Du 18 au 22 décembre : Joyeux Noël !

 

Vous connaissez beaucoup de caricaturistes qui ont le Père Noël dans leur clientèle ?

 

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Dimanche 18 décembre

 

11h : Tard levé suite à une soirée chez un ami, je me réjouis de ne pas avoir d’événement aujourd’hui : je n’aurais pas été très frais et, de toute façon, entre la pluie qui tombe à seaux et la finale de la coupe du monde de la honte, je n’aurais pas eu beaucoup de public ! J’en profite donc pour me recroqueviller dans un moelleux cocon hivernal ; je prends toutefois la peine de m’enquérir du résultat de l’élection de Miss France : ouf, ce n’est pas la petite Guipavasienne qui a gagné ! On n’a pas besoin d’une deuxième Laury Thilleman à Brest, c’est déjà assez insupportable avec une seule…

 

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Sauf mention contraire, les illustrations de cet article étaient destinées à un livre qui ne verra finalement pas le jour.

 

Lundi 19 décembre

 

9h30 : Je sors brièvement poster du courrier, et faire quelques achats ce qui me permet de croiser la dame qui nettoie les parties communes de mon immeuble – cette formulation est un peu lourde, mais le temps des concierges qui régnaient en maîtresses sur leurs halls est révolu, la partie le plus ingrate de leur travail est aujourd’hui confiée à des entreprises sous-traitantes qui emploient des pauvres diables (ou, dans le cas présent, de pauvres diablesses) que même les locataires ne respectent plus, mises à part quelques exceptions dont j’essaie de faire partie. Aussi, quand je constate que la porte est ouverte, je demande à la dame si elle a besoin qu’il en reste ainsi, ce à quoi elle répond par l’affirmative… Est-ce parce que c’est plus pratique pour sortir son matériel ? Est-ce pour que le sol fraîchement nettoyé sèche plus vite ? Peu importe, je n’ai pas pour habitude de contrarier quelqu’un qui travaille. Quand je rentre moins d’une demi-heure plus tard, je constate qu’elle est déjà partie et qu’elle n’a pas oublié de fermer la porte en partant… L’efficacité et la courtoisie de ces gens-là est admirable : au risque de me répéter, je ne sais pas combien cette dame est payée, mais ce n’est sûrement pas assez.

 

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10h30 : Ayant des difficultés à me connecter à Internet, je fais appel à l’assistance Free, ce que je déteste au-delà de tout : je n’aime pas téléphoner, entendre parler quelqu’un que je ne peux pas voir m’angoisse, à plus forte raison s’il s’agit d’une personne que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, et si, par-dessus le marché, c’est pour parler d’électronique, alors là, ça vire à la torture mentale pour moi ! Quand j’ai quelqu’un au bout du fil (après un bon quart d’heure d’attente), l’individu parle tellement vite que j’ai un mal de chien à suivre ses directives ; quand la connexion est enfin rétablie, au lieu de raccrocher tout de suite, il me tient encore le crachoir cinq minutes avec un charabia auquel je ne comprends à peu près rien, si ce n’est que je dois probablement m’attendre à d’autres problèmes techniques en raison des travaux programmés dans mon quartier et que je vais prochainement recevoir un questionnaire de satisfaction… Passons rapidement sur la consternation que m’inspire la vulnérabilité de notre haute technologie : il y a déjà longtemps que j’ai compris que la notion de progrès est à relativiser. Quant au questionnaire de satisfaction, faites-moi confiance pour ne pas y répondre, je ne tiens à jouer les délateurs auprès de la DRH de chez Free, surtout pas gratuitement !

 

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20h30 : Petite virée dans un bar du port de commerce avec un ami, psychologue de son état : il me fait part, entre autres, de ses échanges avec des jeunes en situation de handicap et me rapporte qu’il est parfois obligé d’intervenir personnellement dans les établissements scolaires qu’ils fréquentent, l’institution ne faisait aucun effort pour favoriser leur intégration avec un minimum de bienveillance. Il me parle, par exemple, d’une jeune fille, diagnostiquée autiste, qui ne supporte pas qu’on lui parle dans le dos (j’ai la même intolérance), ce dont sa prof ne tient pas compte ; il est donc venu voir l’enseignante pour le lui expliquer, et cette dame (qui n’est pas forcément incompétente ou indigne de respect, je ne dis pas ça) n’a rien de trouvé de mieux à faire que lui parler dans l’oreille sous les yeux de la demoiselle, ce que cette dernière n’a pas supporté (j’ai moi-même horreur des messes basses échangées sous mon nez) et, devant la manifestation d’exaspération de son élève, la prof a dit en substance à mon ami : « Vous voyez bien qu’on ne peut pas la gérer ! » Pour résumer, rien n’a échangé depuis mon enfance : les profs ont beau savoir que certaines choses mettent mal à l’aise à leurs élèves, au mieux, ils s’en fichent, au pire, ils les provoquent et disent ensuite que c’est de la faute de ces jeunes gens… Bon, je sais : ce ne sont pas les profs qu’il faut accabler, ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens dérisoires que leur alloue une institution qui les méprise, et les milieux scolaires n’ont absolument pas le monopole de la conviction imbécile selon laquelle les difficultés que rencontrent les personnes avec autisme ne seraient que le fruit d’une mauvaise volonté de leur part. Mais alors, ça veut dire que ce n’est pas tel ou tel membre du corps enseignant qui est en cause mais bien la société toute entière ! C’est donc beaucoup plus grave et cette anecdote en dit long sur la façon dont les personnes handicapées (ou tout simplement atypiques) sont traitées par l’État : tel Siné, « je ne m’habituerai jamais à cette propension de nos législateurs qui choisissent toujours de punir les victimes plutôt que les coupables »[1].

 


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Mardi 20 décembre

 

10h30 : Mon portable m’a lâché : comme je troue aberrant de dépenser plus de dix euros pour un téléphone, je sors faire un tour à Électro Dépôt où, d’après ce que j’ai lu sur leur site, on trouve des modèles débloqués à bas prix. Non seulement j’achète le modèle le plus obsolète mais, par-dessus le marché, je le paie en liquide ! Quand je rentre, je trouve dans le bus une affiche que je me promets de détourner pour dénoncer la vague de suicides chez les conducteurs : je vais faire le gros du boulot à la main, histoire d’achever de faire un pied de nez à notre époque hyper-connectée qui me court sur le système…

 

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21h : J’ai reçu deux visites dans la même journée : mes conversations avec mes invitées confirment ce que je pressentais, à savoir un sentiment de fatigue généralisée ! L’année qui se termine a été pour le moins rude et je ne suis pas sûr que la période des fêtes suffise à ce que nous nous refassions une santé, d’autant qu’à peu près tout le monde s’attend à connaître d’autres difficultés, d’autres catastrophes… Je repense au Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire et je trouve particulièrement actuels ces quelques vers :

 

« Écoutez le monde blanc

horriblement las de son effort immense

ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures

ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique

écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites

écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement

Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! »[2]

 

Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. De toute façon, la vraie question, aujourd’hui, est plutôt ce que le monde blanc et occidental peut encore faire pour éviter le nervous breakdown qui le menace à l’issue de cette histoire jalonnée de guerres, de massacres et de cataclysmes qu’il a lui-même provoqués... On pourrait déjà méditer cet autre extrait de l’ami Siné où la valeur des « lumières » de l’Europe en prend un coup :

 

« Je me sens beaucoup plus proche d’un Africain à moitié à poil qui frappe sur des tambours que d’un Italien, tiré à quatre épingles, qui brame du bel canto, ou d’un Japonais en kimono qui trace des idéogrammes au pinceau plutôt que d’un Autrichien en short de daim tripotant, sur son ordinateur, un logiciel de traitement de texte. »[3]

 

J’ai souvent écrit que l’homme occidental était un enfant gâté devenu aveugle : je pourrais ajouter qu’en se croyant important, il est l’artisan de son propre malheur…

 

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Mercredi 21 décembre

 

14h30 : Malgré la météo peu engageante, je décide de faire un tour à pied jusqu’au centre-ville histoire de régler quelques affaires, rendre visite à quelques compagnons de route et, accessoirement, profiter de l’ambiance de Noël. Avant de partir, je relève mon courrier : je découvre ainsi mon exemplaire d’un ouvrage collectif consacré aux femmes de la Bible, auquel j’ai contribué avec un article sur les variations humoristiques de la figure d’Ève dans l’œuvre de Gotlib et celle de Philippe Geluck ! Il n’y a que moi pour faire un coup pareil… Quand je me relis, je suis assez content de moi, je suis notamment fier d’avoir forgé la formule « L’art se distingue de la nature, entre autres, en ceci que des causes différentes peuvent y produire des effets similaires » ! Je me demande parfois où je vais chercher tout ça ! Vous, en tout cas, vous pourrez la trouver en librairie à partir du 26 janvier dans le livre Qui est donc cette femme qui surgit comme l’aurore ?, dirigé par Isabelle Durand et Benoît Jeanjean et édité par les Presses Universitaires de Rennes. Rien que pour ça, le Père Noël est en avance chez moi, cette année !  

 

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18h30 : Ma petite sortie m’apporte entière satisfaction, je n’ai pas boudé mon plaisir d’une petite heure de régression au Marché de Noël, j’ai même fait un tour en grande roue ! Je suis encore sur mon petit nuage, à savourer une gaufre au Nutella (oui, je sais…) quand je vois débarquer des types en treillis armés de fusils-mitrailleurs : d’un seul coup, je ne regrette déjà plus de devoir rentrer ! Rien de tel qu’un spectacle aussi merdeux pour pourrir l’ambiance ! De son vivant, Siné (comment ça, « encore lui » ?) nous mettait en garde contre la banalisation de cette présence militaire dans les lieux publics : 

 

« On se croirait revenu au temps pourri de la guerre d’Algérie, baptisée elle aussi, au départ, simple « opération de police ». Mais le pire est que personne ne moufte devant cette dérive inadmissible soi-disant justifiée sous prétexte de « sécurisation ». Rien ne choque plus nos concitoyens de plus en plus xénophobes : du moment que ces tueurs rasés ne sont là que pour débusquer des tueurs barbus, « terroriser les terroristes » selon l’imbécile expression de Pasqua, tout va bien ! »[4]

 

Siné est mort depuis six ans, mais son point de vue reste pertinent ! Personnellement, voir des types armés jusqu’aux dents dans un lieu dédié, en principe, au plaisir et au divertissement, surtout s’il y passe des enfants, me fera toujours froid dans le dos : si un officier givré (un pléonasme, excusez-moi) décide un jour de faire un putsch, il n’aura rien à faire, ses hommes seront déjà dans la place pour tenir les civils en respect et flinguer les éventuels récalcitrants pour l’exemple… Depuis le 11 septembre 2001, nos gouvernements démocratiques successifs n’ont eu de cesse de mettre les clés à portée de main de ceux qui peuvent à tout moment décider de s’en servir pour les renverser ! Le vrai drame de ce monde, c’est que le Père Noël n’existe pas et que les militaires, eux, existent bel et bien !

 

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Jeudi 22 décembre

 

10h30 : Bien qu’en petite forme, je fais le ménage en grand dans mon appartement histoire de ne pas avoir à m’en occuper quand je rentrerai de chez mes parents dans une semaine. Chaque fois que je fais ça, je comprends mieux ce que ressent ma mère qui, il est vrai, devait frotter la crasse des autres en supplément de la sienne propre. Mais surtout, je repense à ces photos des années 1950 où les femmes étaient presque toutes gracieuses et légères : si elles tenaient tout dans la maison quand les hommes, eux, finissaient leur journée de travail au bistrot, il leur était un peu plus facile de garder la ligne… Quand on sait qu’encore aujourd’hui, les hommes ont majoritairement tendance à laisser les tâches ménagères aux femmes, c’est peut-être aussi pour ça que ces dernières ont une espérance de vie plus élevée ! Bref : les machos, si vous voulez vivre aussi longtemps que vos femmes, prenez part vous aussi au ménage ! Profitez des fêtes pour méditer ça…

 

Les enfants nés à partir d'aujourd'hui jusqu'au 20 janvier seront du signe du Capricorne - cette illustration figure dans mon calendrier 2023 dont il reste quelques exemplaires.

 

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Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine et joyeux Noël !

 


[1] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, p. 174.

[2] Aimé CÉSAIRE, La poésie, Paris, Seuil, 2006, p. 43.

[3] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, pp. 73-74.

[4] Op.cit., p. 205.


22/12/2022
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Du 10 au 16 décembre : kenavo, monsieur Gallou

 

Commençons avec une photo que j'aime bien :

 

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Samedi 10 décembre

 

12h : Avant d’aller à La Vagabunda où j’ai promis de proposer une séance de caricatures, je m’offre quelques plaisirs d’hiver au Marché de Noël installé sur la place de la Liberté, dont une gaufre au Nutella… Oui, je sais ce n’est pas bien ! Mais je n’en mange qu’une fois par an, à cette occasion précisément, et puis autant en profiter : quand l’interdiction des produits issus de la déforestation sera entrée en vigueur (le plus vite possible, j’espère), ce ne sera plus qu’un souvenir ! Je culpabilise un peu, je l’avoue… Tout en savourant cette saloperie, je croise la femme d’un ami qui promène ses petits-enfants : cette dame, qui a été élevée durement dans une pension sans doute mal tenue, ne manque pas de vitupérer contre les gosses pourris-gâtés d’aujourd’hui et contre son époux qui la laisse s’occuper seule des gamins ! Cela dit, j’ai le net sentiment qu’elle rouspète pour le principe mais qu’au fond, elle adore ça… Ceux qu’on appelle aujourd’hui les « seniors » sont, il est vrai, très sollicités par leurs enfants qui ne sont plus le « réconfort de leurs vieux jours » : quand ces derniers ne s’incrustent pas à la maison jusqu’à la trentaine, ils leur confient facilement les petits, mais au fond, est-ce que ça n’aide pas nos aînés à se maintenir debout et à ne pas se laisser aller ? J’ai parfois de la peine pour mes parents qui me soutiennent matériellement et ont encore ma sœur à leur charge, mais je ne les vois jamais s’en plaindre : mon père est encore robuste, ma mère est encore mignonne, est-ce que ce n’est pas justement dû en partie au fait qu’ils ont conscience que nous avons encore besoin d’eux ? Je suis heureux et fier d’avoir une maman encore jolie et un papa encore costaud, tant mieux si j’y suis pour quelque chose – même si ce n’est pas une excuse pour me laisser aller, bien sûr.    

 

Puisque je parle de ma famille...

 

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14h : Il ne passe pas grand’monde à La Vagabunda : le froid et la coupe du monde de foot retiennent les braves gens dans leurs clapiers. Les rares visiteurs ne sont pas vraiment volontaires : il se trouve même une dame pour me dire qu’elle s’était fait caricaturer jadis et que ça l’avait traumatisée ! Ce n’est pas de ma faute si elle n’a aucun humour ni si elle est tombée sur un « collègue » qui n’avait peut-être pas de talent… Un homme me dit qu’il repassera peut-être se faire tirer le portrait mais, comme toujours dans ces cas-là, je ne le vois pas revenir. Au final, seule Paty, la maîtresse des lieux, se fait défigurer. Fort heureusement, j’avais apporté plusieurs caricatures en chantier que je finalise pour passer le temps. Je fais aussi quelques croquis des installations extravagantes que j’ai sous les yeux, à commencer par les bulles des étranges machines créées par le bubble artist qui participe à l’exposition et qui ont l’air d’essayer de danser en rythme avec les morceaux de musique diffusés dans ce lieu d’exposition qui est aussi une boutique de disques…

 

Paty avec sa caricature : je ne l'ai pas épargnée...

 

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Votre serviteur en pleine action, photographié par l'une des délicieuses filles de Paty :


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Quelques croquis réalisés sur place : 

 

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Les caricatures finalisées à La Vagabunda : Finkielkraut...

 

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Einstein...


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Trump...


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Fidel Castro...


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Gilbert Collard...


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Greta Thunberg...


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Mère Teresa...


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Sarkozy...


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Pascal Praud...


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Sir Paul McCartney...


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Etchebest...


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Roselyne Bachelot...


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Churchill...


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...et Yann Moix.


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18h30 : À une demi-heure de la fermeture, je prends congé, non sans remercier Paty pour son accueil et en promettant d’honorer sans faute l’autre rendez-vous que nous avons fixé pour la semaine prochaine. En ville, c’est le souk : des cris de joie, des klaxons, des feux d’artifice… Je sais que l’équipe de France joue ce soir, mais je m’étonne que l’ambiance soit déjà si chaude alors que le match n’a pas encore commencé ! Qu’est-ce que ce sera s’ils gagnent ! Et je suis encore plus étonné quand je vois des drapeaux marocains : c’est quoi ce binz ? Renseignement pris, je comprends que cette flambée de joie est due au fait que l’équipe du Maroc s’est qualifiée pour les demi-finales : mine de rien, il y a plus de Marocains que je ne l’imaginais à Brest ! Cette manifestation de patriotisme de leur part doit faire râler les identitaires, j’imagine déjà les articles haineux des imbéciles qui trouvent intolérable que l’on brandisse des drapeaux marocains en plein centre d’une métropole française, qui plus est siège de la force de frappe nationale, et gnagnagni et gnagnagna ! Pourtant, si tous ces gens ont quitté leur pays magnifique et ensoleillé pour s’installer dans notre région froide et minable, c’est peut-être justement parce que leur terre natale n’est pas si paradisiaque que le laissent croire les guides touristiques… Et puis leur ferveur footballistique prouve qu’ils sont aussi cons que les Français ! Cela dit, j’ai beau trouver ridicules ces beaufs qui se sentent obligés d’exulter parce qu’une poignée de nantis a mis la baballe au fond des filets, je me dis, toutes proportions gardées, que ce sont encore des gens bien par rapport aux abrutis qui ont dégainé leurs smartphones pour filmer les feux d’artifice ! J’ai hâte de rentrer et de fuir cette foule imbécile…    

 

Lundi 12 décembre

 

10h30 : Après un dimanche de réclusion volontaire, je sors faire un don au secours populaire : je me débarrasse de quelques livres qui m’encombraient et que je ne relirai plus. Je ne sais pas trop à qui m’adresser, jusqu’à ce qu’un homme d’âge mûr me remarque et ramène une caisse dans laquelle je dépose mes ouvrages surnuméraires : on sent qu’il est habitué. Mais plus encore que l’amabilité, la disponibilité et l’efficacité des responsables, ce qui me frappe, c’est qu’il y a quand même beaucoup de gens qui viennent faire leurs courses ici et qui n’ont pas tellement l’air d’être des cas sociaux : c’est un bon thermomètre de l’état d’une société !

 

Mardi 13 décembre

 

16h : Tout en travaillant sur un projet qui me trotte dans la tête depuis déjà un certain temps, j’écoute enfin deux CD qui attendaient depuis déjà quelques semaines que je les mette dans mon lecteur : le dernier EP d’Aline Impieri et le dernier album de Liloo. Satisfecit pour le premier, même si je ne suis pas convaincu par sa reprise de « L’aventurier » d’Indochine : changer le rythme de la chanson n’était pas la meilleure chose à faire, même si c’est mieux adapté à la voix d’Aline – en revanche, sa reprise de « Hot stuff » arrache des larmes. Quant à Liloo, son album intitulé « Le bonheur comme il vient » est un vrai chef-d’œuvre : il n’est pas facile d’être positif sans sombrer dans la mièvrerie et elle y est magnifiquement arrivée. Bien sûr, je ne suis pas complètement objectif car ces chanteuses sont toutes deux de bonnes copines, mais si ce qu’elles font n’en valait pas la peine, je n’en parlerais même pas. Si, je vous jure !

 

Un dessin réalisé dans la journée :

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Mercredi 14 décembre

 

10h : Je sors poster du courrier et acheter du pain : je découvre ainsi une lettre de mon bailleur annonçant une augmentation des loyers. Une fois dehors, je marche sous une pluie battante dans le vent glacial, et je constate que les unes des journaux sont accaparées par le foot… C’est ce qu’on appelle une journée qui commence bien !

 

12h : Me voici en centre-ville pour régler quelques affaires courantes : avant tout, je casse la croûte à la Brioche dorée et j’en profite pour jeter un œil sur la presse. Une fois passées les pages sur la demi-finale France-Maroc, j’apprends que le concours Miss France se tiendra ce week-end, que les idées du RN continuent à se banaliser et qu’il y aura bientôt à Brest un spectacle basé sur les chansons de Sardou… On est cernés !

 

13h30 : Pour les besoins d’un article, je prends quelques photos des drapeaux qui flottent sur la façade de l’hôtel Océania. J’aurais voulu en faire une avec la porte de l’hôtel, mais celle-ci est occupé par un type qui fume une cigarette et converse sur son téléphone portable… Comme je ne me sens pas de devoir lui payer des droits, je prends le parti de patienter jusqu’à ce qu’il rentre. Au bout d’un quart d’heure, il est toujours là, à papoter sur son bigophone et à griller clope sur clope ! Je me gèle et j’ai déjà pris plus de vingt-cinq photos des drapeaux pour tromper mon ennui ! J’abandonne et je reprends ma route, non sans maugréer : il n’y a pas si longtemps, ce bonhomme serait resté à l’intérieur, pour la bonne raison qu’on pouvait encore fumer dans les hôtels et que les clients avaient un téléphone à leur disposition ! Si ma mère m’exhorte encore une fois à acquérir un smartphone, je la dénonce à la DASS !

 

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14h : Brève halte à la galerie Id Pod pour mettre mes calendriers en dépôt-vente : j’y retrouve le photographe Yves Larvor qui me parle du fanzine Stread ; apparemment, cette publication qui met à l’honneur la photographie de rue trouve son public et c’est tant mieux : il n’y aura jamais trop de supports pour l’art, à plus forte raison s’ils permettent aux Brestois de se réconcilier avec leur ville – même si, de ce côté-là, ça va mieux que quand j’étais enfant.  

 

14h30 : Passage à « Au coin d’la rue », rue Saint-Malo, pour rencontrer Mireille Cann : il y a longtemps que je n’étais pas venu dans cet endroit pourtant sympathique et chaleureux, où rien ne manque pour se sentir à l’aise, pas même les chats à caresser. Il est vrai que la rue Saint-Malo, qui a échappé au comblement des vieilles rues de Recouvrance pendant la reconstruction, n’est pas à proprement parler un lieu de passage : elle est encaissée et on n’y vient pas par hasard, même quand on passe dans le quartier – ce qui m’arrive de surcroît assez rarement. Cet état de fait illustre bien ce qui m’amène à parler à la présidente fondatrice de l’association « Vivre la rue » : je viens déposer entre les mains de son asso le sort du « Chemin positif » créé dans cette rue par mon amie Elena. Celle-ci m’en avait confié les destinées au moment où elle avait quitté Brest, mais je n’ai jamais eu le temps de m’en occuper vraiment, alors autant passer la main à des gens qui sont sur le terrain.

 

15h45 : Dans le bus, je suis assis côté couloir, la place côté fenêtre étant occupée par une jeune femme. Celle-ci appuie sur le bouton d’arrêt : je me lève pour lui permette de descendre. Cette situation très banale me fait prendre conscience du fait que depuis que je prends régulièrement les transports en commun (soit près d’une vingtaine d’années), aucun passager ne m’a jamais empêché de descendre même si ça devait le forcer à se lever. Pourquoi suis-je frappé par ce fait si élémentaire qu’il peut paraître naturel ? Parce que j’ai été traumatisé par mon premier jour à l’école primaire où, à la sortie des cours, un élève avait essayé de m’empêcher de sortir du bâtiment : mon premier contact avec cet être singulier que l’on appelle « autrui » ne fut donc pas marqué du sceau de la courtoisie et je m’étonne encore aujourd’hui qu’on ne cherche pas à entraver mes mouvements. Au moins, j’apprécie à sa juste valeur ma chance de vivre dans un pays où nous ne sommes pas tous en guerre les uns contre les autres. Pas encore…

 

16h : Rentré brièvement chez moi pour faire du courrier, je jette quand même un œil sur la page Facebook de Côté Brest et j’apprends ainsi que le conditionnement de l’attribution du RSA va être testé dans 19 départements. Ce qui me choque le plus, ce n’est même pas tellement cette mesure en tant que telle : le président l’avait annoncée, il ne nous aura pas pris en traîtres, et si les Français voulaient une politique qui s’occupe un peu des démunis, ils auraient voté pour la gauche, par pour Macron ou Le Pen ! Non, ce qui me heurte, c’est le fait que dix-neuf départements, sur les 101 que compte la France, aient été choisis, suivant des critères dont la logique m’échappe, pour servir de laboratoires à ciel ouvert pour une mesure qui, si ça se trouve, se révélera inadaptée et inefficace : rappelons que les départements avaient été créés en 1789 pour mettre tous les citoyens sur un pied d’égalité et en finir avec les privilèges locaux hérités de l’ancien régime, c’est donc une conquête de la révolution française qui est bafouée ! Je sais pourquoi Macron a rebaptisé son mouvement « Renaissance » : c’est parce qu’il nous renvoie 500 ans en arrière ! À cette différence près que nous ne nous retrouverons pas les artistes géniaux de cette époque : il les a catalogués « non essentiels »…

 

17h30 : Je suis déjà à l’annexe des Beaux-arts où un autre élève, un homme d’âge mûr, essaie maladroitement de « flasher » le QR code d’une affiche avec son smartphone : me remémorant ma mésaventure de cet après-midi, je ne peux m’empêcher de rire – comme à chaque fois, d’ailleurs, que la technologie envahissante s’avère inefficace ! S’ensuit une conversation sur l’utilité des smartphones : il m’explique qu’il en a acheté un pour ne pas être largué face aux nouvelles technologies ! En gros, il a « suivi le mouvement », comme un bon mouton… Je ne comprendrai jamais ça !

 

18h : Au cours du soir, la prof nous fait dessiner du fromage et du jambon avec des crayons de couleur ! J’ai un peu de mal à trouver la bonne nuance pour l’emmenthal que j’ai apporté, mais je suis agréablement surpris avec ce que je fais de mon jambon : une couche de beige, une couche de rouge, une couche de violet et j’obtiens une tranche de jambon cru plus vraie que nature ! La seule chose embêtante, ce n’est pas tant l’odeur qui envahit progressivement la salle : c’est plutôt le papier de couleur qu’il a fallu placer sous les denrées qui nous servent de modèles et qui déteint sur ces dernières ! C’est dommage de gâcher ça, tout de même…

 

Pas mal, non ?

 

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20h30 : Je me suis un peu tâté : est-ce que je prends quand même le risque de dîner en ville alors que, quel que soit le résultat du match, il risque d’y avoir une ambiance assez électrique ? Je décide finalement de faire face et je retrouve Alexandre, fidèle au poste derrière son comptoir, au Biorek brestois : il boycotte la coupe du monde, son établissement est donc un refuge parfait face à la folie du ballon rond ! Mais bien sûr, ce soir, je suis son seul client… J’avoue que j’y ai cru, que la polémique autour du Qatar dégouterait les gens de la coupe du monde. Pas longtemps, mais j’y ai cru.

 

22h : Rentré chez moi, j’apprends la mort de Matthieu Gallou ! J’ose à peine y croire : je le savais malade, mais tout de même ! Il n’avait que cinquante ans… L’Université de Bretagne Occidentale n’a plus de président, moi, j’ai perdu un de mes anciens professeurs : je garde un bon souvenir de ses cours de philosophie antique qui étaient clairs, riches, intéressants… Nous ne sommes pas vraiment devenus amis par la suite, en tout cas pas comme avec mon directeur de thèse, mais nous avons gardé le contact au fil de son ascension dans l’organigramme de l’université, il m’a même aidé ponctuellement quand je préparais ma thèse, par exemple en m’envoyant un article qu’il avait rédigé, m’évitant ainsi une recherche supplémentaire. Je ne l’ai pas vraiment suivi quand il a candidaté pour la présidence de l’institution, mais j’ai respecté sa décision et je n’ai pas eu à déplorer son élection : je retiens surtout qu’il a bravé son ministère en refusant d’appliquer la loi visant à augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers ! Bref, la perte est immense pour l’université ; pour ma part, ça fait encore un mort parmi mes relations et non des moindres : c’est Guernica, en ce moment ! Petit détail en passant : parmi tous ces décès, aucun n’était lié au Covid…

 

Jeudi 15 décembre

 

10h : Encore sous le choc de la terrible nouvelle, je m’offre un peu de réconfort chez mon ancienne prof d’espagnol de khâgne : elle m’annonce qu’elle prend sa retraite anticipée en juillet prochain ! En tant que mère de trois enfants, elle y a droit et elle le prend avant que Macron ne le remette en cause, pour la bonne et simple raison qu’elle en a marre : je n’en suis pas étonné, j’ai déjà interrogé plusieurs enseignants retraités qui ont tous fait état d’une dégradation de leurs conditions de travail et d’un manque grandissant de considération aussi bien de la part des parents d’élève que de l’institution… Quand j’entends ça, je suis bien content de ne pas avoir suivi l’exemple de mon enseignant de père ! D’autant que ce n’est pas près de s’arranger : le gouvernement a annoncé de nouvelles suppressions de postes dans l’éducation nationale… On vit dans un monde de barbares qui méprise les personnes chargées de transmettre le savoir à nos enfants !

 

Quelques caricatures finalisées dans la journée : Alexander Fleming...

 

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Grace Kelly...


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Amin Dada...


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Indira Gandhi...


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Jackie Kennedy-Onassis...


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Lady Di...


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Le Corbusier...

 

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Michel Debré...


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Elizabeth II enfant...


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Oppenheimer...


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...et Simone de Beauvoir.


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18h : Me voici à la fac pour la conférence mensuelle de la SEBL : d’habitude, j’arrive largement en avance à ce genre d’événement, mais j’ai pris du retard en cherchant ma sacoche que j’avais égarée, ce qui m’a fait prendre le bus en pleine heure de pointe. Heureusement pour moi, quand j’arrive, les organisateurs en sont encore à rendre hommage à Matthieu Gallou, l’orateur n’a même pas commencé à parler : il s’agit d’Alain Uguen, le président de l’association qui gère le musée de la photographie à Bourg-Blanc. Sa causerie est vite expédiée et je n’en tire pas matière à un article : je ne suis cependant pas venu pour rien car le secrétaire général de la SEBL m’a offert un exemplaire du dernier numéro des Cahiers de l’Iroise où je trouverai sûrement des histoires intéressantes à raconter. Je sens cependant que la brièveté de la présentation déçoit un certain nombre de personnes dans l’assistance : pour ma part, ça m’arrange, comme ça, je suis sûr d’arriver à l’heure pour la scène ouverte hebdomadaire à La Raskette !

 

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18h45 : Je fais quelques pas en compagnie d’un collègue historien : il me montre les photos qu’il a prises le soir de la demi-finale France-Maroc. Visiblement, la folie du ballon rond n’a pas épargné notre bonne ville de Brest : je pressentais que les belles promesses de boycott se révéleraient solubles dans la victoire, mais à ce point… J’en ai marre d’avoir toujours raison !

 

20h : La scène ouverte a commencé, avec une heure de retard, ce qui m’a laissé le temps d’engloutir une poutine pour être sûr de tenir. Céline n’est pas là, l’animation est assurée par Jefferson, le batteur, que je sens peu à l’aise dans cet exercice. Globalement, je mentirais si je disais que je passe la plus belle soirée de ma vie : la responsabilité n’incombe pas à ce brave Jeff qui fait ce qu’il peut, mais plutôt à un personnage que j’espérais ne jamais revoir, en l’occurrence le pianiste qui avait remplacé Éléonore en juillet dernier et que j’avais tout de suite détesté tant je le trouvais imbu de lui-même !  Il est venu avec sa femme, son fils et ses élèves, s’offrant ainsi un prétexte en béton armé pour passer sur scène sans arrêt ; il a toujours son attitude de branleur qui se prend pour David Guetta à Ibiza, ses disciples n’ont rien à lui envier et font un boucan d’enfer, à tel point qu’après mon passage sur scène, l’un des clients, qui me connait personnellement, vient me trouver pour me demander de lui faire lire mes slams, qu’il n’a pas pu entendre ! Le pire, c’est que l’individu qui me gâche la soirée n’est même pas tellement bon musicien, en tout cas je ne lui trouve rien d’exceptionnel quand il martèle le piano : mon meilleur souvenir restera le passage de ce couple qui interprète des chansons cajun – la caricature qui est faite de ce répertoire dans un récent album de Lucky Luke n’est pas très éloignée de la vérité ! Pour couronner le tout, je n’ai pas un seul client pour les caricatures ! Je prends congé avec une heure d’avance avant de tuer quelqu’un : je rate ainsi la prestation d’une sublime jeune femme, mais tant pis.

 

Quelques croquis - le casse-pieds n'y figure pas :

 

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21h40 : J’attends donc le bus pour Lambézellec, il devrait passer incessamment d’après les horaires que je consulte en m’éclairant avec la torche de mon téléphone. Tout de suite après, sans le faire exprès, je dirige la lumière vers l’œil d’un jeune homme : il se tort de douleur ! Son camarade m’explique qu’il est très sensible à la lumière et que je lui ai fait mal… Je bafouille quelques excuses puis je m’éloigne, de peur de prendre un coup en représailles : mais il vient me retrouver pour me dire que c’était une blague… J’ai déjà du mal, en temps normal, à saisir le second degré, et ce n’est pas quand j’attends le bus, de nuit, dans le froid, après une soirée décevante, que ça va s’arranger !

 

21h50 : Le bus n’est toujours pas passé. Je comprends que je suis victime du même gag que la semaine dernière… J’en suis réduit à remonter la rampe par laquelle le port communique avec le centre-ville, à pied, dans le froid et l’obscurité, avec mon chargement habituel sur le dos… Une fois arrivé au niveau de la place de la Liberté, j’ai encore un quart d’heure à attendre pour pouvoir prendre le bus qui me conduit à l’entrée du boulevard de l’Europe, que je vais ENCORE remonter à pied dans les mêmes conditions merdiques… Au final, j’aurai mis plus d’une heure à rentrer ! Cette grève commence vraiment à me faire... Vous m’avez compris.

 

Vendredi 16 décembre

 

10h : J’ai prévu de passer à Recouvrance pour faire un don de livres à la librairie solidaire Sapristi, mais aujourd’hui a lieu la traditionnelle levée du grand pont. Seule solution pour éviter de tomber sur un os : emprunter la ligne 4 qui dessert Bellevue et mène à la rive droite sans passer par le pont de Recouvrance. Ça fait un grand détour mais, au moins, je suis sûr d’arriver ! Suite à ma mésaventure d’hier soir, je décide de marcher le moins possible : je change donc au niveau des Capucins pour prendre le tram. Celui-ci est interrompu à mi-chemin par deux policiers qui passent à l’intérieur en coup de vent, à la recherche de je ne sais quoi… Dès qu’il s’agit d’emmerder le monde, les poulets ne se gênent jamais ! J’entends un gamin pleurer : à tous les coups, ce sont ces deux mecs armés jusqu’aux dents qui lui font peur… Rassure-toi, petit : si tu te prends une balle perdue, ce seront les gentils qui t’auront tué !  

 

10h30 : À la librairie solidaire, on me demande quel type de livres je viens donner : comme c’est assez varié, je ne peux pas vraiment répondre et je me borne à les montrer tout de suite. Comme je sais déjà ce qu’ils acceptent, je n’ai pas commis l’erreur d’amener des bouquins qui auraient été refusés et il n’y a donc aucun problème. Ils ne débordent pas d’enthousiasme à la vue du roman, de la pièce de théâtre et du recueil d’Alain que je leur apporte, mais je vois leurs yeux s’illuminer quand ils découvrent qu’il y a aussi deux BD dans le tas ! Pensez-en ce que vous voulez : l’important n’est-il pas d’apporter de la joie ?  

 

11h : J’arrive à la fac pour assister à la fin de la soutenance de thèse de Virginie Podvin sur la correspondance de Samuel Beckett. Je ne suis pas vraiment un passionné de l’auteur d’En attendant Godot, mais je connais suffisamment la doctorante pour juger légitime de venir lui apporter mon soutien : la soutenance a commencé depuis déjà un certain temps et j’arrive au beau milieu des hostilités, mais, pour une fois, ça ne me gêne pas outre mesure, c’était dans mon plan. On m’annonce deux choses qui me déplaisent au plus haut point : premièrement, ils ont pris du retard à cause d’un énième dysfonctionnement du système de visioconférence, de sorte que le président du jury, qui n’a pas voulu salir ses précieuses fesses dans notre ville trop dégoutante pour lui, suit la soutenance par téléphone ! C’est ridicule, de voir l’un des jurés se lever pour déplacer le bigophone de la table du jury à celle de la candidate et vice-versa… Deuxièmement, il faut porter un masque dans cette salle petite et bondée ! Je pense un instant prendre congé pour ne pas me plier à cette obligation imbécile, mais ce serait bête de rebrousser chemin : j’opte donc pour un compromis en relevant mon écharpe sur mon visage, ce qui n’est pas fait pour arranger mon humeur assombrie… Lors des délibérations du jury, je discute avec quelques collègues : l’un d’eux ne manque pas de parler des virus qui circulent, je me permets donc de rappeler qu’en comparaison du décès de notre président d’université, ces maladies saisonnières sont bien dérisoires… Virginie est finalement reçue, ce qui n’est pas fait pour m’étonner.

 

Quelques croquis sur le vif...

 

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Et deux dessins inspirés par les propos échangés :

 

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Quand on lui a demandé pourquoi elle avait fait peu de cas de l'approche psychanalytique de Beckett, la candidate a répondu que c'était tout simplement parce que cette approche "l'effrayait" !

 

13h30 : Après mon déjeuner, je m’installe sur le parvis pour faire un croquis de la faculté : j’ai eu une bonne idée de dessin pour honorer la mémoire de Matthieu Gallou et il m’a semblé judicieux de travailler sur le vif plutôt que d’après photo. Alors que je suis assis par terre sur les marches, je ne peux m’empêcher de penser à l’époque du collège où ce genre de posture me valait d’être traité de noms d’oiseaux et de recevoir occasionnellement des coups de pied… Comme disait Alain, « tout change, tout passe. Cette maxime nous a attristés assez souvent ; c’est bien le moins qu’elle nous console quelquefois. »

 

Le dessin en question : pas mal, non ?

 

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14h10 : J’assiste à une autre soutenance, cette fois celle de Marin Mauger sur les cultes domestiques en Gaule romaine. Je retrouve la bonne humeur, même s’il est impossible d’oublier que l’université est en deuil (nous observons même une minute de silence en souvenir de notre défunt président) : la salle est suffisamment grande pour que personne ne songe à y imposer le port du masque et, avec mes collègues antiquisants, je me sens dans mon élément. Je ne peux cependant pas m’empêcher de rechigner devant le léger retard qui a été pris, encore une fois à cause de la visioconférence ! Le pire, c’est que ce n’est même pas pour un juré (ils sont tous physiquement présent cette fois) mais pour des professeurs parisiens qui voulaient assister à la soutenance sans s’abaisser à voyager jusqu’à Brest… Fort heureusement, la qualité du discours de Marin me fait vite obliger ces désagréments : c’est un vrai professionnel !

 

Quelques croquis sur le vif...

 

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 Et quelques dessins inspirés par les propos échangés : 

 

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LARES n.m. et adj. (lat. lar, laris) MYTH. ROM. Dieu protecteur du foyer domestique (édition 2009 du Petit Larousse illustré).


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Authentique : le culte des Lares a été introduit en Gaule par des populations d'origine italique.


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18h : J’ai pris congé prématurément, à contrecœur, pour pouvoir donner ma conférence « Voyage en Normalaisie » à la Vagabunda. Le public est clairsemé, mais de toute façon, à moins de pousser les murs, on n’aurait jamais pu caser autant de spectateurs qu’à ma récente causerie sur l’histoire de Brest ! Les échanges avec l’auditoire m’apportent satisfaction, on sent qu’ils étaient vraiment intéressés : l’un d’eux, impressionné, me demande combien de temps j’ai mis à écrire ce texte ! Je réponds que je rédige vite (et bien) mais que si je tiens compte de la préparation « en aval », on peut dire que j’ai mis 34 ans à écrire ce texte qui est né directement de l’effarement que me procurent le monde dans lequel je vis et la conduite des gens que l’on dit « normaux »… Quand j’assiste à un spectacle de qualité où il y a cependant peu de spectateurs, je me sens privilégié : cette fois, je suis heureux et fier d’avoir pu offrir cette sensation à quelques personnes ! Brassens avait raison, le pluriel ne vaut rien à l’homme…       

 

C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 


17/12/2022
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Du 6 au 9 décembre : Scènes ouvertes, Covid, Mylène Demongeot, etc.

 

Commençons avec une petite bêtise sur la chirurgie esthétique :

 

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Mardi 6 décembre

 

11h : Légèrement enrhumé, je passe à la pharmacie pour acheter du Doliprane. Je ne sais pas très bien si, avec le rebond épidémique, il faut à nouveau mettre un masque ou non pour pouvoir entrer dans ce genre de boutique : si je m’en tenais à ce qui est affiché sur la porte, il faudrait non seulement se masquer mais aussi faire en sorte de n’être qu’à six dans l’officine. C’est bien gentil, mais il fait froid et je ne vais pas risquer une pneumonie pour éviter le Covid à quelques vieux ! Bref, je passe outre… Et personne ne me dit rien. On me vend du Doliprane en comprimés sans problèmes : j’ai plus de chance que le client qui me précédait et qui voulait de l’effervescent, ce dont la pharmacienne ne disposait pas ; si c’est ça la pénurie de médicaments, on ne peut pas dire que ce soit dramatique pour l’instant… C’est ennuyeux si on veut, mais on n’en est pas encore à demander à Balto d’aller braver la neige pour ramener les médocs !

 

18h : J’apprends que Mylène Demongeot est morte la semaine dernière : elle avait 87 ans, c’est une belle mort. Pour moi, elle aura d’abord été la jolie blonde qui jouait Hélène dans Fantômas : je préfère oublier la poissonnière qui a fait de la politique sous la bannière de Bernard Tapie et a pris la défense du docteur Raoult, arguant que celui-ci lui a sauvé la vie ; c’était il y a un an seulement ! Raoult lui aura peut-être sauvé la vie, mais pas pour longtemps…         

 

Trois dessins finalisés ce mardi : un portrait d'Anne Frank...

 

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Et deux dessins d'objets provenant de ma salle de bains, pour le cour du soir :

 

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Mercredi 7 décembre

 

13h30 : Je suis en ville où je règle rondement quelques affaires courantes. J’en profite pour passer à la PAM, ce lieu en pleine résurrection : le premier commerce vient d’y ouvrir, une boutique appelée « Juste » et spécialisée dans les articles écoresponsables. Bien sûr, c’est une bonne chose et je ne vais pas me plaindre de voir renaître ce bâtiment si emblématique de Brest, qui plus est autrement qu’en était phagocytée par MacDo ou Apple ! Mais je serai toujours nostalgique de la papeterie du centre-ville où je me fournissais régulièrement et où les articles étaient présentés de façon claire, nette et fonctionnelle : je ne trouvais pas tout, évidemment, mais ça dépannait bien…

 

14h30 : Mes affaires ayant été réglées plus vite que je ne m’y attendais, je retourne à Lambé, non sans feuilleter le dernier Côté Brest où je découvre une publicité pour Radio Bonheur, une station qui se vante de ne passer que des chansons françaises : c’est curieux, je croyais que la réclame était destinée à attirer le public, pas à le faire fuir ! Pour ne rien arranger, le logo de la radio est en bleu-blanc-rouge et la pub nous montre une petite fille blonde : on ne voit pas ses yeux et c’est heureux car s’il s’avérait qu’ils étaient bleus…   

 

18h : Une certaine bonne humeur règne au cours du soir où la prof nous fait refaire des caricatures, mais entre nous, cette fois : je suis rodé à l’exercice, à ceci près qu’il nous est demandé de le faire en couleurs. C’est aussi une occasion de mieux se connaître entre élèves qui, sans ce genre d’expérience, ne feraient que se côtoyer ; j’apprends ainsi qu’une des femmes que je prends comme modèle (et réciproquement) est institutrice, ce qui me réconforte : si même les professeurs des écoles peuvent trouver du temps pour s’inscrire à un cours d’art, je ne devrais pas avoir si peur de ne plus pouvoir dessiner dans un avenir proche… L’une des élèves porte un masque, mais elle n’a même pas le Covid : le fait que tant de gens se sentent obligés de se déguiser en Michael Jackson dès qu’ils ont un simple rhume me navre ! C’est ce genre de parano hygiéniste qui conduit, in fine, aux excès qui commencent à avoir raison de la patience des Chinois…

 

Quelques élèves défigurés par votre serviteur :

 

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20h40 : Me voici au Café de la plage pour la scène ouverte qui s’y tient le premier mercredi de chaque mois. Alors que Mequi, le grand ordonnateur de cette salubre bouffée d’exubérance mensuelle, s’apprête à ouvre les hostilités avec son tour de chant comme le veut la tradition, mon présentoir signalant mon activité de caricaturiste, que j’avais dressé sur la table à laquelle je me suis assis, est renversé : la responsabilité de l’incident incombe à un type qui porte sa guitare dans le dos et ne se rend pas compte de la place qu’il occupe ainsi dans cet espace restreint. Bref, il a fait tomber mon présentoir avec sa gratte : rien de dramatique, l’objet est solide, mais, pour ne rien arranger, l’individu, qui semble peu éveillé, se sent obligé de se confondre en excuses disproportionnées que je ne sollicitais pas et qui finissent par m’énerver davantage que l’incident en question ! J’ai intérêt à surveiller ce type : avec ma pinte de bière et lui dans le voisinage, un incident plus sérieux n’est pas exclu…

 

21h : Le guitariste qui a fait tomber mon présentoir passe sur scène jouer quelques morceaux. Son numéro ne me marque pas outre mesure, rien ne le distingue spécialement de tous les joueurs de guitare qu’il m’a été donné de voir défiler depuis que je fréquente le milieu de la musique à Brest. Une fois sorti de scène, il ne trouve rien de mieux à faire que de se mettre juste à côté de moi, en me tournant le dos, toujours avec sa guitare derrière lui ! Étant donné que ma pinte est encore à moitié pleine et qu’il cache mon présentoir, je finis par l’exhorter à s’éloigner, ce qu’il fait d’assez mauvaise grâce… De deux choses l’une : ou bien je suis un tyran ou bien ce type se croit seul au monde !

 

Mon grand dadais :

 

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21h30 : Carlos, le chanteur espagnol habitué de ces soirées, vient de nous enchanter avec trois chansons de son pays : ce garçon déborde de talent et je plains le type qui doit passer après lui ! Mequi n’a pas le sadisme de me choisir et fait passer un chanteur qui ne m’intéresse pas : j’ai l’impression d’entendre Bénabar, dont l’œuvre m’horripile ! Je dois bien être le seul à penser ça puisque la salle applaudit à tout rompre ! Il se trouve même quelqu’un pour lui dire qu’il a une voix « très agréable » alors qu’on l’entendait à peine vu qu’il fuyait littéralement le micro ! C’est en assistant à ce genre de scène que je comprends mieux pourquoi Siné écrivait ceci à propos de la France à la fin des années 2000 :

 

« Son folklore, du biniou, à l’accordéon en passant par le cor de chasse, est l’un des pires du monde et ses chanteurs populaires nous scient les feuilles à force de bêler sur les ondes leurs paroles idiotes. Affligeant, le goût de chiottes des Français dans tous les domaines est à pleurer. Il n’y a que la médiocrité et le kitsch qui trouvent grâce à leurs yeux chassieux. »[1]   

 

Arrogant, comme point de vue ? Je dirais plutôt : désespéré.

 

A gauche : Carlos. A droite : le chanteur passé après lui.

 

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21h45 : Mon tour est venu. J’interprète deux slams tout neufs, écrits la semaine dernière et encore jamais prononcés sur scène, plus It sucks to be Santa Claus, période de Noël oblige. Je quitte la scène pour retourner à ma place, mais Mequi me rappelle pour que je déclame « Bernie la matraque » ! J’accepte, ne voulant ni décevoir le public ni me priver d’une occasion d’ajouter un clou au cercueil de Bernadette Malgorn… Après avoir slamé, je m’enquiers de l’avis du public : il est plutôt positif dans l’ensemble, mais les gens ont surtout apprécié mon slam de Noël : il n’était pas inédit mais je ne le joue qu’une fois par an, considérant que ce serait un peu con de le faire en plein mois de juin…

 

Les deux slams évoqués :

 

 

 

22h : Une autre habituée des scènes ouvertes, Morgane, nous enchante de sa voix de sirène… Je crois bien qu’elle est ma préférée avec Carlos ! Si tous les artistes que j’ai connus pouvaient avoir la moitié de son talent et le quart de sa modestie, la vie serait belle…

 

22h20 : Alors qu’un autre slameur s’apprête à faire son numéro, le guitariste qui m’a déjà passablement agacé se poste juste devant la scène, visiblement décidé à venir y jouer sans y avoir été autorisé… J’ai la réponse à ma question : c’est lui qui est égoïste est il n’y a pas moi qui ai à me plaindre de lui ! Il y a aussi Mequi, que je ne vois s’énerver que quand un artiste manque de respect à un autre, par exemple, comme c’est le cas en ce moment en essayant de lui voler de la vedette… Une scène ouverte, ce n’est pas une scène où l’incivilité est autorisée, bon sang de bois !

 

A gauche : la merveilleuse Morgane. A droite : Frank le slameur.

 

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22h45 : Il est temps pour moi de rentrer ; malgré le grand crétin avec sa guitare dans le dos et quelques tours de chants moyens, je repars content : j’ai eu deux clients pour les caricatures, j’ai pu parler du Collectif Synergie au slameur qui vient de passer, ça a l’air de l’intéresser beaucoup, et, surtout, j’ai pu régaler mes oreilles grâce à Carlos et Morgane. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur et je le confirme : je préfère continuer à découvrir gratuitement des artistes inconnus mais géniaux plutôt que dépenser des sommes faramineuses pour avoir le droit d’aller écouter bramer Michel Jonasz à l’Alizé…

 

Carlos et Morgane photographiés par mézigue - les clichés sont un peu flous, désolé :

 

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Jeudi 8 décembre

 

11h30 : Je reçois une brève visite de ma mère qui m’apporte, outre quelques commissions, des nouvelles de la famille : j’apprends notamment que ma sœur a le Covid. Il y a deux ans à peine, cette nouvelle aurait semé la panique, on aurait demandé à placer ma petite sœur en chambre stérile, on serait déjà à deux doigts de régler sa convention obsèques… Et aujourd’hui, on en parle comme de la simple grosse grippe qu’elle a toujours été : on a le culot de dire que le virus est moins virulent qu’il y a deux ans. Sauf qu’il y a deux ans, les sommités scientifiques les plus sérieuses disaient déjà qu’il n’était mortel que dans une infime proportion des cas ! C’étaient les médias qui clamaient que le Covid allait nous exterminer : aujourd’hui que nous sommes huit milliards sur la planète, on peut mesurer toute la pertinence de cette prédiction ! On nous dit que le virus est moins dangereux parce qu’il a muté : il leur en a fallu du temps pour admettre que ces mutations, c’était le virus qui s’adaptait à l’homme pour pouvoir cohabiter avec lui ! Jusqu’à présent, ils auront surtout eu tendance à nous présenter chaque variant comme une menace supplémentaire de surmortalité… Mais ce qui a vraiment tué tant de personnes, ce n’est pas le virus en tant que tel : c’est le manque de moyens des hôpitaux, et ça, les soignants n’avaient pas attendu l’épidémie pour nous alerter ! Bref, vous l’avez compris, je ne suis pas inquiet pour ma sœur, d’autant que notre père sort d’une opération cardiaque : il va bien, merci pour lui, mais il n’empêche que le Covid, en comparaison…

 

18h : Après une après-midi consacrée à compiler des citations en vue d’un bouquin dont le projet me taraude depuis déjà un certain temps, me voici en ville pour participer à la scène ouverte hebdomadaire à La Raskette. Ayant un quart d’heure de battement avant le passage du bus qui dessert le port de commerce, j’en profite pour passer à La Vagabunda afin de découvrir mes œuvres accrochées : j’avoue que je craignais qu’elles ne dépareillent un peu dans l’ensemble, mais finalement, j’avais bien choisi, elles s’intègrent assez bien à ce joyeux bric-à-brac. Comme je montre quand même quelques femmes en tenue légère, je ne peux m’empêcher de demander à Paty, la maîtresse des lieux, s’il n’y a pas eu de réaction négative : elle me répond par la négative, ce dont je me doutais un peu, mais je voulais tout de même m’en assurer ; je ne me prends pas pour Andy Warhol mais je n’ai pas envie pour autant de me faire tirer dessus par une féministe ! Ni même par qui que ce soit d’autre, d’ailleurs…

 

"Mon" coin à La Vagabunda : Les cinq grâces, La sorcière Hazel en bikini et le livre d'artiste Un nouveau jour se lève.

 

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"Le pavé", un autre travail de mon cru, dans la vitrine du lieu, vu de l'intérieur : 


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Vu de l'extérieur :


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De l'extérieur aussi mais de plus près :


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18h30 : Arrivé à La Raskette, j’apprends qu’il n’y aura pas de scène ouverte ce soir, la scène ayant été privatisée par je-ne-sais-qui pour organiser un karaoké… Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je décide quand même de m’installer avec mon matériel de caricaturiste comme si de rien n’était et de boire et manger sur place. Quand je demande pourquoi c’était fermé la semaine dernière, on me répond qu’à 19h30, il n’y avait aucun client et qu’ils ont donc préféré fermer tout de suite… Je préfère ne pas en tirer de conclusions.

 

18h45 : Ma pinte de bière et mon matériel à portée de main, je feuillette le dernier Ouest France pour y trouver de l’inspiration : j’ai ainsi le plaisir de découvrir que la quatrième de couverture est consacrée à Astéréotypie, ce collectif musical composé de personnes avec autisme ! J’apprends ainsi que les membres de ce groupe vivent désormais de leur musique : ça me redonne de l’espoir, de lire qu’on peut être autiste et vivre de l’art…

 

Claire Ottaway, la charmante chanteuse d'Astéréotypie :

 

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D'autres personnalités vues dans Ouest France : Jean-Chrisophe Lagarde...

 

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L'entrepreneur brestois Michel Guyot...


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...et Olaf Scholz.


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Un dessin inspiré par un article, toujours dans Ouest France, faisant état de la mauvaise image des chômeurs dans l'opinion publique :

 

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19h15 : Après avoir bu ma bière, je commande une poutine au comptoir, ce qui me donne l’occasion de revoir une charmante serveuse qu’il me semble ne plus avoir vu depuis un certain temps : je lui trousse un petit compliment gentil, ce à quoi elle ne doit être guère habituée de la part des clients dans ce métier un peu ingrat… En attendant, la soirée karaoké ne démarre pas : je commence sérieusement à avoir une dent contre les types qui m’ont privé de scène ouverte pour une fête qui ne décolle même pas et je me promets de ne pas m’attarder…

 

21h30 : Je suis finalement resté plus longtemps. Non, pas à cause du karaoké : en tout et pour tout, il n’y a eu que deux personnes qui ont chanté un morceau que j’ai déjà oublié… Mais il se trouve que j’ai eu deux clientes pour les caricatures : l’une d’elles a été un peu poussée par son compagnon qui avait été impressionné en me voyant dessiner ! Les réactions sont décidément de plus en plus positives, je me dis que j’ai raison de vouloir me professionnaliser ; je suis encore sur mon petit nuage quand, arrivé au niveau de la place de la Liberté, je découvre avec effarement que le service est déjà terminé pour la ligne qui dessert Lambézellec ! Pourtant, à cette heure-ci, il devrait encore y avoir des bus : pas besoin de chercher plus loin, c’est le mouvement social des chauffeurs qui continue… Ils ne sont pas logiques : s’ils veulent vraiment gêner du monde, ils feraient mieux de faire ça en journée ! En soirée, ça n’embête que quelques marginaux comme moi, assez fous pour s’aventurer dehors en plein mois de décembre après 21h… Mais surtout, laisser des voyageurs en rade de nuit avec le froid qu’il fait, c’est à la limite du criminel ! Tout ça, c’est de la faute de cette direction qui met la pression aux conducteurs et les pousse aux pires extrémités : j’ai bien envie de pénétrer dans le siège social de Bibus déguisé en Didier L’embrouille, batte de base-ball comprise… En attendant, j’en suis quitte pour prendre le bus qui s’arrête à l’AFPA et me taper à pied le boulevard de l’Europe pour regagner mon quartier : je fais une nouvelle fois contre mauvaise fortune bon cœur, mais attention, mes réserves de bon cœur ne sont pas inépuisables ! Je relativise cependant en pensant à ce que ce serait si j’habitais encore dans une commune périurbaine ! Brrr… 

 

Vendredi 9 décembre   

 

10h30 : Jour de marché. Juste devant moi, au stand de la fromagère, une dame arrive à se faire comprendre sans prononcer un seul mot : la marchande me confirme que cette cliente est muette… Il est toujours réconfortant de voir qu’on peut vivre avec un handicap, même lourd…

 

11h : Passage au bureau de poste. La file est ralentie par un homme assez âgé qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’il y a la queue jusqu’à dehors et que les autres usagers se gèlent pendant qu’il raconte sa vie à la postière… Chercher la chaleur humaine, c’est bien joli, mais il ne faut négliger ceux qui auraient besoin de chaleur tout court !

 

En guise de post-scriptum : un dessin sur les rats qui, paraît-il, envahissent Paris...

 

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[1] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, pp. 87-88.


09/12/2022
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Du 26 novembre au 5 décembre : studio et expos en vrac

 

Avant toute chose, un peu de réclame :

 

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Samedi 26 novembre

 

10h30 : N’étant décidément pas raisonnable, j’ai veillé très tard pour parachever une série d’illustrations que je promettais depuis longtemps à un camarade : ça ne m’empêche pas d’être à l’heure prévue à La Vagabunda pour y déposer mes œuvres en vue de l’exposition collective qui doit débuter lundi. J’y suis reçu avec chaleur et gentillesse par Paty, la patronne de ces lieux où il règne encore un certain désordre dû au concert qui y a été donné hier soir : je ne m’en formalise pas, bien au contraire, ce serait plutôt Paty qui serait en droit de me reprocher de venir si tôt, et j’apprécie à sa juste mesure tout ce qui me rappelle que la vie a repris ses droits après les deux années de disette imposée sous prétexte de Covid…

 

11h : L’entretien avec Paty ayant été plus court que je ne m’y attendais (elle m’a proposé d’accrocher mes tableaux elle-même, ce qui n’est pas pour me déplaire), je fais un tour au marché de Noël qui vient d’ouvrir ses portes sur la place de la Liberté histoire de patienter en attendant l’heure du déjeuner. Rien de bien nouveau à signaler, si ce n’est peut-être les enceintes en bois pour smartphones : ça a vaguement la forme d’une pirogue miniature, on y plante un smartphone à la verticale grâce à une fente prévue à cet effet et la musique qui passe sur l’appareil devient aussi audible que si elle était diffusée sur la platine de ma mère… Ne disposant pas d’un smartphone, cet objet ne m’intéresse évidemment pas : en tout cas, on ne pourra pas dire que c’est de l’artisanat « traditionnel » !

 

14h : Réunion du Collectif Synergie pour préparer les événements de l’année 2023 : le gros morceau sera le festival Les Jardins culturels qui aura lieu en mai prochain et se tiendra, si tout va bien, sur le Cours Dajot. Oui, je dis « si tout va bien » car je suis assez effaré par tous les obstacles qu’il faudra surmonter pour y arriver. La plupart d’entre eux sont liés à la sécurité : et oui, toujours cette sacro-sainte sécurité au nom de laquelle on bride toutes les initiatives, surtout celles destinées à promouvoir la culture… Les pouvoirs publics n’ont que le mot « sécurité » à la bouche, mais ça ne les empêche pas de laisser les pesticides empoisonner l’eau potable ! Mais dites-le franchement, que vous voulez seulement nous décourager de faire autre chose que rester sagement devant la télé !

 

16h : Séance d’enregistrement dans un « vrai » studio : j’avais écrit une reprise de « Quelque chose de Tennessee » pour rendre hommage à Geneviève Gautier et, après mille difficultés, j’avais, d’une part, trouvé trois interprètes disponibles pour la chanter avec moi et, d’autre part, recueilli suffisamment d’argent  pour en financer l’enregistrement. Mais mes ennuis ne sont pas terminés pour autant : j’avoue que j’avais tendance à penser que si un demeuré comme Johnny Hallyday pouvait chanter cette chanson, n’importe qui ayant un semblant de talent vocal devait y arriver aussi ! Bien sûr, ce n’est pas si simple : de nous quatre, seule la belle Audrey arrive facilement à caler sa voix de sirène sur la mélodie, à tel point que le régisseur décide de lui faire chanter toute la chanson afin qu’elle serve de guide aux trois autres ! Je vais finir par y croire presque, au talent d’interprète que même certains détracteurs de Jean-Philippe Smet lui reconnaissaient du bout des lèvres… De façon générale, cette expérience me fait prendre pleinement conscience de l’ampleur du travail que nécessite l’enregistrement d’une chanson : quand je vois le régisseur jongler littéralement avec les innombrables commandes de sa console, je suis impressionné ! Je crois qui je ne suis pas près de réitérer cet exercice…

 

La merveilleuse Audrey en plein enregistrement :

 

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19h : Après trois heures de studio, mes petits camarades n’avaient pas volé un petit cordial que je leur offre dans le bistrot où j’ai retrouvé récemment mon directeur de thèse : le boycott de la coupe du monde ne semble pas à l’ordre du jour dans cet établissement, ce qui me permet d’apprendre que les Bleus ont ENCORE gagné et sont même déjà qualifiés pour les huitièmes de finale… Dans des circonstances normales, cette information me laisserait de marbre, mais si l’équipe de France continue sur sa voie triomphale, je serai curieux de voir combien de braves gens, qui avaient juré de boycotter la vilaine coupe organisée chez les vilains Qataris, tiendront leur promesse… Souvenez-vous de la première guerre mondiale : dix millions de morts, autant d’individus qui n’ont pas pu naître, encore davantage de mutilés dont la vie était irrémédiablement foutue ! Oh, bien sûr, on l’avait reconnu, mais du bout des lèvres, seulement : car tout ce sang versé n’était rien en comparaison de « l’essentiel », à savoir le fait que nous, les Français, nous avions GAGNÉ cette saloperie de guerre ! C’étaient nous les vainqueurs, et là, plus question de faire la fine bouche, il fallait s’en faire péter les mandibules, sortir les drapeaux à gogo, faire rembourser les dommages par les méchants Allemands ! Alors, imaginez que le petit père Deschamps et son troupeau de veaux eux hormones réussissent leur pari de remporter un troisième titre : combien de bons gros cons qui avaient juré de boycotter la compétition parce que Cantona le leur avait dit oublieront leur serment, jugeant qu’au regard de « l’exploit », ils pourront se permettre de passer outre les crimes du Qatar ? Face au chauvinisme au front bas, les vies humaines n’ont jamais pesé lourd…        

 

21h15 : Après avoir mangé quelques frites pour me remettre de cette journée bien remplie, je m’apprête à rentrer à Lambézellec : en sortant de la friterie, je découvre que le prochain bus arrive dans moins de cinq minutes, je m’en réjouis d’autant plus que la nuit est déjà tombée, qu’il pleut à pierre fendre et qu’il gèle comme vache qui pisse – ou le contraire, je ne sais plus. Seulement voilà : quand le véhicule arrive, le conducteur constate que le collègue qui devait le relever n’est pas présent. Il finit par partir sans demander son reste, plantant là les voyageurs qui doivent attendre une demi-heure de plus dans ces conditions fort peu confortables… Je sais que leur direction leur impose une pression intolérable et qu’ils ont raison de protester, mais là, quand même, ils exagèrent un peu, non ?

 

Dimanche 27 novembre

 

17h30 : Me revoilà à La Vagabunda pour le pot que Paty et ses filles offrent aux artistes participant à l’exposition collective – dont l’installation n’est pas encore terminée. Évidemment, comme toujours quand je suis entouré de personnes que je ne connais pas, je ne suis pas à mon aise et j’ai bien du mal à lier le contact : résultat, je compense en forçant sur les chips et les cacahuètes qui nous sont servies… La prochaine fois qu’on me fera des remarques sur mon embonpoint, je pourrai dire que c’est une conséquence indirecte de ma difficulté à gérer les interactions sociales !

 

Une autre œuvre exposée actuellement à La Vagabunda : une bulle qui ne crève jamais ! Elle n'est pas à vendre, il parait qu'elle demande trop de logistique...

 

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18h30 : Après avoir signé mon exemplaire du contrat que Paty nous a distribué, je dégaine mon appareil photo pour prendre un cliché de mon « pavé » exposé en vitrine. Je suis un peu surpris par les réactions admiratives que suscite l’apparition de ce petit engin qui n’a rien de spécialement sophistiqué : il est vrai que je dois être un des rares à employer encore un « vrai » appareil pour prendre des photos au lieu de déléguer cette tâche à un smartphone comme le font aujourd’hui les gens civilisés ! Une fois remis de ma surprise, je présente deux de mes autres œuvres, qui ne sont pas encore installées mais que j’ai tout de même retrouvées, enveloppées de papier-bulle, à un autre artiste : il apprécie l’efficacité de mon style graphique et s’extasie même sur le côté « rétro » qui, à ses yeux, caractérise la facture de ma Sorcière Hazel en bikini. Les réactions à mes dessins sont de plus en plus positives, il devient rare que je tombe sur quelqu’un qui me prend de haut, c’est évidemment encourageant pour mon projet de professionnalisation…

 

Mon "pavé" dans la vitrine de La Vagabunda, vu de l'intérieur (la fille en porte-jarretelles est la sorcière Hazel telle qu'elle apparait après avoir bu par inadvertance son élixir de beauté dans Broom-stick Bunny, une scène qui m'a décidément marqué)  :

 

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Lundi 28 novembre

 

12h : Après quelques courses sans histoires en ville, je passe à Kerichen pour faire quelques photos, en vue d’un article, des modulaires où ont lieu les cours depuis que le vieux bâtiment a été détruit pour bâtir un nouvel internat – apparemment, ces constructions « provisoires » sont parties pour durer longtemps… J’ai beau avoir passé de bons moments ici, je me sens le même cœur tranquille et sec que quand je reviens à Guilers : de toute façon, je ne reconnais presque plus rien et la plupart de mes anciens professeurs sont aujourd’hui à la retraite. J’arrive à l’heure où les élèves commencent déjà à sortir pour aller à la cantine, j’ai ainsi le loisir de voir défiler les lycéens affamés après trois ou quatre heures des cours, avec une surveillante qui essaie de faire régner un semblant d’ordre au sein de cette marée humaine que la faim a ramenée à l’état sauvage… Bref : les bâtiments ont beau changer, les smartphones ont beau avoir fleuri dans les mains des élèves, la vie au lycée reste la même d’une génération à l’autre – mais je m’en doutais déjà un peu avant.

 

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Mardi 29 novembre

 

10h30 : Arrivée à la salle Hippocampe, sur la plage du Trez-Hir, pour installer le marché de Noël organisé par la galerie Id Pod. Je ne sais pas encore ce que ça va donner, mais je suis déjà content de participer à cette manifestation : je suis flatté qu’un galeriste ait fait appel à moi, j’y vois une reconnaissance de mon talent, d’autant que j’expose aux côtés de deux auteurs de BD de grande valeur, à savoir Gwendal Lemercier et Gildas Java. Jean-Christophe Podeur, le grand ordonnateur de cette exposition hivernale, ne manque pas de vanter le cadre dans lequel nous nous trouvons : je n’ose pas répondre que cet aspect m’est un peu indifférent et que je ferais exactement la même chose dans un grenier avec vue sur une gare de triage !

 

La vue que nous avions depuis la salle :

 

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14h : Je rentre chez moi, voituré par un autre exposant : tout est en place pour accueillir les visiteurs, mais j’ai bien du mal à savourer ma satisfaction, étant quelque peu assommé par le trop copieux repas que j’ai ingurgité dans le seul restaurant ouvert à proximité de la salle… J’ai promis à Jean-Christophe (« Pod » pour les amis) d’être présent tous les jours : j’espère que je ne vais pas avoir trop d’imprévus à gérer en marge de cette permanence !

 

Mon emplacement :

 

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Mercredi 30 novembre

 

19h : Bilan de cette première journée : nous avons eu une soixantaine de visiteurs et j’ai vendu deux caricatures. C’est plutôt prometteur, j’espère que je ne vais pas manquer de papier, d’autant que j’aimerais bien pouvoir dessiner entre deux visites pour passer le temps… Pour l’heure, je suis dans un bus plein à bloc, ce que je n’avais plus connu depuis longtemps ! Quand une place assise se libère enfin, je pousse un soupir de soulagement et j’éprouve une telle plénitude que je suis totalement indifférent à ce qui se passe ! Quand je sors enfin pour regagner mes pénates, j’éprouve une certaine mélancolie vespérale dont je situe assez vite l’origine : me retrouver dehors, seul, par une froide et obscure soirée de novembre, qui plus est après avoir vu du monde, je n’avais plus connu ça depuis trois ans ! Il y a deux ans à la même époque, sortir dehors à cette heure-ci était interdit : il y a un an, c’était permis mais je préférais l’éviter car je ne supportais pas l’idée de devoir porter un masque… Cette situation a donc eu le temps de redevenir nouvelle pour moi et, aujourd’hui, elle m’inspire la même mélancolie que quand j’avais six ans : quel est le con qui a dit que ça faisait du bien de retomber en enfance ?

 

Une cliente et sa caricature :

 

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Jeudi 1er décembre

 

9h : En attendant que Loïc vienne me chercher avec sa femme et sa mère pour me chercher pour m’emmener à Plougonvelin, je lis la Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes de Charb, un petit livre finalisé deux jours avant la tristement célèbre tuerie perpétrée dans les locaux du journal dont il était alors le patron … Avec le recul, on s’aperçoit que Charb avait raison sur toute la ligne : sous sa direction, et quoi qu’on en dise, Charlie Hebdo n’a jamais assimilé les musulmans de France aux terroristes islamistes et a seulement essayé de mettre en garde la société contre la menace que représentaient ces derniers ; on ne les a pas écoutés, on les a traités de provocateurs irresponsables, il en a découlé le 7 janvier et le 13 novembre 2015… Pourquoi faut-il toujours attendre qu’on compte les morts pour s’apercevoir que les lanceurs d’alerte avaient raison ?

 

17h45 : Je pars avant à la fermeture, voituré par un ami de Léo Beker qui me conduit à Kergaradec pour assister au vernissage de l’exposition consacrée à Louison Cresson. Avec une trentaine de visites et deux caricatures vendues dans la journée, le bilan n’est pas trop négatif pour un jeudi : de surcroît, l’un des exposants m’a dit qu’à 34 ans, j’avais encore toute la vie devant moi, ce qui me rassure beaucoup… J’ai cependant encore du mal à savourer ma satisfaction : mon chauffeur a beau être fort sympathique, je ne suis jamais très à l’aise quand je voyage en compagnie d’inconnus…

 

Deux caricatures réalisées d'après photo - avec le modèle :

 

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18h30 : Me voici à l’espace culturel E. Leclerc de Kergaradec où sont exposées quelques planches originales de Louison Cresson ainsi qu’une maquette de la gare de Montclou et une plaque d’égout semblable à celle que le professeur Ono ramasse avec gourmandise dans le premier tome de cette série : je retrouve Léo Beker qui me remercie pour l’article que je lui ai consacré dans Côté Brest et me présente à l’employé qui est à l’origine de l’expo, une première pour son entreprise ! D’après lui, ses patrons se sont fait prier avant d’accepter l’idée : comme quoi, même dans le milieu assez formaté de la grande distribution, il est encore possible d’introduire une dose de fantaisie et de créativité, même si c’est difficile… Je me surprends à être plutôt à l’aise malgré la foule : le fait de me retrouver avec d’autres amateurs de bande dessinée ne doit pas y être étranger ! Il est vrai que je suis le seul « journaliste » à avoir fait le déplacement, ce qui me vaut un accueil chaleureux des responsables, et le fait d’être devenu ami avec un dessinateur qui a marqué mon enfance regonfle à bloc mon orgueil !

 

La plaque d'égout :

 

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Les discours : d'abord celui du libraire qui a permis à l'expo d'avoir lieu...


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Celui d'une romancière supportrice de Louison...


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...et, last but not least, celui de Léo Beker lui-même.


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Le mot que j'ai laissé sur le livre d'or :


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19h50 : Grâce à Léo qui a remué ciel et terre pour m’éviter de devoir reprendre le bus, je repars voituré par un responsable d’une importante maison d’édition bretonne : je me fais ainsi une relation qui pourra m’être utile aussi bien en tant que correspondant de presse qu’en tant qu’auteur. Mais pour l’heure, je remarque que c’est la troisième fois en une journée que je suis voituré par un homme que je connais à peine : ça tient de l’exploit pour moi qui ai tant de mal à établir le contact avec autrui ! Je ne peux m’empêcher de comparer cette situation à celle de ce cher Louison Cresson qui, dans le tome 2 de ses tribulations, monte dans le camion du premier venu et fait ainsi connaissance avec un informaticien américain en fuite : la grosse différence, c’est que je n’ai pas le don d’hyper-empathie de Louison qui lui permet d’envisager cette épreuve avec sérénité… 

 

20h15 : Conformément à ma demande, le chauffeur m’a déposé au Port de Commerce où j’espère bien participer à la scène ouverte de la Raskette : mais l’établissement est fermé ! Je ne m’en étonne qu’à moitié, il avait été annoncé sur les réseaux sociaux que la scène ouverte ne démarrerait qu’à 21 heures. N’ayant pas l’intention pour autant de poireauter dans le froid, je me mets en quête d’un restaurant : je me rabats sur « Au fil des crêpes » qui propose une formule à trois crêpes – deux salées et une sucrée ou l’inverse, au choix ; voilà au moins une crêperie dont on sort rassasié !

 

Vendredi 2 décembre

 

19h : Hier soir, après mon repas, la Raskette était toujours fermée : si j’avais su, je serais rentré directement à Lambé, je me serais couché plus tôt et je ne serais pas si fatigué de ma journée… Le bilan de cette troisième journée de marché de Noël n’est pas négatif : une trentaine de visiteurs, trois caricatures de petits garçons vendues, deux slams prometteurs écrits… Il s’est même trouvé une dame pour me dire que ce que j’exposais était ce qu’elle préférait ! J’apprécie d’autant plus son compliment que je craignais que mes dessins ne fassent un peu « nouille » à côté des œuvres de Gildas et Gwendal : mais en fin de compte, je crois que nos travaux respectifs ne sont pas vraiment comparables… Seul point noir : les retours sur la chanson enregistrée samedi dernier sont pour l’instant assez négatifs, suffisamment en tout cas pour me faire renoncer à la diffuser en l’état. Je n’excluais pas de rejoindre mes amis du Collectif Synergie au Temple du pharaon pour participer à la scène ouverte mensuelle, mais je suis tellement fatigué que je préfère abandonner cette idée : j’attends beaucoup de la journée de demain, il vaudra mieux que je sois d’attaque !

 

Deux croquis réalisés pour passer le temps : les chats en métal proposés à la vente par Pod...

 

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...et Marie-Hélène, qui confectionne des petits personnages tricotés au crochet.


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Samedi 3 décembre

 

19h30 : Quelle déception ! On avait beau être samedi, on a eu encore moins de visiteurs qu’hier ! Loïc dit que c’était à cause de la météo : les gens sont vraiment fainéants ! S’il ne leur faut qu’un peu de pluie pour qu’ils renoncent à venir voir une exposition en intérieur… Dans le bus, une troupe de jeunes hispaniques fait un boucan du diable et reste sourde à mes demandes de silence, pourtant formulées dans leur langue. Il me tarde d’arriver au Biorek brestois et de trouver un peu de réconfort auprès du petit Alexandre et de sa maman Valérie : leur établissement me fait tellement de bien qu’il devrait être remboursé par la Sécurité sociale !

 

Une photo qu'il aurait été dommage de ne pas prendre :

 

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Les rares clients que j'ai eus ce jour-là :


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Dimanche 4 décembre

 

19h : Ça y est, c’est fini ! Le bilan de cette dernière journée est plus que satisfaisant, on a eu plus d’une centaine de visiteurs et mes caricatures se sont plutôt bien vendues. De surcroît, cette fois, tous les exposants étaient présents et l’ambiance était donc beaucoup plus agréable : j’en tire la conclusion, qui sera sans doute utile pour la prochaine fois, qu’il sera inutile d’être physiquement présent un autre jour que le dimanche… En attendant, je m’empresse de me soigner : j’ai trouvé le moyen d’attraper froid et je traîne un mal de gorge carabiné qui m’empêchait presque de parler ce matin…  

 

Quelques clients avec leurs caricatures :

 

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Lundi 5 décembre

 

14h30 : J’ai beau m’être levé tard, je ne suis pas encore remis de ma semaine. Je ne suis donc pas dans les meilleures dispositions quand, sorti expédier un courrier, je constate qu’il y a la queue devant le bureau de poste… La file n’avance certes pas lentement, mais il fait si froid que le temps semble deux fois plus long, d’autant que, comme je pensais en finir assez vite avec cette affaire bête et banale, je n’ai pas pris la précaution de me couvrir d’autre chose que d’un pull de laine qui se révèle vite insuffisant. Au bout d’un certain temps, il n’y a plus entre moi et la porte qu’une dame assez âgée au visage caché par un masque : je lui fais remarquer, avec le peu d’amabilité dont je suis encore capable, qu’il fait froid (au cas où elle ne l’aurait pas remarqué) et qu’il y a assez de place dans le bureau pour qu’elle puisse y pénétrer ; elle me répond : « Je ne sais pas si on peut ! » Bon, j’ai compris : le gouvernement n’a même plus besoin d’instaurer de nouvelles restrictions, les gens les appliquent eux-mêmes dès qu’ils entendent le mot « Covid » ! Sauf que ce n’est pas en poireautant dans le froid qu’on va éviter d’être malades, bien au contraire…     

 

En post-scriptum, quelques caricatures de personnalités historiques finalisées ce week-end - j'imagine que je n'ai pas besoin de préciser de qui il s'agit :

 

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Voilà, à la prochaine !

 


05/12/2022
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Du 19 au 25 novembre : kenavo, Erwan

 

Commençons par un dessin sur les "résultats" de la Cop 27...

 

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Vendredi 19 novembre

 

10h30 : Descendant la rue Louis Pasteur pour aller retirer un colis dans une épicerie, je suis bien étonné, quand je passe sous les arbres, par l’état du trottoir, maculé d’une matière que je n’identifie pas : d’après une femme qui tente de nettoyer son automobile souillée, il s’agirait d’excréments d’étourneaux ! Je suis bien étonné, j’ignorais que ces volatiles pouvaient déféquer autant, même en s’y mettant à plusieurs… Comme quoi Hitchcock avait tout faux : pour se venger des humains, les oiseaux n’ont pas besoin de les agresser physiquement… Peu après, j’ai une nouvelle surprise quand je passe devant l’église Saint-Louis : une table a été dressée et des dames servent du café aux passants. Quelque peu intrigué, je demande ce qui se passe : visiblement, je suis tombé sur un « boisseau de punaises de sacristies » (pour reprendre l’expression bienvenue de Brassens) qui accueillent les gens à l’église. Je passe mon chemin, résistant à l’envie de donner un coup de pied dans la table et regrettant que les étourneaux aient mal visé ! Vous me direz qu’elles ne font de mal à personne ? Si on va par là, le clown MacDo non plus ne fait de mal à personne en tant que tel, il n’en a pas moins poussé des millions de gens à devenir obèses : l’Église catholique a fait tellement de mal à l’humanité qu’il me faudrait bien plus que les sourires niais des grenouilles de bénitier pour me guérir de la saine antipathie que les religions devraient inspirer à tous les vrais amis de la liberté… De surcroît, je ne comprends pas pourquoi ces bouffeuses d’hosties ont le droit de faire ça alors que si j’organisais la même chose sur la voie publique, je me ferais probablement embarquer par les flics !

 

11h30 : Rentré chez moi, je me connecte à Instagram où je me suis réinscrit il y a peu… Et je découvre que j’ai été viré du site en raison d’un manquement aux règles dont j’ignore la nature exacte. Tant pis : Insta ne veut pas de moi, je ne veux pas de lui ! C’est tout de même révélateur de la politique de ce site : les pétasses peuvent publier des selfies en string sans problème, les bellâtres peuvent afficher leurs abdos sans avoir d’histoires, mais les artistes, eux, y sont surveillés comme des pédophiles en liberté conditionnelle ! Sincèrement, je suis presque fier d’en être exclu…

 

Lundi 21 novembre

 

11h : Après un dimanche sans histoires, je suis passé à l’Alizé pour y récupérer les œuvres de mon cru qui y étaient exposées dans le cadre du Salon d’automne : j’espérais y retrouver la programmatrice, mais elle n’était pas là. En fait, le décrochage proprement dit avait eu lieu la veille, le lundi matin n’étant qu’un créneau supplémentaire pour ceux qui n’auraient pas été disponibles le dimanche : j’avais complètement oublié ça, ayant retenu le lundi dès le début pour la bonne raison qu’il est plus facile de se déplacer en bus ce jour-là… Une sortie peu fructueuse, donc, même si j’ai récupéré mes œuvres. Me voilà maintenant à la fac Segalen où j’ai bien l’intention de mettre quelques affiches pour le marché de Noël de Plougonvelin : je suis bien surpris d’y croiser une chercheuse de mes connaissances avec un masque chirurgical ! Un peu inquiet de la voir arborer cet accessoire disgracieux et de sinistre mémoire, elle m’explique qu’elle est légèrement enrhumée et qu’elle ne veut pas passer ses microbes aux autres… Malgré le respect que j’ai pour cette dame, je ne peux m’empêcher de m’indigner devant ce zèle prophylactique que je juge disproportionné : on a tellement effrayé les gens avec le Covid que même une femme intelligente et cultivée se sent obligée de se déguiser en Michael Jackson dès qu’elle a la goutte au nez ! C’est ridicule et effrayant : au train où ça va, on va finir par enfermer en chambre stérile toute personne qui éternue en public !

 

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Deux dessins sur Le Late avec Alain Chabat qui commence ce soir-là sur TF1...

 

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Mardi 22 novembre

 

16h30 : Je sors en rechignant : je suis en plein travail d’illustration du recueil de poèmes d’un ami et j’aimerais en finir. Mais je me suis inscrit pour assister à une conférence sur l’archéologie sous-marine qui doit se tenir à la Brest Business School et je n’ai pas pour habitude de me défausser : pourtant, je me passerais bien d’aller à l’école de commerce et, surtout, de prendre le bus pour Bellevue où je côtoie une faune de gamins tapageurs qui finissent par avoir raison de ma patience… Évidemment, quand je leur dis de parler du bas, ça ne m’attire que des moqueries ! Il faudrait rappeler à certains parents que ce n’est pas parce qu’on habite dans une cité HLM qu’on est dispensé d’apprendre la civilité à ses gosses ! Mais il faudrait surtout que j’arrête de m’inscrire à n’importe quel événement alors que tant de travaux m’attendent dans mon atelier…

 

17h15 : J’arrive à l’école de commerce. Je déteste cet endroit aseptisé, rempli de futurs jeunes cadres dynamiques, qui pue à cent mètres le fric et la compétition. J’en veux un peu à ces gens qui ont la sale manie, probablement acquise pendant la crise sanitaire, d’organiser des événements pour lesquels il faut impérativement s’inscrire sans avoir la possibilité de renoncer au dernier moment… Je suis très mal à l’aise, et j’ai bien du mal à comprendre les indications, pourtant sommaires, que me donne la dame de l’accueil quand je lui demande où doit se tenir la conférence : j’y arrive tout de même et je me retrouve dans un amphithéâtre sans la moindre fenêtre, bourré de gens que je ne connais pas… J’ai déjà envie de partir !

 

18h15 : Le premier orateur a parlé : c’était un plongeur qui nous a parlé des fouilles auxquelles il a participé sur des épaves retrouvées dans le pays de Brest, ça alimentera toujours une colonne ou deux. L’oratrice suivante, une doctorante en fin de thèse venue parler de ses projets, ne m’intéresse pas et je pars avant la fin : il était inimaginable que je fasse ça, avant mon diagnostic ! Mais ce progrès demande un certain courage de ma part car les autres personnes voient ça d’un très mauvais œil…     

 

19h : Après cette sortie désagréable, je m’offre une thérapie : je vais dîner au Biorek brestois où je serai sûr de trouver au moins un visage sympathique, celui d’Alexandre, le jeune patron de l’établissement. Il est lui aussi content de me voir car son restaurant est vide : c’est ce soir que l’équipe de France de football dispute son premier match de coupe du monde. Bien sûr, je n’étais même pas au courant ! Et ce n’est pas l’ambiance qu’il y avait dans les rues qui aurait pu me mettre la puce à l’oreille : il y avait bien du monde dans les bars, mais guère plus que les autres soirs. Apparemment, seuls les vrais mordus suivent la compétition, le boycott est plutôt suivi. Mais très franchement, étant conscient des ravages que la coupe du monde de foot (ainsi que la plupart des grandes compétitions sportives en général) apporte dans chaque pays où elle est organisée, je ne trouve pas ce qui se passe au Qatar beaucoup plus scandaleux que ce qui s’est produit ailleurs, ne serait-ce qu’en Russie il y a quatre ans à peine : par conséquent, je préfère encore les supporters qui assument de suivre la compétition malgré tout à ceux qui se sont découverts une conscience humanitaire du jour au lendemain sous prétexte que ça se passe cette année dans un pays d’émirs bedonnants… Et puis, parmi les boycotteurs, j’aimerais bien voir combien d’entre eux continueront à respecter leur engagement si jamais les Bleus font une bonne coupe du monde voire remportent un troisième titre ! Ils feront moins la fine bouche, je suis prêt à le parier…       

 

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Mercredi 23 novembre

 

Les enfants nés à partir de ce jour seront du signe du Sagittaire - retrouvez ce dessin dans le calendrier 2023 illustré par mes soins, contactez-moi pour le commander.

 

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17h15 : Je suis arrivé avec trois quarts d’heure d’avance pour le cours du soir : heureusement, pour passer le temps, j’ai les deux derniers albums des Zappeurs qui me manquaient et que je viens de récupérer – à l’époque, cette excellente série avait été sottement rebaptisée Zapping génération, mais ça n’enlevait rien à sa qualité intrinsèque. Entre deux éclats de rire, j’ai la surprise de voir passer une jeune fille avec un sac orné d’un dessin de mon cru ! Je le lui fais remarquer : elle m’explique qu’elle est la fille d’une élève du même cours que moi et que sa mère lui avait offert ce sac. Ça me revient maintenant, je me souviens qu’une autre élève, d’âge mûr, m’avait effectivement acheté ce totebag décoré de mon dessin de chat à l’éventail : je suis évidemment très content de constater que le sac sert (je remarque même qu’il est assez solide), qu’il plaît à celle qui le possède et, toutes proportions gardées, je ressens une fierté similaire à celle de l’ami Geluck quand il voit quelqu’un porter un t-shirt représentant un certain félin plus célèbre et plus bavard que le mien…

 

17h45 : Les autres élèves commencent à arriver ; l’un d’eux remarque mes calendriers 2023 que j’ai apportés pour celles et ceux que ça intéresse (je sais que la prof en fait partie). En le feuilletant, il me demande si j’emploie un logiciel pour dessiner… Jadis, cette question m’agaçait : aujourd’hui, elle me flatte car ça veut dire, en fin de compte, que j’arrive avec ma seule main à un résultat aussi parfait que si je travaillais sur ordinateur ! Si la machine supplante un jour l’homme, ce ne sera pas ma faute !

 

18h : Ce soir, la prof a eu l’idée de nous faire faire des caricatures de personnalités : autant dire que je suis dans mon élément, on ne peut pas en dire autant de tout le monde. C’est l’occasion pour moi de travailler des visages que je n’avais jamais maltraités comme Khrouchtchev ou Eva Perón. Je me fais aussi un plaisir avec Margaret Thatcher : sur la photo qui me sert de modèle, elle est jeune et presque jolie, mais je n’arrive pas à la présenter telle quelle, c’est au-dessus de mes forces ! En tout, je réalise cinq caricatures : tout le monde n’en fait pas autant, mais à la fin du cours, nous avons une belle galerie de portraits-charge et c’est amusant de voir deux versions différentes d’un même visage : une bonne caricature en dit souvent autant (sinon davantage) sur le caricaturiste que sur le caricaturé…      

 

Mes caricatures réalisées pendant le cours : Andy Warhol...

 

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Eva Perón...


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Mao...


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Margaret Thatcher...


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...et Nikita Khrouchtchev.


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Deux autres dessins réalisés dans le cadre du cours :

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Jeudi 24 novembre

 

10h30 : Après le ménage, je jette un œil sur Facebook. La journée commence mal : Erwan Auffret est mort. Je le connaissais peu, je le croisais souvent dans les événements du Collectif Synergie où il recueillait les mots du public et les criait à qui voulait les entendre : avec ses moustaches et ses lunettes de pilote sur son chapeau, il faisait partie de ces figures populaires qui pimentaient la vie brestoise. Encore un peu de fantaisie qui s’en va, nos pensées vont à ses filles et ses proches… Désolé de ne pas être plus original : les morts d’artistes se ressemblent un peu toutes…

 

12h45 : J’ai un rendez-vous à 14 heures ; en attendant, je risque un tour au rayon BD de Dialogues histoire de voir les nouveautés. Dans le tas, il y a le dernier Petit Spirou : ayant gardé mon âme d’enfant, je le feuillette. J’avoue, à ma grande honte, que j’ignorais que Philippe Tome était mort depuis trois ans ! Il faudrait que j’abonne à un quotidien... En tout cas, c’est dommage, c’était vraiment un grand scénariste, digne de rivaliser avec Greg, Charlier, Goscinny, Cauvin et les autres : on dit souvent que l’histoire des aventures de Spirou s’est arrêtée quand Franquin a laissé tomber la série, mais les albums dus à Tome et Janry tenaient vraiment la route ; j’ai particulièrement été marqué par La vallée des bannis où Fantasio, devenu fou suite à la piqûre d’un moustique un peu spécial, se rebelle contre sa condition d’éternel second et revendique son droit à la dignité : ayant été si souvent ridiculisé en public, je ne pouvais qu’être sensible à cet aspect du personnage… Un autre paragraphe de Tome qui m’a marqué est l’incipit de Lève-toi et meurs, un épisode de l’excellente série Soda :

 

« Je suis une ordure. Je pourrais préciser : une franche ordure, pour conférer à cet aveu un peu cru le vernis d’une nuance littéraire. Mais « franc » n’est pas le mot qui me caractérise le plus. « Belle » ordure conviendrait sans doute davantage, car j’ai la chance de jouir d’un physique agréable… Mais non ! Finalement, ce qui me va le mieux, c’est ordure, tout simplement ! Et pourtant, je vous jure que les gens m’aiment, car je suis le prince de l’apparence, le Monsieur Propre du coup tordu. Quels que soient la coupe de cheveux, le complet veston ou les baskets à 200 dollars, c’est moi. Sur toutes les affiches à la télé, l’air concerné en lisant le prompteur, le cerveau branché sur l’audimat et ma carrière… Comme dans les films qui vous font rêver, seuls ou en famille, c’est moi. Sus les flashes ou derrière une forêt de micros, défendant ailleurs les démocraties et ici la liberté de mourir d’une balle perdue dans un ghetto, c’est toujours moi. Avec la sourire confiant et la parole qui émeut, efficace et rassurant, je suis l’ami qui vous trahira et que vous remercierez. »[1]

 

Le personnage qui s’exprime ainsi est un policier ripou qui va profiter de la confiance qu’inspire son aspect engageant pour assouvir sa soif de vengeance : mais aujourd’hui, chaque fois que je lis ce passage, je pense à notre actuel président de la république… Pas vous ?

 

13h : J’ai encore une heure à tuer avant mon rendez-vous : pour ne pas attendre dans le froid, j’entre dans un bar-tabac de la rue de Siam que je n’ai pas l’habitude de fréquenter. Un rapide coup d’œil aux journaux me permet d’apprendre que Siné Mensuel est en difficulté : la crise sanitaire et l’inflation sont en train d’assécher les finances du journal… Ça m’attriste d’autant plus que je n’ai pas la possibilité matérielle de répondre à leur appel aux dons ! Il me reste à espérer que le journal fondé par Siné, qui a traversé bien des tempêtes, survivra à cette mauvaise passe : une revenue satirique en moins, c’est un peu de liberté qui s’en va – c’est même beaucoup dans le cas présent ! Pénétrant dans la salle du bar, je remarque une silhouette qui m’est familière : je n’ose pas y croire, mais si ! C’est mon directeur de thèse ! Je suis bien entendu ravi de retrouver mon père spirituel que je croyais exilé au Mexique : il m’explique que ce pays est devenu trop dangereux, qu’il a lui-même échappé à une balle perdue ! Il passe désormais sa retraite dans une petite commune du Finistère où le taux de criminalité est moins élevé… Nous taillons une bavette autour d’un thé qu’il m’a gentiment offert : j’apprends ainsi qu’il n’y a plus de département Allemand à l’université de Brest où son poste de professeur de philosophie a été supprimé – je pourrais lui dire qu’il est de toute façon irremplaçable, mais je crains de paraître obscènement positif…

 

14h : J’attends mon rendez-vous à l’entrée d’un magasin de prêt-à-porter « haut de gamme » : je suis assis par terre, étant décidément fâché avec la station debout immobile. Quand l’heure de l’ouverture de la boutique sonne, un employé me fait savoir que je ne vais pas pouvoir rester là : à tous les coups, on me prend pour un clodo qui veut faire la manche ! Je me lève mais je rétorque que j’attends quelqu’un afin de couper court au malentendu ! À moins que ce ne soient mes fringues bon marché qui n’aient motivé cette injonction peu amène : si j’avais voulu entrer dans le magasin, est-ce qu’un cerbère m’aurait foutu dehors ?  

 

14h05 : Mon rendez-vous arrive : c’est une femme, une amie de mon amie artiste-peintre, et elle doit me remettre un tableau de cette dernière pour que j’en fasse présent à la faculté. Remarquant son accent slave très prononcé, je lui demande si elle est russe comme notre amie commune : elle me répond qu’elle est ukrainienne… Une Russe et une Ukrainienne amies ! Un symbole fort, par les temps qui courent ! Pour ne rien arranger, elle m’explique qu’elle a un pied-à-terre à Guipavas mais qu’elle travaille… À Moscou ! Évidemment, en ce moment, rien n’est simple pour elle… Tout ceci illustre l’absurdité de cette guerre ! Non, de toute guerre ! Non, de toute frontière ! Pas étonnant que les soldats russes désertent : Poutine a cinquante ans de retard, sa sale guerre est motivée par une cause qui est déjà archaïque pour son propre peuple…

 

19h30 : Me voici à La Raskette pour la scène ouverte du jeudi soir. Désireux de rattraper la bévue que j’avais commise en apportant des fleurs pour rien, j’ai apporté des chocolats pour la charmante Cécile qui est si méritante : elle est aux anges ! Pour ma part, grâce aux musiciens qui se succèdent sur scène, je passe une excellente soirée, même si je n’ai pas un seul client pour les caricatures. Je fais trois slams, dont mon iconoclaste It sucks to be Santa Claus, approche des fêtes oblige, ainsi que deux textes moins féroces mais qui ont le mérite de la nouveauté car je ne les ai encore jamais prononcés sur scène. Je m’entends de moins en moins bafouiller, ma stratégie s’avère porteuse de fruits…

 

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22h10 : Je vais bientôt devoir rentrer : avant de partir, je demande à repasser sur scène. Les musiciens se proposent de m’accompagner : je veux bien essayer. À ma grande surprise, je cale assez facilement ma voix sur leurs rythmes et le résultat n’a pas l’air de déplaire à l’assistance. Cécile me dit même que la musique apporte un plus à ma session slam et que je devrais continuer dans cette voie : c’est une idée à creuser…

 

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Vendredi 25 novembre

 

14h30 : Ayant quelques dessins de grande dimension à faire scanner, me revoici dans la boutique de reprographie où mon ami Jean-Yves et moi-même avons nos habitudes. Après avoir récupéré mes dessins et les fichiers numériques correspondants, je reste sur une chaise, attendant que Jean-Yves ait fini de traiter d’une affaire avec le patron de la boîte, jusqu’à ce qu’une employée, que j’ai connue dans une autre maison aujourd’hui fermée, ne me tire littéralement par la manche pour m’inviter à les rejoindre dans l’arrière-boutique ! Voilà typiquement le genre de chose que je ne fais jamais sans y être explicitement invité ! Mais même avec cette autorisation, je ne suis jamais très à l’aise dans les lieux que je ne connais pas, et ce n’est pas le bric-à-brac que je découvre qui va me rassurer… Il me tarde de payer mon dû, de partir et de rejoindre des lieux plus hospitaliers pour finir la semaine.  

 

Une caricature de Mimie Mathy scannée aujourd'hui - n'y voyez pas l'expression d'un mépris envers les personnes de petite taille, la seule fois où j'ai manqué de respect à un nain, c'est quand j'ai voté contre Sarkozy ! J'ai seulement voulu rendre hommage à une femme qui faisait rire il fut un temps. Volontairement, je veux dire..

 

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Deux rendez-vous que je vous fixe...

 

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Signalons aussi l'exposition de Léo Beker, l'auteur des Tribulations de Louison Cresson, qui commence le 1er décembre à l'espace culturel E.Leclerc de Kergaradec (Porte de Gouesnou) - cette photo le représente chez lui, avec devant la maquette de la gare de Montclou, le village du Gard qui sert de théâtre aux tribulations du petit Français des années 1950 créé par ce dessinateur argentin aussi talentueux qu'attachant :

 

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En guise de post-scriptum, quelques croquis préparatoires pour des illustrations :

 

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Et voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] Spirou n° 2987, 12/07/1995, pp. 10-11.  


25/11/2022
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