Commençons par l'affiche de mon expo commune avec mon amie YayaL à l'Auberge de jeunesse de Brest :
Vendredi 23 février
20h30 : Concert de mes amis Miika Bjørn et Audrey Raguenes au Biorek brestois : Miika, après un léger flottement au début, retrouve rapidement ses marques et excelle vraiment dans ses reprises de standards de la chanson française – le seul choix que je ne peux m’empêcher de désapprouver dans son répertoire est « L’amant de Saint-Jean » qu’on a déjà trop entendu, mais c’est un détail. Quant à Audrey, elle est toujours aussi merveilleuse et elle peut reprendre du Shania Twain autant que ça lui chante (ah ! ah !), avec ou sans chapeau ! Pour ne rien gâcher, elle se paie le luxe d’être plus belle que jamais. Bravo Dédée, bravo Miika, je suis fier d’être votre ami ! Je vous dois un des rares bons moments que j’aurai vécus en ce mois finissant…
Un croquis d'Audrey (qui est bien plus belle en vrai que sur mes dessins) avec son chapeau de chanteuse country :
Samedi 24 février
10h30 : Définitivement épuisé, je m’offre une journée de quasi-inactivité : je me borne à envoyer des messages à quelques proches. Une démarche pas si stérile que ça puisqu’elle me permet de semer des graines pour l’avenir plus ou moins proche. Bien sûr, je préférerais revoir tous ces gens en chair et en os, mais je n’ai même pas la force de sortir de mon appartement.
Dimanche 25 février
14h : Vacances scolaires obligent, il n’y aura pas de cours de dessin avant le 13 mars. Je profite donc du repos dominical pour faire quelques collages, bien décidé à en rapporter un gros paquet à la rentrée pour épater la galerie ! Mais n’allez pas croire que ce soit juste pour le plaisir de frimer : j’ai vraiment des idées, je suis bien décidé à les concrétiser et puis il y a quelque chose de jouissif à trafiquer des photos à la main, rien qu’avec des ciseaux et de la colle, à une heure où n'importe quel con peut le faire avec des logiciels…
Un collage réalisé ce week-end - je vous ai montrerai d'autres dans les semaines à venir si vous êtes sages :
Lundi 26 février
15h30 : Après une entrevue avec un camusien autodidacte (et, au demeurant, brillant), je passe au Leclerc du centre-ville pour dépenser une aumône humiliante : un chèque de 20 euros que le département a adressé aux bénéficiaires des aides sociales dont je fais partie… Ça ne paie même pas une semaine de courses pour une seule personne ! Ils nous prennent vraiment pour des mendigots ! Je préférerais encore qu’ils ne nous donnent rien du tout !
16h : Pris d’un besoin pressant, je profite des toilettes publiques : ce n’est pas très facile avec mon cabas qu’il vaut mieux éviter de poser sur le carrelage trempé, mais j’y arrive. La cabine est relativement propre, mis à part un morceau de papier hygiénique qui traîne par terre et que l’humidité a transformé en charpie adhérant au carrelage… Ce détail suffit à m’écœurer ! Ce n’est pas la première fois, hélas, que je vois ça, et je me demande vraiment ce que certains peuvent faire avec le papier dans les chiottes publiques ! Quand je sors, je croise un type qui attendait manifestement son tour : je lui tiens la porte pour qu’il entre, mais il dit attendre « que ça se nettoie » ! Soit il y a quelque chose sur le fonctionnement des toilettes publiques que je ne comprends pas, soit je suis encore tombé sur un crétin – la race n’est pas en voie d’extinction, hélas !
17h : J’ai enfin terminé la lecture de la correspondance de Gustave Courbet : ce n’était pas seulement un grand peintre, son activité épistolaire témoigne d’un talent scripturaire certain et il a été un acteur central de la Commune de Paris, l’expérience politique la plus géniale du XIXe siècle ! On lui pardonnerait presque son antisémitisme ! J’ai bien dit « presque » : il est heureux qu’il n’ait pas vécu assez longtemps pour connaître l’affaire Dreyfus, son étoile en serait sortie considérablement ternie !
Mardi 27 février
14h : Passage aux Capucins pour voir l’exposition sur l’AS Brestoise et le Stade Brestois, les deux clubs de football qui ont longtemps co-existé à Brest : j’y vais pour trouver des anecdotes à raconter dans Côté Brest, mais j’avoue que je me surprends à aimer me replonger dans l’ambiance d’une époque où le foot était encore un sport d’amateurs passionnés, quand on était encore loin des salaires indécents, des mariages avec des top-models et de toutes les bling-blingueries qui, entre autres ignominies, ont fini par me dégoûter irrémédiablement du ballon rond ! J’ai même une petite larme en pensant à mon défunt oncle, authentique passionné qui n’a jamais réussi à me transmettre son amour du sport avant de nous quitter il y a bientôt quatre ans déjà… Mais revenons à nos crampons : saviez-vous, par exemple, que si le Stade Brestois a longtemps rechigné à se professionnaliser et que si l’AS Brestoise n’a jamais sauté le pas (ce qui lui a finalement été fatal), c’était parce que, avant la seconde guerre mondiale, la professionnalisation n’était intéressante ni pour les dirigeants ni pour les joueurs ? Pour les premiers parce que les déplacements leur auraient coûté trop cher du fait du décentrement de Brest, et pour les seconds parce qu’à l’époque, un contrat professionnel liait le joueur à son club jusqu’à la retraite… Et lui rapportait à peine la rémunération d’un cadre moyen ! Les joueurs gagnaient mieux leur vie en restant amateur et en continuant à exercer un métier en parallèle ! Inimaginable aujourd’hui ! J’apprends aussi, grâce à cette expo, que le Stade Brestois est né de la fusion d’associations catholiques… À laquelle les prêtres s’étaient longtemps opposés ! Le joueur qui changeait d’équipe risquait même l’excommunication ! Décidément, plus con qu’un curé, tu meurs !
Sans rapport avec l'expo, voici un dessin de mon cru qui a été publié en quatrième de couverture de la revue L’éponge, sorti de presse récemment :
Mercredi 28 février
13h30 : Grâce au camusien que j’ai rencontré avant-hier, je peux écouter trois conférences d’Agnès Spiquel consacrées notamment à L’étranger au Le premier homme : le premier de ces deux livres, que l’on peut considérer comme une œuvre de jeunesse, est souvent lu à l’adolescence, tant le sentiment d’étrangeté au monde est commun à toutes celles et à tous ceux qui entrent à peine de l’âge adulte ; mais on oublie souvent qu’au-delà de la transcription romanesque de sa réflexion sur l’absurde, Camus nous y propose aussi un réquisitoire contre la peine de mort : le cri que Meursault finit par pousser en présence de l’aumônier doit vraiment être compris comme une exaltation de la pulsion de vie contre l’instinct de mort que représenter l’homme d’Église ; de surcroît, madame Spiquel révèle un détail qui m’avait échappé : Meursault mentionne que sa vieille mère, à l’asile, avait trouvé un nouveau fiancé, ce qui veut dire qu’elle avait repris le goût de vivre qu’elle avait perdu tant qu’elle vivait chez son fils, lequel avait donc eu raison de la placer, ce qui achève de rendre injuste sa condamnation, prononcée moins au nom de son crime qu’au nom de sa prétendue attitude de mauvais fils… Le second livre, resté inachevé, est souvent réduit par les détracteurs de l’auteur à une exaltation du colonialisme français en Algérie : il est vrai qu’on ne peut pas passer sous silence le rapport de Camus au fait colonial, mais dans l’esprit de l’écrivain, qui était né et avait grandi en Algérie (et se sentait plus algérien que français !), ce livre était destiné à porter la voix de celles et ceux à qui on ne donne pas la parole, qui n’ont que leur force de travail pour survivre, qu’on envoie mourir à la guerre… Bref, les « damnés de la Terre » dont Camus restait indissolublement solidaire non parce qu’il avait pitié d’eux mais parce qu’il en faisait partie : c’est ce qui le distingue d’un Sartre, qui n’a jamais connu la misère et ne peut s’empêcher de donner des leçons aux pauvres, ou même d’un démagogue qui les flatte même dans leurs plus bas instincts, ce qui revient à mépriser le peuple en faisant semblant de l’aimer... Quant à la question coloniale, on peut en parler parce que ça fait partie de l’histoire, mais on ne va pas refaire le match : je n’ai pas ma licence d’arbitre !
Allez, je vous en mets une :
Jeudi 29 février
15h : J’avais écrit une nouvelle page « histoire » pour Côté Brest mais le journal n’a pas l’air de paraître cette semaine. J’avais demandé un nouveau stock de livres à mes éditeurs en prévision du salon littéraire de ce week-end, mais je n’ai toujours rien reçu. J’ai toujours entendu mon enseignant père rouspéter contre les braves gens qui traitaient les profs de « fainéants toujours en vacances » et il faut croire qu’il avait raison de vitupérer : je ne compte plus les services et les commerces qui ont cessé de tourner depuis le début de la semaine, alors qu’on ne me dise pas que les enseignants sont privilégiés ! Tout ceci me conforte dans l’idée que les écrits bibliques ne racontent que des conneries : si Dieu était vraiment à l’image de l’Homme, six jours ne lui auraient pas suffi pour créer le Monde et, à l’heure qu’il est, nous ne serions toujours pas là pour en parler !
Petit cadeau : une carte d'anniversaire à compléter soi-même - une pensée au passage pour toutes celles et tous ceux qui sont nés un 29 février...
Vendredi 1er mars
10h : Je monte faire mon marché : passant devant un panneau d’affichage, j’y vois les premières affiches politiques depuis le début de l’année. Elles ont été collées par le NPA (oui, ça existe encore) et appellent à se mobiliser contre la loi Darmanin : je les trouve courageux de continuer à lutter pour une cause aussi impopulaire que celle des travailleurs immigrés ! C’est même la seule circonstance qui m’invite à respecter un militant : quand, au lieu de hurler avec les loups, il lutte pour une cause qui n’est pas populaire ! Comme dit mon copain Jérôme, « être impopulaire dans un pays de con, c’est une qualité » ! Ce qui me rendrait Macron presque sympathique, d’ailleurs – mais presque, c’est pas comme tout à fait. Ces affiches devraient me réchauffer le cœur : elles ne font que me rappeler le climat actuel et je me dis que j’en ai vraiment ras la bolée de n’entendre parler que de haine, de guerre, de fascisme et autres calamités ! Je mettrais bien fin à mes jours si je n’avais pas retrouvé, l’an dernier, une amie très chère qui semble trop tenir à mon humble personne pour que je puisse lui faire le sale tour de disparaître…
Terminons avec le carton d'invitation au vernissage de l'exposition - venez nombreux !
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Commençons par un dessin de cumulonimbus réalisé lors du cours du soir et qui tombe plutôt bien dans l'ambiance actuelle..
Mardi 20 février
17h30 : J’étrenne le taille-crayon à manivelle qui m’a été offert au Salon des Artistes Français : cet objet est un peu au taille-crayon « traditionnel » ce que l’arbalète est à l’arc, c’est-à-dire un outil certes plus précis et plus fiable, mais aussi plus lent et plus lent et plus lourd. Mieux vaut le réserver pour le travail en atelier et garder les petits taille-crayons pour le dessin en extérieur.
Mercredi 21 février
9h45 : Malgré une météo particulièrement peu clémente, je sors tout de même honorer quelques rendez-vous : ce qui est prévu est prévu. Quitte à ce qu’il fasse un temps aussi pourri, il vaut mieux que ça arrive maintenant : je n’oublie pas qu’il y a un an à la même époque, nous avions la sécheresse… Ces conditions météorologiques m’épuisent mais je n’arrive pas à les détester : à Paris, même pluie brestoise me manquait !
Caricature d'une femme avec qui j'avais rendez-vous :
Jeudi 22 février
13h : Petit casse-croûte avec une amie dans la boutique de piercings et de tatouages tenue par son compagnon. Nous échangeons, entre autres, sur nos situations professionnelles respectives : elle est en CDI mais envisage de ne plus exercer qu’à mi-temps sont activité actuelle dont elle est particulièrement lasse… Elle trouve même que j’ai de la chance ! Il ne se passe pas une semaine sans que j’entende une personne dans une situation moins précaire que la mienne se plaindre de son sort ! C’est à se demander si le CDI n’est pas un attrape-nigaud ! Il est vrai que dans mon cas, quand on n’a envie ni de devenir propriétaire ni de conduire une voiture, ça limite grandement les frais…
15h : Je voulais aller à la déchetterie du Vern pour y déposer les restes de mon ancien téléphone portable dont le connecteur est manifestement hors d’usage : après avoir quitté le bus à l’arrêt qui m’avait été indiqué, j’emprunte ce qui me paraît être le chemin… Et je retombe sur la station qui précédait celle où j’étais descendu ! Je comprends que je n’atteindrai jamais la déchetterie à moins de m’offrir une excursion dans un labyrinthe routier où il ne fait bon s’attarder quand on est piéton, perspective d’autant plus désagréable que le vent glacial ne faiblit pas. Bref, considérant que j’ai passé l’âge de telles expéditions, je préfère prendre la direction de la station de tramway et retrouver l’ami qui m’avait proposé d’aller à la déchetterie à ma place ; j’aurais dû accepter tout de suite sa proposition, mais ma fierté déplacée en a décidé autrement, avec la complicité de ma mémoire défaillante : j’avais oublié que nous vivons dans un monde, où en dépit des beaux discours de nos élus sur la « mobilité responsable », les sans-bagnoles étaient toujours considérés comme des sous-citoyens auxquels on refuse un accès aisé à tous les services publics…
17h : Passage au Bureau Vallée de Kergaradec où, il y a deux jours, un vendeur m’avait fourgué deux cartouches « compatibles » pour mon imprimante : celle-ci refusant de reconnaître la cartouches couleurs, je viens la rendre au magasin en comptant bien qu’ils me l’échangeront contre des cartouches spécifiquement adaptées à ma machine. J’obtiens gain de cause : la boutique me doit même deux euros ! Une caissière qui me donne de l’argent, c’est un peu comme un œuf qui pondrait une poule ! Mais au-delà de l’aspect insolite de l’anecdote, il apparait avec évidence que je me suis fait rouler par le vendeur qui m’avait vendu un matériel inadapté à un prix plus élevé… Il y a des baffes qui se perdent !
22h : Un peu déprimé par cette journée peu fructueuse, je ne peux résister à l’envie de visionner quelques épisodes de la série animée Les Tifous qu’un particulier a eu la bonne idée de diffuser sur YouTube : j’avais vu les dessins que Franquin avait réalisés pour le projet et je n’avais jamais eu l’occasion d’admirer le produit fini. Le résultat est un peu décevant et ne rend pas tout à fait justice au génie graphique de Franquin, il aurait fallu des moyens techniques dignes d’Hollywood pour être à la hauteur du défi, mais le rendu est tout même agréable : avec son talent habituel, Franquin avait créé un monde onirique, tendre mais nullement mièvre, qui vaut bien celui des Schtroumpfs – rien ne manque, pas même le sorcier bête et méchant qui persécute la communauté pacifique. Les Tifous sont bien sympathiques et, de surcroît, bien plus mignons que certains personnages animés actuels ayant connu davantage du succès ; même l’Avare n’arrive pas à être antipathique : vu qu’il est le seul à aimer l’argent, sa pingrerie ne fait de mal à personne ! On se prend à rêver d’avoir un Tifou en peluche et de pouvoir le caresser dans son lit… Mais encore aurait-il fallu que ces petits bonshommes connaissant un succès légitimant la création de tels produits dérivés ! Qui sait ? Peut-être les Tifous renaîtront-ils un jour de leurs cendres, avec une réalisation à la hauteur du génie de leur créature : il s’agit tout de même de Franquin, rogntudju !
Bon, allez, je vous en mets un (je craque pour les amoureux) :
Vendredi 23 février
10h30 : Je fais mon marché. Je ne peux pas faire de folies, mon séjour parisien m’ayant ratiboisé ; de toute façon, avec le froid qu’il fait, hors de question de s’attarder : c’est pourtant ce qu’une dame âgée semble avoir décidé de faire devant la camionnette de la fromagerie ! Sa conversation de vieille commère, alimentée par de nombreux lieux communs, me tape sérieusement sur les nerfs… Comme elle semble persister à papoter même au moment de payer, je finis par lui dire que je suis pressé : je ne mens qu’à moitié, je suis vraiment pressé de rentrer dans mon doux foyer, d’autant que j’ai du ménage à faire avant la visite express de mes parents… La commerçante, visiblement outrée par mon impatience, me rétorque que c’est ça « le temps du marché » et que c’est « sympa » ! C’est peut-être agréable quand il fait beau et chaud, mais pas quand il gèle et que la pluie menace ! Je m’étonne que la commère n’ait pas seulement pensé à ça, moi qui croyais que les gens devenaient plus frileux avec l’âge… Si j’avais justifié mon attitude par mon intolérance au bruit, on m’aurait probablement répondu que je n’ai qu’aller au supermarché : d’une part, ce n’est pas parce que je suis autiste que je dois forcément bouffer de la merde et, d’autre part, dans les supermarchés, les gens discutent certes un peu moins… Mais il y a de la musique et c’est encore pire ! Une différence invisible, ce n’est pas forcément une différence légère…
12h : Après avoir pu nettoyer mon plancher juste à temps, je ne déjeune pas tout de suite : j’ai quelques messages en souffrance auxquels il me faut répondre. Je découvre ainsi un message adressé aux contributeurs de la campagne de financement participatif pour le projet « Les Marioles de Blast » dont je fais partie : j’ai ainsi accès à une vidéo présentant un vrai court-métrage d’animation dont l’intrigue se situe en 2027 et dans lequel Macron est réfugié dans un bunker au sous-sol de l’Élysée, à l’abri des ravages provoqués par les guerres et les catastrophes écologiques… Le but du projet « Les Marioles » était de pallier l’absence des « Guignols de l’Info » que Bolloré avait éliminés : les auteurs des Marioles semblent décidés à pratiquer un humour beaucoup plus noir ! Vous me direz que c’est un signe des temps ? Je vous répondrai que c’est justement pour cette raison que je fais beaucoup moins de dessins d’actualité : la vocation de satiriste m’était venue pour tourner en dérision les monomanies dérisoires des grands de ce monde, pas pour commenter des faits apocalyptiques…
14h30 : Alors que mes parents me rendent leur visite-éclair hebdomadaire, je suis bien surpris d’entendre sonner à la porte ! Un homme se présentant comme le voisin du dessus me demande si je n’ai pas de la monnaie à lui prêter pour prendre le bus : j’ai bien du mal à l’éconduire poliment ! Ma mère, dans un accès de générosité, se sent obligée de lui céder cet argent, sans même savoir si elle le reverra un jour, et elle me reproche même de ne pas être plus aimable : si elle entendait les gueulantes que poussent mes voisins dans les parties communes presque tous les jours, elle comprendrait mieux pourquoi je suis sur la défensive chaque fois que j’en vois un ! De toute façon, je suis épuisé et à bout de patience : ce que je voudrais aujourd’hui, c’est pouvoir passer au moins une semaine à ne me consacrer qu’à mon art dans une pièce totalement coupée de l’extérieur, sans aucune fenêtre, et n’en ressortir qu’après avoir réalisé quelque chose de grand pour revoir des amis, des vrais de vrais, et ne croiser aucun des parasites qui m’empoisonnent l’existence… Mais d’abord, si je pouvais faire une ou deux grasses matinées, ce serait déjà bien !
Pour ouvrir, une photo que j'aime bien parce que Paris est quand même une belle ville :
Dimanche 11 février
14h30 : Me voilà dans le train pour Paris. Il a été annoncé que des tickets de métro étaient en vente : histoire d’éviter la cohue coutumière à la gare Montparnasse, je décide d’en profiter. Hélas, ce qui pourrait être une formalité vite expédiée est considérablement ralenti grâce aux prodiges de la technique : les agents chargés de la vente ne peuvent accepter que les paiements par carte bancaire et doivent vérifier que les acheteurs sont bien des voyageurs en règle. Et quand l’un ou l’autre des bidules électroniques nécessaires à ces tâches déconne… Inutile de vous faire un dessin, je suppose ! Si ces braves agents (que je n’incrimine pas) pouvaient disposer de listes sur papier et de monnaie sonnante et trébuchante pour faire l’appoint, ça n’arriverait pas ! Comme disait Lelong, « on dit qu’on n’arrête pas le progrès mais il faudrait savoir dans quel sens » ! Bref, je ne suis pas arrivé à Paname que je fulmine déjà ! Et quand l’agent qui me tend enfin le ticket demandé se sent obligé de me fournir un renseignement que je ne sollicite même pas, j’explose carrément ! On parle de nouvelles grèves à la SNCF : on se demande bien pourquoi, ça fonctionne tellement bien !
17h30 : Après avoir déposé le gros de mes affaires chez mon oncle parisien d’adoption, qui a gentiment accepté de m’héberger pendant la moitié de mon séjour, je viens déposer au Grand Palais Éphémère l’œuvre de mon cru qui a été sélectionnée pour être exposée au Salon des Artistes Français. Je suis accueilli par un cerbère qui me demande si j’ai la carte d’exposant : je l’ai certainement sur moi, mais je ne m’attendais pas à devoir la sortir tout de suite ; je lui présente, à défaut, le bordereau de dépôt de mon œuvre : ouf, c’est suffisant pour qu’il me laisse entrer, il me donne même un grand sac du Géant des Beaux-Arts contenant, me dit-il, un cadeau – il s’avèrera plus tard qu’il s’agissait d’un taille-crayon qui me sera sûrement utile et d’une dose d’acrylique bleue dont je suis déjà moins certain d’avoir l’utilité un jour. Mais malgré le franchissement de cette fourche caudine, je ne suis pas tiré d’affaire car il faut encore que je trouve l’endroit où je suis censé déposer mon œuvre : un homme d’âge mûr, porteur d’un badge d’organisateur, m’indique des tables… Que je ne vois pas. En désespoir de cause, pensant probablement avoir affaire à un débile mental, il me guide vers les tables en question… Qui étaient situées EN FACE de l’emplacement qu’il m’indiquait du doigt ! Les neurotypiques sont vraiment illogiques ! J’arrive néanmoins à remettre mon œuvre aux personnes habilitées à la recevoir : ce sont des dames plutôt sympathiques qui sont chargées de cette tâche ; mon travail est qualifié « d’étonnant » ! Pour le moment, c’est moi qui n’en finit pas d’être étonné par le monde des gens dits « normaux »…
Lundi 12 février
10h30 : Mon oncle vit à Ménilmontant, non loin du Père Lachaise : il n’en faut pas davantage pour que je décide de visiter ce grand cimetière parisien. À l’entrée, je liste quelques tombes de célébrités qu’il me plairait de voir. Il y en a tellement que je renonce à les trouver toutes ! Curieusement, le site ne me déprime pas, je trouve même apaisant le calme qui y règne, c’est comme une bulle de silence au beau milieu du tumulte parisien… Le fait que j’aie déjà encaissé plus d’une dizaine de deuils dans mon entourage depuis dix ans n’est sûrement pas étranger à cette attitude de ma part: on dit que les gens avaient moins peur de la mort quand celle-ci leur était familière… Je ne suis vraiment pas de mon temps !
11h : Au colombarium, je ne résiste pas à l’envie de monter jusqu’au casier de Pierre Dac, maître incontestable (et incontesté) de « l’humour de résistance ». Le casier s’avère orné d’un pot de fleurs derrière lequel a été coincé un papier : cédant à la curiosité, je sors le pot de son emplacement pour me saisir de la feuille, la déplier et y lire un texte manuscrit véhiculant une réflexion sur la mort qu’André Isaac[1] n’aurait pas reniée… Quelle est l’origine de ce texte ? Qui l’a écrit ? Je succombe allègrement à la tentation de le photographier, espérant que j’aurais un jour l’occasion d’élucider ce mystère, même si je n’ai pas les dons d’Astrid Nielsen pour résoudre les énigmes – la différence ne s’arrête d’ailleurs pas là.
Le casier de Pierre Dac...
...et le texte en question.
12h : Je trouve la seule tombe qu’il me tenait vraiment à cœur de retrouver : celle de Pierre Desproges. J’ignorais que sa veuve l’y avait rejoint depuis déjà une douzaine d’années ! Si mes souvenirs sont bons, le grand humoriste a en fait été incinéré et ses cendres répandues dans la terre, de telle sorte qu’il survit à travers les plantes qui y poussent, privilège qu’il partage désormais avec la femme de sa vie… C’est une belle histoire, non ? En tout cas, le procureur des flagrants délires n’est pas trop mal entouré : dans son secteur, on trouve d’autres personnalités dont Mano Solo et, juste en face de lui, il y a Michel Petrucciani, un voisinage sûrement peu encombrant s’il en est ! Je m’assieds sur la tombe du grand petit pianiste et j’écris un texte dans lequel je m’adresse à Desproges, parlant notamment de toutes les âneries que l’on ose proférer aujourd’hui en son nom, lui qui ne voulait surtout pas être pris pour un maître à penser… Une fois mon texte écrit, je le déclame, curieux de voir quelles réactions je peux susciter. Je n’ai droit qu’à un vieux fou qui m’affirme que ce n’est qu’une tombe symbolique et que les restes de Desproges sont en réalité en Vendée ! Je réponds : « Et alors ? ». Ben oui, qu’est-ce que vous voulez que je fasse de cette information ? Ça ne m’interdit pas de rendre hommage à Desproges à cet emplacement qui lui est de toute manière dédié, non ? Et de toute façon, une tombe est symbolique par définition : au bout d’un certain temps, qu’on le veuille ou non, il ne reste plus rien du corps du défunt, il ne reste, si on l’entretien, que la sépulture qui fait vivre son souvenir… Comment ça, je vous donne le cafard ?
Voici la tombe de Pierre Desporges : étonnant, non ?
Quelques autres tombes célèbres :
Un croquis d'une tombe que j'ai pris uniquement parce qu'il y avait un banc devant :
13h : Je m’aperçois que j’ai perdu mon plan de Paris ! Je suis sûr de l’avoir fait tomber quelque part dans le cimetière : je ne serais pas étonné que ce soit la faute du vieux fou qui m’a perturbé ! Je retourne à tout hasard devant la tombe de Desproges : évidemment, il n’y est pas – ou plus. Je ne vais pas m’amuser à fouiller tout le Père Lachaise pour le retrouver : légèrement paniqué, j’envoie un SMS à l’ami qui, lors de mon escapade de septembre dernier, m’avait procuré ce plan, pour lui demander où je peux en trouver un autre…
13h30 : Ouf ! J’ai finalement trouvé un autre plan de Paris dans un kiosque à journaux : je suis un peu surpris de cette découverte car, si j’avais sollicité un ami en septembre à ce propos, c’était justement parce que j’avais eu toutes les peines du monde à en trouver un moi-même, de sorte que j’étais persuadé que presque plus personne ne vendait de plan en papier à notre époque où tout le monde est supposé se repérer avec un smartphone… J’envoie un autre SMS à mon ami pour lui dire que je me suis tiré de ce mauvais pas : j’entends déjà sa charmante épouse rire comme une baleine en apprenant cette mésaventure…
14h20 : Je m’arrête au Chat Noir. Non, il ne s’agit pas du mythique cabaret parisien mais d’un café situé dans le 11e arrondissement, plus précisément rue Jean-Pierre Timbaud : les responsables d’une revue qui publie mes dessins depuis peu m’y ont donné rendez-vous ce soir. Je suis largement en avance, mais l’endroit est idéal pour un petit après-midi de travail : la lumière est tamisée, les consommations sont plutôt bon marché, il y a du réseau… Bref, j’en profite pour écrire et faire un peu de montage vidéo. C’est peut-être une drôle de façon de passer mon temps à Paris, mais après tout, je ne suis à la capitale que pour des raisons professionnelles, pas pour aller étouffer dans les pièges à touristes…
Je crois avoir vu Michel Cymes au Chat Noir, mais je n'en suis pas sûr...
En tout cas, je suis sûr que les deux responsables de la revue L’éponge étaient les vrais ! Les voici :
Une enseigne devenue symbolique... N'oublions jamais.
Une église que je trouve belle malgré ma détestation des religions :
Mardi 13 février
13h30 : Il n’y a pas quarante-huit heures que je suis à Paris et j’en ai déjà marre : je ne me sens pas à ma place dans cette grande ville où règne une ambiance électrique. Le cadre est d’ailleurs loin d’être idyllique ; oubliez les clichés avec vélos, accordéons, et amoureux s’embrassant au pied de majestueux édifices : malgré leur réseau de transports en commun plutôt performant, les Parisiens s’obstinent à se déplacer en voiture et à user du klaxon pour un oui ou pour un non, il y a au moins autant de cas sociaux agressifs qu’à Brest et, surtout, c’est CRADE ! Vous connaissez la chanson de Pierre Perret « Paris saccagé » ? Je vous jure que ce n’est pas éloigné de la vérité ! À Brest, les gens se plaignent des travaux du tram : ce n’est pas tellement mieux à Paris où je ne traverse pas un quartier sans y trouver au moins un chantier ! Même sur le Champ de Mars, où je me promène mélancoliquement en attendant l’ouverture du Grand Palais Éphémère, il y a des zones rendues inaccessibles par ces tristement célèbres bandes rouges et blanches qui enlaidiraient le jardin d’Éden… Je donnerais tout pour retrouver mes amis !
14h30 : En ma qualité d’exposant, j’ai pu entrer dans le Grand Palais Éphémère une demi-heure avant l’ouverture officielle : c’est la première fois que je vois un vernissage où il faut payer pour avoir un coup à boire ! Au moins, je rentrerai à jeun chez mon oncle… Il y a assez vite beaucoup de monde. Il faut rendre cette justice à Paris : on y sent un véritable intérêt pour l’art. Peut-être pas totalement désintéressé, d’accord, mais mieux vaut une bonne cause qui triomphe pour de mauvaises raisons plutôt que le contraire. Je retrouve l’une des dames qui ont réceptionné mon œuvre hier : elle m’affirme que ce que je propose est sans doute l’un des travaux les plus originaux à être exposé ! Je suis flatté, et je pense même que c’est assez vrai quand je vois les autres œuvres exposées ; je ne remets pas en cause le talent des autres exposants : le problème, c’est qu’il y a tellement de choses à voir qu’on arrive vite à saturation, et quand on a déjà vu une toile représentant (par exemple) un félin, aussi magnifique l’animal soit-il, on les a toutes vues… Je suis de toute façon peu à l’aise dans ce cadre où je ne connais presque personne : j’arrive à lier le contact avec quelques artistes, mais je sais déjà que je ne les reconnaîtrai plus si je les recroise ! À part peut-être la jeune et jolie Moldave qui parle français sans accent et qui a un look qui ne passe pas inaperçu… Quoi qu’il en soit, je m’obstine, le temps que mon oncle et les deux responsables de la revue, à qui j’avais remis des invitations, arrivent.
Mon œuvre, c'est le tableau à droite :
Une toile que j'aime bien parce qu'elle me rappelle ma parodie de La femme au perroquet de Courbet avec cette prétentieuse de Sophie Davant :
Une représentation du tirailleur sénégalais qui se démarque sensiblement de celle véhiculée par le fameux "nègre Banania" :
Une toile pertinente, hélas :
Un croquis d'une photo exposée :
Une sculpture installée en face de mon tableau - elle a obtenu la médaille d'honneur :
Une autrice qui est venue dédicacer ses livres à l'occasion du salon :
Mercredi 14 février
11h30 : De retour au Grand Palais Éphémère pour y retrouver un concitoyen brestois de passage à la capitale, j’en profite pour visiter la partie que je n’avais pas encore eu le temps de voir. Dans le secteur des gravures et des estampes, je suis interpellé par une dame qui, constatant mon intérêt, entreprend de m’expliquer les différentes techniques employées : je sais déjà que j’aurai oublié le gros demain, mais je la laisse faire, trop content d’avoir quelqu’un à qui parler. Je suis tout de même marqué quand elle me parle d’une technique qui nécessite de l’acide ! Je ne pense pas que je voudrai l’employer un jour…
Une photo exposée que j'aime bien :
Quelques croquis de sculptures exposées au salon :
13h50 : Mon concitoyen arrive enfin : je n’ai guère plus d’une demi-heure à lui consacrer. Il m’explique que son arrivée tardive est due au fait qu’il était allé assister à l’hommage à Robert Badinter. Apparemment, Macron a été dans son rôle : c’est bien tout ce qu’on lui demande dans une telle circonstance, non ? La « une » du Charlie Hebdo de cette semaine, où l’on voit Darmanin décapiter un gamin à Mayotte, a cependant l’intérêt de rappeler que la politique du gouvernement actuel est loin d’être en accord parfait avec l’idéal humaniste au nom duquel Badinter a lutté, que ce soit en tant qu’avocat, en tant que sénateur ou en tant que ministre… Il avait 95 ans, mais il me manque déjà ! Alors que certaines personnes (je ne cite personne, suivez mon regard) ont à peine dépassé la quarantaine et j’en ai déjà marre d’elles…
14h45 : Mon rendez-vous est à Beaubourg : je descends à une station de métro qui me fait déboucher directement dans le BHV ! J’ai un mal de chien à trouver la sortie, je fais donc une chose que je déteste : je dérange un employé pour qu’il me renseigne. Je suis d’autant plus content de réussir à sortir qu’en n’achetant rien, en ne prenant même pas la peine de faire un tour dans les rayons, j’ai réussi à éviter le piège qui est tendu à l’usager : vous me forcez à passer par un grand magasin, mais je n’ai même pas regardé la camelote qui y est vendue, je vous ai bien attrapé, hou-hou les cornes et nananère ! Ben oui, ils nous prennent pour des gosses, alors je me mets au niveau !
15h : Je trouve mon rendez-vous de cet après-midi qui n’est autre que… Delfeil de Ton. Et oui, LE Delfeil de Ton, l’ultime survivant, avec Willem, de l’équipe qui fonda Hara-Kiri Hebdo[2] (le futur Charlie Hebdo[3]) en 1969 ! Je suis un peu ému et je ne m’en cache pas : il est très surpris de ma réaction ! Si je devais le résumer en un mot ce serait « hilare ». Oui, faisant mentir ma réflexion sur les humoristes qui, en général, ne sont pas des gens marrants, Henri Roussel[4] n’arrête pas de rire ! Ce nonagénaire semble prendre la vie du bon côté, il n’exprime aucune aigreur en dépit des déceptions qu’il a pu encaisser, on le sent heureux malgré tout d’avoir participé à la formidable aventure des éditions du Square. Nous parlons surtout de Cavanna, fort peu des autres ou de lui-même : je souhaitais avoir des éclaircissements supplémentaires en vue de la publication des actes de ma journée d’étude, je suis servi ! Delfeil a même la gentillesse de me payer une orange pressée et de me dédicacer un de ses livres : je le laisse partir au bout d’une heure, et j’ai la larme à l’œil. Si cette escapade n’avait dû servir qu’à permettre cette entrevue, je considérerais déjà que je ne suis pas descendu à Paris pour rien !
Delfeil de Ton dédicaçant mon exemplaire du Journal de Delfeil de Ton (achetez ce livre si vous voulez rire un bon coup) :
Delfeil de Ton vu par moi-même :
Un slogan féministe que j'ai vu sur les murs :
Une affiche que j'ai photographiée pour celle et ceux qui se demanderaient que devient Caroline Loeb :
Jeudi 15 février
14h30 : J’ai déjà pris congé de mon oncle : je ne souhaite pas abuser de l’hospitalité de ce vieux célibataire, même si j’imagine que ça a dû lui rappeler le temps où il hébergeait mon enseignant de père qui venait passer l’agrégation à Paris – je vous avoue que je ne sais même pas s’il y est arrivé ! Je débarque donc dans un hôtel Formule 1 où j’ai réservé une chambre pour quatre nuitées : il a fallu traverser Paris avec tout mon chargement par une température élevée pour la saison (merci les industriels), je suis déjà à bout de nerfs ! Je ne suis pas plus apaisé quand j’arrive : l’hôtel est situé au pied du boulevard périphérique, à la frontière entre Saint-Ouen et Paris, et le quartier est crado à souhait ! Pour ne rien arranger, quand j’entre enfin dans l’hôtel, il y a la queue à la réception : toute une troupe de jeunes hispanophones qui ont visiblement du mal à faire valoir leurs droits de locataires à cause de… Devinez quoi ? Gagné ! À cause d’un problème d’informatique ! Je ne voudrais pas me répéter, mais au temps des registres en papier… Enfin, vous m’avez compris ! Je ne vais pas radoter, je suis déjà assez énervé comme ça ! Il ne manquerait plus qu’une goutte d’eau pour faire déborder mon vase !
14h45 : La goutte d’eau n’est pas longue à arriver. Quand mon tour arrive enfin, on me demande une pièce d’identité : mais ma sacoche est pleine à bloc et j’ai un mal de chien à trouver ma carte d’identité. Je fulmine, et c’est alors qu’une des dames chargées de l’accueil a la mauvaise idée de me poser une question ! Je craque et je crie « Un instant, un instant » pour lui faire comprendre que je ne peux pas lui répondre et chercher cette saloperie de carte en même temps ! Bon, tout finit par s’arranger : je trouve enfin ma carte et il s’avère que la dame voulait seulement savoir si j’étais déjà venu ici. Une question inutile ? Pas tant que ça : si j’avais déjà fréquenté l’hôtel, j’aurais su qu’on m’y demanderait probablement une pièce d’identité et j’aurais anticipé… Bref, je craque : une fois dans ma chambre, je n’en sors plus, je ne descends même pas pour dîner, et j’écris à quelques amis pour leur dire à quel point j’ai hâte de rentrer…
Vendredi 16 février
10h : Tous ceux qui ont répondu à mes messages me comprennent quand je leur dis que je ne me plais pas à Paris : je ne trouve strictement personne pour défendre la vie à la capitale ! Ça n’arrange pas mon humeur, je me rends donc au cimetière de Montparnasse pour avoir un peu de calme et trouver les tombes de quelques-unes de mes idoles – le temps est maussade et pluvieux, l’idéal pour ce genre de visite. La sépulture de Gainsbourg est relativement facile à trouver : je suis surpris de découvrir qu’elle est presque voisine de celle de Chirac ! Voilà qui aurait fait rire le vieux père Gainsbarre, lui qui se foutait de la politique – et de beaucoup d’autres choses… Sur la tombe de Gainsbourg, on trouve des cigarettes et des tickets de métro[5] : logiquement, sur celle de Chirac, on devrait trouver des têtes de veau ! Il n’y en a pas, mais on y a mis… Des pommes ! C’est encore plus grotesque ! Elle aura vraiment fait du chemin, cette trouvaille des Guignols destinée à illustrer la vacuité sidérale du programme chiraquien… La tombe de Reiser est mieux cachée, de même que celle de Choron : pour la trouver, je suis obligé de passer devant le cénotaphe de Baudelaire ; je ne serais pas étonné que ce monument soit devenu un haut lieu pour les jeunes gothiques et les étudiants romantiques… Quand je m’arrête pour faire un croquis, j’ai l’occasion de rendre service à deux touristes : le premier, un Mexicain qui cherche la tombe de Chirac, est bien surpris de constater que je parle espagnol ! Je me demande quand même pourquoi un latino-américain s’intéresse encore à notre ex-grand benêt national ! Il faut croire qu’ils n’ont pas oublié que « Chichi » s’était opposé à la guerre en Irak et qu’ils le considèrent donc comme un allié dans leur résistance à l’oncle Sam : mine de rien, cette décision (avisée, il est vrai, mais il n’était pas difficile d’être plus malin que Bush junior) lui aura permis de rattraper le coup des essais nucléaires, sans parler du reste… Le second touriste, qui parle français, cherche la tombe de Gainsbourg : je préfère l’accompagner, c’est plus simple pour moi. De fil en aiguille, j’en arrive à lui dire que je suis de Brest : il me dit qu’il connaît et qu’il trouve que c’est une belle ville ! Je suis allé à Paris pour entendre ça et on voudrait que je ne sois pas pressé de rentrer ? Quand je sors, je suis bien surpris de constater que les locaux des éditions Albin Michel se trouvent à proximité ! Je suis à deux doigts de guetter la sortie d’Amélie Nothomb qui, m’a-t-on dit, ne déteste pas fréquenter les cimetières, mais je ne suis pas long à prendre conscience de la vanité d’une telle démarche : j’en serai quitte pour écrire une nouvelle lettre à madame Nothomb quand je rentrerai…
Le "génie du repos éternel" croqué par moi-même :
Le cénotaphe de Baudelaire :
La tombe de Reiser en croquis...
...puis en photo :
Quelques autres tombes illustres :
Le siège des éditions Albin Michel - une maison que je ne connais pas encore vraiment mais que j'aime beaucoup :
13h : Petit tour au jardin des Tuileries. Le cadre doit être bien agréable quand il fait beau et qu’il y a des feuilles dans les arbres, mais même en cette saison, le lieu offre une parenthèse bienvenue dans ce désert de béton et d’asphalte qu’est la capitale. Encore heureux que le maire Chirac, dans sa folie bétonneuse, ne l’ait pas transformé en parking ! Au détour d’une allée, j’aperçois une très jolie fille vêtue d’une façon un peu ridicule qui me rappelle vaguement une druidesse ou une bergère d’Arcadie : je crois donc avoir affaire à une comédienne qui va donner un spectacle de rue ! Mais il s’avère qu’il s’agit en réalité d’un shooting : cette jeune beauté est donc mannequin et sa tenue, loin d’être un costume de théâtre, est un modèle qui va être proposé à la vente ! Ai-je besoin de préciser que je n’ai pas demandé la marque ?
Un couple de colverts vu au Jardin des Tuileries :
Un petit couple d'amoureux dans le même jardin :
Un croquis exécuté dans le même jardin :
14h30 : Passage sur la place Vendôme, un lieu que les boutiques de luxe pourraient me rendre détestable mais qui est doublement symbolique pour moi. Premièrement, ayant lu (et adoré) Riquet à la houppe d’Amélie Nothomb, je m’attends presque à y voir le hideux mais génial Déodat venir à la rencontre de la magnifique mais taciturne Trémière, sortant de la joaillerie dont elle est l’égérie, et la prendre par la taille pour improviser un pas de danse avant de l’embrasser langoureusement… Madame Nothomb, en voulant donner un coup de jeune au conte de Perrault dont elle salue « l’exquise absence de morale », a réussi le tour de force de créer l’un des couples les plus attachants de la littérature française sans le contraindre à une fin tragique : le dernier écrivain à avoir réussi ce périlleux exercice était le grand Zola avec Octave Mouret de Denise dans Au bonheur des dames… De toute façon, les seuls à ne pas être convaincus du génie littéraire d’Amélie Nothomb n’ont jamais lu ses livres ! Deuxièmement, il y a la fameuse colonne dont on a tellement reproché la chute pendant la Commune à Gustave Courbet alors qu’il n’avait fait que la suggérer sans jamais l’ordonner : sincèrement, je ne trouverais pas scandaleux d’abattre une bonne fois pour toutes ce bibelot plus qu’encombrant qui glorifie l’instinct de mort ! On dénonce la guerre en Ukraine ou à Gaza, on peut donc se passer d’un bidule exaltant la mentalité qui est justement à l’origine des massacres actuels. Cela dit, si le Sacré-Cœur de Montmartre venait à prendre feu comme l’a fait Notre-Dame, est-ce que, en appliquant la logique qui a tant pourri la vie à Courbet, on en tiendrait pour responsable le grand Jacques Tardi qui plaide, à juste titre, pour la destruction de cette monstruosité architecturale qui insulte le souvenir de la Commune ?
16h : Petit passage au cimetière Montmartre, que j’ai déjà visité quand j’étais lycéen, pour y trouver la tombe de Siné. C’est mal indiqué sur le plan, mais j’ai un atout : je sais déjà à quoi ressemble le monument funéraire, l’ayant vu dans le documentaire que la belle et talentueuse Stéphane Mercurio a consacré à son génial et tonitruant beau-père[6]. De fait, je finis par repérer ce fameux cactus faisant un doigt d’honneur ! Je m’assieds comme je le peux pour faire un croquis et je ne résiste pas à l’envie de rappeler qui était Siné à deux jeunes filles visiblement intriguées par cette étrange sculpture : vivant, le vieil anar m’aidait à ne pas perdre espoir sous la chape de plomb sarkozienne, et mort, il m’aide à vaincre ma peur des interactions sociales ! Je ne dirai jamais assez à quel point il aura compté pour moi ! Tous les vivants ne peuvent pas en dire autant !
La tombe de Siné :
D'autres tombes du cimetière Montmartre :
Samedi 17 février
12h30 : Après un passage au jardin du Luxembourg, j’ai retrouvé Virginie, l’ex-collaboratrice de Cavanna, avec qui j’avais rendez-vous[7]. Le restaurant vietnamien où elle comptait m’emmener étant fermé, nous nous mettons d’accord pour acheter des sandwiches et des pâtisseries et les consommer aux Arènes de Lutèce : j’ai ainsi l’opportunité de revoir cet édifice que j’avais découvert dans des conditions mitigées. Il est vrai que sous le soleil et en bonne compagnie, ça change tout de suite la perspective ! De surcroît, nous nous mettons sur les gradins, nous offrant le luxe d’une position dominante : en bas, des crétins agitent des étoffes rappelant vaguement la tristement célèbre muleta qu’agitent les toréros pour exciter une pauvre bête aux flancs déjà saignants… Ça ne donne pas envie de les rejoindre ! Non, mieux vaut rester là où nous sommes, au-dessus de la racaille !
La statue de George Sand au jardin de Luxembourg vue par votre serviteur :
13h30 : Sans l’avoir vraiment décidé, Virginie, qui m’avait déjà montré la fameuse cour de la rue des Trois Portes où se fabriquait Hara-Kiri, m’emmène pour une promenade sur les traces de Cavanna, plus précisément dans les rues qu’elle avait l’habitude de parcourir en sa compagnie, à « discuter de tout et de rien » selon ses propres termes. J’aime à penser que ce petit bout de femme a été un précieux renfort pour Cavanna à l’époque où il se sentait floué (à juste titre, hélas) par ceux qui se revendiquaient ses fils spirituels, l’infâme Philippe Val en tête. Je découvre notamment quels sont les fameux « trois ponts » dont il avait parlé dans des chroniques publiées dans le Charlie Hebdo des années 2000 : c’étaient à peu près ceux auxquels j’avais pensé malgré la connaissance assez floue que j’avais alors (et qui ne s’est pas tellement améliorée depuis) de la géographie parisienne. Nous terminons notre promenade par une galerie d’art qui expose actuellement des photos d’Arnaud Baumann, plus exactement ses photos de célébrités… Dont Cavanna lui-même ! Virginie me demande de la prendre en photo devant ce cliché : je la fais poser de manière à ce qu’elle cache le visage d’Aznavour qui est juste dessous… Ben oui : la mort de Cavanna m’avait fait de la peine, tandis que celle d’Aznavour… Disons un peu de moins, pour rester poli !
Une photo au Jardin des Plantes :
Des vues prises depuis le haut de l'Institut du Monde Arabe :
Une vue chez les bouquinistes des bords de Seine, avec moi posant devant les dessins d'une de mes idoles (au cas où vous ne l'auriez pas compris) :
Une photo que j'ai prise sur le parcours des trois ponts :
Moi devant la photo d'une autre de mes idoles, un magicien du verbe et de la musique :
16h : Virginie ayant pris congé, je profite de la proximité du musée Carnavalet pour aller poursuivre la visite que je n’vais pu terminer l’année dernière. J’ai juste le temps de visiter le gros du premier étage avant la fermeture. Je pique un fard quand une jeune béotienne, devant un pied provenant d’une statue abattue de Louis XIV, demande pourquoi il porte une « tong » ! Je fais donc remarquer à cette péronnelle que si elle prenait la peine de lire les panneaux, elle saurait que le sculpteur avait chaussé le roi-soleil de sandales à la romaine… J’agis ainsi pour la culture, pas pour l’honneur de ce souverain sabreur qui aurait cent fois mérité le sort que l’on a finalement infligé à son arrière-arrière-petit-fils, ce pauvre Louis XVI dont le seul tort véritable fut de ne pas comprendre que le monde avait changé – il l’a payé cher, du reste !
Encore une belle église :
Dimanche 18 février
8h30 : Tôt levé, je risque, sur les conseils de Virginie, un tour aux puces de Saint-Ouen. Ça me déprime assez vite : outre le fait qu’il fait décidément sale au pied du périphérique, je ne vois pratiquement que des marchands de fringues, de bibelots, de bidules électroniques et autres saloperies dont je n’ai rien à cirer. Les stands ont beau être majoritairement tenus par des Arabes, l’ambiance n’évoque que d’assez loin les Mille et Une Nuits ! Oubliez le mythe du commerçant arabe aimable et chaleureux, j’ai plutôt l’impression d’assister à un rassemblement de ferrailleurs ou de gérants de sex-shops ! Certains prétendent que les immigrés ne s’intègrent pas : pour ma part, j’ai l’impression qu’ils s’intègrent un peu trop vite ! Hé, les gars, déconnez pas, devenez pas aussi cons que les Français ! Plus, vous auriez du mal…
10h30 : Passage aux Archives nationales pour voir l’exposition « L’œil de Libé » qui prend fin aujourd’hui : il y a un côté ludique, c’est monté de telle façon qu’on peut s’amuser à essayer de trouver de quoi parle la photo avant de lire le commentaire qui l’accompagne. Dans certains cas, c’est facile, dans d’autres, un peu moins : j’avoue avoir bien failli prendre Giscard pour Jean-Luc Godard ! L’approche de la photo de presse par Libération reste originale par rapport à celle des autres quotidiens nationaux et l’expo offre un aperçu saisissant de tout ce qui a marqué le demi-siècle écoulé : nous avons quitté le XXe siècle pleins d’espoir, dans un monde libéré du communisme, et depuis le début du XXIe, nous n’avons cessé d’être mis à l’épreuve bien au-delà de tout ce que nous aurions raisonnablement pu craindre… Où s’arrêteront-ils ?
11h30 : Déjeuner à L’Escurial, près de la place des Vosges, qui m’avait laissé un bon souvenir. Peu après mon arrivée, deux femmes âgées s’installent non loin de moi. Je trouve l’une d’elles très belle, je ne peux résister à l’envie de faire un croquis. Quand je lui montre le résultat avant de repartir pour le musée Carnavalet, elle fait une grimace : je ne suis pas très bien armé pour décoder la communication non-verbale, mais là, je n’ai vraiment pas besoin de mots…
Je n'ai pas gâté cette dame ; pourtant, elle me plaisait beaucoup.
16h30 : J’ai voulu prendre le métro à Concorde pour retourner au Grand Palais Éphémère… Mais le train souterrain ne va pas plus loin : la ligne est coupée pour cause de colis abandonné ! Et voilà : un zigoto oublie ses affaires quelque part et tous les autres usagers sont tenus, au nom de leur sécurité, de mettre leur vie entre parenthèses ! Pas étonnant qu’avec une mentalité pareille, le pouvoir nous ait assigné à domicile à cause d’une grosse grippe… Je ne m’y ferai jamais ! J’en suis quitte pour une bonne marche par un temps tristasse…
18h30 : Je quitte le Grand Palais Éphémère avec mon œuvre fraîchement récupérée. Les organisateurs m’ont encouragé à continuer et à revenir l’année prochaine : pour le premier point, pas de problème, je n’arrêterai jamais de dessiner. Pour le second, c’est déjà moins sûr : à supposer que j’aie le loisir de repostuler, encore faudra-t-il que je sois sélectionné…
Lundi 19 février
5h40 : Mon train pour Brest quitte Paris à 6h47 : j’avais donc prévu de prendre le premier métro pour ne pas devoir arriver à la gare dans la panique. Hélas, celui-ci est plein à bloc ! Impossible pour moi, avec tout mon chargement, de m’y frayer une place ! Je pensais naïvement que le métro serait presque vide, à une heure aussi matinale. Fatale erreur : tous ceux qui travaillent à Paris mais habitent en banlieue sont obligés de partir aux aurores pour arriver à l’heure au bureau… Pour moi qui avais hâte de partir, c’est un cinglant rappel à la réalité ! Je ne peux m’empêcher de crier « Y a trop de monde sur la Terre ! » en croisant les doigts pour que le même gag ne se répète pas avec la rame suivante, faute de quoi je risque vraiment d’être juste…
5h50 : J’ai réussi à me glisser dans le métro suivant, ouf ! Mais je ne suis pas au bout de mes peines : le wagon n’en est pas moins bien plein, et pas forcément de gens très agréables à côtoyer. Croyant qu’une personne située derrière moi m’adresse la parole, je me retourne et lui demande « Quoi ? ». Un témoin me dit que la dame ne me parlait pas : je crois l’affaire close, mais non ! Le témoin, qui doit avoir dix ans de plus que moi, me fait la leçon et me menace des pires sévices si je ne me départis pas ce qu’il a décidé de cataloguer comme étant de l’arrogance de ma part… Je ne réplique pas, mais je regrette encore moins de partir ! La grande majorité des occupants du wagon sont des femmes noires : là encore, vous pouvez oublier les stéréotypes ! Le cliché de la grosse mamma noire toujours prête à vous serrer dans ses bras est totalement inopérant, de même que celui de la magnifique princesse sculpturale en boubou : elles ont beau être noires, elles ont le même air méprisant que les bourgeoises blanches. Décidément, la connerie n’a pas de couleur !
10h30 : Je n’ai jamais été aussi heureux de revenir à Brest ! N’ayant pas eu le temps de prendre un petit déjeuner avant de partir, je m’arrête dans le « Izee » de la Place de la Liberté pour y consommer une boisson chaude et des croissants : le tout ne me coûte pas plus de quatre euros, ça me fait drôle de retrouver des tarifs honnêtes !
[1] C’était le vrai nom de Pierre Dac, ‘faut tout vous dire, décidément.
[2] À ne pas confondre avec le mensuel Hara-Kiri, fondé en 1960 par Cavanna, Fred et Georges Bernier (qui n’était pas encore le professeur Choron) et dont Hara-Kiri Hebdo, justement, était le « prolongement hebdomadaire ».
[3] À ne pas confondre avec le mensuel Charlie, fondé en 1969, dédié à la bande dessinée et dont Delfeil de Ton, justement, fut le premier rédacteur en chef avant de céder la place à Wolinski.
[4] C’est le vrai nom de Delfeil de Ton ! Vous n’êtes vraiment au courant de rien !
[5] Pourquoi ? Ben par allusion au « Poinçonneur des Lilas », tiens ! Cette question ! Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous…
[6] Le film s’intitule Mourir ? Plutôt crever ! Ce titre iconoclaste est justement l’épitaphe que Siné a choisie pour lui et toutes celles et tous ceux qui ont déjà leur place assignée dans son caveau, dont sa veuve et Delfeil de Ton. D’après Virginie Vernay, Cavanna aurait refusé à se joindre à ce beau monde, arguant que quitte à se faire chier pour l’éternité, il préférait le faire tout seul ! Non-conformiste jusqu’à la mort ? Non ; MËME dans la mort !
[7] Oui, c’est bien elle « la petite Virginie » de Lune de miel !
Pour commencer, puisque la Saint Valentin approche, un petit dessin pour les amoureux - j'ai voulu représenter Trémière et Déodat, le couple (apparemment) paradoxal mis en scène par Amélie Nothomb dans Riquet à la houppe.
Samedi 3 février
11h30 : De passage sur la place Guérin avec une amie, j’apprends auprès de cette dernière que la crêperie « Les pissenlits par la racine » a fait l’objet d’une fermeture administrative pour raisons d’hygiène ! Dire que j’ai failli y déjeuner ! Je n’ose imaginer quelles saloperies nous aurions pu y attraper ! Enfin, je dis ça, mais je connais mal le dossier : depuis qu’on a interdit le Café de la plage d’accueillir des concerts pendant tout un semestre, je ne peux m’empêcher de penser que les pouvoirs publics ont les bistrots de la place Guérin dans le collimateur et ne rêvent que de les voir disparaître…
11h45 : Je discute dans un bar avec deux autres créatrices : nous envisageons de partager ensemble un kiosque à la PAM que j’ai déjà réservé. Au prix de la réservation le samedi, nous ne serons pas trop de trois pour rendre le coût raisonnable ! Mes associées semblent prendre l’affaire au sérieux, elles sont presque choquées quand elles comprennent que les responsables du bâtiment ne nous apporteront aucune aide, logistique ou communicationnelle, et que nous ne sommes pour eux que des cochons de payeurs. Je me promets de ne pas les décevoir et de faire mon possible pour que notre opération ne passe pas inaperçue…
12h30 : Après un petit apéritif, je me retrouve seul avec l’une de mes deux associées ; nous en venons, je ne sais pas trop comment, à parler d’Astrid et Raphaëlle : c’est la première fois, depuis que je l’ai découverte, que je rencontre une personne qui n’apprécie pas cette série ; c’est aussi et surtout la première fois que j’entends quelqu’un qui ne salue pas le jeu d’actrice de Sara Mortensen. La raison est vite trouvée : cette dame n’a pas d’autiste dans son entourage et, de ce fait, elle est persuadée que la belle Sara en fait trop. Mais pas du tout : quand on vit au quotidien avec l’autisme, on se rend compte que, loin d’être caricatural, le personnage d’Astrid Nielsen est presque en-dessous de la réalité… En tout cas, c’est ce dont je peux témoigner !
Lundi 5 février
16h : Après un dimanche sans histoires, je règle quelques affaires en ville : je suis ainsi amené à passer à la poste du centre-ville pour acheter des timbres. La caissière (car je n’ose plus parler de postière dans le cas présent) me demande… Mon adresse mail ! Mon adresse mail pour me vendre des timbres ? Non mais ça ne va pas, des fois ? En fait, cette jeune femme s’était mise en tête que j’envisageais je ne sais quelle opération supplémentaire qui aurait nécessité que je lui donne cette information… Il y a des jours où je regrette presque les postières d’antan : elles étaient aimables comme des portes de prison, c’est entendu, mais après tout, on ne leur demandait pas d’être souriantes mais simplement de faire leur boulot. Je préfère qu’on me fasse la gueule mais qu’on rendre le service que je sollicite plutôt qu’on me sourie mais qu’on me propose une réponse à une question que je ne pose pas !
Mercredi 7 février
11h45 : Hier soir, j’avais presque réussi à être fier de moi, j’avais enfin bouclé la BD basée sur le scénario d’un jeune homme lourdement handicapé. Je suis donc allé scanner la dernière planche dans une boutique prévue à cet effet… Et quand je vois le résultat, une chape de plomb me tombe dessus : les lettrages sont illisibles ! Il est vrai qu’ils étaient très fins, mon Rotring ayant depuis peu un débit très faible, mais je m’attendais à ce que, scannés en noir et blanc, ils ressortent convenablement : la dame m’explique qu’elle ne peut pas régler sa machine qui détecte automatiquement si la page est en couleurs, en noir et blanc ou en « nuances de gris »… Voilà ce qui arrive quand on délègue tout aux machines ! Tous ces trucs automatiques conçus par des crânes d’œuf qui croient savoir mieux que nous ce dont nous avons besoin ne facilitent absolument pas la vie : je ne compte plus le nombre de fois où, rien qu’en voulant utiliser un traitement de texte, j’ai été retardé dans mon élan scripturaire à cause de fonctionnalités qui se déclenchent automatiquement et ne me servent à rien… Tout le monde a, dans son entourage plus ou moins proche, un casse-pieds qui croit tout mieux savoir que les autres, qui ne peut s’empêcher de mettre son grain de sel quand on ne lui demande rien et qui, au final, ne fait qu’aggraver les choses : grâce à la technique moderne, tout le monde en a un en permanence chez soi, à ceci près qu’on ne peut même pas lui clouer le bec en lui criant qu’il fait chier !
Puisque je parle de mes déboires d'auteur de BD, voici quelques croquis réalisés dans ce cadre :
14h : Passage à la faculté afin de m’assurer que tout est prêt pour la journée d’étude sur Cavanna que j’organise demain. Je sors rassuré : la salle est réservée et sera opérationnelle. Le technicien m’a demandé si il y avait de la visioconférence de prévue : ma réponse négative lui a fait dire que ce point suffisait à faciliter grandement les choses et que je n’avais donc vraiment pas à m’en faire. J’avais réservé l’après-midi pour m’assurer que tout était son contrôle : ça aura duré moins de temps que prévu… On n’est jamais trop prudent, n’est-ce pas ?
15h30 : Je m’arrête à la médiathèque de Bellevue : de là, je pourrai gagner à pied l’annexe des Beaux-arts, ce qui m’évitera de devoir prendre le bus à l’heure de pointe. La circulation sur l’avenue Le Gorgeu n’a jamais été une partie de plaisir, mais les travaux du tramway en ont fait un vrai cauchemar… Assez vite, je n’ai plus grand-chose à faire, alors je me livre à une activité assez inattendue dans un tel lieu : je dessine. Plus exactement, je repasse au marqueur les lettres de la planche dans l’optique d’un rendu digne de ce nom quand je la ferai scanner. Je crains brièvement qu’on ne me fasse des remarques, mais dans la gigantesque écurie d’Augias qu’est la société actuelle, les médiathèques sont elles-mêmes devenues des fourre-tout où mon activité n’est pas plus incongrue que les cris des enfants…
A ce propos...
21h : Malgré mon obligation de demain matin, je suis quand même venu à la scène ouverte du Café de la plage. Désormais, quand je passe sur scène, je garde mon casque antibruit : ainsi, je suis forcé d’articuler pour m’entendre, on ne peut donc plus me reprocher mon débit oratoire, et je ne suis plus trop perturbé par le brouhaha du public qui a tendance à me freiner dans mon élan. Il faut croire que ça marche car on ne me fait aucune remarque sur la vitesse à laquelle je parle et un musicien se propose de m’accompagne au piano dans un avenir proche : je réponds que je ne suis pas certain de pouvoir caler ma voix sur une musique mais qu’on pourra toujours essayer à l’occasion.
Quelques photos prises lors de la scène ouverte :
22h15 : Épuisé, je suis déjà parti. Arrivé à l’arrêt de bus, je me rends compte qu’il n’y en aura pas avant trois quarts d’heure. Il pleut, il fait nuit, je suis seul comme un chien. J’en ai vraiment ras-le-bol ! Pourquoi les horaires du bus sont-ils fichus ainsi, maintenant ? Il n’y a pas si longtemps, j’arrivais encore à ne pas devoir poireauter aussi longtemps ! Il parait qu’outre la seconde ligne du tram, les travaux visent à mettre en place une ligne de bus à haut niveau de service qui desservira mon quartier : en attendant, ils auraient déjà pu laisser en place la desserte qui existait déjà !
Jeudi 8 février
17h : Je quitte la faculté où la journée d’étude sur Cavanna, organisée sur mon initiative, vient de prendre fin. La fréquentation n’était pas énorme, mais les absents ont toujours tort. De toute façon, l’important n’est pas là : j’ai prouvé que j’étais capable d’organiser un événement et de le mener à bien. Tout s’est passé exactement comme prévu, nous avons même fini à l’heure, ce qui n’est pas si fréquent pour ce genre de manifestation. J’aimerais pouvoir savourer mon succès mais, à peine sorti, je me retrouve sous une pluie battante et mon parapluie est retourné par le vent… Franchement, la nature n’a pas besoin de me rappeler on insignifiance dans les moments où je pourrais m’aventurer à m’imaginer que j’ai de la valeur, la société fait déjà ça très bien ! Que dire de cette journée d’étude en elle-même ? Je l’ai à peine vue passer, tant j’étais concentré sur la bonne tenue de l’événement. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui s’est dit, le public aura tout le loisir de le découvrir quand nous publierons les actes.
Quelques dessins qui m'ont été inspirés par les différentes communications : Pascal Tassy est revenu sur les parodies de vulgarisation scientifique écrites par Cavanna, notamment L'aurore de l'humanité.
Monsieur Tassy explique d'ailleurs que ces parodies de vulgarisation scientifique trouvaient place dans un contexte de lutte contre le négationnisme...
Lionel Simonneau a traité de Stop-crève, le combat le plus prométhéen mené par Cavanna...
Magali Coumert a parlé des romans mérovingiens de Cavanna...
Des romans historiques qui faisaient clairement référence à une vision de cette époque héritée de l'école de la IIIe République pour la subvertir...
...ne serait-ce que la notion même "d'invasions barbares" qui sent son racisme à plein nez !
Laurence Dalmon, enfin, est revenue sur Les écritures, véritable machine de guerre littéraire de Cavanna contre les religions. C'est vrai que cette histoire de "Sainte Trinité", je n'ai jamais marché...
Et puisqu'on parle de Cavanna...
Vendredi 9 février
9h20 : Je débarque à l’hôtel Bellevue, qui fut notamment l’établissement où était descendu Jack Kerouac, afin d’y retrouver l’une des intervenantes de la journée d’étude d’hier à laquelle j’ai promis de faire visiter Brest. En attendant qu’elle descende de sa chambre, je feuillette le dernier numéro du Télégramme où j’apprends, entre autres, que le conseil départemental du Finistère a voté le conditionnement du RSA à une activité : personnellement, je n’ai pas trop à m’en faire, il me sera facile de prouver que je ne suis pas inactif, mais je m’inquiète pour celles et ceux qui n’ont pratiquement que les aides sociales pour survivre. En fait, les économies réalisées ont de fortes chances d’être dérisoires pour la collectivité : le cliché du chômeur fainéant et alcoolique qui refuse de travailler pour ne pas perdre le RSA est une caricature qui n’a qu’un lointain rapport avec la réalité. Peu de gens risquent vraiment de tout perdre… Mais il y en aura tout de même quelques-uns qui risqueront de finir à la rue ! En fait, cette réforme est purement symbolique : les aides sociales, c’est comme les retraites, c’est de l’argent qui échappe au capital, et un technocrate comme Macron ne peut pas le supporter, pas plus d’ailleurs qu’un artistocrate comme Maël De Calan ; toucher de l’argent sans rien faire doit rester l’apanage de l’élite, n’est-ce pas ?
9h30 : Ponctuelle, ma visiteuse me rejoint. Je m’improvise ainsi guide touristique pour celle qui n’est autre que « la petite Virginie » que Cavanna avait immortalisée dans Lune de miel ! Elle me pose tellement de questions que je comprends ce que peuvent ressentir les parents sans cesse questionnés par leurs enfants ! Et pourtant, elle pourrait être ma mère : dans un sens, il est plutôt positif qu’à cinquante ans passés, elle garde une curiosité de petite fille… Faut-il y voir une influence de Cavanna dont la curiosité était en éveil permanent ?
13h : Alors que nous nous apprêtons à déjeuner aux Capucins, nous apprenons la mort de Robert Badinter… On retient surtout l’artisan de l’abolition de la peine de mort en France : c’est vrai qu’il fallait déjà un sacré courage pour mettre la guillotine au rencart à cette époque où les Français étaient encore majoritairement favorables à la peine capitale, surtout quand on sait que Giscard a reconnu qu’il ne l’aurait pas abolie s’il avait été réélu en 1981. Mais Badinter, c’était aussi l’artisan de la suppression des tribunaux militaires, cette justice d’exception où l’armée était à la fois juge et partie : Cabu a dit que c’était le seul combat qu’il avait vu aboutir de son vivant. Badinter, enfin, c’était un avocat qui a sauvé la tête de son client non seulement contre la justice française mais aussi contre la vindicte populaire qui réclamait la mort de Patrick Henry, comme si le sang que cet assassin avait déjà versé n’avait pas suffi. Bref, encore un porteur de lumières qui s’en va, laissant la France un peu plus dans les ténèbres… Un bon point quand même : comme ça, on ne parle plus du remaniement ministériel !
17h15 : Après avoir longtemps marché pour faire découvrir Brest à Virginie, je m’arrête, celle-ci venant de me quitter pour regagner son hôtel, au Coco’s bar, un établissement ouvert depuis peu sur la rue de Siam et que je n’avais encore jamais essayé. La salle est vaste et raisonnablement éclairée et il y a des fauteuils confortables : exactement ce qu’il me faut pour me reposer en attendant d’aller à la piscine. J’en profite pour feuilleter Max a une amoureuse que je viens d’acquérir dans l’espoir de l’offrir à un enfant : c’est un peu régressif de ma part, mais j’avoue être plutôt bon client de cette série qui parle de façon assez frontale des questions auxquelles les enfants peuvent être confrontés ; il ne faut pas idéaliser l’enfance, c’est une période de la vie plus angoissante qu’on ne le pense, on devrait oser tout dire aux enfants, les non-dits et les tabous sont souvent plus lourds à porter que la vérité…
18h : Je quitte le bar. Le serveur me reconnaît, il a vu ma photo dans Le Télégramme d’aujourd’hui : je comptais profiter de mon départ pour lui demander s’il ne serait pas intéressé par une animation que je pourrais assurer, mais cette entrée en matière inattendue me déstabilise et je me borne à lui remettre ma carte de visite… Je prends la route de la piscine, avec une motivation mitigée.
19h : Comme prévu, je ne suis pas très en forme pour nager. Je fais cependant de mon mieux, même si ma fatigue aggrave ma difficulté à saisir l’implicite : quand la monitrice me dit « un devant, un derrière », je ne comprends pas qu’elle parle des bras ! Ma patience aussi en a pris un coup : une élève, une jolie noire, me lance « C’est physique, hein ! » Je sais bien que les neurotypiques s’échangent volontiers des banalités pour créer du lien, mais je ne suis pas d’humeur à m’accommoder de cette manie de dire des choses sans intérêt et je l’envoie paître… Et on s’étonne que je sois toujours célibataire.
20h30 : Je me rends au Biorek brestois où les patrons fêtent les deux ans de l’établissement. J’espérais y retrouver une de mes meilleures amies avec ses deux enfants, mais ils sont déjà partis. Petite consolation : il y a une femme d’âge mûr qui connaît mon travail, à laquelle je peux ainsi apprendre la publication de l’article du Télégramme et, par voie de conséquence, la sortie de mon dernier recueil. De toute façon, après toutes les émotions que j’ai eues dernièrement, j’avais besoin du cadre feutré du Biorek pour me réconforter.
Samedi 10 février
15h : Me revoici en ville pour faire scanner cette fameuse planche dont j’ai ré-encré les lettrages. Je tombe sur un os : la boutique est fermée le samedi… Les crétins qui militent pour l’ouverture des magasins le dimanche feraient bien de savoir qu’il est déjà difficile, à Brest, de trouver des commerces ouvert le samedi et le lundi ! Voire des commerces ouverts tout court !
15h10 : Le tramway étant bloqué à cause d’une manifestation de soutien à la Palestine (pas de toute, ça doit faire trembler Tsahal !), je décide de prendre le bus pour monter jusqu’à Bureau Vallée. Mais ma patience atteint déjà ses limites : je ne peux m’empêcher de crier « silence » au couple qui parle fort dans mon dos. Effrayé par mon cri, le mec, visiblement déjà saoul, en fait tomber sa bouteille de vodka, qui se brise et répand une odeur d’alcool répugnante… Quand je monte dans le véhicule, une personne me bloque l’accès : je lui demande sèchement de libérer le passage, ce qui me rend suspect aux yeux du conducteur. Résultat : le type à la vodka, monté peu après moi, raconte je ne sais quoi sur mon compte à ce chauffeur qui y croit comme un seul homme et me menace d’appeler la police si jamais il m’entend encore une fois ! C’est la deuxième fois en un semestre qu’on me traite comme un criminel alors que je ne suis que victime de cette agression permanente que l’on appelle société…
15h15 : J’espérais que le bus desservirait l’arrêt Saint-Michel, ce qui m’approcherait toujours un peu de Bureau Vallée… Mais non ! Aux déviations liées aux travaux s’ajoutent celles provoquées par cette fichue manif : je n’ose pas me renseigner auprès du conducteur et je descends au premier arrêt, aux alentours de la gare. Je saute dans le premier bus qui arrive, lequel ne peut me faire monter plus haut que la station dont je viens déjà : il va donc falloir que je me tape quand même la côte à pied. Quand je pense que j’étais seulement sorti pour faire scanner un dessin et faire imprimer un billet de train…
15h30 : Enfin arrivé à Bureau Vallée, je précise tout de suite à la dame qui m’accueille que je ne saurai pas me servir moi-même de leurs engins et que j’ai donc besoin de son assistance pour scanner un dessin. Un gosse se met à pigner, je ne peux cacher la crispation que cela génère en moi. « Ça arrive que les enfants pleurent » me dit la vendeuse : je lui oppose qu’à leur âge, quand je faisais du bruit, j’étais vertement réprimandé ! Qu’elle ne puisse pas intervenir, je le conçois, mais qu’elle ne me demande pas EN PLUS de le tolérer ! Je crois que je hais notre époque…
15h45 : Ayant enfin obtenu ce que je voulais, je ressens un vif besoin de réconfort : je me rends donc à la boutique de piercing et de tatouage où j’ai l’habitude de me réfugier. Heureusement, je peux compter sur l’écoute de la « meuf » de l’équipe, une fille douce, gentille et compréhensive. On peut être piercée, tatouée et teinte en rose et être douce, gentille et compréhensive : ce n’est pas incompatible, c’est même plus fréquent que chez les dames patronnesses BCBG… Je regrette d’avoir juré de ne jamais me faire tatouer, je suis sûr qu’elle doit traiter si bien ses clients qu’on ne sent même pas la douleur…
19h : Avant de me rendre à la MPT du Valy-Hir où mon ami Miika Bjørn doit chanter, je passe dans un établissement que je ne fréquente plus qu’occasionnellement : la friterie. Je commande un gros cornet : la consommation de frites est devenue exceptionnelle chez moi et j’ai cruellement besoin de réconfort. Je ne peux m’empêcher de culpabiliser, moi dont mes proches affirment que j’avais minci… Il ne faudra pas que je m’étonne si j’ai des boutons au menton demain matin !
19h30 : Je prends le tram. Celui-ci est plein à bloc et ça s’aggrave au niveau du bas de Siam où nous sommes rejoints par une troupe de beaufs qui prennent le véhicule pour une salle de baloche et font un boucan du diable ! Visiblement, il y a un concert à l’Arena : je ne sais pas de qui, mais au vu du public qu’il draine, je me félicite de ne pas y aller ! Jugeant intolérable qu’on fasse autant de bruit dans les transports publics, je réclame le silence : une dame me dit que ces gens ne sont pas agressifs, qu’ils sont enjoués… Mais j’en fiche ! Cette attitude est totalement irrespectueuse des autres voyageurs, je ne vois pas au nom de quoi je devrais la tolérer !
20h15 : Il n’y a pas grand-monde au concert de Miika et il ne faut pas compter sur moi, qui suis épuisé et d’humeur massacrante, pour mettre de l’ambiance ! D’autant que je ne peux m’empêcher de pleurer quand il chante « En cloque » et « Morgane de toi ». Il ne chante pas que du Renaud et j’apprécie l’essentiel de son répertoire… Sauf quand il se met à interpréter « Que je t’aime » ! Non, écouter du Johnny est au-dessus de mes forces : j’en profite pour aller aux WC… Comme quoi, l’expression « Pleure un bon coup, tu pisseras moins » est une belle connerie, comme la plupart des clichés d’ailleurs.
22h10 : Dans le tram, nous avons la visite des contrôleurs : je ne peux m’empêcher de les narguer et de leur faire remarquer qu’on aurait eu besoin d’eux à l’aller pour rappeler à l’ordre tous ces blaireaux qui faisaient du boucan ! Je m’entends rétorquer que s’ils étaient « en règle » (comprenez : en possession d’un titre de transport), ils n’auraient rien pu leur dire… Voilà qui n’arrange pas mon moral quand je me retrouve pour une énième fois dans l’obligation d’attendre le bus pendant quarante minutes ! Je pars demain pour Paris, ce qui m’ennuie profondément : j’espère au moins que les usagers du métro seront aussi calmes que la dernière fois…
L'événement qui me retient à Paris :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Commençons par un petit dessin que j'ai réalisé pour l'anniversaire d'une amie - j'ai effacé son nom et celui des deux villes qui étaient indiquées sur les panneaux, libre à vous de le réutiliser en le complétant avec le nom d'un de vos proches et les toponymes de votre lieu d'habitation et du sien.
Samedi 27 janvier
14h : Après un vendredi sans histoire, me voici de retour à Guilers pour écouter une conférence sur le passé de cette commune : avec ce que raconte l’oratrice, j’ai largement de quoi alimenter une chronique ou deux. Malheureusement, je n’ai pas trouvé de place au premier rang : ça n’a l’air de rien mais, de ce fait, je suis contraint de me retrouver coincé entre trois personnes, ce qui est déjà oppressant. Pour ne rien arranger, l’assistance ne peut pas s’empêcher de papoter pour un oui ou pour un non ! Et pourtant, du haut de mes 35 ans, je fais figure de bébé dans cette assemblée de seniors ! Et après, ça va se plaindre de n’avoir pas compris ! Le mythe de la sagesse qui vient avec l’âge est une vaste fumisterie !
15h30 : En sortant de la médiathèque, je tombe sur un avis de mariage affiché à l’entrée de la mairie. L’annonce est introduite en des termes bien étranges : « Devant être célébré FORT-DE-FRANCE (Finistère) »… De toute évidence, il y a une rupture de construction et une légère erreur de localisation géographique… À moins que ce soit moi qui ai mal compris quelque chose, mais ça m’étonnerait quand même un peu !
La preuve en image :
Après "entre" figuraient bien évidemment les noms et adresses des mariés : j'ai recadré la photo de façon à ne pas vous les montrer, par respect pour l'intimité de ce couple - auquel je présente tous mes vœux de bonheur.
Dimanche 28 janvier
17h : J’ai profité de ce passage dans la commune de mon enfance pour passer la nuit chez mes parents. Mon père me ramène donc chez moi, dans sa voiture, la radio allumée. Je n’ose pas lui demander de l’éteindre. Au moins, ça me donne l’occasion d’apprendre que Didier Barbelivien présente une émission sur Europe 1 : ce dimanche-là, il recevait un académicien… Il paraît que France Inter est la radio la plus écoutée de France : on se demande bien pourquoi les auditeurs boudent les radios privées !
Lundi 29 janvier
10h45 : Je donne mon sang. Non, je n’en tire aucune gloriole. Je n’ai pas à être fier de ce geste, ça ne fait pas de moi quelqu’un de bien. Je me souviens de cet épisode d’Un gars, une fille où Jean et Alex vont donner leur sang et en tirent un prétexte pour prétendre être des « gens bien » mais refusent de donner l’aumône à un mendiant dans la seconde qui suit… Et puis pourquoi ne rend-t-on pas le don du sang obligatoire ? On fait bien payer des impôts aux gens qui gagnent bien leur vie : pourquoi ne forcerait-on pas les gens bien portants à donner leur sang ? Même les gens non imposables auraient l’occasion de rendre service à la société ! Dites, c’est pas con comme idée, je devrais peut-être la proposer à Raphaël Glucksmann !
Mardi 30 janvier
12h : Déjeuner au Subway avec mon ami correspondant au Télégramme. Le cadre est hideux et bruyant, les sandwiches sont dégueulasses, mais j’ai laissé mon ami choisir l’endroit par égard pour son emploi du temps chargé. Je le revois, entre autres, pour la promo de mon troisième recueil de dessins : un peu de publicité n’est pas de trop ! Il me pose des questions assez pointues, on ne peut pas lui reprocher de faire des efforts sincères pour s’intéresser à ce que font les artistes locaux : je saisis l’occasion pour me livrer comme je ne l’ai jamais fait devant un autre journaliste. Je lui dis franchement que la vocation de dessinateur satiriste m’était venue en voyant les Guignols brocarder les querelles un peu vaines des grands de ce monde et que je ne pensais pas que je devrais, en 2024, commenter des guerres, des pandémies, des triomphes populistes et toute cette crasse qui devrait relever d’un passé révolu depuis longtemps. Sans compter la catastrophe écologique annoncée par-dessus le marché… Peut-on rire de tout ? Oui, mais on n’y est pas obligé si on n’en a pas envie.
15h : Je reçois la visite inopinée d’une représentante de mon bailleur qui profite d’un passage sur site pour m’annoncer qu’un devis a été demandé en vue de la réfection des parties communes, où des crétins ont trouvé spirituel de répandre de la peinture bleue partout, et qu’ils allaient aussi engager un programme de rénovation des « espaces verts » – une appellation pompeuse pour la malheureuse cour qui entoure l’immeuble et où des plantes invasives poussent entre deux amoncellement de détritus… Au moins, en envoyant une lettre pour me plaindre de cet état de fait, je n’aurai pas prêché dans le désert ! Rendez-vous dans un an pour voir si ses belles promesses n’auront pas été du vent…
Portrait d'une petite fille, réalisé pour faire une surprise à ses parents :
Mercredi 31 janvier
10h : Désespérant d’y parvenir chez moi, je fais scanner ma dernière planche dans une boutique spécialisée. La jeune femme qui me prend en charge s’est trompée de type de fichier : elle me demande donc de « la lui repasser » ; pensant qu’elle parle de ma clé USB, je me mets à la fouiller compulsivement ma sacoche pour la retrouver : la demoiselle me dit donc qu’elle parlait de ma planche, qu’elle venait de restituer ! La clé, elle l’avait toujours ! Et oui, mentalement, j’étais déjà prêt à partir : ma difficulté à saisir l’implicite, qui est un trait autistique courant, a fait le reste. Cette anecdote n’est pas glorieuse, mais je tiens à l’opposer à celles et ceux qui seraient tentés de penser que je joue la comédie…
15h30 : J’arrive à la médiathèque de Bellevue pour y travailler dans le calme en attendant l’heure du cours du soir. Je dois déchanter : le mercredi, les minuscules sont là pour faire des activités et il ne faut compter ni sur les animateurs ni sur les bibliothécaires pour demander le silence à ces chers petits ! Bref, c’est l’enfer. Je ne suis pas du genre à vivre dans le passé, mais ça me rend nostalgique de l’époque où le silence était de rigueur dans ce qu’on appelait encore des bibliothèques et où les gosses n’avaient pas tous les droits…
Comme chaque mercredi soir, j'étais au cours de dessin ; nous avions un modèle pour faire du croquis de nu, en voici un aperçu :
Jeudi 1er février
12h : J’apprends que pour prendre la mesure de la flambée des prix, Gabriel Attal va visiter un supermarché… En compagnie d’un traducteur ! Le premier ministre a besoin d’un interprète pour explorer un endroit où les Français moyens vont faire leurs courses ! Je mettrais ça dans un dessin, tout le monde dirait que j’exagère ! Chers parents, votre ado est un branleur qui ne veut même pas aller faire une course au Leclerc du coin ? Ne vous inquiétez pas pour son avenir, il a le niveau pour devenir chef de gouvernement !
22h20 : Après un passage à la scène ouverte de La Raskette, où je n’étais pas venu depuis longtemps, j’arrive sur la place de la Liberté afin d’y prendre le bus pour Lambé… Qui ne passera que dans quarante minutes. Je récapitule : j’ai sué sang et eau pour un rendez-vous auquel la personne que j’attendais n’est pas venue, j’ai été lamentable sur scène, je n’ai pas eu un seul client pour les caricatures, et, pour couronner le tout, je me retrouve ENCORE à attendre le bus en pleine nuit, seul comme un chien ! On n’arrête pas de me dire « Savoure l’instant présent ». Et bien il a un goût de merde, l’instant présent !
Quelques croquis exécutés lors de cette scène ouverte :
Vendredi 2 février
17h : Je quitte le café de la librairie Dialogues où j’avais rendez-vous avec une acheteuse : j’ai deux heures à tuer avant le cours de natation, je me dis que je peux aller à pied jusqu’à la piscine. Mais alors que j’ai déjà la tête dans les nuages, un objet non identifié éclate à mes pieds ! Je hurle de terreur et tourne la tête : j’ai tout juste le temps d’apercevoir, avant qu’ils ne s’enfuient sans demander leur reste, les deux jeunes crétins qui m’ont jeté un pétard… Quick et Flupke dans les BD d’Hergé, c’était assez drôle : dans la vraie vie, c’est moyennement drôle !
Terminons avec un événement que j'organise la semaine prochaine pour faire vivre la mémoire de Cavanna qui nous a quittés il y a déjà dix ans :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !