Du 19 au 26 avril : Kenavo, Ayoub !

Vendredi 19 avril

 

17h45 : Sorti de chez mon médecin traitant, j’attends le tramway à la station Menez-Paul : j’y suis interpellé par un individu à la diction pâteuse qui vient me demander je ne sais quoi. Je coupe court immédiatement en criant que je n’ai ni monnaie ni cigarette : évidemment, il ne lui en faut pas davantage pour m’enguirlander copieusement, mais j’ai tellement peur d’être assimilé à ce genre de cas social que j’aime encore mieux ça !   

 

Samedi 20 avril

 

7h30 : Que fais-je dehors si tôt, qui plus est dans un coin aussi désolé que le haut Jaurès ? J’ai tout bonnement pris rendez-vous avec ma psychologue pour m’aider à dépasser un coup dur que j’ai encaissé récemment et, avec tous ces travaux, il est finalement plus commode de passer par la place de Strasbourg. Ayant le temps de descendre la rue Jean Jau à pied, j’ai ainsi l’occasion d’apercevoir des affiches électorales recouvertes par des annonces de Fest Noz ! J’y vois un symbole éclatant de l’inintérêt total que les élections européennes inspirent à l’opinion publique : quelle qu’en soit l’issue, il ne faudra pas trop l’envisager comme une prédiction des échéances qui suivront…

 

Dimanche 21 avril

 

17h : Trompant comme je le peux la lassitude que font naître en moi les épreuves de la vie, j’entends sonner : je n’attendais pourtant personne. C’est donc un peu étonné mais espérant avoir (enfin) droit à une bonne surprise que je me précipite à l’interphone… Et j’entends une voix pâteuse me dire « C’est pour voir Leslie ». Je raccroche aussitôt. Vous avez déjà vu un de ces films où des gens essaient d’échapper comme ils le peuvent à une invasion de morts-vivants mais qui, même en se terrant chez eux, se font tout de même assaillir par ces zombies ? C’est ce que je vis au quotidien avec les kassos qui grouillent en ville ! Je ne pense pas exagérer outre mesure en les assimilant à des morts-vivants : ils peuvent marcher mais sont déjà mentalement décédés, vous appelez ça comment, du coup ? Quoi qu’il en soit, qu’ils me foutent la paix ! Je ne suis pas Michael Jackson, je ne leur apprendrai pas à danser !

 

Lundi 22 avril

 

19h30 : Une amie de bon conseil m’a suggéré de lever le pied pendant deux semaines. J’en profite pour mettre en vente mes vieux Charlie Hebdo : je manque de place et je n’ai pas l’ambition de réunir la collection complète comme je l’ai fait pour Fluide Glacial. Bien entendu, je vérifie l’état de chaque numéro : ainsi, dans l’édition du 31 juillet 2002 (22 ans déjà !), je retrouve un entrefilet de Luz confirmant que le festival Astropolis allait bien avoir lieu « malgré la tentative d’interdiction (rejetée par le tribunal administratif) du maire de Guilers », laquelle annonce était illustrée d’un dessin représentant Sarkozy aux commandes d’un panier à salade transportant toute une troupe de teufeurs… À l’époque, j’avais quatorze ans (désolé pour le coup de vieux), j’habitais encore chez mes parents, à Guilers justement, et ça m’avait fait drôle qu’on parle de ma ville dans Charlie. Luz avait parfaitement raison de défendre le droit à la fête contre les menaces que faisait peser sur lui le pouvoir chiraquien fraîchement restauré après cinq ans de cohabitation. Le problème, c’est que, depuis l’Île-de-France, il y avait deux aspects qu’il ignorait : premièrement, à cette époque, le maire de Guilers n’était pas encore le porc réactionnaire et alcoolique que l’on a aujourd’hui mais un vieux socialiste bon teint et rigoureusement insoupçonnable de sympathie envers la politique répressive de Nicoléon 1er (et dernier), il était donc injuste de faire de lui un bras armé de la Sarkozie comme le dessin le suggérait. Deuxièmement, il faut savoir que les organisateurs de ce festival organisaient à l’époque une partie de leurs festivités au bois de Keroual… Et démontaient le vieux puits situé dans la cour des ruines du manoir ! Ils le remontaient après, d’accord, mais ça ne pouvait pas être sans conséquences pour sa conservation à long terme ! Comme le bâtiment avait subi trop de transformations pour pouvoir être classé monument historique, la municipalité de l’époque donc a simplement choisi le peu d’armes dont elle disposait pour protéger un site patrimonial contre des déprédations aussi régulières qu’intolérables… Il me semble qu’on peut faire la fête sans forcément abîmer le patrimoine bâti d’une région, non ? Donc, le coup des méchants élus contre les gentils fêtards, ça ne marche pas toujours… Mais bon, je n’en veux pas à Luz : la caricature, c’est l’art du raccourci, après tout.

 

Mardi 23 avril

 

18h30 : Je rentre chez moi après une journée marquée notamment par deux rendez-vous et une séance de natation. C’est en consultant mes mails que j’apprends une triste nouvelle : Ayoub Sadik, le jeune homme en situation de handicap lourd dont j’ai illustré récemment un scénario, est mort à l’hôpital ce week-end… Il ne manquait plus que ça ! Je me demandais ce qui allait encore me tomber dessus, j’ai ma réponse ! Nous n’étions pas vraiment intimes : il se déplaçait en fauteuil roulant et s’exprimait difficilement, sa psychomotricienne nous servant d’interprète pour communiquer. Mais j’étais fier de dessiner l’histoire qu’il avait écrite, qui m’a obligé à sortir un peu de ma zone de confort graphique et à adopter un style moins caricatural qu’à l’accoutumée ; sans compter que son héros, un mafieux repenti un peu loser, luttait contre le viol, ce qui s’accordait bien avec mes propres indignations. J’étais fier aussi de redonner de l’appétit de vivre à ce pauvre garçon très diminué par sa maladie. On m’a dit qu’au moins, maintenant, il ne souffrait plus ; on m’a aussi remercié d’avoir adouci ses derniers jours en donnant corps à un de ses rêves. Tout cela ne m’est qu’une bien maigre consolation, surtout quand je repense à sa maman, que j’ai rencontrée : une matrone marocaine qui a déjà dû ne pas rigoler beaucoup depuis son arrivée dans notre beau pays qui accueille si bien les étrangers… Kenavo, Ayoub ! Ça m’a fait plaisir de dessiner Karmin, Bruja et leur fils. Qui sait ? Peut-être un jour les ressortirai-je de mes cartons ! Mais pas tout de suite…

 

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Jeudi 25 avril

 

20h15 : Après un mercredi sans histoire, me voici de retour au Kafkerin pour une nouvelle scène ouverte organisée par le Collectif Synergie. La soirée est plutôt riche, avec une bonne dizaine de participants qui se succèdent sur scène. Il y a quelques habitués comme Manuèle Lenoir, Michel Lidou et moi-même, mais aussi des nouvelles voix : j’ai un petit faible pour Louve, une chanteuse qui nous gratifie d’une belle chanson d’amour en hommage à l’homme qui partage sa vie depuis quinze ans – elle a bien de la chance d’entretenir une relation amoureuse duravle ! Comme il y a beaucoup de participants, Claire est bien obligée de faire un sacrifice et ne peut faire passer sur scène une rappeuse qui profite néanmoins d’être présente pour parler de ses projets. Malgré mes difficultés relationnelles, je parviens à échanger avec cette (encore) jeune femme : dans un sens, j’ai peut-être rencontré la Queen Latifah brestoise !

 

Quelques croquis exécutés au cours de cette soirée plutôt réussie :

 

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Vendredi 26 avril

 

14h : La journée est à peine entamée, j’ai simplement fait mon marché le matin, et je suis déjà fourbu. L’annonce de la mort d’Ayoub aura été la cerise sur le gâteau : j’ai beau savoir que c’était une délivrance pour lui, je me demande ce qui va encore venir me compliquer l’existence…

 

C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 



26/04/2024
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