Du 18 au 22 décembre : Joyeux Noël !

 

Vous connaissez beaucoup de caricaturistes qui ont le Père Noël dans leur clientèle ?

 

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Dimanche 18 décembre

 

11h : Tard levé suite à une soirée chez un ami, je me réjouis de ne pas avoir d’événement aujourd’hui : je n’aurais pas été très frais et, de toute façon, entre la pluie qui tombe à seaux et la finale de la coupe du monde de la honte, je n’aurais pas eu beaucoup de public ! J’en profite donc pour me recroqueviller dans un moelleux cocon hivernal ; je prends toutefois la peine de m’enquérir du résultat de l’élection de Miss France : ouf, ce n’est pas la petite Guipavasienne qui a gagné ! On n’a pas besoin d’une deuxième Laury Thilleman à Brest, c’est déjà assez insupportable avec une seule…

 

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Sauf mention contraire, les illustrations de cet article étaient destinées à un livre qui ne verra finalement pas le jour.

 

Lundi 19 décembre

 

9h30 : Je sors brièvement poster du courrier, et faire quelques achats ce qui me permet de croiser la dame qui nettoie les parties communes de mon immeuble – cette formulation est un peu lourde, mais le temps des concierges qui régnaient en maîtresses sur leurs halls est révolu, la partie le plus ingrate de leur travail est aujourd’hui confiée à des entreprises sous-traitantes qui emploient des pauvres diables (ou, dans le cas présent, de pauvres diablesses) que même les locataires ne respectent plus, mises à part quelques exceptions dont j’essaie de faire partie. Aussi, quand je constate que la porte est ouverte, je demande à la dame si elle a besoin qu’il en reste ainsi, ce à quoi elle répond par l’affirmative… Est-ce parce que c’est plus pratique pour sortir son matériel ? Est-ce pour que le sol fraîchement nettoyé sèche plus vite ? Peu importe, je n’ai pas pour habitude de contrarier quelqu’un qui travaille. Quand je rentre moins d’une demi-heure plus tard, je constate qu’elle est déjà partie et qu’elle n’a pas oublié de fermer la porte en partant… L’efficacité et la courtoisie de ces gens-là est admirable : au risque de me répéter, je ne sais pas combien cette dame est payée, mais ce n’est sûrement pas assez.

 

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10h30 : Ayant des difficultés à me connecter à Internet, je fais appel à l’assistance Free, ce que je déteste au-delà de tout : je n’aime pas téléphoner, entendre parler quelqu’un que je ne peux pas voir m’angoisse, à plus forte raison s’il s’agit d’une personne que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, et si, par-dessus le marché, c’est pour parler d’électronique, alors là, ça vire à la torture mentale pour moi ! Quand j’ai quelqu’un au bout du fil (après un bon quart d’heure d’attente), l’individu parle tellement vite que j’ai un mal de chien à suivre ses directives ; quand la connexion est enfin rétablie, au lieu de raccrocher tout de suite, il me tient encore le crachoir cinq minutes avec un charabia auquel je ne comprends à peu près rien, si ce n’est que je dois probablement m’attendre à d’autres problèmes techniques en raison des travaux programmés dans mon quartier et que je vais prochainement recevoir un questionnaire de satisfaction… Passons rapidement sur la consternation que m’inspire la vulnérabilité de notre haute technologie : il y a déjà longtemps que j’ai compris que la notion de progrès est à relativiser. Quant au questionnaire de satisfaction, faites-moi confiance pour ne pas y répondre, je ne tiens à jouer les délateurs auprès de la DRH de chez Free, surtout pas gratuitement !

 

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20h30 : Petite virée dans un bar du port de commerce avec un ami, psychologue de son état : il me fait part, entre autres, de ses échanges avec des jeunes en situation de handicap et me rapporte qu’il est parfois obligé d’intervenir personnellement dans les établissements scolaires qu’ils fréquentent, l’institution ne faisait aucun effort pour favoriser leur intégration avec un minimum de bienveillance. Il me parle, par exemple, d’une jeune fille, diagnostiquée autiste, qui ne supporte pas qu’on lui parle dans le dos (j’ai la même intolérance), ce dont sa prof ne tient pas compte ; il est donc venu voir l’enseignante pour le lui expliquer, et cette dame (qui n’est pas forcément incompétente ou indigne de respect, je ne dis pas ça) n’a rien de trouvé de mieux à faire que lui parler dans l’oreille sous les yeux de la demoiselle, ce que cette dernière n’a pas supporté (j’ai moi-même horreur des messes basses échangées sous mon nez) et, devant la manifestation d’exaspération de son élève, la prof a dit en substance à mon ami : « Vous voyez bien qu’on ne peut pas la gérer ! » Pour résumer, rien n’a échangé depuis mon enfance : les profs ont beau savoir que certaines choses mettent mal à l’aise à leurs élèves, au mieux, ils s’en fichent, au pire, ils les provoquent et disent ensuite que c’est de la faute de ces jeunes gens… Bon, je sais : ce ne sont pas les profs qu’il faut accabler, ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens dérisoires que leur alloue une institution qui les méprise, et les milieux scolaires n’ont absolument pas le monopole de la conviction imbécile selon laquelle les difficultés que rencontrent les personnes avec autisme ne seraient que le fruit d’une mauvaise volonté de leur part. Mais alors, ça veut dire que ce n’est pas tel ou tel membre du corps enseignant qui est en cause mais bien la société toute entière ! C’est donc beaucoup plus grave et cette anecdote en dit long sur la façon dont les personnes handicapées (ou tout simplement atypiques) sont traitées par l’État : tel Siné, « je ne m’habituerai jamais à cette propension de nos législateurs qui choisissent toujours de punir les victimes plutôt que les coupables »[1].

 


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Mardi 20 décembre

 

10h30 : Mon portable m’a lâché : comme je troue aberrant de dépenser plus de dix euros pour un téléphone, je sors faire un tour à Électro Dépôt où, d’après ce que j’ai lu sur leur site, on trouve des modèles débloqués à bas prix. Non seulement j’achète le modèle le plus obsolète mais, par-dessus le marché, je le paie en liquide ! Quand je rentre, je trouve dans le bus une affiche que je me promets de détourner pour dénoncer la vague de suicides chez les conducteurs : je vais faire le gros du boulot à la main, histoire d’achever de faire un pied de nez à notre époque hyper-connectée qui me court sur le système…

 

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21h : J’ai reçu deux visites dans la même journée : mes conversations avec mes invitées confirment ce que je pressentais, à savoir un sentiment de fatigue généralisée ! L’année qui se termine a été pour le moins rude et je ne suis pas sûr que la période des fêtes suffise à ce que nous nous refassions une santé, d’autant qu’à peu près tout le monde s’attend à connaître d’autres difficultés, d’autres catastrophes… Je repense au Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire et je trouve particulièrement actuels ces quelques vers :

 

« Écoutez le monde blanc

horriblement las de son effort immense

ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures

ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique

écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites

écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement

Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! »[2]

 

Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. De toute façon, la vraie question, aujourd’hui, est plutôt ce que le monde blanc et occidental peut encore faire pour éviter le nervous breakdown qui le menace à l’issue de cette histoire jalonnée de guerres, de massacres et de cataclysmes qu’il a lui-même provoqués... On pourrait déjà méditer cet autre extrait de l’ami Siné où la valeur des « lumières » de l’Europe en prend un coup :

 

« Je me sens beaucoup plus proche d’un Africain à moitié à poil qui frappe sur des tambours que d’un Italien, tiré à quatre épingles, qui brame du bel canto, ou d’un Japonais en kimono qui trace des idéogrammes au pinceau plutôt que d’un Autrichien en short de daim tripotant, sur son ordinateur, un logiciel de traitement de texte. »[3]

 

J’ai souvent écrit que l’homme occidental était un enfant gâté devenu aveugle : je pourrais ajouter qu’en se croyant important, il est l’artisan de son propre malheur…

 

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Mercredi 21 décembre

 

14h30 : Malgré la météo peu engageante, je décide de faire un tour à pied jusqu’au centre-ville histoire de régler quelques affaires, rendre visite à quelques compagnons de route et, accessoirement, profiter de l’ambiance de Noël. Avant de partir, je relève mon courrier : je découvre ainsi mon exemplaire d’un ouvrage collectif consacré aux femmes de la Bible, auquel j’ai contribué avec un article sur les variations humoristiques de la figure d’Ève dans l’œuvre de Gotlib et celle de Philippe Geluck ! Il n’y a que moi pour faire un coup pareil… Quand je me relis, je suis assez content de moi, je suis notamment fier d’avoir forgé la formule « L’art se distingue de la nature, entre autres, en ceci que des causes différentes peuvent y produire des effets similaires » ! Je me demande parfois où je vais chercher tout ça ! Vous, en tout cas, vous pourrez la trouver en librairie à partir du 26 janvier dans le livre Qui est donc cette femme qui surgit comme l’aurore ?, dirigé par Isabelle Durand et Benoît Jeanjean et édité par les Presses Universitaires de Rennes. Rien que pour ça, le Père Noël est en avance chez moi, cette année !  

 

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18h30 : Ma petite sortie m’apporte entière satisfaction, je n’ai pas boudé mon plaisir d’une petite heure de régression au Marché de Noël, j’ai même fait un tour en grande roue ! Je suis encore sur mon petit nuage, à savourer une gaufre au Nutella (oui, je sais…) quand je vois débarquer des types en treillis armés de fusils-mitrailleurs : d’un seul coup, je ne regrette déjà plus de devoir rentrer ! Rien de tel qu’un spectacle aussi merdeux pour pourrir l’ambiance ! De son vivant, Siné (comment ça, « encore lui » ?) nous mettait en garde contre la banalisation de cette présence militaire dans les lieux publics : 

 

« On se croirait revenu au temps pourri de la guerre d’Algérie, baptisée elle aussi, au départ, simple « opération de police ». Mais le pire est que personne ne moufte devant cette dérive inadmissible soi-disant justifiée sous prétexte de « sécurisation ». Rien ne choque plus nos concitoyens de plus en plus xénophobes : du moment que ces tueurs rasés ne sont là que pour débusquer des tueurs barbus, « terroriser les terroristes » selon l’imbécile expression de Pasqua, tout va bien ! »[4]

 

Siné est mort depuis six ans, mais son point de vue reste pertinent ! Personnellement, voir des types armés jusqu’aux dents dans un lieu dédié, en principe, au plaisir et au divertissement, surtout s’il y passe des enfants, me fera toujours froid dans le dos : si un officier givré (un pléonasme, excusez-moi) décide un jour de faire un putsch, il n’aura rien à faire, ses hommes seront déjà dans la place pour tenir les civils en respect et flinguer les éventuels récalcitrants pour l’exemple… Depuis le 11 septembre 2001, nos gouvernements démocratiques successifs n’ont eu de cesse de mettre les clés à portée de main de ceux qui peuvent à tout moment décider de s’en servir pour les renverser ! Le vrai drame de ce monde, c’est que le Père Noël n’existe pas et que les militaires, eux, existent bel et bien !

 

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Jeudi 22 décembre

 

10h30 : Bien qu’en petite forme, je fais le ménage en grand dans mon appartement histoire de ne pas avoir à m’en occuper quand je rentrerai de chez mes parents dans une semaine. Chaque fois que je fais ça, je comprends mieux ce que ressent ma mère qui, il est vrai, devait frotter la crasse des autres en supplément de la sienne propre. Mais surtout, je repense à ces photos des années 1950 où les femmes étaient presque toutes gracieuses et légères : si elles tenaient tout dans la maison quand les hommes, eux, finissaient leur journée de travail au bistrot, il leur était un peu plus facile de garder la ligne… Quand on sait qu’encore aujourd’hui, les hommes ont majoritairement tendance à laisser les tâches ménagères aux femmes, c’est peut-être aussi pour ça que ces dernières ont une espérance de vie plus élevée ! Bref : les machos, si vous voulez vivre aussi longtemps que vos femmes, prenez part vous aussi au ménage ! Profitez des fêtes pour méditer ça…

 

Les enfants nés à partir d'aujourd'hui jusqu'au 20 janvier seront du signe du Capricorne - cette illustration figure dans mon calendrier 2023 dont il reste quelques exemplaires.

 

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Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine et joyeux Noël !

 


[1] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, p. 174.

[2] Aimé CÉSAIRE, La poésie, Paris, Seuil, 2006, p. 43.

[3] SINÉ, Mon dico illustré, Hoëbeke, Paris, 2011, pp. 73-74.

[4] Op.cit., p. 205.



22/12/2022
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