Dimanche 13 juillet : il y a 232 ans, Charlotte Corday poignardait Marat dans sa baignoire
10h : Je risque un coup d’œil sur la presse locale. Deux faits retiennent mon attention : premièrement, les élus de gauche commencent enfin à monter au front contre les parkings payants des hôpitaux. Il était temps ! On a tendance à oublier que personne ne va de gaîté de cœur à l’hôpital : forcer les gens à devoir payer pour se garer, c’est vraiment une méthode de charognard ! On peut trouver que La France Insoumise a mis longtemps à réagir à ce scandale odieux, mais je n’oublie pas qu’il y a un peu plus d’un an, le député de notre circonscription était à la botte de Macron et qu’il ne fallait donc rien attendre de lui sur ce dossier. Rien que pour ça, quand je repense à la dissolution de l’année dernière, j’ai envie de dire à Macron : « Merci, Ducon » ! Deuxièmement, une ZAD s’est installée sur le site qui doit accueillir le nouveau stade de foot ; j’ai déjà dit ce que je pensais de cette affaire et je suis totalement contre l’édification de ce bâtiment qui sera immanquablement un gouffre à pognon, mais j’avoue avoir des réserves sur le discours de ces zadistes qui ont tellement peur de passer pour des bobos-intellos-de-gauche aux yeux des supporters crétins qu’ils se défendent d’être « anti-foot » et veulent « rendre le football au peuple » ! Et pourquoi pas lui rendre la religion, la télé ou le tiercé, tant qu’à faire l’inventaire des opiums dont les puissants n’ont jamais eu de cesse de se servir pour endormir la plèbe ? Je désespère d’entendre un jour une voix s’élever contre le diktat du foot qui écrase toujours tout… Un peu moins de fric pour le ballon rond, ce serait un peu plus de moyens pour les hôpitaux, par exemple ! Hé, monsieur le député, vous n’y avez pas pensé ?
Lundi 14 juillet : il y a 91 ans naissait Gotlib
14h : Petite visite à une amie ; nous discutons de choses et d’autres, jusqu’à ce que mon hôtesse en arrive à me parler de la mort de Thierry Ardisson. Je lui dis franchement que je ne pleurerai pas l’animateur car je n’ai jamais aimé ses émissions ; elle me répond : « Tu as le droit de ne pas l’aimer, c’était quand même un monument de la télévision française, comme Ducker » ! Mine de rien, cette parole est révélatrice : si Ardisson peut en arriver à être mis sur le même plan que Drucker, cela prouve qu’il n’était plus subversif depuis longtemps ! Si tant est qu’il l’ait jamais été, d’ailleurs… Désolé si je parais sévère, mais Ardisson était pour moi l’exemple type de l’anticonformiste, c’est-à-dire de l’individu qui va à rebours des usages pour se faire remarquer à tout prix : l’anticonformiste se prend peut-être pour un rebelle, du moins espère-t-il se faire passer pour tel, mais il rend en fait un fier service aux normes qu’il prétend subvertir. Primo : pour aller systématiquement à rebours des usages, encore faut-il les reconnaître en tant que normes ; l’anticonformiste ne remet donc pas en cause le statut des règles qu’il prétend subvertir. Deuxio : l’anticonformiste va à rebours des règles parce qu’elles sont les règles et au nom en raison de leur éventuelle absurdité ou inutilité ; cette attitude peut l’amener à subvertir une règle qui peut être utile, au risque d’être contre-productif : c’est ce qu’a fait, par exemple, Jean-Edern Hallier en s’affichant avec des fachos… Tertio, enfin, l’anticonformiste offre au conformiste une occasion de s’encanailler : en voyant l’anticonformiste faire son numéro, le conformiste fait fi pendant quelques courts instants, par procuration, des règles qu’il s’échine à respecter, ce qui lui permet de mieux les accepter par la suite, ne serait-ce que parce que le spectacle de la subversion des normes lui fait mieux voir ce à quoi elles lui permettent d’échapper. Tout ça ne concerne pas le non-conformiste qui, lui, ne va pas systématiquement à rebours des usages mais refuse simplement de se plier à ceux qui lui paraissent infondés et force, souvent malgré lui, les conformistes à se trouver dans l’inconfortable position de devoir réfléchir au bien-fondé de normes trop souvent perçues comme intangibles. Bref, la carrière d’Ardisson l’anticonformiste me semble illustrer à merveille cette réflexion de Cavanna le non-conformiste : « L’anticonformisme est la maladie de jeunesse du conformisme »[1]. Après, je ne lui nie pas tout intérêt et ce n’est certainement pas Cyril Hanouna qui le fera oublier !
Mardi 15 juillet
15h : Il pleut. On commençait presque à en perde l’habitude ! Le pire, c’est qu’il ne fait même pas froid, je pourrais presque sortir si je ne m’étais pas juré de terminer quelques dessins qui traitent d’une certaine actualité et dont je ne veux donc pas remettre la finalisation à plus tard. J’ai un peu de mal à me défaire de l’humour chansonnier, voué à être éphémère : quand on a été nourri au biberon des Guignols de l’info, on s’en remet difficilement, et le vide que laisse l’émission n’arrange rien… En attendant, si j’étais superstitieux, j’établirais volontiers un lien de cause à effet entre cette ambiance maussade et le fait que nous soyons… la Saint-Donald ! Je ne l’invente pas ! Quand j’étais petit, Donald n’était pour moi qu’un canard grincheux mais sympathique, et le jour de sa fête me faisait sourire : mais depuis que c’est aussi un fou dangereux qui peut mettre le monde à feu et à sang, cette date me déprime plus qu’autre chose… Le vrai saint Donald historique était, dit-on, un Écossais qui transforma sa maison en couvent pour satisfaire ses filles qui voulaient devenir religieuses : c’est très con, mais ça ne mérite pas d’être assimilé à un psychopathe…
En parlant de psychopathes :
Mercredi 16 juillet
10h30 : Comme chaque jour, je me connecte au site de ma banque pour garder un œil sur mon budget : je n’attends pas de nouvelle rentrée d’argent avant trois semaines, il faut que je fasse attention. J’ai ainsi le loisir de découvrir la nouvelle présentation de la page de connexion : ce n’est pas plus pratique qu’avant et je ne peux même pas voir ce que je fais quand je tape mon code d’accès ! Ah, les neurotypiques et leur sale manie de vouloir toujours tout changer…
Sans transition :
13h45 : Je sors en ville pour faire scanner une planche de grand format : la circulation en centre-ville est devenue un vrai cauchemar, alors je prends un bus pour la place de Strasbourg, bien décidé à descendre la rue Jean Jaurès à pied. Cela me vaut de devoir supporter la compagnie des gosses du centre aéré ou de je ne sais quelle structure bien commode pour ne pas laisser les enfants sans surveillance à la maison pendant les vacances scolaires… J’adore les enfants, mais je pense VRAIMENT que si on pouvait permettre à ces structures de loisirs de bénéficier de transports spéciaux qui éviteraient aux autres voyageurs de supporter la compagnie de toute une marmaille caquetante, on ferait un grand pas en avant pour le bien-être des citoyens…
Toujours sans transition, un dessin inspiré (entre autres) par la réforme de l'audiovisuel :
14h45 : Quand je disais que la circulation est devenue un cauchemar ! Le bus met un quart d’heure à remonter la rue Robespierre : j’irais plus vite à pied malgré la pente raide qu’il y a à grimper ! Je me demande quand même si le chauffeur ne s’est pas trompé de route car il me semble que le boulevard Léon Blum est praticable malgré les travaux. Je ne lui jette pas la pierre car il faut avouer qu’avec toutes ces déviations et changements d’itinéraires d’un jour sur l’autre, il est difficile de s’y retrouver… Vivement le nouveau réseau !
Une image pour détendre l'atmosphère (j'étais adolescent) :
17h : Il fait bon malgré les nuages. Je termine quelques bricoles, la fenêtre ouverte. De ce fait, je ne rate rien du vacarme que font deux femmes et deux gosses au bas de l’immeuble ! Je me demande bien ce qu’ils peuvent foutre là, on a vu mieux qu’un parking pour faire prendre l’air aux enfants, surtout avec le bois de la Brasserie juste en face… J’espérais être en vacances, je trouve l’ambiance discutable !
Une autre image pour détendre l'atmosphère :
Jeudi 17 juillet
10h : Deux plombiers sont venus examiner mes toilettes où une fuite perdure malgré les interventions de leurs collègues. Selon eux, c’est un problème d’étanchéité au niveau de la bouche d’aération : ils m’annoncent donc qu’une autre entreprise interviendra ; bien sûr, ils sont incapables de me dire quand… Je suis un peu découragé.
Le hérisson vient me redonner du courage :
17h : La journée étant déjà bien avancée, je prends un bain mer au Moulin Blanc. J’arrive pour la marée basse, mais ce n’est pas grave. Il y a beaucoup de vagues, je me prends pas mal d’eau dans les yeux : mes lunettes de natation m’auraient été bien utiles, mais je les ai cassées et j’attends celles que ma vieille nounou m’a promises ; c’est toujours quand on en a besoin que ça manque ! En revanche, la bonne surprise, c’est que l’eau est tiède ! Je n’avais pas connu ça depuis longtemps…
18h30 : En sortant de l’eau, je me suis cogné le pied contre un rocher : je saigne un peu. Je profite de la présence d’un poste de secours pour me faire soigner la plaie ; les secouristes acceptent sans problème, ils ont tout ce qu’il faut, et je repars aussi bien guéri que si j’avais sollicité une infirmière ! C’est dingue : les gens qui font du bon travail et qui sont disponibles, ça existe encore ! Profitons-en… En attendant le bus, je constate que la galerie de La Baule où je suis censé exposer m’a appelé : ils ont bien reçu mes œuvres, mais ils me demandent de leur envoyer des documents auxquels je n’avais pas pensé… Cette anecdote, associée à celle des plombiers de ce matin, me rappelle cette phrase de Mafalda : « À force d’être moderne, je me demande si la vie est encore la vie… »[2]
Une caricature de Pierre-Yves Cadalen, le député de ma circonscription élu l'an dernier, dont je parlais plus haut :
Vendredi 18 juillet
10h : Au marché, une vieille dame de mes connaissances n’est pas étonnée quand je lui dis que l’eau était tiède au Moulin Blanc : selon elle, quand elle allait à la mer avec son mari, elle allait de préférence à cette plage ou à Plougastel où l’eau commençait à être plus chaude vers la mi-juillet. Dans un sens, c’est rassurant : j’avoue avoir cru que le phénomène était nouveau…
Un dessin de la victoire de Samothrace avec la tête de la Vénus de Milo - je ne peux pas encore vous dire pourquoi j'ai fait ça :
11h : N’attendant strictement rien du gouvernement Bayrou, je ne m’étais pas renseigné en détail sur le plan du même nom : c’est donc seulement maintenant que j’apprends qu’il prévoit notamment la suppression de deux jours fériés ! Ce n’est pas étonnant, la droite ne supporte pas que les pauvres soient payés « à ne rien faire » (comprenez : à faire autre chose que vendre leur force de travail aux capitalistes), elle tient à ce que seuls les riches se le permettent : quand un pauvre obtient de l’argent sans travailler, ça s’appelle une aide sociale et il est accusé de grever le budget de la collectivité ; quand un riche obtient de l’argent sans travailler, ça s’appelle des dividendes et on le félicite d’avoir fait un investissement fructueux… Ce n’est même pas original : il y a 22 ans, après la canicule meurtrière de l’été 2003, Raffarin avait tenté de supprimer le lundi de Pentecôte, soi-disant pour soutenir les retraités ; tout ce que les vieux de mon entourage ont vu comme différence, c’est la perte d’un jour de pension… Cela dit, ceux qui prennent leurs congés le week-end de l’Ascension peuvent être tranquilles : un vieux catho comme Bayrou n’osera pas toucher à cette date…
Concluons avec une mini-BD sur notre "futur président" :
Pour commencer, une mini-BD sur le mythe d'Apollon et Daphné :
Vendredi 4 juillet
22h : Mais qu’est-ce qu’ils ont tous en ce moment ? Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive un coup de fil, qui plus est, le plus souvent, pour me proposer une entrevue à l’improviste ! Je sais bien que j’ai fait des progrès pour la gestion des imprévus, mais tout de même… D’autant qu’avec mon père qui est toujours à l’hôpital, j’ai tendance à imaginer le pire chaque fois que le téléphone sonne ! Je veux bien croire que ce soit là un symptôme du flottement qui s’empare de la société quand arrive la saison des grandes vacances… Et une raison supplémentaire pour ne pas aimer cette période, une !
Un croquis réalisé à la plage :
Samedi 5 juillet
18h : Voilà bien trois quarts d’heure que je poireaute sur la terrasse des 3 Brasseurs, à Kergaradec, où j’ai organisé une surprise pour les quarante ans d’une amie – tout s’est fait avec la complicité plus qu’active de son compagnon, je dois bien le dire. En attendant, je suis bien étonné de ne voir arriver personne alors qu’une bonne vingtaine de convives est attendue ! J’entre donc dans le restaurant pour me renseigner : on me confirme que la réservation avait bien été prise en compte… Mais pour dix-neuf heures et non dix-huit heures comme je l’avais cru ! Et moi qui tournais en rond dans ce quartier maléfique sous une pluie de plus en plus agressive… Il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi con !
Une variation sur le mythe d'Héraclès et du taureau de l'île de Crète :
Dimanche 6 juillet
19h : La pluie semble cesser ; je suis quand même content d’avoir réservé cette journée pour travailler sur le contenu du présent blog en prévision d’une éventuelle publication en livre. Ne serait-ce que parce que je me surprends à trouver que mes plus vieux écrits tiennent encore la route, même huit ans après… J’arrive à être fier de ce que je fais, mais pas de moi-même.
Une photo prise en Sarthe quand mes parents avaient encore une maison là-bas - à l'heure où je mets en page cet article, mes voisins font un barbecue et l'odeur me met l'eau à la bouche :
Lundi 7 juillet
9h30 : Je récupère mes œuvres exposées à l’EESAB, ce qui me vaut de recroiser une dame que j’avais côtoyée dans le cadre d’un autre atelier – bien entendu, je l’avais oubliée, mais la réciproque n’était pas vraie… Enfin bref : ayant un peu de temps avant l’arrivée de mon transport, j’en profite pour lui monter mes dessins, dont un où apparaît Macron… Qu’elle prend pour Villepin ! Dans un sens, c’est juste : les deux se valent ! C’est bien Villepin qui a suggéré à Chirac de dissoudre l’assemblée en 1997, et c’est encore lui qui a fait descendre les gens dans les rues en 2006 : autant dire que s’il succède à Macron dans deux ans, on ne verra pas la différence, il fera exactement les mêmes conneries !
Sans transition, une photo prise quand j'étais adolescent pour rester dans l'ambiance de l'été :
13h : Le Dilettante a refusé mon recueil de nouvelles, entre autres parce qu’ils n’en perçoivent pas la « structure d’ensemble » ; il est vrai que je ne me suis pas soucié d’en donner une, me bornant à enquiller mes fictions les plus réussies – de mon point de vue, s’entend. Je pensais que quand on lit un recueil de nouvelles, on ne s’attend pas forcément à ce que les textes qui le composent entretiennent un lien particulier entre eux : mais je peux me tromper ! Ils jugent aussi que je traite sans grande subtilité les sujets que j’aborde : il est vrai que je suis du genre à trancher dans le vif et j’estime que certains sujets, comme le harcèlement, méritent de ne pas être traités à fleuret moucheté ; mais là encore, je ne dis pas que j’ai forcément raison !
Un dessin pour le plaisir, parce qu'on est quand même en été :
16h30 : Sortant du cabinet de ma psychologue, je m’apprête à prendre le tramway pour remonter la rue de Siam puis la rue Jean Jaurès… Mais j’ai la mauvaise surprise de constater que la circulation du tram est bloquée depuis la station « Château » jusqu’à l’arrêt « Saint-Martin » ! Et ce jusqu’à la fin du mois d’août ! Moi qui croyais naïvement que cette ligne ne serait plus impactée par le chantier… Bien sûr, c’est moins pire que l’an dernier où le tram ne circulait plus du tout, mais tout de même… Quand je suis confronté à ce genre de problème, je pense toujours à cette aventure de Lucky Luke où le cow-boy créé par Morris force des voyageurs à emprunter un train qui n’a qu’un seul wagon ; quand ils en obtiennent un second, ils croient pouvoir améliorer leurs conditions de transport, mais Luke coupe vite court à leur enthousiasme : « Non ! Nous allons lâcher le wagon de derrière, qui nous retarderait ! Tout le monde dans le fourgon ! »[1] Ah mais il fait ça pour la bonne cause, me direz-vous ! Oui : il a pour mission d’escorter des scientifiques qui doivent explorer le Wyoming en vue de la colonisation de ce territoire… Cette séquence est un beau raccourci de la vie : vous avez à peine le temps d’acquérir un surcroît de confort et de bien-être que d’autres personnes se dépêchent de vous pourrir davantage l’existence, qui plus est au nom de causes qui ne vous concernent pas et sont généralement injustes… Mais ce qui m’effare le plus, c’est la goujaterie dont fait montre Bibus : ils m’appellent pour me reprocher de ne pas être gentil avec un chauffeur de taxi, mais ils ne prennent pas la peine de donner à leurs abonnés un renseignement aussi essentiel ! Comme s’ils n’avaient aucun moyen de nous joindre…
Toujours pour l'ambiance estivale :
Mardi 8 juillet
14h : Je passe chez Grenier pour récupérer des tirages commandés ce matin : j’ai la mauvaise surprise de constater que mes dessins y sont recadrés au mépris des textes qui y figurent et des consignes que j’avais données ! Le problème s’était déjà posé pour les mêmes dessins il y a peu, et comme je n’avais jamais eu de souci jusqu’alors, j’avais mis ça sur le compte d’une négligence de ma part. Mais ce n’est visiblement pas le cas ! J’ai du mal à cacher mon irritation car je suis déjà fourbu après une matinée bien remplie et j’ai hâte de rentrer chez moi. C’est humain, non ? Bon : seulement, comme si ça ne suffisait pas, la jeune femme à qui j’exprime mes récriminations ne voit rien d’anormal quand je lui montre mes dessins rendus illisibles par ces recadrages barbares ! J’ai beau insister, elle s’obstine à me servir une explication qui ne tient pas la route : j’ai l’impression de revivre cette histoire des Bidochon où Robert ne s’étonne pas d’entendre Raymonde lui annoncer que leur balance lui annonce 185 kilos[2]… Je perds patience et je tape du poing sur le comptoir : hélas, le patron assiste à la scène, et comme il n’a apparemment jamais assisté à une crise autistique, il me fout dehors… C’est drôle, je n’arrive pas à regretter ma conduite ! Je ne suis pas totalement innocent, d’accord, mais il est hors de question que je présente des excuses : rien ne serait arrivé si le boulot avait été fait correctement, après tout ! Désolé de ne pas être comme tous ces crétins qui s’esclaffent quand les choses ne se passent pas comme il faut : non seulement j’en suis incapable mais je trouve même cette attitude idiote, elle me rappelle ce strip de Fabcaro paru dans Fluide Glacial où un protestant répond en ces termes aux catholiques qui lui annoncent qu’ils vont le massacrer : « Ah, ah ! Mince… Bah, l’important c’est de participer. »[3] Enfin bref : comme j’ai encore plus de quatre cents tirages sur mon forfait et que je ne veux pas les laisser perdre (ça peut se comprendre, non ?), il faudra bien que je revienne, mais je me promets de prendre quelques précautions : il faudra notamment que je trouve une bonne âme pour m’accompagner afin que je ne me retrouve pas seul face à ce patron hargneux…
Sans transition :
14h45 : Je m’arrête à la poste de mon quartier pour acheter des timbres. Je suis épuisé mais je n’ose pas sortir ma Carte Mobilité Inclusion pour fendre la file. Alors je fais la queue et j’ai ainsi le loisir d’admirer les publicités pour des pièces de collection représentant les super-héros de DC Comics. Quand mon tour arrive enfin, je parle de ma CMI à la postière : elle m’affirme qu’il n’y a pas de problème, que le droit à la priorité que me confère cette carte est inaliénable et que les gens n’auront pas à s’y opposer, même s’ils trouvent bizarre que je sois possesseur de cette carte alors que je tiens sur mes jambes… Quand je demande mes timbres, elle me propose deux collections : les natures mortes et les personnages de Disney ! Je choisis la première, mais je ressors avec l’impression que la poste anticipe les visées impérialistes de Trump ; je repense à ce sketch de Karl Zéro proposant sa conception de ce que signifie Gatt : « Gouvernement Américain sur Toute la Terre » ! Ça m’inquiète d’autant plus que dans le monde selon Donald, il n’y a sûrement pas de place pour les atypiques…
Toujours sans transition :
16h : Je reçois la visite inopinée d’un monsieur qui vient me vanter les mérites d’un fournisseur d’énergie financièrement avantageux : prudent, je lui demande sa carte avant de le laisser entrer pour faire un devis, mais il est apparemment en règle. Ce qu’il me propose est effectivement meilleur marché que ce que je paie actuellement, mais je préfère lui demander de m’envoyer une documentation pour en discuter avec mes parents quand mon père sera sorti de l’hôpital… Chat échaudé craint l’eau froide, mais j’ai tout de même une grande nostalgie du temps où le gaz et l’électricité étaient monopoles d’État.
Mercredi 9 juillet : Pierre Perret a 91 ans
Cette photo a été prise il y a quelques années à Guipavas à l'occasion d'un concert auquel participait mon petit cousin - je ne voulais pas passer à côté d'une occasion de vous dire que j'ai vu Pierre Perret sur scène.
18h30 : Il y a des journées qui commencent bien mais qui finissent mal. Celle-là, c’est le contraire : ce matin, j’ai été contraint de me lever tôt pour pouvoir accueillir un plombier qui doit pallier l’incompétence de son collègue car mes chiottes fuient toujours, puis j’ai reçu la visite-express de ma mère qui m’a confirmé que mon père en a encore pour des semaines… Mais j’ai pu prendre un bain au Moulin Blanc et mon amertume s’avère soluble dans l’eau de mer. Merci, ô Poséidon !
Le 9 juillet, c'est aussi l'anniversaire d'Amélie Nothomb ; voici deux dessins représentant Trémière et Déodat, les amants de Riquet à la houppe :
Jeudi 10 juillet
13h30 : Visite de la prison de Pontaniou : je m’en serais voulu de rater l’opportunité de visiter ce site de sinistre mémoire avant sa réhabilitation ! Bien entendu, le port du casque y est obligatoire, tant les lieux sont délabrés. Dans un tel endroit, les visiteurs n’ont pas le cœur aux rires gras et aux conversations minables qui me rendent les visites guidées si pénibles d’ordinaire… La bonne nouvelle, c’est que le projet de réhabilitation prévoit de garder comme tels les plafonds voûtés datant de l’ancienne fonderie, qui ont quand même une certaine allure ; les cachots où les résistants avaient été enfermés par l’occupant seront eux aussi préservés, par respect pour le devoir de mémoire. Dire qu’il a été question d’y installer un hôtel de luxe ! On n’est pas passé loin de la catastrophe, mais les Brestois ont su se mobiliser pour éviter cette indécence…
Quelques photos prises au cours de la visite - les fresques murales sont de Paul Bloas :
Un croquis fait à la plage après la visite :
Vendredi 11 juillet
19h : Après un bon bain de mer à Sainte-Anne-du-Portzic, je profite d’un copieux casse-croûte avant de reprendre le bus ; ma présence sur un banc me vaut d’être interpellé par trois personnes de ma connaissance qui me demandent si je suis « là pour le film »… De fait, j’avais vaguement entendu parler d’une séance de cinéma en plein air organisée dans les parages immédiats de la plage, mais j’avais complètement zappé cette information qui m’indifférait au plus haut point – et je pèse mes mots. Malgré toute la sympathie que m’inspirent les personnes qui m’ont reconnu, je n’ai aucune envie de m’attarder pour la projection : je suis tout flappi par ma séance de natation et, de toute façon, j’ai promis de mettre le frein sur les mondanités, ce n’est pas pour replonger alors que je suis en vacances.
Samedi 12 juillet
12h30 : J’ai su m’organiser pour passer le gros de la journée à Sainte-Anne, j’avais même emmené un pique-nique non-carné – désolé pour les vegan, j’avais quand même emmené une boîte de thon. Ayant quelques reliefs de repas à évacuer, je me dirige vers une poubelle et j’ai ainsi l’occasion de constater un effet pervers de la séance de cinéma d’hier soir : toutes les poubelles débordent et sont même entourées d’une quantité difficilement appréciable (au sens propre comme au sens figuré) de bordilles qui n’y ont pas trouvé leur place. Faute de mieux, donc, je déverse mes déchets dans un sac en papier situé juste à côté de la poubelle... Ce qui me vaut d’être traité de « dégueulasse » par un beauf qui assiste à la scène ! Je proteste de ma bonne foi, mais rien à faire : ce gros tas de graisse, à côté duquel j’ai l’air d’un danseur étoile et qui n’a visiblement rien d’autre à faire, m’a choisi comme bouc émissaire de cette pollution dont je ne suis pas responsable… Il insiste tellement que je finis par le traiter de « connard » ! On en serait probablement venus aux mains si je n’avais pas prudemment décidé de m’éclipser en décalant ma serviette : périr étouffé par les bourrelets de ce gros plein de chips, voilà une perspective qui n’a qu’un lointain rapport avec ce que j’appellerais une belle mort… Pourquoi faut-il toujours qu’on me gâche mes plus beaux moments ? On interdit les plages aux chiens : on ferait mieux de les interdire aux cons !
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Pour ouvrir le bal :
Dimanche 29 juin
14h50 : Bon, je sais, je sais, je parle souvent de mes démêlés avec les transports publics brestois. Mais ce n’est pas de ma faute si les responsables se moquent des usagers ni si certains chauffeurs tendent le bâton pour les battre ! Ainsi, aujourd’hui, je monte dans un bus pour aller au Moulin Blanc et je suis un peu surpris de constater qu’il est plein à bloc : j’aurais pourtant pu me douter que je n’allais pas être le seul citoyen sans bagnole à vouloir profiter de la plage. Toujours est-il que, quelque peu interdit, j’hésite pendant quelques secondes à fendre la foule… Jusqu’à ce que le conducteur m’engueule pour que j’avance ! Alors, et d’une : pourquoi ne renforce-t-on pas le service pour desservir les plages quand vient l’été ? Qu’on ne me dise pas que ça coûterait trop cher, on trouve les moyens pour les fêtes maritimes et les matches du Stade Brestois ! Et de deux : pourquoi dois-je accepter de me faire hurler dessus par les chauffeurs ? Quand j’oublie d’en saluer un sous le coup d’une crise autistique, ça vire au psychodrame… Je veux bien croire que la chaleur ait raison de la patience de certains agents, mais s’ils veulent que je sois indulgent avec eux, ils pourraient commencer par l’être avec moi ! On a tendance à oublier que je n’ai pas choisi d’être comme je suis…
Un croquis exécuté sur la plage, pour ne pas perdre la main :
Lundi 30 juin
14h : J’ai fini de lire un livre passionnant : Esclaves chrétiens, maîtres musulmans de Robert C. Davis, une enquête approfondie sur l’esclavage blanc en Méditerranée au cours des années 1500-1800. Le sujet avait été peu traité avant que l’auteur ne se lance dans ce travail de Romain : il faut dire, d’une part, que les données ne sont pas faciles à collecter et, d’autre part, que cette page d’histoire n’arrange personne. Les pays musulmans pour des raisons évidentes ; les pays chrétiens parce que le complexe de supériorité occidental a la vie dure et que les petits mâles blancs arrogants ont du mal à supporter l’idée que des Arabes aient pu réduire leurs ancêtres en esclavage... Je n’en dis pas plus pour ne pas donner prise à des procès d’intention qui seraient infondés.
Un dessin réalisé pour le plaisir, pour rester dans l'ambiance estivale :
19h : Bravo, mille fois bravo, un million de fois bravo aux LGBTQIA+ de Hongrie qui ont bravé leur dictateur (j’appelle un chat un chat) et ont fait leur marche des fiertés malgré l’interdiction prononcée par le mini-Trump de Budapest ! Leur résistance est d’autant plus exemplaire qu’elle a le mérite de nous rappeler que la liberté n’est pas quelque chose que le pouvoir vient gentiment nous donner et qu’il faut la reconquérir chaque jour si on ne veut pas la laisser reculer : si on avait attendu le bon vouloir des Blancs Américains, les Noirs attendraient encore d’avoir des droits – déjà qu’aujourd’hui, on se demande… Les fachos hongrois avaient justifié l’interdiction au nom de la « protection de l’enfance ». Coïncidence : les fachos français avaient utilisé le même argument pour s’opposer à la loi Taubira légalisant le mariage pour tous… Ce qui prouve que les discours hostiles à l’égalité en droit portent des pogroms en germe ! On commence à céder devant les réacs qui prennent les gosses en otage et on finit par s’étonner de voir des concitoyens derrière des barbelés, vêtus d’un pyjama à rayures avec un triangle rose… Alors vigilance !
Mardi 1er juillet : il y a 152 ans naissait Alice Guy, première réalisatrice de fiction en prises de vues réelles de l'histoire du cinéma - son premier film s'intitulait La fée aux choux...
14h30 : Par un si bel après-midi et par une date aussi symbolique, je devrais être en train de profiter du soleil sur une plage. Et au lieu de ça, qu’est-ce que je fais ? Je suis en train de faire le ménage en grand dans mon appartement parce que ma mère m’a pris de court en m’annonçant au dernier moment qu’elle préférait attendre demain pour m’emmener voir mon père à l’hôpital… J’imagine que la façon dont je nettoie mon appartement vous indiffère et vous avez bien raison. Aussi me focaliserai-je sur un autre aspect du « problème » : j’ai fait beaucoup de progrès en ce qui concerne la gestion des imprévus, mais il ne faut rien exagérer et je dois bien dire que je n’ai pas été ménagé de ce côté-là ces derniers temps, à croire que tout le monde s’est donné le mot pour bousculer mes rituels et mon agenda… Il n’y a qu’avec les handicaps invisibles qu’on se permet une telle légèreté : si on en faisait autant avec les gens en fauteuil, on n’en finirait plus de compter les pauvres types qui se retrouveraient dans le caniveau comme des tortues sur le dos…
Le 1er juillet, c'est aussi l'anniversaire de Cléopâtre Darleux, la charmante gardienne de but dont tous les Brestois sont plus ou moins amoureux :
Mercredi 2 juillet
10h30 : Visite à l’auteur de mes jours à La Cavale Blanche. Apparemment, il revient de loin : je le trouve affaibli, mais son état est cependant rassurant par rapport à ce qu’il était à son admission… Évidemment, mon père, ainsi que ma mère qui vient le voir tous les jours, a une occasion « privilégiée » de toucher du doigt la déréliction de l’hôpital public : les personnels courent après le matériel, il parait qu’il n’y a qu’un thermomètre pour tout un étage… Et malgré ça, l’hôpital continue à fonctionner, les gens sont toujours soignés ! Ça montre à quel point le dévouement des soignants est total ! Ces gens sont ses seigneurs… Et je trouve que nous ne les méritons pas, nous qui passons notre temps à les engueuler quand ils s’occupent de nous, qui les traitons de « salauds de fainéants de fonctionnaires » quand ils font grève pour demander plus de moyens et qui applaudissons les militaires et les athlètes arrosés par les millions d’euros qui devraient revenir de droit à ces femmes et ces hommes qui sauvent des vies au quotidien…
Pour rester dans l'ambiance estivale, un dessin où Trémière et Déodat font montre de leur sens de l'humour :
15h : Petit tour en ville avant le vernissage de l’exposition des cours publics des Beaux-Arts. Je revois plusieurs connaissances qui se plaignent toutes d’avoir eu trop chaud ces derniers temps : je n’ose pas leur dire que je n’ai pas réussi à trouver ça désagréable… Vous me dites que quand il fait ces chaleurs, on ne peut presque plus rien faire ? Et bien ne faisons plus rien, justement ! Vous n’avez pas encore compris que si les températures atteignent ces niveaux, c’est justement parce que nous en avons trop fait ? Et que la nature, par le biais de cette chaleur, nous enjoint à lever le pied ? Puisqu’il fait trop chaud pour faire autre chose que lézarder à l’ombre, et bien lézardons à l’ombre ! On a déjà produit trop de saloperies ! La croissance n’est pas une solution, elle fait partie du problème !
Un croquis du château de Brest réalisé pour patienter en attendant l'ouverture du vernissage :
18h : Le vernissage commence. J’apprends à cette occasion que l’école des Beaux-Arts de Valenciennes a fermé ses portes, ce qui est un symptôme alarmant. On pouvait s’en douter depuis que le pouvoir a qualifié la culture de « non essentielle » lors de la pandémie : l’État est en train de lâcher complètement la création artistique… Nous vivons dans un monde de barbares où l’on méprise ouvertement ceux qui s’efforcent d’adoucir la vie, que ce soit en soignant les malades, en transmettant le savoir ou en introduisant de la beauté (ou, à défaut, de la nouveauté) : je ne changerai pas d’avis tant qu’on ne m’aura pas confirmé qu’un instituteur, un soignant ou un artiste est mieux payé qu’un flic, un militaire ou un curé !
Trois profs de l'école, réunies pour l'ouverture de l'expo :
Un croquis sur le vif de celle de gauche, que je ne connaissais pas et dont le physique m'a captivé :
Sur cette photo, vous pouvez voir, tout à gauche, un dessin de mon cru - oui, il faut le savoir :
Au milieu, deux séries d'autoportraits à trois pages de la vie :
Vendredi 4 juillet
14h : Après un jeudi enchanteur où j’ai pu passer quatre heures sur ma chère plage de Sainte-Anne du Portzic (nonobstant une pisseuse qui m’a traité d’homme de cro-magnon), je suis contraint de rester dans mon trou pour accueillir un plombier qui doit régler un problème de fuite dans mon appartement… Vous pensez bien que le prestataire de mon bailleur ne m’a pas laissé choisir le jour et l’heure de son passage ! J’ai remarqué que les gens aimaient bien faire attendre d’autres gens : ils aiment aussi les enfermer ou, à défaut, les assigner à résidence… Tous les prétextes leur sont bons pour nous faire sentir que nous ne sommes rien !
Un croquis exécuté hier sur la plage :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Commençons par un dessin réalisé pour le plaisir (bien qu'évoquant le drame de notre époque) :
Vendredi 20 juin
12h : J’arrive au Biorek où j’ai rendez-vous avec mon ami Mathieu que je n’ai pas revu depuis des mois. En attendant son arrivée, je demande à Alexandre s’il était à la marche des fiertés ; il me répond par la négative, mais il me fait quand même part d’une anecdote : d’après lui, certains participants auraient été pris à partie par les forces de l’ordre suit à un tag Free Palestine sur une rame du tramway. Alors, de deux choses l’une : ou bien les flics avaient un motif tangible pour accuser ces manifestants, et alors ce n’était pas malin de la part de ces derniers car on a souvent tort de mélanger les causes, aussi justes soient-elles, ne serait-ce que parce que ça finit brouille le message au risque de le rendre inaudible ; ou bien les poulets n’avaient pas de motif tangible, et alors il s’agissait d’un lynchage en bonne et due forme : dans Tintin en Amérique, Hergé dénonçait le racisme antinoir (ce qui suffirait presque à faire taire bon nombre de ses détracteurs) en faisant dire à un Yankee de base : « On a immédiatement pendu sept nègres mais le coupable s’est enfui » ; en France, quand on n’a pas de « nègre », on prend un « pédé », le résultat est le même auprès des honnêtes gens… Les fachos ont beau jeu de crier haro sur le « wokisme » et le « politiquement correct » : le règne absolu du mâle blanc hétérosexuel et cisgenre est encore loin d’être fini…
Je ne pouvais pas passer à côté de l'échec du conclave des retraites...
12h30 : Mathieu m’a rejoint ; il me parle de son quotidien à la Maison des Adolescents où il travaille en tant que spécialiste des addictions de l’âge ingrat. Apparemment, les cas les plus nombreux à lui être présentés relèvent de l’addiction aux écrans : rien d’étonnant, direz-vous ? Peut-être, mais mon ami précise aussi que la plupart des parents qui viennent lui présenter leurs enfants ne font aucune activité avec eux et n’ont que les écrans comme horizon à leur proposer. Conclusion : on n’a jamais que la jeunesse qu’on mérite – mais franchement, je m’en doutais déjà avant.
On remet une couche :
17h30 : Après un bain de mer au Moulin Blanc, je fais un croquis de deux baigneuses qui se font bronzer à deux pas de moi ; un passant aux allures de grand félin d’Afrique m’adresse un mot de félicitations pour ce dessin : je ne sais pas trop si c’est du lard et du cochon, je veux dire que j’ignore s’il saluait vraiment mon talent ou s’il ironisait sur le fait que, de son point de vue, je me rinçais l’œil ! Mais à tout hasard, je m’accorde le bénéfice du doute et je me laisse aller à la satisfaction d’avoir impressionné un bellâtre…
Le croquis en question :
Samedi 21 juin
10h30 : Passer à la poste, c’est toujours une épreuve… Je n’ai qu’une personne devant moi, mais c’est un invertébré : il est si lent à interagir avec la postière qu’il suffit à me faire rater le bus que je comptais prendre ; rien de dramatique, je veux seulement retourner à la plage, mais tout de même. Et il fait si chaud que je me liquéfie sur place… Mon tour arrive : j’ai pris la peine de noter les numéros des deux colis que j’attends, mais on ne m’a prévenu de l’arrivée que d’un seul ; toutefois, la guichetière a décidé de faire un excès de zèle et de me retarder un peu plus en partant aussi à la recherche de l’autre colis, celui dont le dépôt ne m’a pas encore été annoncé – vous suivez, j’espère ? Bon, elle le retrouve, d’accord, mais j’aurais pu repasser ! Quand elle dit que ça m’évitera de revenir, je ne peux m’empêcher de penser que moins elle me voit, mieux elle se porte ! Et je ne peux pas lui donner tort : j’ai tellement de mal à me supporter moi-même que je ne peux pas en vouloir aux gens qui préfèrent m’éviter ! « J’aime pas un être humain sur cette planète. Ah si, moi… Peut-être… Non, non, je suis trop dégueulasse ! »[1]
Trois dessins pour la fête de la musique :
11h30 : Sur la Place de Strasbourg, j’attends le bus pour aller au Moulin Blanc ; un type a décidé de faire profiter tout le monde du rap de merde que crache l’appareil qu’il trimballe… Il y a deux choses que je ne comprends pas : un, comment peut-on prendre du plaisir à écouter une musique aussi nulle et, deux, pourquoi personne n’ose-t-il plus rien dire aux individus qui l’imposent sur la voie publique ? Le simple fait qu’ils se sentent autorisés à le faire en dit long sur le niveau d’incivisme au sein de notre société…
Un autre croquis pris sur la plage :
17h : Me revoilà au bercail après un bon bain de mer, ravi mais exténué. Il fait encore trop chaud pour laisser les fenêtres ouvertes, je ne rate donc rien des hurlements des gamins du voisinage… Ça y est, je me rappelle pourquoi je n’ai jamais vraiment aimé l’été !
Rappelons pour mémoire qu'il y a neuf ans, la statue de Jean Quéméneur et Fanny de Laninon était inaugurée sur la place Henri Ansquer à Brest, plus précisément à l'entrée de Recouvrance - voici une photo du sculpteur, Jérôme Durand, quand il était encore en plein travail sur cette commande :
Dimanche 22 juin
11h : Après un petit tour au bois, j’ai la désagréable surprise d’assister à une descente de police dans mon immeuble : j’ignore totalement ce qui a pu se passer pour motiver cette intervention. Je n’adresse même pas la parole aux agents qui, de toute façon, ne semblent pas s’intéresser à moi : quand j’arrive à mon étage, je constate, qu’ils sont trop occupés à prendre à partie un petit gars au type maghrébin… Trois flics contre un « Arabe », voilà le courage à la française ! Je n’en dis pas plus parce que je n’ai pas les moyens de me payer un avocat.
Allez, encore un !
23h : La nuit tombe à peine, je ne peux m’empêcher de m’en étonner ; ça n’a pourtant rien de surprenant à cette période de l’année, me direz-vous ? Oui, mais il y a un an, à la même époque, le temps était pourri, je ne m’en rendais donc pas vraiment compte, et il y a deux ans idem, alors j’ai un peu perdu l’habitude… Les flics sont revenus au pied de l’immeuble, accompagnés du SAMU. Je risque une question auprès des représentants de ce service : je ne me heurte qu’à un mur d’indifférence… Je ne sais pas s’ils préfèrent rester discrets sur le motif de leur venue ou s’ils n’ont tout simplement que mépris pour les cas sociaux dont je fais « forcément » partie. Mon défaitisme, associé à mon déficit d’estime de moi, m’incline à ne pas insister.
Lundi 23 juin : il y a 13 ans, la première ligne du nouveau tramway brestois était inaugurée
Comme le montre cette photo d'époque, on avait recours, avant la mise en service du tram, à des moyens de transport un peu rustiques pour circuler sur la rue Jean Jaurès ! De surcroît, comme ils étaient conduits par des enfants, les passager jouaient de la musique en route pour se donner du courage...
Photo prise lors d'une édition de la Foire aux croûtes.
11h : Les États-Unis ont bombardé l’Iran : le plus incroyable, c’est qu’on s’en émeut à peine ! Les réactions sont incroyablement modérées en comparaison de celles qu’avait suscitée l’attaque de l’Irak par George W. Bush : en une vingtaine d’années, le monde entier semble avoir eu le temps de se résigner à ce que la loi du plus fort écrase tout et que la notion même de droit international passe au rang des utopies ! Il est vrai que l’Iran n’a rien pour plaire à l’étranger : liberticide à l’intérieur et agressif à l’extérieur, le régime des Ayatollahs semble tendre le bâton pour le battre ! Mais ne nous leurrons pas : ce ne sont pas les barbus qui vont payer le prix fort mais bien tous les pauvres types auxquels ils pourrissent la vie depuis quarante-cinq piges… Si la guerre pouvait rendre les gens libres et heureux, on le saurait !
23h : Déjà au lit, la fenêtre ouverte, j’entends des détonations : un coup d’œil à l’extérieur suffit à ce que je constate que c’est un feu d’artifice. Ça m’étonnerait beaucoup qu’il soit tiré en toute légalite, mais c’est toujours plus sympathique que les tirs de mortier qui retentissent un peu trop souvent dans ce quartier…
En parlant de tirs et de détonations...
Mardi 24 juin
8h40 : J’ai réservé un Accemo pour aller à Bureau Vallée où j’ai prévu d’acheter un carton pour expédier à une parente de Geneviève Gautier les écrits de cette dernière actuellement en ma possession (mais plus pour longtemps) : le paquet est si lourd que je ne me voyais pas le porter jusque là-bas... Chaque fois que je me déplace en Accemo, je suis obligé de demander au conducteur de couper sa radio et de ne pas me tutoyer : si j’ai recours à ce service de transport à la demande, c’est justement parce que je ne supporte plus le vacarme qui règne dans le bus, donc ce n’est pas pour devoir supporter une autre nuisance sonore, mais bon, tous les handicapés ne sont pas intolérants au bruit, alors je peux admettre que les chauffeurs n’aient pas le réflexe d’éteindre leur boîte à boucan. Mais pourquoi nous tutoient-ils ? Ce n’est pas parce que nous sommes handicapés que nous devons accepter d’être traités comme des gosses ! Quoi qu’il en soit, chemin faisant, je constate qu’on peut à nouveau rouler dans les deux sens sur la rue Camille Desmoulins et que l’agence BNP de la rue Jean Jaurès est à nouveau ouverte ou, au moins, est en passe de l’être : c’est fou à quel point le paysage urbain peut évoluer rapidement !
9h40 : Pour rentrer, j’attends un autre Accemo sur la terrasse du Beaj Kafé : le café n’est pas encore ouvert, mais je ne vois pas pourquoi je me gênerais pour m’asseoir là où il y a des tables et des chaises et aucun panneau précisant que ce serait interdit. Trois femmes voilées au type africain approchent… Je devine ce que vous pensez, mais non : ces femmes sont des bonnes sœurs ! Et oui : les nonnes, on est obligé d’en importer, sinon, les couvents n’ont plus qu’à mettre la clé sous la porte ! Alors, vous, les Franchouillards qui invoquez les « racines chrétiennes de la France » pour justifier votre refuse de partager l’espace public avec des femmes voilées et basanées, vous me faites bien marrer : et d’une, il n’y pas que les musulmanes qui sont voilées, et de deux, si on expulsait toutes les femmes d’origine africaine, les « racines chrétiennes » risqueraient de redevenir le mythe qu’elles n’ont jamais cessé d’être, faute de clergé pour les faire vivre… Toutes ces considérations ne me dissuadent pas de leur adresser les croassements exprimant le mépris que m’inspire les représentants du christianisme… De même que ceux de toutes les autres religions.
A propos de religions...
11h : La cour des comptes a rendu son verdict : les jeux de Paris de l’an dernier ont coûté six milliards d’euros à l’État ! Ce n’est pas moi qui l’invente ! Vous ne me ferez jamais croire que les retombées suffiront à combler un tel gouffre financier ! On reproche aux enseignants et aux infirmières de coûter trop cher à la collectivité mais on trouve parfaitement normal de jeter des milliards par les fenêtres pour quelques semaines de pitreries exécutées par une poignée de bœufs aux hormones ! Je repense aux cons bien élevés qui disaient que ces jeux arrivaient au point pour réconcilier une nation fracturée : la facture va aggraver la fracture, bande de crétins ! La prochaine fois que je croise un type qui milite pour avoir les jeux olympiques de France, je l’envoie paître d’abord et je réfléchis après !
11h05 : On sonne à la porte de mon appartement : ce sont des policiers qui me demandent où habite une dame dont le nom ne me dit rien… Ils n’insistent pas. Tous ces passages de perdreaux ne me disent rien qui vaille… Mon pire cauchemar ? Qu’un type soit tué dans mon immeuble : célibataire, sans horaires réguliers, pas de relations avec mes voisins… Je serais le coupable idéal !
Un dernier dessin d'actualité :
14h : J’expédie les écrits de Geneviève. Évidemment, j’ai un pincement au cœur… Mais je n’ai aucun regret : j’ai fait tout ce que je pouvais pour ma défunte reine, ce qu’elle a laissé derrière elle revient de droit à sa famille. Une pensée au passage pour Pod qui avait récupéré ces archives qui, sans lui, auraient fini à la déchetterie… J’ai eu 37 ans le mois dernier, et je ne pensais pas que j’aurais autant de morts autour de moi aussi tôt…
Un dessin réalisé pour le plaisir (Maria est une amie qui m'a comparé à un phoque après m'avoir vu nager en mer pendant presque une heure) :
16h : Passage au Drugstore de la rue Algésiras : je n’y étais encore jamais entré et sa façade, ainsi que ce que j’avais lu à son sujet, me laissait présager un magasin d’un genre nouveau… Mais non. C’est un tabac-presse comme il y en a des milliers, c’est tout. Seule différence : il y a une sono et de la musique à fond la caisse, pour faire comme dans les supermarchés… Non, même pas : comme dans les bistrots à la mode. Je leur demande s’ils ont le journal du Papotin, dont une amie m’a parlé : ils ne l’ont déjà plus… Je veux bien croire que ce Et un établissement à éviter, un !
Un autre :
16h15 : Je débarque au local de la SEBL pour récupérer le dernier numéro des Cahiers de l’Iroise auquel j’ai contribué avec un article consacré à Geneviève Gautier – comment ça, « encore elle » ? Il m’avait aussi été annoncé que la société se débarrassait de vieux numéros de la revue, je suis donc venu avec mon cabas pour profiter de ce déstockage : mais quand je constate que ce surplus suffit à remplir une étagère qui couvre un mur entier, je me demande si je n’aurais pas dû amener une valise à roulettes… Même en ne prenant qu’un exemplaire de chaque numéro disponible, je suis vite débordé ! Le vice-président de la société me donne un sac supplémentaire… J’espère que les lecteurs de Côté Brest n’en ont pas marre de mes articles historiques, parce qu’avec toute la documentation que je viens de récupérer, je ne suis pas près d’arrêter ! Et rien que pour avoir trimballé deux sacs pleins à ras bord de vieilles revues, en plein centre-ville sous un soleil accablant, j’estime que je mériterais une prime…
Encore un autre :
Mercredi 25 juin
11h : Exceptée la santé de mon père, tous mes problèmes sont résolus ou en passe de l’être : dans le second cas, il me reste quand même quelques pages de BD à boucler et une commande à assurer. Avec la chaleur qui persiste et qui m’oblige à garder les fenêtres ouvertes, je suis donc condamné à travailler en supportant le vacarme que font des enfants dans la cour… Excédé, je finis par demander aux « adultes » (vous allez vite comprendre pourquoi je mets des guillemets) qui les accompagnent s’ils vont nous casser les oreilles toute la journée ! Une blondasse édentée me répond : « Ce sont des enfants, on fait ce qu’on veut ! » Et bien voilà : on ne peut plus se plaindre de la moindre gêne auditive générée par des mômes, les adultes ont définitivement abdiqué toute autorité à ce sujet ! Qu’on s’entende bien : je ne suis pas comme Cavanna qui reconnaissait que les enfants l’emmerdaient (et c’était son droit après tout), je trouve même que les gosses peuvent être intéressants à écouter, mais je ne juge pas pour autant qu’il faut tout leur passer ! Après ça, on s’étonne que les hôtels et les restaurants interdits aux enfants se multiplient, mais pourquoi en arrive-t-on là si ce n’est parce que les adultes n’osent plus rappeler aux gosses qu’il faut des règles pour vivre en société et qu’elles impliquent, entre autres, la nécessité de ne pas pousser des hurlements sur la voie publique, au risque, entre autres, de gêner des personnes handicapées ? No kids because no more parents anymore[2]…
Un petit gag :
12h : Alors que je suis encore en plein travail de finalisation, je reçois un message de ma banque débutant par « Le QR Code fait partie de votre quotidien »… Ils sont mignons : n’ayant pas de smartphone, je n’ai aucunement usage de cette verrue graphique devenue omniprésente – ils ont réussi à faire plus moche et plus casse-pieds que le code-barres, on les applaudit bien fort ! Ça me ferait presque rire si ce n’était pas une confirmation (parmi d’autres) du fait que nous vivons sur sous « la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité »[3] : cette tyrannie est d’autant plus insupportable qu’elle n’a même pas le mérite de se présenter comme telle ! Elle est d’autant plus brutale qu’elle est insidieuse : au lieu de dire « Obéissez », elle dit « Vous obéissez déjà sans même qu’on ait pris la peine de vous l’ordonner et même si vous n’obéissez pas, on fait comme si vous obéissiez et ceux qui ne s’y conforment pas n’existent tout simplement pas à nos yeux ». Une telle société n’a qu’un pas à faire pour que les gens qui ne conforment pas à tous ces mots d’ordre tacites soient liquidés dans l’indifférence générale : nous ne l’avons pas franchi. Pas encore.
Un dessin réalisé avec des crayons de couleur :
14h30 : Il y a encore des gens qui s’imaginent que les artistes passent leurs journées à glander. Ceux-là n’ont jamais vécu ce qu’on ressent après avoir renversé un encrier… Le croiriez-vous : ça vient de m’arriver. Résultat : au bout d’une demi-heure, j’en suis encore à nettoyer mon plancher. Non seulement c’est chiant à laver mais je ne peux m’empêcher de me traiter de tous les noms… Et bien oui, la vie d’artiste, c’est ça aussi ! Rien que pour ça, je mériterais une bourse du ministère de la culture !
Un dessin colorié à l'aquarelle, intitulé "La Strip-teaseuse" :
Jeudi 26 juin
10h : Visite express de ma mère qui m’apporte des nouvelles de l’homme de sa vie et père de ses enfants : elles sont plutôt positives, mais il en a encore pour au moins une semaine d’hosto… Je n’envisage pas le pire, on n’en est pas là, mais je me demande comment je pourrais lui dire à quel point je l’aime. Sans être ridicule, bien sûr…
Un autre, intitulé "Le sphinx" :
21h55 : Je quitte le Kafkérin où vient d’avoir lieu la dernière scène ouverte de la saison organisée par le Collectif Synergie. Je ne peux m’empêcher d’éprouver un sentiment de frustration. Mes trois grandes satisfactions : j’ai interprété mon slam sur Iznogoud sans bafouiller, j’ai pu dire à Claire à quel point j’aime ce qu’elle fait et j’ai écouté une nouvelle fois Louve Furieuse, qui plus est avec une nouvelle chanson écrite pour sa fille… À part ça ? On a perdu un quart d’heure à rendre la sono opérationnelle, un gogol m’a abordé comme si j’étais son vieux copain, le vieux Roger m’a cassé les oreilles avec ses reprises des pires ringards de la variété française et un bénévole a pris la liberté de me toucher et de me tutoyer… J’aime Brest, mais il y a des jours où je me demande si c’est réciproque.
Quelques croquis réalisés au cours de la soirée : la maman de Gaëtan, qui accompagnait son slameur de fils...
Louve Furieuse en pleine action...
...et une jeune femme visiblement handicapée qui est montée sur scène pour chanter en trio avec le vieux Roger et sa jeune amie.
Vendredi 27 juin
10h : C’est jour de marché à Lambé. Voilà déjà deux jours que le temps est couvert avec des bruines plus ou moins régulières. Et, comme je m’y attendais, je n’en peux déjà plus. J’ai beau ne pas oublier qu’il y a un an, je craignais de me retrouver à Dachau, ça ne me rend pas plus supportables les caquètements des rombières sur la météo : je croise donc les doigts pour ne pas trop avoir à en supporter. Il semble que le destin soit de mon côté : il y a finalement peu de monde aux trois stands où je me rends… Plus ça va et plus je me dis que la phrase de Sartre sur l’Enfer s’accorde parfaitement à ce que je ressens ! Même s’il est pavé de bonnes intentions ? SURTOUT s’il est pavé de bonnes intentions !
Terminons par cette vidéo qui vous fait profiter de mon interprétation d'hier soir :
[1] Jean-Marc REISER, Vive le soleil !, Albin Michel, coll. Les années Reiser, Paris, 2001.
[2] On ne veut plus d’enfants parce qu’il n’y a plus de parents…
[3] Pierre DESPROGES, Chroniques de la haine ordinaire, Seuil, coll. Virgule, Paris, 1987, p. 41.
Voici quand même un dessin pour ouvrir le bal puisque c'est le gros sujet de la semaine :
Vendredi 13 juin
17h : Le téléphone sonne ; ce n’est pas sans une certaine appréhension que je décroche, craignant qu’on ne m’annonce que le déplacement que j’avais réservé ne saute à son tour. Finalement, c’est pire que ça : le chauffeur du taxi dans lequel j’avais effectué mon déplacement du 6 juin s’est plaint de ma conduite peu amène (je ne peux prétendre le contraire) et on me fait donc comprendre que si j’oublie à nouveau de dire « bonjour », « au revoir » et « merci » au conducteur, je risquais d’être rayé des listes des bénéficiaires du service… Alors comment dire ? Et d’une : si j’étais dans cet état qui m’avait fait oublier toute amabilité, c’était parce qu’ils s’étaient arrogé le droit de m’annuler un aller sans me le demander sous prétexte que je n’aurais eu « de toute façon » aucune possibilité de rentrer ensuite – il ne leur serait pas venu à l’idée que je pouvais faire appel à un parent ou à un ami ; en d’autres termes, ils me reprochent ce qu’ils ont eux-mêmes provoqué ! Et de deux : à cause de cet imprévu au carré, j’étais en pleine crise autistique, ce qu’ils me reprochent n’est donc jamais qu’une manifestation de mon autisme ; par conséquent, ils menacent de me priver d’un service essentiel au nom de ce qui, précisément, me le rend essentiel ! Curieuse conception de l’inclusion, non ? Et de trois : si mon attitude déplaisait tellement à ce chauffeur, il aurait pu me le dire en face au lieu d’aller se plaindre à sa hiérarchie ! Avec une mentalité pareille, je n’ose imaginer ce qu’il aurait fait à une certaine époque où les handicapés se voyaient offrir un aller simple pour Auschwitz...
Pour revenir à l'actualité internationale :
19h : Dernier cours de natation de l’année ; la monitrice me confirme que je ne pourrai plus rester au niveau débutant à la rentrée et que je passerai donc en « Apprentissage 2 ». Je lui fais part de mon inquiétude : je ne tiens pas à me retrouver avec un vociférateur qui me méprisera et m’appellera « Gros lard » ! « Mais non, me dit-elle, ce sont mes collègues, tu les connais ! » Non, je ne les connais pas : je les ai probablement croisés toutes les semaines cette année mais je n’ai jamais eu à interagir avec eux, donc je ne les connais pas. Pourquoi part-on du principe qu’il suffit de croiser quelqu’un régulièrement pour le connaître ? Enfin bon, si elle répond de ses collègues, ça suffit à ma quiétude…
Et encore :
Samedi 14 juin
13h30 : J’avoue que j’ai hésité : j’y vais, ou non, à la Marche des Fiertés ? Mais après un déjeuner tardif, je m’avise qu’il est déjà trop tard pour que j’arrive à temps… Tant pis, de toute façon, j’ai été tellement par monts et par vaux cette semaine que je n’ai pas envie de ressortir. Et puisque je suis artiste, il faut bien que je crée un peu de temps en temps, non ?
Dimanche 15 juin : fête des pères
Petite précision : ce dessin n'est qu'une blague (assortie d'un hommage à Reiser qui avait fait quelque chose de similaire à propos de la fête des mères) ! Je n'ai pas l'intention de me faire vasectomiser... Pour l'instant.
11h : Petite visite à une amie rentrée récemment de voyage ; chaque fois que je viens chez elle, la télé est allumée, mais elle ne la regarde pas vraiment : beaucoup de neurotypiques laissent ouverte leur « étrange lucarne » pour avoir une « présence » ou un « bruit de fond » ; je ne comprendrai sans doute jamais ce que ça peut leur procurer, mais ce dont je suis sûr, c’est que si les programmateurs télé avaient davantage conscience de ce mode d’utilisation, plus répandu qu’on ne le pense, du petit écran, ils seraient moins prompts à affirmer crânement que des millions de gens regardent telle ou telle émission… Je n’ose pas demander à mon ami de zapper ou d’éteindre le poste quand la sale gueule de Zemmour apparaît : je ne voudrais pas lui laisser croire que je prête moins attention à sa conversation qu’à ce que diffuse sa boîte à images…
Une autre sale gueule :
17h45 : Concert de Sterenn Alix à la crêperie « La petite fugue » ; j’avoue que je ne connaissais pas ce petit établissement situé dans une rue parallèle au bas de Siam, cette découverte est intéressante. En revanche, le talent d’autrice-compositrice-interprète de Sterenn n’est plus une découverte pour moi qui l’avais connue aux scènes ouvertes du Café de la plage : c’est donc avec un immense plaisir que je retrouve cette jeune chanteuse délicieusement vindicative que je n’avais pas revue depuis un certain temps : depuis quelques mois déjà, elle vit à Landerneau qui est décidément une ville attractive, c’est au moins la troisième de mes connaissances qui me dit y vivre ou y travailler… Elle profite de ce concert dans une petite salle bondée pour annoncer la sortie prochaine de son EP : un événement à ne pas rater !
Un croquis réalisé au cours du concert :
Deux dessins inspirés par le contenu des chansons :
Une photo de Sterenn en pleine action :
Et une autre avec un portrait réalisé par votre serviteur :
Lundi 16 juin
8h50 : Voyage en Accemo pour aller travailler aux archives municipales. Le véhicule est un taxi, conduit par le chauffeur qui m’a dénoncé : il n’ose même pas me parler… Je ne m’étais pas trompé sur son courage ! Comme quoi la France n’a pas changé depuis 1940…
A propos de fascisme :
9h30 : Alors que j’épluche de vieux dossiers, je peine à me concentrer à cause de la conversation de la guichetière avec un collègue : n’y tenant plus, je finis par leur faire remarquer que c’est bien la peine d’intimer le silence aux usagers si c’est pour leur casser les oreilles ! Que peut-on répondre à cela ?
Et encore :
13h : Rentré au bercail, je tombe sur une vidéo promotionnelle vantant le retour de la bouteille consignée en Bretagne… Je ne peux m’empêcher de rire : quand, enfant, je lisais de vieilles BD où il était question d’emballages consignés, je ne manquais pas d’exprimer mon incompréhension à mes parents qui m’expliquaient donc en quoi consistait ce système qui tendait déjà à tomber en désuétude quand ils étaient eux-mêmes petits… Donc, si je résume bien, voilà ce qui s’est passé. Un : on abandonne la bouteille consignée parce que les gens en ont marre de se faire chier à retourner au magasin rien que pour récupérer trois malheureux sous en échange d’un contenant dont ils n’ont plus rien à foutre. Deux : les emballages jetables se généralisent et on finit par s’aviser que si c’est pratique pour le consommateur, c’est surtout un gros gaspillage de matière première, alors on bourre le mou aux gens pour qu’ils recyclent leurs bouteilles. Trois : à cause de l’inflation, les gens ne crachent plus sur les trois malheureux sous que la consigne leur permettrait de récupérer et, surtout, on s’avise que recycler un déchet, c’est bien, mais qu’éviter de le produire, c’est encore mieux ! Et c’est ainsi que les citoyens renouent avec une pratique que leurs grands-parents tenaient déjà pour une survivance d’un passé presque révolu… Et le cas n’est pas isolé : quand ma mère était jeune maman, nul n’aurait imaginé sérieusement que l’automobile individuelle serait de plus en plus tricarde en centre-ville, au profit du vélo voire de la trottinette, ou que le disque vinyle prendrait sa revanche sur le CD qui était censé l’enterrer ! D’où l’inutilité absolue de se mettre « à la page » à tout prix : ce qui est le comble du ringard aujourd’hui peut très bien redevenir le top de la modernité sans coup férir…
Et encore :
15h30 : Je prépare les actes de la journée d’étude sur Cavanna que j’avais organisée en février dernier. Vous avez des étoiles d’admiration dans les yeux en lisant cette phrase ? Chassez-les tout de suite : loin d’honorer les belles-lettres, je suis en train de m’abîmer les yeux à adapter aux normes de la revue les notes de bas de page d’un article qui m’a été envoyé par l’un des contributeurs… Ce serait évidemment plus simple s’ils prenaient tous la peine de respecter d’entrée de jeu les consignes qu’on leur fournit clairement ! Mais j’ai cru remarquer que les gens aimaient bien que d’autres gens se fassent chier à leur place…
Le 16 juin, c'était aussi le jour des 51 ans d'Alexandre Astier :
Cette photo a été prise de justesse en 2013 alors qu'il s'apprêtait à quitter la Fnac de Brest à l'issue d'une séance de dédicace qui avait eu un franc succès.
Mardi 17 juin
13h : Je sors en ville où m’attend notamment ma psychologue. Dans le hall de l’immeuble, je croise un type qui vient distribuer des prospectus : je ne peux pas m’empêcher, avant de partir, de le surveiller pour m’assurer qu’il n’en glisse pas un dans ma boîte aux lettres sur laquelle une étiquette indique clairement que je ne veux pas de pub ! Je sais que je ne devrais pas fliquer comme ça des gens qui en sont réduit à de si peu glorieuses extrémités pour gagner leur vie, mais je déteste tellement la pub que je ne peux m’empêcher d’y oublier toute conscience de classe… Que je n’ai jamais vraiment eue, du reste.
Une image estivale parce que j'imagine que vous en avez plein le dos vous aussi des violences et des cataclysmes :
16h : Après mon rendez-vous chez la psy et un passage à la mutuelle, j’ai décidé d’aller à la piscine pour ne pas laisser perdre la dernière entrée que j’ai sur ma carte. Je pensais naïvement que je gagnerais du temps en prenant le bus. Résultat, pour aller de la gare à la place de la Liberté, je mets un quart d’heure ! Vivement le nouveau tramway…
Et encore une :
Mercredi 18 juin
18h : Dernier cours de dessin de l’année : on prend l’apéro à cette occasion. C’est même le dernier cours tout court pour moi car j’ai décidé de ne pas me réinscrire à la rentrée prochaine : bien m’en prend si j’en crois les conversations qu’entretient la prof avec les autres élèves ! Le discours sur la « rentabilité » commence à faire son entrée dans les écoles d’art, et on sait déjà quels dégâts ils ont commis dans les domaines de l’éducation, de l’énergie, des transports… Les riches d’aujourd’hui n’en ont plus rien à foutre de l’art, ils sont persuadés que les IA finiront par remplacer tout ce pour quoi ils daignent encore lâcher quelques sous ! Bien sûr, ils finiront par déchanter : ce ne serait pas la première fois qu’une technologie susciterait plus de fantasmes qu’autre chose ! Mais d’ici là, on a le temps d’en baver… Ou alors de réaliser la prophétie de Reiser : « Tous au chômage… On aura du temps… On refera le Monde[1] ».
Et une autre :
Jeudi 19 juin
18h : Malgré la chaleur qui n’incite pas à l’aventure, j’ai quand même pris la peine d’aller à la MPT du Guelmeur pour faire acte de présence à ce qui sera probablement la dernière étape de l’exposition Flot Raison consacrée aux poèmes de Myriam Guillaume et à leur illustrations respectives : en effet, Myriam n’a plus que quatre exemplaires de son recueil à vendre et a déjà fait abondamment circuler son exposition, elle a donc décidé de tourner la page et de destiner ses prochains poèmes à un autre livre. Vous avez donc jusqu’au 11 septembre prochain pour en profiter, vous êtes prévenus !
Une photo de l'expo - l'illustration du milieu est de moi :
18h15 : Je profite du vernissage pour montrer un échantillon de mo travail à la responsable culturelle de la MPT en vue d’une éventuelle exposition de mes œuvres dans ces murs. Elle me demande si je suis sur Instagram, je réponds par la négative ; elle me demande aussitôt « Mais alors comment vous faites pour montrer votre travail ? » L’idée de ne plus être sur un réseau social semble devenue aberrante, de nos jours…
Une vidéo où j'interprète un nouveau slam consacré à un personnage tellement méchant qu'il en devient sympathique :
Vendredi 20 juin
7h : Tonnerre de Brest : l’orage éclate et une pluie bienvenue vient rafraîchir une atmosphère qui est resté étouffante toute la nuit. La chaleur ne m’a cependant pas empêché de dormir : mon périple urbain de la veille m’a épuisé et, à peine rentré, j’ai été assommé par un message m’annonçant que mon père était à l’hôpital avec une infection urinaire, je me suis donc écroulé sur mon lit… Alors je sais qu’il y a des choses plus graves dans le monde, mais est-ce que j’ai quand même le droit de m’inquiéter pour ma famille ? J’ai l’impression que c’est toujours à la même période de l’année qu’arrivent les choses plus dramatiques ou les plus inquiétantes… Je crois que je déteste l’été.
En guise de post-scriptum, voici deux croquis réalisés la semaine dernière à la PAM lors des dix ans de la plateforme Kengo et que j'avais oublié de vous montrer :
[1] Jean-Marc REISER, La ruée vers rien, Albin Michel, Paris, 1998.