Samedi 27 mai
10h30 : Me voici sur le Cours Dajot pour participer, en tant qu’exposant, à la cinquième édition du festival Les Jardins Culturels organisé par le Collectif Synergie : efficace comme à mon habitude, je suis déjà installé à une demi-heure de l’ouverture officielle. Le soleil est au rendez-vous, de même que tous mes amis du collectif, tout semble annoncer une journée des plus agréables dans un cadre parmi les plus magnifiques de Brest, je ne vois pas ce qui pourrait entamer mon moral !
11h30 : La fréquentation démarre mollement, ce qui n’est pas fait pour m’étonner un samedi matin. Je prends donc mon mal en patience, me persuadant que ça ira mieux cet après-midi : nous aurons tous les badauds du week-end et ils s’arrêteront pour voir les spectacles. Je me repose sur cet optimisme prudent quand, tout à coup, la grille sur laquelle j’avais accroché ma banderole tombe sous l’effet du vent ! Agacé, je crie à la cantonade qu’il est interdit d’en rire et de me proposer de l’aide : ma voisine, une artiste qui expose juste à côté de moi, me répond qu’elle me comprend et qu’elle ne rirait pas si ça lui arrivait. Après avoir redressé la grille, j’accepte néanmoins qu’on m’en apporte une seconde (il y a un petit surplus en stock) pour gagner en stabilité : ma banderole, dont j’avais dû replier le côté droit dans un premier temps, peut ainsi s’étaler dans toute sa largeur. De ce fait, les caricatures de Sarkozy et Borne, qui avaient été occultées dans un premier temps, sont à nouveau visibles : tant pis, on n’échappera pas à leurs sales gueules !
12h30 : Il faut croire que revoir Sarkozy et Borne porte malheur : la sono ne fonctionne pas ! Un festival privé de sono, c’est comme Rocco Siffredi gavé de bromure ! J’en suis doublement catastrophé, non seulement parce que ça compromet sérieusement l’attractivité de l’événement et, subséquemment, la visibilité des stands, mais aussi parce que je suis programmé en tant que slameur ! Je croise donc les doigts pour qu’on trouve une solution avant le premier spectacle prévu pour dans deux heures…
12h50 : Alors que nous attendons le retour du secrétaire général de l’association, parti chercher une sono de rechange et le repas promis aux exposants, je constate que la présidente-fondatrice du collectif est en pleine discussion animée avec une dame que je ne connais pas. Renseignement pris, cette femme visiblement peu aimable était programmée elle aussi en tant qu’exposante mais, non contente de ne rien avoir compris et d’être allée se perdre au Stang-Alar où elle s’étonnait de ne pas trouver le festival, elle a le culot, une fois arrivée à bon port, de juger que le marché des artisans-créateurs n’est pas à la hauteur de ce qu’elle espérait ! Nous la laissons partir sans regret : cette attitude de diva n’est pas compatible avec les valeurs du Collectif Synergie ! Il n’empêche que je suis vexé et que cette journée commence décidément moins bien que je ne l’espérais…
13h30 : Les visiteurs commencent à arriver, en l’occurrence, comme je m’y attendais, des promeneurs que nos installations intriguent. Je suis quand même déçu de les entendre dire qu’ils ne savaient pas que ce festival se tiendrait aujourd’hui, l’asso avait pourtant tout fait pour communiquer, il y a même eu un article dans Côté Brest ! Je vais finir par penser que les Brestois sont attachés à l’image négative de leur ville et se complaisent dans la représentation d’une cité morte, déserte sur le plan culturel ! Je ne peux cependant pas me plaindre : grâce à la vente de mon fanzine à prix libre Blequin reporter, je viens d’amortir mon emplacement ! Je ne suis pas certain que les autres exposants peuvent déjà en dire autant, même si la location était très bon marché. Une visiteuse semble s’intéresser beaucoup à ce que je propose mais, tout à coup, elle est obligée de se retourner vers son chien, qu’elle a attaché à proximité, et elle me laisse seul avec son fils lourdement handicapé dont elle poussait le fauteuil roulant… Je n’ose pas dire à quel point ce tête à tête me met à l’aise ; j’ose encore moins exprimer ma peur que cette présence ne fasse fuir la clientèle !
14h15 : Les spectacles commencent enfin avec une poétesse accompagnée d’un musicien. Ce spectacle est assez minimaliste, mais ce n’est pas désagréable, bien au contraire, il n’est pas nécessaire de surcharger une scène pour la rendre intéressante. Je me laisse bercer par les délicieuses rimes de cette autrice que je ne connaissais pas, et je déguste, comme il le mérite, ce qui fait tout l’intérêt des événements du Collectif Synergie, à savoir l’opportunité de découvrir des artistes que nous n’entendrons pas de sitôt sur France Inter… Et certainement jamais sur C8 ! La sono fonctionne, le festival est sur les rails, l’ambiance est au beau fixe : il ne peut plus rien arriver de fâcheux, maintenant !
14h30 : Mon enthousiasme devait être aussi bref que celui d’Icare dans le ciel : le micro saute. Je pense un instant me jeter à l’eau moi aussi.
14h50 : Mais qu’est-ce que c’est que cette sono qui marche une fois sur deux ? Agacé et légitimement inquiet, je m’approche de la scène en vue de mon spectacle que je suis censé donner dans dix minutes : j’espère aussi en savoir plus…
14h55 : Un personnage antipathique que je ne connais pas m’explique que le groupe électrogène n’est pas assez puissant pour faire fonctionner la sono, d’où les ratés de cette dernière : tout s’explique, mais je ne comprends pas pourquoi cet individu me le dit sur un ton de reproche, comme si j’étais responsable de cette situation extrêmement déplaisante, et encore moins pourquoi il ponctue son discours de longs silences comme s’il attendait des réponses que je suis incapable de fournir… Encore quelqu’un qui est incapable de s’adresser à une personne avec autisme sans la mettre mal à l’aise ! Je sais, je ne peux pas le lui reprocher, mais ça commence quand même à faire beaucoup de trucs emmerdants que je ne peux reprocher à personne… Je retourne à mon stand et prends le parti d’attendre sagement qu’on m’appelle pour passer sur scène.
15h30 : Après seulement dix minutes de spectacle, la sono, qui avait daigné montrer des velléités de fonctionnement, me lâche pour de bon : étant donné que le public n’est pas très nombreux mais que je ne veux pas le décevoir pour autant, je continue comme si de rien n’était, en parlant aussi fort que je le peux. Je n’ai pas la voix qui porte comme Claire, mais je fais de mon mieux. Il n’empêche que je suis déjà à bout de nerfs !
15h40 : J’ai fini de jouer. Je n’ai pas quitté la scène qu’une grosse musique se met à retentir, m’assourdissant presque ! C’est la goutte d’eau : je craque et je me mets à engueuler l’individu qui m’a pris à partie il y a un instant et qui était derrière moi sur scène depuis le début (comme ce n’est pas lui le responsable du son, je me demande ce qu’il fout là), persuadé qu’il est l’auteur de cette mauvaise plaisanterie ! Il s’avèrera plus tard que je me suis trompé de cible, mais même sans ça, le résultat est quand même là : j’ai perdu patience devant le public… Découragé, je décide de ne m’occuper que de mon stand. Ce n’est quand même pas comme ça que je voyais la première de mon spectacle…
17h30 : Après deux heures passées à ne vendre que quelques babioles anecdotiques et à passer à côté de la scène ouverte qui a eu lieu entretemps en acoustique, je décide de m’informer : le secrétaire général a réussi à louer un groupe électrogène plus puissant, l’espoir d’avoir à nouveau du son avant la fermeture (prévue pour dans deux heures et demie !) revient. Je croise les doigts, car un festival sans sono ne retient décidément pas l’attention…
18h : Après avoir enfin réussi à vendre quelques caricatures, je n’entends toujours rien : on m’apprend que le nouveau groupe électrogène est parfait mais… Que la prise mise à notre disposition n’est pas compatible ! Bien entendu, le secrétaire a dû repartir chercher un adaptateur : Aymeric, notre magicien du son, commence à se faire des cheveux blancs, et moi, je suis à deux doigts de m’arracher les miens…
18h10 : Tout fonctionne enfin ! Cette première journée de festival se termine beaucoup mieux qu’elle n’a commencé grâce au groupe Walden qui nous enchante de sa musique. Les clients s’arrêtent plus volontiers, mon bénéfice sur les caricatures commence à devenir intéressant… Bref, l’ambiance ressemble enfin à ce que j’espérais !
Quelques clients : une adorable jeune fille...
Un jeune homme rigolo...
...et un gars accompagné de son ami Italien :
19h30 : La dernière animation musicale me plait moins : les « set de DJ » où un type se borne à faire passer des disques, je trouve ça bidon ! C’est peut-être intéressant dans les festivals de grande ampleur, où il y a beaucoup de gens à faire danser, mais dans le cas des Jardins culturels, je trouve que ce n’est pas tout à fait dans l’esprit. Je termine néanmoins la journée en beauté grâce à une amie qui m’apporte une dernière cliente, m’offre un verre et m’aide à regagner le centre-ville sans ployer sous mon lourd chargement ! Le bilan n’est donc pas négatif, même si on ne peut que déplorer que les organisateurs se soient fait baiser par la ville sur le matériel… Mais bon, il reste encore une journée !
Dimanche 28 juin
11h : Pour cette seconde journée, je profite du désistement d’une autre exposante pour occuper un barnum : le risque de pluie est très faible pour ne pas dire inexistant, mais le soleil cogne fort et le vent est aussi de la partie. Je peux donc ainsi me protéger des UV et limiter (sans l’annihiler) le risque que ma marchandise soit soufflée par une bourrasque ! L’installation n’en a pas moins été laborieuse, surtout pour ma banderole : j’ai dû faire montre d’ingéniosité pour la fixer sur la devanture du barnum, j’ai même été obligé de percer un trou pour faire passer un crochet ! Je sais que c’est du matériel prêté par la municipalité, mais comme celle-ci s’est bien fichue de nous, c’est la moindre des réparations !
12h : Je reçois la visite inattendue d’une amie historienne qui me demande de la caricaturer : je m’exécute, je suis là pour pratiquer mon métier, mais je suis un peu étonné de cette requête émanant d’une personne que j’ai déjà dessinée au moins une fois. Il est vrai que mon style graphique a beaucoup évolué depuis ; il n’empêche que cette dame doit avoir beaucoup d’humour ! Ou alors c’est une alliée fiable déterminée à me soutenir, l’un n’empêchant évidemment pas l’autre.
12h30 : Une dame m’achète une carte postale ornée d’une parodie de la fameuse pochette d’Abbey Road – j’avais joué sur l’homophonie entre le mot anglais et un substantif français pour remplacer les scarabées de Liverpool par des abeilles ! Vous pensez que cette dame est fan des fab four ? Elle l’est probablement, mais si elle achète cette carte, c’est pour son fils, un adolescent qui adore lui aussi les Beatles ! Comme quoi ils continuent à plaire à des gens qui n’étaient même pas nés quand George Harrison a cassé son chilom : ça veut dire que leurs chansons sont devenues des classiques et ça vaut toutes les consécrations du monde ! Le crétin qui s’était appuyé sur la nudité des pieds de Sir Paul sur la pochette susnommée pour proclamer qu’il était mort en est quintuplement pour ses frais : John, Paul, George et Ringo sont désormais immortels…
12h40 : Le premier spectacle de la journée consiste en une déambulation chorégraphiée sur le cours Dajot proposée par la compagnie Eux, que j’ai déjà vue à l’œuvre au Mac Orlan. Celle qui a l’air d’être la chef réussit à danser tout en portant son garçonnet qui lui tourne autour ! Je suis vivement impressionné, voilà typiquement le genre de performance dont je serais incapable sans au moins dix ans d’entraînement. Je ne comprends rien à la chorégraphie, mais qu’importe, au diable le jargon des critiques, je me contente d’apprécier et ça me suffit ! Il est juste dommage qu’il n’y ait pas eu plus de monde pour admirer ce spectacle, mais bon, à l’heure de midi, c’était couru d’avance…
La compagnie Eux en pleine action :
16h20 : La sono marche parfaitement mais on ne peut pas dire qu’il y a foule : on prétend que les Brestois, par ce temps ensoleillé, préfèrent aller à la plage ou aux Petites Folies qui se tiennent à Plouarzel. Nous récupérons donc les « miettes » de public qui restent, à savoir les gens qui ne se précipitent pas sur le sable pour se bricoler un cancer de la peau ni aux événements hyper-médiatisés où l’on entend des artistes déjà vus partout ailleurs. Bref, notre public a en qualité ce qu’il n’a pas en quantité et ce n’est pas plus mal ! Après la prestation d’une autre troupe de danse, nous avons droit maintenant à la scène ouverte, squattée depuis déjà un peu trop longtemps à mon goût par un chanteur qui ne casse pas trois pattes à un canard… J’ai demandé à Claire à pouvoir passer moi aussi : j’attends avec impatience mon tour, bien décidé à rattraper ma déconvenue d’hier…
Nathalie participe à la scène ouverte :
16h30 : Comme mes chaussures neuves me faisaient mal aux pieds, j’arrive sur scène pieds nus, comme Yannick Noah ! La comparaison s’arrête d’ailleurs là : l’ancien vainqueur de Roland Garros a chanté Angela Davis, pour ma part, je parle de figures féminines non moins marquantes mais un peu plus difficiles à prendre pour modèles, à savoir Charlotte Corday, la meurtrière de Marat, Hélène Jégado, l’empoisonneuse qui a ensanglanté la Bretagne du XIXe siècle et dont Jean Teulé a romancé l’histoire dans Fleur de tonnerre et, last but not least, Marion Fraisse, la jeune fille poussée au suicide il y a dix ans par ses camarades qui la harcelaient… Que voulez-vous, c’est à ces deux criminelles et à cette victime innocente qu’étaient consacrés les trois premiers slams de mon spectacle, alors puisque j’ai les textes sous les mains, j’interprète ceux-là ! Mais l’ambiance est enjouée malgré tout et ma prestation ne semble pas saper le moral du public : avant de repartir à mon stand, pour ne pas partir sur une note trop sombre, je joue « Bienvenue en Finistère » : interpréter un tel texte dans ce cadre, en surplomb du port de commerce, face à la rade de Brest, c’est un rêve ! Je suis tellement ému que je bafouille plus que de raison sur ce texte que je devrais pourtant connaître par cœur… Mais peu importe : mon honneur bafoué hier est sauvé !
Un extrait de ma prestation :
18h55 : Alors que les concerts continuent à battre leur plein (nous avons même eu droit à la prestation d’un duo sympathique et chaleureux), un coup de vent assez fort envoie par terre mes exemplaires de Blequin reporter : ce n’est pas la première fois en deux jours, mais c’est celle de trop ! Je remballe, bien conscient que je n’aurai de toute façon plus de client pour les caricatures. Le bilan est satisfaisant, même si je n’ai finalement gagné qu’un complément bienvenu mais modéré au bénéfice impressionnant de la Foire aux croûtes. Tout n’est cependant pas perdu puisqu’on m’a proposé de venir planter mon stand à Recouvrance dans le cadre de festivités prévues en juillet…
19h : Remballer mes affaires n’a pas été long : tout est déjà entassé dans mes sacs ou dans ma valise. Pour ne pas partir comme un voleur, je tiens compagnie à deux amies qui sirotent quelques bières, me voilà donc le cul dans l’herbe avec elles (mon jean est déjà vieux et le salir ne me gêne pas), les pieds à nouveau chaussés car j’ai peur de marcher sur un morceau de verre et, surtout, les oreilles protégées par mon fidèle casque antibruit – la journée se termine avec le même DJ qu’hier. Je pensais que non content d’éviter une rude épreuve à mes tympans, mon casque allait me forcer à crier pour me faire entendre et me permettre ainsi de me faire entendre des interlocutrices malgré le bruit. C’est faux : en fait, comme l’ambiance sonore est largement atténuée pour moi, je ne me rends plus compte à quel point le DJ fait hurler la sono, et je ne parle finalement pas plus fort qu’à l’ordinaire, ce qui me rend proprement inaudible pour mes deux amies ! Il m’est donc impossible de participer à la conversation : je n’en ai que d’autant plus hâte de rentrer, mais je reste sagement sur place par respect pour elles : l’une a accepté de me reconduire jusqu’à chez moi et l’autre est en train de me tirer le portrait à l’aquarelle… Beaucoup de gens s’étonnent que j’aie une vie sociale aussi intense malgré mon autisme : je réponds à chaque fois que ça ne s’est pas fait en un jour. De fait, pour avoir des amis, il faut être patient !
Lundi 29 mai
11h45 : Après un week-end pareil, je devrais me reposer. Mais j’ai donné rendez-vous à une amie peintre revue hier au festival pour une séance de dessin en plein air : mercredi dernier, dans le cadre du cours du soir, nous étions sortis prendre pour modèle une maison du Bergot, je n’avais pas eu le temps de terminer et je n’avais pas de quoi prendre une photo pour terminer le travail à la maison. Le mieux à faire était donc de retourner sur place : pour ne pas me sentir angoissé dans ce cadre pavillonnaire peu passant et guère plus accueillant, j’ai donc demandé à cette amie, avec qui j’ai déjà dessiné une fois en plein air, de se joindre à moi. La journée s’annonce belle, même si elle commence sur une fausse note : dans le tram, un cas social édenté s’installe près de moi en criant des propos sans suite ! Étant loin d’être remis de mon week-end, je perds patience et j’essaie de lui faire comprendre (de façon peu amène, j’en conviens) que la rame est déjà assez bruyante du fait de la présence d’enfants dissipés : il crie de plus belle et je vois bien que je risque un mauvais coup si j’insiste… Ce genre de rencontre n’est, hélas, que trop fréquente !
12h30 : Nous voilà sur place, mon amie et moi : je ne lui avais pas expliqué précisément où nous allions, elle est donc un peu désemparée quand elle comprend qu’elle va devoir dessiner une maison, elle qui n’est guère habituée à peindre des éléments d’architecture. Elle a cependant de la chance : l’édifice est une ancienne ferme toute en pierres, dans laquelle il ferait bon prendre un peu de repos, ça n’a rien à voir avec un pavillon mesquin où s’entasserait une famille de beaufs armés jusqu’aux dents ni avec un HLM sordide où la police n’oserait pas entrer… Tout en dessinant, moi à l’encre, elle à l’aquarelle, nous devisons, et elle en arrive à parler de ses années de lycée : elle a fréquenté le même établissement que moi, à quelques années d’écart. Elle me raconte ainsi que, sous prétexte qu’elle était fille d’immigré tunisien, bon nombre de ses camarades étaient persuadés qu’elle connaissait des vendeurs de drogue ! Même que quand deux gamines se sont fait prendre en flagrant délit de consommation d’herbe illicite, elles l’ont accusée de leur avoir fourni la marchandise, ce à quoi le proviseur et le CPE de l’époque ont cru sans sourciller ! Ayant connu les responsables concernés, je suis très déçu par l’attitude de ces deux personnes pour lesquelles j’avais pourtant beaucoup d’estime. En tout cas, qu’on ne me dise plus que la banalisation des idées d’extrême-droite est l’expression d’une souffrance sociale : cette anecdote, d’une part, prouve que les cas sociaux peu éduqués n’ont pas le monopole des préjugés raciaux et, d’autre part, rappelle que les personnes visées par ces idées, non contentes d’avoir les mêmes problèmes que tous les autres Français, doivent en plus supporter le soupçon permanent qui pèse sur leurs épaules rien qu’à cause de leurs origines et que ce sont peut-être elles qui souffrent le plus, finalement…
Mon dessin réalisé d'après modèle (la consigne donnée par la prof était de subvertir les perspectives, ne vous étonnez donc pas) :
En attendant que mon amie finisse son dessin, j'ai pris un croquis plus "classique" :
Après, mon amie a voulu dessiner dans un espace vert :
16h : Satisfait mais épuisé et ayant encore des tâches ingrates à exécuter chez moi, j’ai poliment refusé l’invitation de mon amie à boire un dernier café à son domicile : elle me tient cependant compagnie à l’arrêt où j’ai laissé passer le bus pour Lambé ; les horaires des jours fériés étant ce qu’ils sont, j’apprécie de ne pas rester seul en attendant le prochain ! Ma compagne d’aventure m’impressionne par sa facilité à nouer le contact avec d’autres voyageurs qu’elle ne connait cependant ni d’Êve ni d’Adam : elle trouve le même le moyen de vanter mes talents auprès d’une jeune femme qui attend elle aussi l’autobus, ce que je n’oserai jamais faire ! Elle vante l’artiste, mais c’est l’autiste qui est là…
En conclusion, à l'occasion de la fête des mères, voici un portrait de mes parents en Simpson :
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, à bientôt !
Dimanche 21 mai : les enfants nés à partir d'aujourd'hui seront du signe des gémeaux
12h30 : Bien qu’épuisé par la foire aux croûtes, je fais encore un effort pour arroser une dernière fois mon 35ème anniversaire avec quelques invités. Tout se passe bien, je mets un point d’honneur à tout faire moi-même ou presque : c’est plus simple comme ça, en tout cas pour moi, et je peux ainsi profiter des conversations. Ainsi, l’une des convives me fait part d’une interview récente où ce crétin de Houellebecq déclare qu’une société qui légalise l’euthanasie n’en a plus pour longtemps et qu’il est contre le droit de mourir dans la dignité ! S’il pouvait commencer par vivre dans la dignité, ce ne serait déjà pas si mal ! Bon, je sais c’est un peu facile, mais pas beaucoup plus que les provocations à deux balles de cet écrivain fascisant… Un autre de mes invités, un fort bel adolescent, me fait part de son choix de faire son SNU pour ne pas devoir faire la JDC : en clair, il préfère que l’armée lui vole douze jours au lieu d’un seul ! Devant l’étonnement que sa déclaration m’inspire, il m’explique que c’est parce ça fait mieux sur un CV… Sincèrement, entendre un ado parler ainsi me fait un peu peur : certaines personnes disent que les jeunes d’aujourd’hui ne s’intègrent pas, pour ma part, je trouve qu’ils s’intègrent un peu trop vite !
Quelques dessins sur les livreurs de repas à domicile, des jeunes qui n'ont pas vraiment choisi de vivre dans l'indignité...
Lundi 22 mai
11h : Après trois jours de foire aux croutes et une journée à me faire gâter par mes amis, le retour à la réalité est un peu dur… C’est aujourd’hui que les nouvelles lignes de bus entrent en vigueur à Brest pour faire face aux travaux de la deuxième ligne de tram, ce qui fait rouspéter à peu près tout le monde ! Moi-même qui suis favorable au tram et à la deuxième ligne, j’essaie de prendre la chose avec « philosophie » (comme disent les béotiens), mais je suis obligé de reconnaître que se déplacer en bus est désormais une galère insupportable : les lignes ne sont plus les mêmes à l’aller qu’au retour, elles font des détours invraisemblables, les plans indiquant les nouveaux arrêts ne sont pas clairs… Je comprends mieux pourquoi les Brestois avaient tellement râlé à l’époque des travaux de la première ligne : à l’époque, j’habitais à Guilers, je ne me rendais donc pas compte à quel point c’était une gêne au quotidien. Devoir traverser des rues forées dans le bruit et la poussière, ce n’est rien : en revanche, faire la route suivant des itinéraires tracés en dépit du bon sens, ça, c’est vraiment fatigant…
Puisqu'on parle de Guilers...
14h15 : Malgré mes difficultés pour me déplacer, j’arrive à faire tout ce que j’avais prévu. Le moral revient donc assez vite mais, bien sûr, il y a un caillou dans ma chaussure : quand je passe au Patronage laïque Guérin, qui n’est pas d’un accès très facile, pour récupérer un dessin que j’avais accepté de prêter pour une exposition, la secrétaire qui m’accueille ne sait même pas de quoi je parle… Je ne peux pas lui en vouloir, mais j’ai horreur de tomber sur une personne ignorante ! Je repars donc quelque peu contrarié et je me prépare à reprendre le bus pour rentrer à Lambé : naïvement, je vais au niveau d’une station desservie à l’aller… Pour découvrir qu’elle ne l’est pas au retour ! Une dame, manifestement encore plus paumée que moi, me demande de la renseigner : j’avoue avoir bien du mal à l’éconduire poliment… Putain, trois ans !
Quelques dessins sur l'actualité internationale (Israël et Turquie) pour relativiser :
19h : Faire le journaliste, ce n’est pas toujours du gâteau : rien qu’aujourd’hui, j’aurai eu un article en mal d’illustration et un paragraphe à modifier en dernière minute pour éviter d’être accusé de diffamation… Et ce ne sont même pas les ennuis les plus terribles que l’on puisse connaître !
Mercredi 24 mai
10h : Sortie chez Artéis pour acheter des agrafes. Je ne vais pas m’amuser à fouiller tout le magasin, je préfère donc solliciter une vendeuse : celle-ci me conduit au rayon concerné, et me tend… Une agrafeuse. Je retiens mon envie de lui claquer le beignet et j’articule que je veux des agrafes et non une agrafeuse : après avoir fouillé le rayon de son regard à moitié endormi, elle est obligée de reconnaître qu’il n’y en a pas ! Ils vendent des agrafeuses, mais pas d’agrafes ! Autant imaginer un concessionnaire qui vendrait des bagnoles sans moteurs ! Dépité, je me résigne à affronter l’horreur des lignes de bus pour me rendre à Bureau Vallée…
Une petite bêtise (?) sur la notion de "majorité silencieuse" :
11h05 : J’ai ma boîte d’agrafes, pour laquelle j’ai déjà perdu une heure : pour ne pas me taper une seconde fois la ligne qui relie Lambézellec à la place de la Liberté, qui est plutôt fastidieuse, j’ai la mauvaise idée de monter jusqu’à la place de la Strasbourg pour prendre le bus qui dessert Bohars et passe au pied de mon immeuble. Si je dis que cette idée était mauvaise, c’est parce qu’une fois arrivé, je découvre que le véhicule vient de partir et qu’il n’y en aura pas d’autre avant une demi-heure… Je craque et pousse un cri de colère ! Cet éclat provoque l’hilarité de deux jeunes crétins qui essaient même de me faire peur, dans l’espoir de me faire crier encore plus fort ! Mais je ne leur laisse pas ce plaisir et je les surveille pour qu’ils ne me fassent pas une niche… Je redescends jusqu’à la place de la Liberté car je n’ai aucune envie de poireauter plus longtemps, mais je commence vraiment à en avoir marre…
Deux dessins sur la beauté féminine pour oublier toute cette m****...
11h50 : Enfin de retour à Lambé. Je pousse un soupir de soulagement, mais deux heures pour une petite boîte d’agrafes, c’est râlant… Si je ne veux pas péter les plombs, il va falloir que j’organise mes déplacements à venir au micropoil ! Je profite néanmoins d’être au bourg pour acheter un peu de magnésium à la pharmacie : on les vend par lot de deux boîtes, mais j’insiste pour n’en acheter qu’une, le préparateur qui me reçoit est donc obligé de demander à sa collègue si c’est possible. En attendant que se termine au plus vite ce remake du fameux sketch de Desrpoges sur les piles, j’entends une autre cliente et une autre préparatrice se féliciter de concert du « beau temps »… Entendre ça alors qu’on nous répète que la sécheresse devient catastrophique ! Je suis à deux doigts d’intervenir dans la conversation, mais je suis trop pressé de partir : fort heureusement, on accepte assez vite de me vendre une boîte seule… Vite, au bercail !
Puisqu'on parle de la sécheresse...
N'oublions pas le Canada où des incendies font des ravages...
20h50 : Après avoir fait du dessin en extérieur au cours du soir puis savouré quelques frites, j’attends le bus pour rentrer à Lambé : je m’installe d’abord à l’arrêt voisin de l’hôtel de ville, mais j’y subis la compagnie d’un crétin qui fait hurler sa musique de merde sur son smartphone. Je me rends donc à l’arrêt de départ, à proximité de l’hôpital Morvan, ce qui nécessite de marcher dans la poussière d’un trottoir récemment cassé et encore en attente d’asphalte neuf... Machinalement, je pose mon carton à dessin en l’appuyant contre la vitre de l’abribus… Mais celle-ci n’existe pas et mon carton tombe par terre ! J’éconduis poliment la jeune fille qui voulait m’aider à le ramasser… C’est là que l’on sent tout le mépris dont les usagers des transports en commun font l’objet : les pouvoirs publics ont beau se gargariser de beaux discours sur la mobilité responsable et tout le tralala, les sans-bagnoles sont toujours considérés comme des sous-hommes et traités comme tels…
Jeudi 25 mai
12h30 : Je rentre une nouvelle fois du centre-ville : depuis le bus, j’ai pu voir passer une amie, je n’allais pas faire comme si je ne l’avais pas vue. J’échange quelques mots avec elle quand, tout à coup, nous sommes apostrophés par des gosses de l’école voisine qui nous appellent « monsieur et madame » ! Ils nous prennent peut-être pour un couple : il n’y a que les enfants pour s’imaginer qu’une gracieuse personne comme elle pourrait vivre avec moi ! Une fée amoureuse d’un ogre, on ne voit ça que dans les dessins animés… Et que nous veulent ces gamins ? Ils nous demandent si nous pouvons récupérer la balle qu’ils ont envoyée par-dessus la clôture de l’école : mais nous ne voyons même pas où elle est… Une fée ne peut pas toujours porter bonheur, surtout accompagnée par un monstre !
17h45 : Tout semble s’arranger, j’ai même réussi à récupérer mon dessin au PL Guérin. Je reprends la route vers la fac Segalen où doit avoir lieu une conférence sur les travaux menés par la municipalité de Brest au XVIIIe siècle : en chemin, je croise une jolie jeune femme qui me salue et me demande si ça va. Je ne sais absolument pas où j’ai pu rencontrer une demoiselle aussi séduisante, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je suis apostrophé par quelqu’un que je ne reconnais pas, mais ça fait plaisir quand même…
Bruno Baron, le conférencier :
Deux jeunes clientes du Biorek brestois où je suis allé dîner après la conférence :
Vendredi 26 mai
14h : La semaine a été bien remplie, je n’ai pas vraiment eu le temps de récupérer de la foire aux croutes, et je dois déjà me préparer pour le festival Les Jardins culturels qui a lieu ce week-end… La vie d’artiste n’est définitivement pas de tout repos !
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Jeudi 18 mai
9h : C’est parti pour la foire aux croûtes ! L’installation de mon stand est assez laborieuse car j’ai été doublement déraisonnable : premièrement, j’ai copieusement arrosé mon anniversaire hier soir avec quelques amis et je sens bien que je n’ai pas tout à fait récupéré de ma soirée. Deuxièmement, je croyais gagner en efficacité en mettant tout le matériel dans une seule valise : grave erreur, elle est beaucoup trop lourde et j’ai d’autant plus de mal à la tracter que les roulettes sont déjà usées… Bref, quand j’arrive enfin devant la grille qui m’a été attribuée, mes métacarpiens ont perdu une partie de leur agilité et ma patience est quelque peu entamée, de sorte que je ne peux réprimer un hurlement d’agacement quand je constate que mes crochets sont décidément trop petits pour me permettre de fixer ma banderole à la barre supérieure dont j’avais sous-estimé l’épaisseur : une bénévole a heureusement la gentillesse de venir m’aider et de me donner deux objets plus adaptés qui résolvent mon problème… Il faudra tout de même que je trouve une autre solution pour demain.
10h30 : La fréquentation commence mollement mais c’est normal, le jeudi matin. Après tout, si je ne m’étais pas engagé, j’aurais bien fait la grasse matinée moi aussi… J’ai mon premier client, un homme assez âgé qui vient se faire caricaturer à chaque fois qu’il a la chance de me trouver à la foir, donc presque chaque année depuis dix ans : comme c’est un fidèle, je lui fais payer son dessin au tarif réduit. J’aimerais bien voir toutes les caricatures qu’il affirme posséder : ce serait un aperçu saisissant de l’évolution de mon style graphique – et, aussi, de son vieillissement…
11h20 : Un journaliste du Télégramme me pose quelques questions et me photographie : je dois donc m’attendre à avoir les honneurs de son journal ce week-end. Il affirme m’avoir croisé plusieurs fois et me considère manifestement comme un personnage connu sur la place de Brest : il n’a peut-être pas tort, mais j’attends de faire un bon chiffre pour avoir la grosse tête !
11h30 : Je caricature un petit garçon. Rien de très nouveau, beaucoup de parents viennent me retrouver pour que je dessine leurs enfants : ça ne me gêne pas, le client est roi ! Cela dit, je suis impressionné par le sérieux dont font montre ces jeunes modèles : il n’est pas rare que les gens plus âgés soient mal à l’aise, s’esclaffent nerveusement, tremblent dans l’attente du résultat… Mais les enfants, non ! À leur âge, les problèmes d’image ne pèsent pas sur leurs frêles épaules avec la même pression que sur celles des adultes : ils ont bien raison de ne pas prendre au sérieux des questions si futiles ! Les adultes ne sont jamais que de grands enfants qui jouent à se faire du mal… Et ils y arrivent plutôt bien !
12h30 : Alors qu’un homme que je compte dans mes relations, instituteur à la retraite et photographe en activité, me fait la conversation, je ressens soudain une vive douleur à la jambe : elle est si forte que je ne peux m’empêcher de hurler de douleur. Mon interlocuteur, qui a joué au football dans sa jeunesse, a le bon réflexe de tirer sur mon membre inférieur : la douleur se calme aussitôt. Je ne connais que trop bien la provenance de ce mal momentané : il est dû tout bonnement à l’alcool que j’ai ingurgité hier soir… En tout cas, c’est bien la première fois que le foot me rend service !
12h45 : Sur la scène, le duo Guillou-Lamanda interprète quelques chansons populaires brestoises : je ne peux m’empêcher de pleurer en réécoutant à cette occasion « La complainte de Jean Quéméneur »… J’ai parfois entendu des gens déclarer que cette chanson les faisait rire ! Je ne vois pourtant rien de drôle dans l’histoire de ce pauvre homme, orphelin très tôt, abandonné par une drôlesse infidèle et mort noyé après avoir sombré corps et bien dans l’alcool… Il faut croire que le cocu ivrogne ne peut pas inspirer la pitié : ça lui fait un point commun avec le premier de la classe…
13h : Une Gitane fait la manche et me sollicite : je crois la reconnaître, je lui avais déjà fait l’aumône jadis. Aujourd’hui, je ne donne plus d’argent à personne : je ne vois pas pourquoi ce serait à moi d’aider les démunis alors que des sommes faramineuses circulent dans les mains d’une poignée de privilégiés ! Et ce n’est pas de gaité de cœur que j’adopte cette attitude : je me sens sale, quand je refuse la charité à quelqu’un !
13h10 : Un chien aboie à qui mieux mieux sur la place. Agacé, je hurle « Ta gueule, con de chien » ! J’ai beau savoir que ça ne sert à rien, je ne peux pas m’en empêcher, j’espère au moins faire réagir sa maîtresse qui n’a pas l’air de se rendre compte que son clébard fait peur aux gens et pourrit l’ambiance : bien évidemment, il n’en est rien, c’est contre moi que ça se retourne, elle défend son monstre en affirmant qu’il « dit bonjour » ! Si c’est sa façon à lui de saluer, je plains les amis de sa patronne : ils doivent avoir hâte qu’il leur dise « adieu »…
13h20 : Je reçois la visite de l’administrateur de la compagnie des Fous de la rampe. Évidemment, ça ne rate pas, il me demande mon avis sur la pièce Les perroquets à laquelle j’ai pu assister gratuitement grâce à lui : je me borne à dire que je trouvais que Faustine Kermarrec sonnait faux dans son rôle de « blanc-bec » ; il me confirme que cette comédienne est débutante, qu’elle l’a même inquiété lors des premières répétitions mais que ses progrès ont été fulgurants ! Il ajoute qu’elle a été meilleure à la représentation du soir. Je veux bien le croire, tant mieux pour la troupe…
13h50 : Un homme me fait caricaturer une femme malvoyante : il est un peu déçu du résultat qui, à ses yeux, vieillit le modèle, mais l’intéressée, qui arrive à apprécier mon dessin avec une loupe, est satisfaite. Il est fort peu fréquent que j’aie une réclamation quelconque et, les rares fois où ça se produit, ça ne vient jamais de l’individu caricaturé lui-même mais plutôt de l’éventuelle tierce personne qui lui a payé le dessin : paradoxal, non ? Enfin, celui-ci ne va pas jusqu’à me demander d’être remboursé…
14h45 : Je viens d’amortir mon emplacement. Ça n’a l’air de rien, mais je ne suis pas certain que tous les artistes aient la chance de gagner assez d’argent pour couvrir les frais de réservation de leur stand, surtout au bout de seulement une demi-journée ! La foire commence donc bien pour moi, mais je me garde de crier victoire trop tôt…
15h30 : Manuel J. Grotesque passe sur scène : je ne sais pas qui s’occupe de la programmation musicale, mais je ne lui dis pas merci ! Les textes se veulent décalés mais ils ne sont que débiles, et la musique est insupportable ! Je n’ai jamais entendu quelque chose d’aussi con et j’ai presque envie de tuer l’individu qui brame ces inepties ! Que ce soit clair : le côte « C’est très con, mais on s’en fout, qu’est-ce qu’on rigole », ça va bien cinq minutes et le second degré n’excuse pas tout, surtout pas de faire de la merde !
16h : Le show de Manuel J. Grotesque me paraît interminable : c’est donc dans de mauvaises dispositions que je reçois un jeune couple qui a décidé d’être chiant ! Non seulement ils n’ont pas de monnaie, ce qui oblige mademoiselle à aller retirer du liquide aux halles Saint-Martin mais, par-dessus le marché, cette péronnelle, qui s’était déjà fait tirer l’oreille par son compagnon pour s’asseoir sur mon tabouret, y renonce carrément au dernier moment, prétextant une « urgence » ! Heureusement que ce genre de rencontre est plutôt rare…
18h45 : Je remballe, satisfait de cette première journée où j’ai déjà plus que doublé la mise. Après mille difficultés pour tracter mon chargement sur à peine quelques mètres, je range le matos chez mon ami Jean-Yves, en me promettant de revenir demain avec trois autres contenants et de jeter dans la foulée cette vieille valise complètement pourrie ! Histoire de gagner du temps, je m’achète une saucisse-frites pour pouvoir manger sur place : ce n’est pas le nec plus ultra en matière de gastronomie, mais quand on s’est contenté d’une boîte de thon à midi et qu’on a eu une journée fatigante, ça fait un bien fou ! Je garde tout de même mon casque antibruit pour supporter la foule environnante et ce n’est pas le collectif de hip-hop qui joue sur scène qui me donne envie de m’ouvrir au monde…
Vendredi 19 mai
9h20 : Maman, j’ai ma photo dans le torchon ! Un badaud m’ayant signalé que ma photo était déjà parue dans Le Télégramme, je m’empresse, avant l’ouverture, d’acheter le numéro en question : le rédacteur me qualifie d’ « incontournable » et de « bouille bien connue à Brest »… Il y a des réputations plus lourdes à porter ! Cette fois, j’ai attaché ma banderole à la grille avec de vieux lacets retrouvés dans un tiroir : c’est plus simple et plus sûr qu’avec des crochets…
"Le baby-foot de la duchesse Anne" : il fallait y penser, non ?
11h : Je n’ai toujours pas eu de clients, mais c’est normal le matin, surtout le vendredi. Je prends donc mon mal en patience, ce sont surtout les gosses qui crient sur le parc de jeux qui m’agacent… Quand je pense qu’on m’enguirlandait chaque fois que je haussais la voix parce que quelque chose me gênait, j’ai un peu de mal à digérer qu’on laisse les gamins hurler sous prétexte de défoulement !
Thierry Richard et moi-même nous photographions mutuellement :
11h30 : Je reçois ma première cliente de la journée. Je suis assez content du résultat mais je n’ai pas le réflexe de prendre une photo d’elle avec sa caricature : je ne sais pas exactement selon quels critères je décide de le faire ou non, ça dépend en grande partie du rapport que j’entretiens avec le client pendant ce court laps de temps où nous établissons un lien très particulier. Ce qui m’étonne, c’est d’avoir fort peu de refus, alors même que je précise à chaque fois que c’est pour mon blog que je prends ce cliché ! Il est vrai que de nos jours, se retrouver en photo sur Internet est totalement banalisé…
11h45 : Voyant mon nom sur les cartes de visite que j’ai installées sur mon tapis, au pied du tabouret destiné à recevoir les clients, un badaud me félicite pour mes articles historiques dans Côté Brest. Mine de rien, beaucoup de gens, à Brest, me connaissent au moins sous un angle ou un autre : si ce n’est pas en tant que correspondant de presse, c’est en tant que dessinateur, et ceux qui n’ont pas assisté à une de mes conférences ont un proche que j’ai eu comme étudiant… Il y en a qui se croient importants pour moins que ça !
12h25 : Un gamin, devant les dessins que j’expose, est fasciné par celui parodiant Alerte à Malibu et représentant une sorcière en maillot de bain : je suis à deux doigts de lui dire que je n’allais quand même pas la faire en burqa ! Remarquez, même en burqa, Pamela Anderson et ses petites copines n’arriveraient pas à cacher leurs anatomies…
Je n'ai pas pu résister au plaisir de photographier un bébé avec son papa (dont j'ai flouté le visage par sécurité) :
12h45 : « Les petites chansons folk » sauvent l’honneur de la scène, bafoué hier par l’imbécile qui m’a tant cassé les oreilles : voilà un spectacle sympa, familial et bon enfant, on a même droit à des reprises des Beatles ! Vous voyez bien qu’on n’a pas besoin de chercher à tout prix quelque chose de totalement inédit pour plaire au public ! L’originalité, c’est comme toutes les bonnes choses, point trop n’en faut : si certaines choses sont faites et refaites depuis des années, c’est parfois pour de bonnes raisons…
14h45 : Je réalise une caricature d’après une photo sur smartphone : je suis étonné qu’on ne me l’ait pas déjà demandé au moins deux fois depuis hier ! Y aurait-il donc un espoir que la civilisation du tout-numérique n’écrase pas tout ?
15h10 : Je retrouve une de mes meilleures amies, qui me demande de caricaturer la fille de son fiancé : je le fais avec d’autant plus de plaisir que la demoiselle est absolument charmante, je serais presque prêt à travailler gratuitement si je n’avais pas besoin d’argent…
15h25 : Je ne voulais pas y croire en consultant le programme, mais c’est la vérité : c’est bien une sélection d’artistes familiers des scènes ouvertes Mic Mac qui nous est proposée ! Ainsi, j’ai l’immense plaisir de réécouter successivement Carlos et Morgane sur une scène à la hauteur de leur talent ! Non, on m’a pas sollicité et c’est tant mieux : j’aurais probablement refusé, on ne peut pas être à la fois au four et au moulin…
Morgane dans l'arène :
16h30 : Je m’attendais à tout moment à recevoir un groupe de quatre : c’est enfin arrivé ! J’ai bien fait d’emmener un carnet au format A3 : hélas, c’est du papier aquarelle et l’encre de Chine a bien du mal à l’imprégner ! Tant pis, je fais avec, et au final, les clients sont quand même satisfaits : je me demande si le public n’est pas plus indulgent qu’on ne le dit…
D'autres clients de la journée :
Ce jeune homme tient dans la main gauche le billet avec lequel il va me payer, ce n'est pas un...
19h30 : Je fais découvrir le Biorek brestois à une amie très chère et à son mari, venus spécialement de Nantes pour la foire aux croûtes. Les circonstances ne sont pas idéales : tout le monde a l’air de juger que dix-neuf heures trente, l’heure pour laquelle j’avais réservé, c’est trop tôt pour dîner… De surcroît, j’avais prévenu Alexandre que nous viendrions à trois ou quatre, et nous arrivons à sept, avec une copine commune, ses deux nièces et un garçon que mon amie a trouvé dans la rue et que je ne reconnais absolument pas ! Pire, je m’engueule avec ce dernier quand il me sort un discours anti-vaccin : il me parle d’une dame qui a contracté la maladie de Charcot peu après avoir reçu le vaccin anti-covid (car, bien sûr, il ne peut pas y avoir d’autres causes), il me ressort l’argument des effets secondaires (je n’ose pas lui parler des personnes « à risque » qui n’en ont ressenti aucun), il parle des cancers qui peuvent survenir « vingt ans plus tard » (je lui rirais au nez si j’en étais capable), il trouve bizarre qu’on ait trouvé le vaccin en si peu de temps (car les chercheurs sont tous des incapables, c’est évident)… Ce n’est pas tout à fait comme ça que je voyais mes retrouvailles avec mon amie ! Mais je n’en dis rien et celle-ci, reconnaissante de m’avoir fait découvrir ce bel endroit, me donne une bise…
20h30 : Après avoir dîné, nous retournons sur la place. J’ai bien failli partir tout de suite, mais je n’allais pas abandonner si vite mon amie que je ne suis pas sûr de revoir demain… Celle-ci, par égard pour moi, a l’élégance de faire en sorte que nous nous tenions à l’écart de la foule, au grand dam de notre copine commune : celle-ci me dit (je cite de mémoire) « Heureusement que tu es autiste, sinon on dirait que tu es un casse-burnes » ! Cette parole peu amène, quoique proférée sur un ton qui exclut toute malveillance, me rappelle cette réplique du futur-ex-compagnon de Marguerite dans La différence invisible : « Ah oui, c’est vrai que tu es « Asperger ». La belle excuse ! »[1] Certaines personnes trouvent incongru de considérer le syndrome d’Asperger comme une différence « invisible », mais c’est pourtant la vérité : comme rien ne semble différencier de visu les « aspies » des « neurotypiques », ces derniers n’ont que trop tendance à envisager les manifestations de mal-être comme des caprices ; il ne viendrait à l’idée de personne de dire à un unijambiste qui refuse de courir le cent-mètres-haie que son handicap est une « bonne excuse », mais tout le monde trouve intolérable qu’une personne avec autisme, si elle n’a pas l’air d’un mongolien, ne plonge pas à pieds joints dans des ambiances qui seraient pour elle des sources d’angoisse voire d’oppression ! Un jour, peut-être, je dirai à cette copine à quel point ses paroles m’ont blessé…
22h45 : Je repars. Je dois me lever tôt demain matin pour ne pas rater l’ouverture de la foire. Je reste un peu sur ma faim : mon amie a revu beaucoup de gens qu’elle avait l’habitude de fréquenter quand elle habitait à Brest et fréquentait le quartier de Saint-Martin ; ils me connaissaient eux aussi mais je ne m’en souvenais absolument pas, je n’avais rien à leur dire, et je me suis vite senti seul alors même que je ne l’étais pas… Décidément, même sans me mêler à la foule qui braille devant la scène, ces ambiances ne me valent rien ! Faut-il que j’aime mes amis pour passer outre : n’empêche que j’ai hâte de revoir cette (encore) jeune femme dans un cadre un peu plus calme…
Samedi 20 mai
9h55 : Alors que j’ai déjà installé mon stand et que l’ouverture est pour dans cinq minutes, j’éprouve le besoin impérieux et urgent de passer un coup de balai : les mégots, les capsules et autres déchets ont cochonné l’espace situé devant moi, je ne peux supporter d’attendre que les bénévoles le nettoient à ma place, un mélange d’impatience et de culpabilité m’amène à faire ce sale boulot. Un gamin ratisse la place sous mes yeux, probablement poussé par ses aînés, il me fait penser à Zorrino dans Tintin, cet « enfant des rues voué à la débrouillardise et aux petits boulots pour survivre »[2], alors même que sa situation n’est certainement pas comparable : ça achève de me motiver à exécuter cette tâche désagréable pour laquelle je ne suis même pas compétent, j’emporte beaucoup de cailloux avec moi, j’en remplis les sacs poubelle, je suis obligé de ramasser certains déchets à la main… Je m’arrête quand j’estime que la place est suffisamment nette devant moi pour ne pas dégoûter les clients : une bénévole me remercie, m’assurant que je n’étais pas tenu de faire ça, qu’ils s’en seront occupés… Est-ce que je dois être fier de moi ? En tout cas, j’espère que les fêtards qui ont à ce point salopé l’espace public ne le sont pas, eux !
11h10 : La surprise de cette année aura été les badges-magnets, qui se vendent assez bien : un gamin m’achète celui représentant le logo de la Cinq de Berlusconi détourné en symbole communiste ! Il n’était pourtant pas né quand cette chaîne de télé s’est éteinte : il me confirme qu’il ne la connaissait pas, il me précise que c’est son frère qui lui a demandé de l’acheter, davantage pour la référence au communisme que pour l’évocation d’un média disparu. J’avoue que je me passe volontiers des archives de la Cinq en ce moment : je n’ai pourtant aucune raison d’être nostalgique de cette chaîne, je n’ai jamais aimé ni les séries américaines ni les dessins animés japonais, et je n’avais même pas quatre ans quand elle a cessé d’émettre ; ce qui m’intéresse, c’est moins la Cinq en tant que telle que l’époque qu’elle représentait, où les choses semblaient, sinon idylliques, en tout cas moins stressantes qu’aujourd’hui…
11h30 : Comme chaque année, la dernière journée de foire s’est ouverte en « fanfares », au sens propre comme au sens figuré : il faut être honnête, les fanfares, c’est toujours plus ou moins la même chose, j’ai un peu de mal à comprendre qu’on puisse encore s’y intéresser à l’âge adulte ! Je ne devrais pourtant pas cracher dans la soupe car ces ensembles cuivrés attirent du monde et mon petit commerce en bénéficie. Il n’empêche que ça me casse vite les oreilles et que j’ai hâte que ça prenne fin…
13h : On me photographie encore : j’y aurai eu droit sans cesse pendant ces trois jours, que ce soit de la part de professionnels en quête d’images pittoresques ou de la part d’amateurs qui voulaient simplement un souvenir du passage d’un de de leurs proches sur mon tabouret. Je vais finir par me prendre pour une cover girl ! Après tout, pourquoi il n’y aurait que les femmes qui auraient le droit d’être rondes et séduisantes ?
14h50 : Celui qui avait été mon premier client du week-end m’apporte un nouveau modèle, une vieille dame qui porte le masque : quand elle l’enlève pour se faire caricaturer, je la trouve très belle et j’ai beaucoup de plaisir à la dessiner… Je n’ose pas le lui dire, j’ai peur de passer pour un gigolo !
16h30 : Une jeune et charmante cliente me demande l’autorisation de m’interviewer en vue d’un projet théâtral dans le cadre de ses études. Je n’ose pas refuser mais je le regrette assez vite, d’une part parce que ses questions sont beaucoup trop générales (c’est une erreur répandue chez les débutants) et auraient nécessité un temps de réflexion ou, au moins, un contexte un peu moins animé, d’autre part parce que les passants hésitent à me solliciter, pensant que je suis trop occupé : j’y remédie en improvisant un panneau précisant que ce n’est pas parce que je suis en train de répondre à la demoiselle que je ne peux pas faire de dessins. Bien m’en prend, les clients reviennent aussitôt. Il n’empêche que j’ai l’impression que l’entretien a duré longtemps et je serais curieux de voir ce que cette jeune fille va tirer de nos échanges : je risque d’être surpris par mes propres réponses !
18h45 : Je suis en train de remballer, nageant jusqu’au cou dans la satisfaction : le bilan est on ne peut plus positif, j’ai plus que décuplé ma mise ! Un groupe de jeunes vient me retrouver pour me demander de les caricaturer : constatant leur dépit, je me déclare prêt à les prendre en troisième vitesse… Mais ils me disent qu’ils sont six à vouloir se faire défigurer ! Je suis obligé de décliner : je n’ai pas le temps matériel de tous les faire passer, je risquerais de dépasser l’heure de la fermeture et de rater l’heure du rendez-vous qu’une amie m’a fixé. De toute façon, j’ai déjà bien gagné ma journée et je suis épuisé ! Je leur donne ma carte de visite en les exhortant à me recontacter pour prendre rendez-vous : mais je ne me fais pas d’illusion, sur toutes celles et tous ceux qui prennent ma carte, il n’y en pas un dixième qui me rappelle…
20h : J’assiste, en compagnie notamment d’une amie qui travaille comme secrétaire dans une école de danse et qui m’y a invité, au spectacle « Bienvenue dans l’anthropocène » de la compagnie Eux, au Mac Orlan. Je suis trop fatigué pour avoir un regard raisonné sur cette représentation, je ne suis pas en mesure de dissimuler mon manque de culture chorégraphique sous un vernis philosophique, je ne peux même prendre une photo (les flashs sont interdits, pour des raisons évidentes) ni même faire un croquis – comment il faisait, Cabu, pour dessiner dans l’obscurité ? Alors je me contente d’apprécier comme il le mérite le travail de la chorégraphe, le soin apporté à la mise en scène, la souplesse dont font montre les danseurs… Bref, je considère que je viens pour aimer, pas pour juger. Seuls bémols : premièrement, comme la chorégraphie est, en principe, l’art de s’exprimer par le seul biais du geste, il était peut-être superflu de faire passer des extraits de discours, fussent-ils de Greta Thunberg… Deuxièmement, je me demande s’il n’est pas risqué d’esthétiser la catastrophe écologique en cours : est-ce que ça ne risque pas de nous déresponsabiliser davantage ? Bon, je chipote, j’avais dit que je n’intellectualiserais pas cette expérience…
Terminons avec quelques autres photos de clients avec leurs caricatures...
Pour commencer, en ce jour où je célèbre mes 35 printemps, un "autoportrait" un peu spécial...
Ce chef-d'œuvre est composé des huit dessins que voici, représentant chacun une partie de mon visage :
Jeudi 11 mai
18h30 : Passage au foyer laïque de Saint-Marc pour assister au vernissage de l’exposition « Flot Raison » consacrée aux poèmes de Myriam Guillaume et à leurs illustrations respectives, dont une due à ma plume. La poétesse a fait les choses « comme il faut » avec les petits moyens dont elle dispose, l’exposition est bien présentée, les œuvres bien mises en valeur comme elles le méritent : vous voyez, il n’est pas nécessaire de hanter les galeries parisiennes pour avoir des émotions artistiques ! Bien entendu, je ne garantis pas des buffets aussi somptueux : mais si vous vous intéressez plus à la bouffe qu’à l’art, c’est votre problème… Pas le mien !
Mon dessin est au milieu, au-dessus du poème qu'il illustre :
Quelques admiratrices et admirateurs en extase devant mon chef-d'œuvre :
La traditionnelle photo de groupe - Myriam Guillaume, c'est la dame en bleu clair avec un garçonnet à lunettes à sa gauche (donc à votre droite) :
Vendredi 12 mai
11h30 : Petite visite à « Madame bout-de-bois », alias Delphine, la sculptrice du haut-Jaurès : elle est bien une des rares à mettre un peu de vie dans ce quartier déshérité ! Passez la voir si vous en avez l’occasion : vous serez toujours bien reçu, même si les œuvres de la patronne vous laissent… De bois ! Oui, je sais, c’est nul… En plus, ce n’est pas vrai, vous verrez forcément au moins une chose qui vous intéressera, ne serait-ce que si vous avez un cadeau à faire : une sculpture de bois, ça dure plus longtemps qu’un smartphone !
12h45 : Avant d’aller au Mac Orlan, j’ai déjeuné chez une amie : nous en arrivons en parler de la récente manifestation du GUD, qui l’indigne à juste titre. Elle s’étonne qu’une infamie de cette ampleur n’ait pas été interdite ; pour ma part, ça ne me surprend pas : les idées d’extrême-droite ne font absolument pas peur aux gens de pouvoir qui savent qu’ils n’auraient rien à craindre d’un régime fasciste ! Les gueux qui donnent de la voix pour réclamer ce que les riches leur volent, ça oui, ça les inquiète ! La rage de gauche fait peur aux puissants, la rage d’extrême-droite ne fait que leur rendre service !
14h30 : Me voilà au Mac Orlan pour la première représentation du vaudeville de Jean Dussoleil, Les Perroquets : ayant écrit pour Côté Brest l’article annonçant la pièce, j’ai eu droit à une entrée gratuite. J’ai à côté de moi deux commères qui déblatèrent inlassablement : je les entends notamment approuver le conditionnement du RSA, arguant que certaines personnes profitent de cette « manne » pour vivre sans travailler… Pour proférer une connerie pareille, il faut n’avoir jamais eu besoin des aides sociales ! Ah, Macron, si tu avais commencé par ça plutôt que par la réforme des retraites, le bon peuple t’aimerait davantage aujourd’hui… Personne ne peut seulement survivre rien qu’avec le RSA ! Je ne dis pas qu’il n’y en a pas qui abusent mais c’est finalement très rare et, en général, ce sont des cas sociaux si irrécupérables qu’on ne peut rien en tirer et on a plus vite fait de les payer à ne rien foutre, au moins comme ça ils ne font pas de conneries ! Déjà que les gens qui travaillent ne se privent pas d’en commettre…
14h45 : La pièce commence. L’histoire se passe dans une maison bourgeoise dont on nous montre trois représentants : le père, la mère et la bonne. Le père exerce la profession la plus méprisable que l’on puisse pratiquer dans son milieu : il est liquidateur… Encore pire qu’huissier. De surcroît, il est bête, lâche, veule, cupide, arrogant, hypocrite et obsédé ! La mère, interprétée par Chantal Creignou, ne vaut guère mieux : guère plus fidèle, c’est de surcroît une peste qui nous donne presque envie de plaindre son mari ! Quant à Marie Glaz, qui joue la bonniche, elle est plutôt mignonne et assez convaincante dans son rôle de fausse victime plus rouée qu’elle n’y paraît, mais quand elle prend des pose de lap-danseuse pour lustrer les portemanteaux, c’est plutôt excessif… Car les vrais héros de cette pièce ne sont pas ces trois personnages, somme toute assez classiques, mais justement les portemanteaux entreposés dans le débarras de cette famille aussi nantie que dégénérée, les fameux « perroquets » en question, personnifiés par trois acteurs : Jean-Claude Neau est parfait dans le rôle de « l’ancêtre » fataliste et désabusé, je pense même que c’est lui que j’ai préféré ! Corinne Bihannic fait plutôt bien le « snob » pédant et pontifiant qui se prend pour un intellectuel de haute volée sous prétexte qu’il a « servi » dans un évêché. En revanche, Faustine Kermarrec, qui joue le « blanc-bec » sans tabou venu d’un bordel, sonne un peu faux : jouer le voyou gouailleur n’est pas aussi simple qu’il y paraît, il faut se méfier des fausses facilités. Mon avis ? C’est bien, mais je ne sais pas si je serais venu si j’avais dû payer ma place ! Mais je ne suis pas une référence en la matière : ça peut plaire aux amateurs du genre, c'est déjà ça.
La ravissante Josette (Marie Glaz) fait la pin-up de discothèque tout en astiquant un "perroquet" en fer forgé devant le "blanc-bec" (Faustine Kermarrec) et le "snob" (Corinne Bihannic) :
Quelques croquis :
Une petite fille vue dans le bus sur le chemin du retour :
17h30 : Double surprise à mon retour quand je relève mon courrier. Premièrement, ma nouvelle carte bancaire (puisque j’ai fait opposition sur l’ancienne) est déjà arrivée ! On me l’avait promise pour beaucoup plus tard ! Il y a des mots à dire, mais il y a des banquiers qui font bien leur boulot… Deuxièmement, moins agréable, l’UBO me réclame quinze euros que je ne lui aurais pas payés … Pour éviter de compliquer la situation, je préfère régulariser tout de suite, mais il faudra que je revoie la secrétaire du laboratoire concerné pour tirer les choses au clair. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, en ce moment, à vouloir me prendre de l’argent ?
Samedi 13 mai
10h30 : J’essaie de m’acheter en ligne un album de la série Jojo qui manque encore à ma collection, mais ma banque refuse la transaction… J’avais effectivement demandé, suite à l’arnaque dont j’ai failli être la victime, à ce qu’on renforce la vigilance sur mon compte, mais là, tout de même, ça s’appelle du zèle ! Pour le coup, ça me fait le même effet que si j’étais pris pour un cambrioleur quand je rentre chez moi…
14h30 : Histoire de finir la semaine sur une note positive, j’entreprends de monter un nouveau numéro de Blequin reporter, le mini-journal vidéo culturel que j’ai créé sur YouTube. J’avais prévu d’y inclure le discours prononcé par Myriam Guillaume à l’occasion de son vernissage… Mais quand je visionne le fichier vidéo, il se révèle inaudible ! Je laisse tomber et je décide de me reposer en prévision de ma réception de demain midi. Je suis quand même un peu découragé…
Myriam Guillaume, la poétesse dont je ne pourrai vous faire entendre la voix :
Dimanche 14 mai
10h : J’ai déjà presque tout préparé pour recevoir les cinq personnes que j’ai invitées pour mon anniversaire. Hélas, au dernier moment, je reçois un coup de fil de l’une d’elles : elle est très malade et obligée de se décommander au dernier moment… Et elle devait venir avec son compagnon et ses trois enfants... Résultat, je n’ai plus qu’une seule invitée sur ma liste ! Décidément, la scoumoune me poursuit en ce moment…
Lundi 15 mai
9h45 : Je me lève avec amertume. Certes, mon invitée unique est bien venue et elle a été adorable avec moi. Certes, j’ai pu sauver ma journée d’hier grâce à une invitée de dernière minute qui est passée me voir en soirée. Mais j’ai tellement besoin de revoir mes amis en ce moment que je garde un couteau au cœur… Allez, je fais un petit article pour Côté Brest puis je me repose un brin, j’en ai besoin.
Mardi 16 mai : il y a 320 ans mourait Charles Perrault
13h15 : Pour honorer un rendez-vous en centre-ville, je prends le bus qui vient de Bohars : c’était à prévoir, il est plein à craquer, bourré d’adolescents qui vont au lycée ou au collège. Demain, j’aurai déjà 35 ans : mais quand je vois tous ces gamins au visage criblé d’acné et aux yeux rivetés sur leurs smartphones, je suis vacciné contre toute forme de nostalgie !
Lundi 17 mai
10h45 : J’ai rendez-vous avec la mère d’un jeune homme lourdement handicapé dont j’ai accepté d’illustrer le scénario : c’est une femme marocaine assez opulente coiffée du hijab, je la devine à la fois chaleureuse et autoritaire, je suis prêt à parier qu’elle tient tout à la maison et qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds par les hommes ! De toute façon, vu l’état dans lequel est son fils, elle a intérêt à ne pas se laisser dominer : j’imagine sans peine toutes les difficultés juridiques à laquelle elle doit faire face au quotidien, elle doit donc être une femme de tête ! Depuis que mon père m’a raconté le Maroc où il a vécu pendant quelques années, je savais déjà que le voile n’était pas forcément un signe de domination de la femme par l’homme : j’en ai la confirmation…
En post-scriptum, un dessin qui rejoint une certaine actualité avec la série consacrée à cette connasse de Bardot...
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Samedi 6 mai
14h : Je rentre chez moi, complètement désespéré. La cause de cet état n’est pas la faible fréquentation de ma conférence au Beaj Kafé, il ne fallait pas espérer plus de monde un samedi matin par un temps pluvieux. Non, j’ai compris que les deux types prétendument vendus chez moi pour la fibre optique étaient des escrocs. Sur les conseils d’un ami, je décide de raconter cette mésaventure dans une nouvelle graphique, sur le modèle de ce que j’avais fait pour raconter ma rencontre avec les Ukrainiennes…
Dimanche 7 mai
11h : J’apprends la mort de l’athlète Tori Bowie, à 32 ans : ça donne envie de faire du sport, n’est-ce pas ? Ce n’est pas la première fois que le sport de compétition fait crever une belle jeune femme, souvenez-vous de la délicieuse Florence Griffith-Joyner : et ce ne sera pas la dernière fois tant que le sport restera un enjeu de l’économie capitaliste où les athlètes, tout comme les employés dans l’entreprise privée, ne sont plus que des pompes à fric à rentabiliser par tous les moyens, y compris les plus néfastes… Comment ça, il n’est pas prouvé que la jolie Tori a bien été tuée par le dopage et le surentraînement ? Bien sûr, et mon cul, c’est du poulet aux hormones !
22h : Je n’ai toujours pas dîné. Je mets la dernière fin à une série de « variations » sur le thème de Jessica Rabbit, je me suis amusé à dessiner l’épouse de Roger Rabbit avec une trentaine de costumes différents. Avec ce qui m’est arrivé, j’ai besoin de me changer les idées et puis c’est normal de s’attarder avec une femme pareille, non ?
Voici 23 variations sur Jessica Rabbit : j'en publierai d'autres dans les mois à venir...
Lundi 8 mai
15h15 : Après avoir fait un petit tour au bois pour m’aérer, je m’apprêtais à écrire un billet d’humeur de circonstance : nous sommes le 8 mai et je me disais qu’il était judicieux, en ce jour où l’on commémore la chute de l’Allemagne nazie, de rappeler des principes de paix, de justice, de liberté… Mais j’ai reçu un coup de fil d’une amie qui connaît elle aussi sa part de malheur : nous avons partagé nos détresses respectives et ça m’a coupé l’envie de réutiliser tous ces grands mots qui ne veulent plus rien dire pour la plupart de mes semblables : quand je parle de démocratie et de droits de l’homme, j’ai l’impression de faire rire tout le monde, aujourd’hui ! Qui peut encore croire à ces belles valeurs… À part des cons biens élevés comme moi ?
Mardi 9 mai : Il y a 130 naissait William Marston, créateur de Wonder Woman.
10h45 : Alors que mon moral ne va pas mieux, je passe à Guilers où doit avoir lieu une conférence de presse : ma rédactrice en chef n’a pas encore validé les sujets concernés, mais on ne sait jamais. Je n’ai pas osé avertir mes parents de mon passage dans leur commune, j’ai trop honte de m’être fait duper pour oser me présenter devant les auteurs de mes jours. Heureusement que je connais le bled comme ma poche, notamment l’espace Jean Mobian – anciennement l’Agora. Je revois ainsi quelques têtes qui m’étaient familières, notamment une femme qui avait participé avec moi à l’écriture de Good Morning Brest[1] : elle a les cheveux blancs, maintenant, comme le temps passe… De quoi est-il question, au fait ? De l’organisation d’un repair café, un événement plus ou moins régulier où les particuliers pourront venir apporter leurs objets transportables à réparer, et d’une conférence sur les habitudes de lecture des jeunes… Vous savez quoi ? Je vous parie que si je devenais une personnalité avec un pied à Paris, ces choses-là me manqueraient !
11h30 : À l’issue de la conférence de presse, je remarque, dans le hall, une troupe de dames d’un certain âge qui boivent le café et mangent des viennoiseries : elles me reconnaissent et je n’ose pas refuser leur invitation à me joindre à elles. Bien entendu, je leur raconte ma récente mésaventure : la compagnie de femmes âgées me réconforte, je dois avoir des manques de ma mamie…
11h45 : Je sors de l’espace Mobian : le bus me passe sous le nez. Je dois attendre une demi-heure pour le prochain. Sous l’abribus, je ne peux même pas m’asseoir sur le banc, celui-ci est trempé, probablement éclaboussé par une bagnole. Ça y est, je me rappelle pourquoi j’ai quitté Guilers il y a déjà quatre ans…
13h30 : Passage au bureau de police de Lambézellec. J’avais déjà déposé plainte en ligne en demandant à être reçu aujourd’hui à quatorze heures, et je m’étonnais de ne pas être convoqué : on me fait savoir qu’on ne pourra me recevoir que demain matin. Je me suis écrasé, qu’auriez-vous fait à ma place ? Je suis déjà assez emmerdé comme ça en ce moment, ce n’est pas la peine d’en rajouter !
Mercredi 10 mai
9h45 : Fidèle à mes habitudes, j’arrive en avance au bureau de police. La dame qui m’accueille ne s’en formalise pas et m’invite à m’asseoir en attendant qu’on m’accueille. Les sièges métalliques sont monstrueusement inconfortables, je n’ai pour passer le temps que les magazines édités par le conseil départemental et la communauté urbaine. Je préfère encore les affiches dont sont recouverts les murs sinistres de ce lieu dédié au contrôle et à la répression… C’est marrant, avoir des ennuis avec des hors-la-loi ne me réconcilie pas avec les forces de l’ordre ! Sans doute parce que sans les premiers, on n’aurait pas besoin des seconds : ce n’est pas parce que je n’aime pas les maladies vénériennes que je vais me mettre à aimer les capotes anglaises !
10h : Je suis reçu par un grand flic au front déjà ridée dont l’uniforme me fait penser à Robocop, impression renforcée par le masque chirurgical qu’il porte : il n’y a pas grand’ chose de sympathique chez un policier à part le sourire qu’il peut occasionnellement arborer et celui-ci n’en a même pas ! De quelle maladie les agents peuvent-ils avoir peur au point de de rendre encore plus effrayants aux yeux des citoyens ? De la grippe du poulet ? Je n’ai cependant pas le cœur à rigoler, j’ai une trouille bleue qu’il me pose des questions auxquelles je n’aurai pas la réponse… Quand il me fait relire ma déposition, celle-ci est bourrée de faute de français ! Manifestement, une bonne écriture n’est pas nécessaire pour entrer dans la police ! Je le lui fais savoir, mais il me rétorque que le correcteur automatique ne lui signale aucune faute et que « donc » il n’y en a pas ! La logique administrative dans toute sa splendeur ! Je n’insiste cependant pas, de peur de me prendre un coup de matraque assorti d’une amande pour insulte à agent… Il me laisse sortir au bout de vingt minutes qui m’ont paru un siècle, muni d’un document arborant le tampon de la police nationale, attestant de la main courante qui a été déposée et me permettant de faire valoir mes droits en cas de pépin… Je n’arrive pas à m’en réjouir !
10h30 : Comme j’ai fait opposition sur ma carte bancaire et que j’ai quand même besoin d’argent, je me rends à la banque pour pouvoir retirer du liquide avec une carte provisoire. J’ai bien fait de ne pas attendre : on m’annonce que ma nouvelle carte n’arrivera que la semaine prochaine… J’en profite pour réaffirmer que je n’ai souscrit aucun nouveau contrat et que toute tentative de prélèvement non désiré devra être bloquée : j’espère que ça suffira…
10h45 : Je dois me rendre dans une boutique SFR pour m’assurer qu’aucun contrat n’a été souscrit chez eux en mon nom: un bureau de police, une agence bancaire, une boutique de téléphonie… En une seule matinée, j’aurai visité trois lieux qui attirent mon mépris ! Il ne manquerait plus qu’une caserne d’infanterie pour que le tableau soit complet ! Sur la route, le destin m’apporte un réconfort : je retrouve une amie qui attend le bus pour rentrer en centre-ville, je peux ainsi m’épancher auprès d’elle. Cette rencontre est d’autant plus bienvenue qu’elle me permet de découvrir à quelle station je dois attendre le bus qui relie Bellevue au centre-ville, ce qui n’a rien d’évident dans le bazar du chantier de la deuxième ligne de tram ! Mon amie me rapporte d’ailleurs, à ce sujet, les propos d’un épicier de Bellevue qui a trouvé un bouc émissaire : les Parisiens qui s’installent à Brest ! Selon ce brave commerçant, ce serait à cause d’eux s’il y a des travaux qui emmerdent tout le monde ! La mentalité poujadiste a encore de beaux jours devant elle…
11h : J’arrive à la boutique SFR de la rue Jean Jaurès où j’explique fermement la situation : la jeune femme qui m’accueille est à deux doigts de me jeter dehors ! Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit moins aimable que le flic et le banquier : je veux bien croire qu’elle n’est pas formée à recevoir des gens en situation de détresse, mais tout de même ! Je sors le document tamponné par le policier : elle baisse tout de suite d’un ton… Peu fier d’avoir dû recourir à la peur du gendarme pour me faire entendre, je lui montre les SMS que j’ai reçus : apparemment, ils ne sont pas conformes et les liens qui m’ont été envoyés n’aboutissent nulle part ! De surcroît, si un contrat avait été souscrit chez eux en mon nom, j’aurais reçu un mail avec un numéro de commande. Conclusion : tout cela est bel et bien bidon, il s’agit effectivement d’une tentative d’escroquerie et SFR n’a rien à voir là-dedans ! Il ne me reste donc qu’à rentrer chez moi et à m’apprêter à scruter mon compte en banque pour m’assurer que personne n’essaie de m’extorquer quoi que ce soit ! J’ai le droit de dire que ça me déprime ?
Interlude : un dessin de mon petit lapin en verre de Murano
14h : Je repars déjà : il faut que je passe faire une réservation au port de commerce et que je photographie quelques documents aux archives municipales. Dans le fond, ça m’arrange un peu d’être obligé de traverser la ville : ça me fait une excuse pour ne pas prendre de nouvelle initiative, je n’ai pas le cœur à ça, et surtout, ça m’évite de rester chez moi à ruminer…
14h30 : J’arrive au Tara Inn, je demande à pouvoir réserver pour un mercredi soir : hélas, ils me font savoir qu’ils ne prennent de réservation que pour le midi et non pour le soir où ils ne proposent de toute façon que de la petite restauration. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me rabats sur un autre pub irlandais du port, le Mc Guigan’s, où on ne fait pas la même difficulté. J’aurais dû y penser : deux établissements aussi voisins, dans l’esprit comme dans dans l’espace, n’auraient pas pu subsister en proposant exactement les mêmes services ! Je suis prêt à parier qu’ils se mettent d’accord entre eux ! Il n’y a pas de raison, c’est ce qu’ont fait les grands groupes de télécommunication quand on leur a offert le marché du téléphone ! Évidemment, quand ce sont des restaurateurs, ça fait moins de mal, mais en tout cas, cette histoire de concurrence « libre et non faussée », c’est du bidon à tous les niveaux…
15h30 : J’arrive aux archives où je demande à consulter les numéros du Télégramme parus en 1995 : j’ai entrepris d’écrire des articles sur les fameuses grèves de cette année-là, mais je n’ai pas trouvé d’images disponibles en ligne, alors je photographie celles qui étaient parues dans la presse de l’époque, au cas où la rédaction n’en trouverait pas de son côté – j’espère qu’on n’en arrivera pas là car j’ai conscience que le procédé n’est pas tout à fait légal, loin s’en faut. L’un des responsables, que je connais pour l’avoir croisé lors des conférences de la SEBL[2], est dans la salle : je n’ose pas le déranger et lui demander pourquoi il n’y a pas d’images des manifs de 1995 sur le site de son service. Quand je feuillette les numéros parus après l’annonce du tristement célèbre « plan Juppé », je suis choqué par la façon dont le journal de la famille Coudurier traitait les protestataires, qu’il s’agisse des fonctionnaires dont il fustigeait le « conservatisme », ou des étudiants dont il dénonçait l’agressivité parce qu’ils osaient bloquer les ponts brestois ! Il n’empêche que ces contestataires, si agressifs et si réactionnaires, ont fini par gagner ! Doublement, même, puisque Juppé a dû quitter le pouvoir un an et demi plus tard…
16h30 : Je suis déjà à l’entrée de l’annexe de l’école des Beaux-arts. Je n’ai rien à faire en attendant l’heure du cours, mais rentrer à Lambé aurait été contre-productif : le temps que j’arrive chez moi, il faudrait déjà repartir. Je pourrais aller boire un coup, mais je ne tiens pas à prendre le risque de gaspiller mes sous et j’ai été tellement secoué ces derniers jours qu’un peu de calme n’est pas pour me déplaire… Je tue l’ennui en faisant un croquis d’une pomme de pin ramassée sur le trottoir : c’est très beau, les pommes de pin, mais je ne les regarde plus de la même façon depuis que je sais que ce sont les organes reproducteurs des conifères…
18h15 : Je ne me suis pas privé de raconter ma mésaventure aux autres élèves et à notre professeur. Celle-ci a encore eu une de ces idées folles dont elle a le secret : elle nous fait piocher au hasard des papiers (trois ou quatre par personne) sur lesquels elle a écrit des mots et nous devons dessiner, de mémoire ce qui correspond à l’inscription sans nous faire servir d’aucun modèle ! Dans le tas, il y a des noms de personnalités : moi, le spécialiste de la caricature, je n’en tire aucun ! La jeune femme qui tire « Dalida » ne sait pas de qui il s’agit et en prend un autre papier en échange : s’il faut y voir un signe que l’œuvre de Iolanda Gigliotti tend à tomber dans l’oubli, je ne vais pas m’en plaindre ! Je tire, entre autres, « Loup-garou » et « Chemise de nuit ». Pour le loup-garou, je dessine une femelle : j’ai été marqué par un autoportrait de la dessinatrice Laurel qui s’était représentée en louve-garou pour exprimer sa mauvaise humeur, rompant ainsi avec l’image « guimauve » qui lui collait erronément à la peau ; certains élève croient que j’ai voulu représenter une belle-mère, une personne transgenre (ma sœur appréciera…) voire… La première ministre ! Quant à la chemise de nuit, certains croient voir une nuisette : je rétorque que je n’en ai jamais vu ! « Ça viendra », me répond la prof. « J’espère bien que non », conclus-je.
19h15 : Deuxième exercice : nous devons prendre pour modèle une robe noire que notre prof ne peut plus mettre, à son grand dam. Je suis un peu étonné que même une artiste de sa classe puisse rester attachée à ce genre de futilité, mais bon, c’est son affaire. Je me tire assez bien de l’exercice, à tel point qu’une autre élève pense que je pourrais faire styliste : mon mépris pour le monde de la mode m’empêche d’apprécier pleinement le compliment…
20h : Fin du cours. La pomme de pin qui m’avait servi de modèle est toujours là où je l’avais laissée. Je ne pourrai assister au cours la semaine prochaine, ce serait drôle si elle était encore là dans deux semaines ! J’espère que d’ici là, j’aurais oublié ce qui me mine actuellement…
[1] Spectacle son et lumière organisé à l’occasion du centenaire du débarquement américain à Brest. Plus de détails ici : http://www.wiki-brest.net/index.php/Good_Morning_Brest_!
[2] Société d’Études de Brest et du Léon, société éditrice des Cahiers de l’Iroise.