la semaine dernière : elle avait 87 ans, c’est une belle mort. Pour moi, elle aura d’abord été la jolie blonde qui jouait Hélène dans Fantômas : je préfère oublier la poissonnière qui a fait de la politique sous la bannière de Bernard Tapie et a pris la défense du docteur Raoult, arguant que celui-ci lui a sauvé la vie ; c’était il y a un an seulement ! Raoult lui aura peut-être sauvé la vie, mais pas pour longtemps…         

 

Trois dessins finalisés ce mardi : un portrait d'Anne Frank...

 

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Et deux dessins d'objets provenant de ma salle de bains, pour le cour du soir :

 

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Mercredi 7 décembre

 

13h30 : Je suis en ville où je règle rondement quelques affaires courantes. J’en profite pour passer à la PAM, ce lieu en pleine résurrection : le premier commerce vient d’y ouvrir, une boutique appelée « Juste » et spécialisée dans les articles écoresponsables. Bien sûr, c’est une bonne chose et je ne vais pas me plaindre de voir renaître ce bâtiment si emblématique de Brest, qui plus est autrement qu’en était phagocytée par MacDo ou Apple ! Mais je serai toujours nostalgique de la papeterie du centre-ville où je me fournissais régulièrement et où les articles étaient présentés de façon claire, nette et fonctionnelle : je ne trouvais pas tout, évidemment, mais ça dépannait bien…

 

14h30 : Mes affaires ayant été réglées plus vite que je ne m’y attendais, je retourne à Lambé, non sans feuilleter le dernier Côté Brest où je découvre une publicité pour Radio Bonheur, une station qui se vante de ne passer que des chansons françaises : c’est curieux, je croyais que la réclame était destinée à attirer le public, pas à le faire fuir ! Pour ne rien arranger, le logo de la radio est en bleu-blanc-rouge et la pub nous montre une petite fille blonde : on ne voit pas ses yeux et c’est heureux car s’il s’avérait qu’ils étaient bleus…   

 

18h : Une certaine bonne humeur règne au cours du soir où la prof nous fait refaire des caricatures, mais entre nous, cette fois : je suis rodé à l’exercice, à ceci près qu’il nous est demandé de le faire en couleurs. C’est aussi une occasion de mieux se connaître entre élèves qui, sans ce genre d’expérience, ne feraient que se côtoyer ; j’apprends ainsi qu’une des femmes que je prends comme modèle (et réciproquement) est institutrice, ce qui me réconforte : si même les professeurs des écoles peuvent trouver du temps pour s’inscrire à un cours d’art, je ne devrais pas avoir si peur de ne plus pouvoir dessiner dans un avenir proche… L’une des élèves porte un masque, mais elle n’a même pas le Covid : le fait que tant de gens se sentent obligés de se déguiser en Michael Jackson dès qu’ils ont un simple rhume me navre ! C’est ce genre de parano hygiéniste qui conduit, in fine, aux excès qui commencent à avoir raison de la patience des Chinois…

 

Quelques élèves défigurés par votre serviteur :

 

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20h40 : Me voici au Café de la plage pour la scène ouverte qui s’y tient le premier mercredi de chaque mois. Alors que Mequi, le grand ordonnateur de cette salubre bouffée d’exubérance mensuelle, s’apprête à ouvre les hostilités avec son tour de chant comme le veut la tradition, mon présentoir signalant mon activité de caricaturiste, que j’avais dressé sur la table à laquelle je me suis assis, est renversé : la responsabilité de l’incident incombe à un type qui porte sa guitare dans le dos et ne se rend pas compte de la place qu’il occupe ainsi dans cet espace restreint. Bref, il a fait tomber mon présentoir avec sa gratte : rien de dramatique, l’objet est solide, mais, pour ne rien arranger, l’individu, qui semble peu éveillé, se sent obligé de se confondre en excuses disproportionnées que je ne sollicitais pas et qui finissent par m’énerver davantage que l’incident en question ! J’ai intérêt à surveiller ce type : avec ma pinte de bière et lui dans le voisinage, un incident plus sérieux n’est pas exclu…

 

21h : Le guitariste qui a fait tomber mon présentoir passe sur scène jouer quelques morceaux. Son numéro ne me marque pas outre mesure, rien ne le distingue spécialement de tous les joueurs de guitare qu’il m’a été donné de voir défiler depuis que je fréquente le milieu de la musique à Brest. Une fois sorti de scène, il ne trouve rien de mieux à faire que de se mettre juste à côté de moi, en me tournant le dos, toujours avec sa guitare derrière lui ! Étant donné que ma pinte est encore à moitié pleine et qu’il cache mon présentoir, je finis par l’exhorter à s’éloigner, ce qu’il fait d’assez mauvaise grâce… De deux choses l’une : ou bien je suis un tyran ou bien ce type se croit seul au monde !

 

Mon grand dadais :

 

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21h30 : Carlos, le chanteur espagnol habitué de ces soirées, vient de nous enchanter avec trois chansons de son pays : ce garçon déborde de talent et je plains le type qui doit passer après lui ! Mequi n’a pas le sadisme de me choisir et fait passer un chanteur qui ne m’intéresse pas : j’ai l’impression d’entendre Bénabar, dont l’œuvre m’horripile ! Je dois bien être le seul à penser ça puisque la salle applaudit à tout rompre ! Il se trouve même quelqu’un pour lui dire qu’il a une voix « très agréable » alors qu’on l’entendait à peine vu qu’il fuyait littéralement le micro ! C’est en assistant à ce genre de scène que je comprends mieux pourquoi Siné écrivait ceci à propos de la France à la fin des années 2000 :

 

« Son folklore, du biniou, à l’accordéon en passant par le cor de chasse, est l’un des pires du monde et ses chanteurs populaires nous scient les feuilles à force de bêler sur les ondes leurs paroles idiotes. Affligeant, le goût de chiottes des Français dans tous les domaines est à pleurer. Il n’y a que la médiocrité et le kitsch qui trouvent grâce à leurs yeux chassieux. »[1]   

 

Arrogant, comme point de vue ? Je dirais plutôt : désespéré.

 

A gauche : Carlos. A droite : le chanteur passé après lui.

 

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21h45 : Mon tour est venu. J’interprète deux slams tout neufs, écrits la semaine dernière et encore jamais prononcés sur scène, plus It sucks to be Santa Claus, période de Noël oblige. Je quitte la scène pour retourner à ma place, mais Mequi me rappelle pour que je déclame « Bernie la matraque » ! J’accepte, ne voulant ni décevoir le public ni me priver d’une occasion d’ajouter un clou au cercueil de Bernadette Malgorn… Après avoir slamé, je m’enquiers de l’avis du public : il est plutôt positif dans l’ensemble, mais les gens ont surtout apprécié mon slam de Noël : il n’était pas inédit mais je ne le joue qu’une fois par an, considérant que ce serait un peu con de le faire en plein mois de juin…

 

Les deux slams évoqués :

 

 

 

22h : Une autre habituée des scènes ouvertes, Morgane, nous enchante de sa voix de sirène… Je crois bien qu’elle est ma préférée avec Carlos ! Si tous les artistes que j’ai connus pouvaient avoir la moitié de son talent et le quart de sa modestie, la vie serait belle…

 

22h20 : Alors qu’un autre slameur s’apprête à faire son numéro, le guitariste qui m’a déjà passablement agacé se poste juste devant la scène, visiblement décidé à venir y jouer sans y avoir été autorisé… J’ai la réponse à ma question : c’est lui qui est égoïste est il n’y a pas moi qui ai à me plaindre de lui ! Il y a aussi Mequi, que je ne vois s’énerver que quand un artiste manque de respect à un autre, par exemple, comme c’est le cas en ce moment en essayant de lui voler de la vedette… Une scène ouverte, ce n’est pas une scène où l’incivilité est autorisée, bon sang de bois !

 

A gauche : la merveilleuse Morgane. A droite : Frank le slameur.

 

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22h45 : Il est temps pour moi de rentrer ; malgré le grand crétin avec sa guitare dans le dos et quelques tours de chants moyens, je repars content : j’ai eu deux clients pour les caricatures, j’ai pu parler du Collectif Synergie au slameur qui vient de passer, ça a l’air de l’intéresser beaucoup, et, surtout, j’ai pu régaler mes oreilles grâce à Carlos et Morgane. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur et je le confirme : je préfère continuer à découvrir gratuitement des artistes inconnus mais géniaux plutôt que dépenser des sommes faramineuses pour avoir le droit d’aller écouter bramer Michel Jonasz à l’Alizé…

 

Carlos et Morgane photographiés par mézigue - les clichés sont un peu flous, désolé :

 

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Jeudi 8 décembre

 

11h30 : Je reçois une brève visite de ma mère qui m’apporte, outre quelques commissions, des nouvelles de la famille : j’apprends notamment que ma sœur a le Covid. Il y a deux ans à peine, cette nouvelle aurait semé la panique, on aurait demandé à placer ma petite sœur en chambre stérile, on serait déjà à deux doigts de régler sa convention obsèques… Et aujourd’hui, on en parle comme de la simple grosse grippe qu’elle a toujours été : on a le culot de dire que le virus est moins virulent qu’il y a deux ans. Sauf qu’il y a deux ans, les sommités scientifiques les plus sérieuses disaient déjà qu’il n’était mortel que dans une infime proportion des cas ! C’étaient les médias qui clamaient que le Covid allait nous exterminer : aujourd’hui que nous sommes huit milliards sur la planète, on peut mesurer toute la pertinence de cette prédiction ! On nous dit que le virus est moins dangereux parce qu’il a muté : il leur en a fallu du temps pour admettre que ces mutations, c’était le virus qui s’adaptait à l’homme pour pouvoir cohabiter avec lui ! Jusqu’à présent, ils auront surtout eu tendance à nous présenter chaque variant comme une menace supplémentaire de surmortalité… Mais ce qui a vraiment tué tant de personnes, ce n’est pas le virus en tant que tel : c’est le manque de moyens des hôpitaux, et ça, les soignants n’avaient pas attendu l’épidémie pour nous alerter ! Bref, vous l’avez compris, je ne suis pas inquiet pour ma sœur, d’autant que notre père sort d’une opération cardiaque : il va bien, merci pour lui, mais il n’empêche que le Covid, en comparaison…

 

18h : Après une après-midi consacrée à compiler des citations en vue d’un bouquin dont le projet me taraude depuis déjà un certain temps, me voici en ville pour participer à la scène ouverte hebdomadaire à La Raskette. Ayant un quart d’heure de battement avant le passage du bus qui dessert le port de commerce, j’en profite pour passer à La Vagabunda afin de découvrir mes œuvres accrochées : j’avoue que je craignais qu’elles ne dépareillent un peu dans l’ensemble, mais finalement, j’avais bien choisi, elles s’intègrent assez bien à ce joyeux bric-à-brac. Comme je montre quand même quelques femmes en tenue légère, je ne peux m’empêcher de demander à Paty, la maîtresse des lieux, s’il n’y a pas eu de réaction négative : elle me répond par la négative, ce dont je me doutais un peu, mais je voulais tout de même m’en assurer ; je ne me prends pas pour Andy Warhol mais je n’ai pas envie pour autant de me faire tirer dessus par une féministe ! Ni même par qui que ce soit d’autre, d’ailleurs…

 

"Mon" coin à La Vagabunda : Les cinq grâces, La sorcière Hazel en bikini et le livre d'artiste Un nouveau jour se lève.

 

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"Le pavé", un autre travail de mon cru, dans la vitrine du lieu, vu de l'intérieur : 


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Vu de l'extérieur :


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De l'extérieur aussi mais de plus près :


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18h30 : Arrivé à La Raskette, j’apprends qu’il n’y aura pas de scène ouverte ce soir, la scène ayant été privatisée par je-ne-sais-qui pour organiser un karaoké… Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je décide quand même de m’installer avec mon matériel de caricaturiste comme si de rien n’était et de boire et manger sur place. Quand je demande pourquoi c’était fermé la semaine dernière, on me répond qu’à 19h30, il n’y avait aucun client et qu’ils ont donc préféré fermer tout de suite… Je préfère ne pas en tirer de conclusions.

 

18h45 : Ma pinte de bière et mon matériel à portée de main, je feuillette le dernier Ouest France pour y trouver de l’inspiration : j’ai ainsi le plaisir de découvrir que la quatrième de couverture est consacrée à Astéréotypie, ce collectif musical composé de personnes avec autisme ! J’apprends ainsi que les membres de ce groupe vivent désormais de leur musique : ça me redonne de l’espoir, de lire qu’on peut être autiste et vivre de l’art…

 

Claire Ottaway, la charmante chanteuse d'Astéréotypie :

 

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D'autres personnalités vues dans Ouest France : Jean-Chrisophe Lagarde...

 

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L'entrepreneur brestois Michel Guyot...


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...et Olaf Scholz.


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Un dessin inspiré par un article, toujours dans Ouest France, faisant état de la mauvaise image des chômeurs dans l'opinion publique :

 

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19h15 : Après avoir bu ma bière, je commande une poutine au comptoir, ce qui me donne l’occasion de revoir une charmante serveuse qu’il me semble ne plus avoir vu depuis un certain temps : je lui trousse un petit compliment gentil, ce à quoi elle ne doit être guère habituée de la part des clients dans ce métier un peu ingrat… En attendant, la soirée karaoké ne démarre pas : je commence sérieusement à avoir une dent contre les types qui m’ont privé de scène ouverte pour une fête qui ne décolle même pas et je me promets de ne pas m’attarder…

 

21h30 : Je suis finalement resté plus longtemps. Non, pas à cause du karaoké : en tout et pour tout, il n’y a eu que deux personnes qui ont chanté un morceau que j’ai déjà oublié… Mais il se trouve que j’ai eu deux clientes pour les caricatures : l’une d’elles a été un peu poussée par son compagnon qui avait été impressionné en me voyant dessiner ! Les réactions sont décidément de plus en plus positives, je me dis que j’ai raison de vouloir me professionnaliser ; je suis encore sur mon petit nuage quand, arrivé au niveau de la place de la Liberté, je découvre avec effarement que le service est déjà terminé pour la ligne qui dessert Lambézellec ! Pourtant, à cette heure-ci, il devrait encore y avoir des bus : pas besoin de chercher plus loin, c’est le mouvement social des chauffeurs qui continue… Ils ne sont pas logiques : s’ils veulent vraiment gêner du monde, ils feraient mieux de faire ça en journée ! En soirée, ça n’embête que quelques marginaux comme moi, assez fous pour s’aventurer dehors en plein mois de décembre après 21h… Mais surtout, laisser des voyageurs en rade de nuit avec le froid qu’il fait, c’est à la limite du criminel ! Tout ça, c’est de la faute de cette direction qui met la pression aux conducteurs et les pousse aux pires extrémités : j’ai bien envie de pénétrer dans le siège social de Bibus déguisé en Didier L’embrouille, batte de base-ball comprise… En attendant, j’en suis quitte pour prendre le bus qui s’arrête à l’AFPA et me taper à pied le boulevard de l’Europe pour regagner mon quartier : je fais une nouvelle fois contre mauvaise fortune bon cœur, mais attention, mes réserves de bon cœur ne sont pas inépuisables ! Je relativise cependant en pensant à ce que ce serait si j’habitais encore dans une commune périurbaine ! Brrr… 

 

Vendredi 9 décembre   

 

10h30 : Jour de marché. Juste devant moi, au stand de la fromagère, une dame arrive à se faire comprendre sans prononcer un seul mot : la marchande me confirme que cette cliente est muette… Il est toujours réconfortant de voir qu’on peut vivre avec un handicap, même lourd…

 

11h : Passage au bureau de poste. La file est ralentie par un homme assez âgé qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’il y a la queue jusqu’à dehors et que les autres usagers se gèlent pendant qu’il raconte sa vie à la postière… Chercher la chaleur humaine, c’est bien joli, mais il ne faut négliger ceux qui auraient besoin de chaleur tout court !

 

En guise de post-scriptum : un dessin sur les rats qui, paraît-il, envahissent Paris...

 

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[1] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, pp. 87-88.



09/12/2022
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