26/06/2021 : colloque Bretagne / Amérique du Nord : relations et interactions
Cette semaine, j'ai finalisé les 42 dessins qui m'ont été inspirés par ce colloque qui s'est tenu les 8 et 9 juin derniers à la faculté Victor Segalen (Brest) et dont je vous ai déjà parlé dernièrement. J'ai donc le plaisir de vous les montrer aujourd'hui.
Le colloque s'est ouvert sur une intervention d'Alexandra Hillinger et Zélie Guével sur la carrière d'Olivier Tardif, un natif de Saint-Brieuc qui exerça les fonctions d'interprète en Nouvelle-France au XVIIe siècle : il fit ainsi partie de ces hommes qui permirent aux colons français de surmonter la barrière de la langue avec les autochtones nord-américains, ceux que l'on n'ose plus appeler "Indiens". Mais l'oratrice a insisté sur le fait que les échanges entre Français et indigènes canadiens, que l'on a tendance à idéaliser, avaient avant tout une visée économique :
L'ascension d'Olivier Le Tardif au sein de l'administration de la colonie fut des plus fulgurantes :
Ce personnage fait aujourd'hui partie intégrante du patrimoine culturel vivant du Québec ; en revanche, il est totalement oblitéré dans sa ville natale :
Je l'ai fait remarquer à l'oratrice qui m'a répondu (en gros) que la destinée d'un homme qui a quitté le pays natal est souvent indifférente audit pays... Qui a dit "autre temps autres mœurs" ?
Est venue ensuite Cécile Beaudouin, qui a parlé du roman Maria Chapdelaine : récit du Canada français, dû à Louis Hémon. On trouve dans cet ouvrage une opposition entre le Canada anglais, industrialisé et protestant, et le Canada français, agricole et catholique.
Un motif central de ce roman est le son des cloches, envisagé comme emblématique du Québec...
...mais une certaine frange de la critique se trompe en envisageant ce livre comme une exaltation du mode de vie traditionnel du Canada français :
Sophie Gondolle a enchaîné en nous présentant Marie Le Franc, romancière et poète native de Sarzeau installée au Québec :
L'écriture de Marie Le Franc est particulièrement expressive, comme en témoigne notamment un extrait où elle décrit la chute d'un arbre abattu :
Stéphanie Noirard a mis en avant l'influence de Jack Kerouac sur Xavier Grall...
...ainsi que celle du jazz sur l'écriture de ce poète breton.
A noter aussi une citation de cet auteur que je n'ai pas pu m'empêcher de détourner :
Virgine Podvin a analysé l'ancrage américain d'Alain Robbe-Grillet, mettant en avant notamment l'esprit "pionnier" du "nouveau roman", comparable à celui des Américains :
Mais j'avoue que ce qu'on a appelé le "nouveau roman" m'intéresse fort peu :
La seconde journée a débuté avec une intervention d'Alain Abarnou sur le Pontanezen Duckboard, le journal édité par les soldats Américains de passage à Brest au cours de l'année 1919 :
Le journal se faisait l'écho de la quantité de viande de bœuf consommée au camp...
Il évoquait aussi les incidents provoqués en ville par les camions de l'armée...
...et mettait en garde les soldats contre les trafics illégaux auxquels se livraient certains Français :
Erwan Le Gall est revenu sur le centenaire de ce débarquement américain et sur les idées reçues que ces commémorations ont véhiculé - à cet égard, sa communication fut complémentaire de la mienne. Il a rappelé, pour commencer, que les relations entre la France et les Etats-Unis n'ont cessé de fluctuer entre amitié et méfiance...
...et que le Jazz et le basket n'étaient déjà plus à proprement parler des nouveautés pour la France de 1917.
Après une brillante communication de votre serviteur, Sébastien Carney a parlé de "L'Amérique des nationalistes bretons", les Etats-Unis étant tour à tour diabolisés puis perçus comme une planche de salut par lesdits nationalistes ; ainsi, ils ont volontiers comparé le sort des Bretons à celui des Amérindiens, mais ça ne les a pas empêché d'appeler à l'aide le président Woordrow Wilson qui, il est vrai, défendait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes :
Le célèbre Breizh Cola est lui aussi emblématique de cet opportunisme des nationalistes qui peuvent rejeter un modèle pour mieux l'adopter le lendemain...
...et vont jusqu'à se féliciter que Beyoncé ait des origines bretonnes - il est vrai que c'est plus classe que Nolwenn Leroy !
Marie-Clémentine Corvest est revenue sur le combat des élus bretons contre le géant Amoco, volontiers comparé à celui de David contre Goliath :
Ces élus ont bien essayé de rallier certains citoyens américains à leur cause, mais ils ont surtout récolté une certaine incompréhension...
Ici, je caricature à peine : certains Américains, se fiant à leurs écharpes d'élus, ont vraiment cru qu'ils étaient hollandais ! A leur décharge, il faut bien reconnaître que ceux qui peignent les drapeaux nationaux n'ont pas deux sous d'imagination... On a ensuite eu droit à un exposé d'Eric Beaty, du consultat des Etats-Unis, sur les relations économiques entre la Bretagne et l'Amérique du Nord ; il a d'abord insisté sur le fait que les entreprises américaines préfèrent rester discrètes...
...mais il a aussi souligné que la Bretagne était une région attractive pour les investisseurs, notamment grâce à des points forts tels que l'agriculture et la construction navale :
Monsieur Beaty a aussi expliqué que son rôle était de conseiller les entreprises américaines tentées par un investissement en Bretagne ; à mon avis il y en a auxquelles il peut déconseiller fortement de s'implanter :
Yves-Marie Paulet a ensuite présenté les activités de l'Institut France-Québec Maritime : une intervention assez formelle mais dont j'ai retenu l'évocation de la "décarbonisation" du transport sur mer.
Jean-Pierre Pichette nous a présenté ses recherches sur les possibles origines bretonnes d'un rituel québécois : la "danse sur les bas" (en chaussette) qui sanctionne l'aîné célibataire le soir du mariage de son cadet. En gros, pour punir l'aîné de la famille qui bafoue l'ordre des choses en ne se mariant pas le premier, on l'oblige à faire le clown...
Grégory Moigne nous a fait une communication très intéressante sur les Bretons installés à Montréal qui fuient, entre autres, une administration française pesante - on les comprend !
J'ai été frappé par l'évocation de drapeaux bretons flottant au Québec...
Linda Guidroux a traité à peu près le même thème, mettant en avant le caractère hybride de l'identité de ces Bretons émigrés...
Philippe Argouarch nous a présenté le parcours hors normes de Joseph Limantour, un Breton qui fut propriétaire de San Francisco...
...jusqu'à ce que la justice américaine le condamne comme escroc.
Axel Klein a ensuite mis en avant la place de la Bretagne dans la musique de Swan Hennessy :
Fañch Broudic, enfin, a conclu le colloque en présentant Bro Nevez, un bulletin d'information sur l'actualité de la langue bretonne et de la Bretagne édité en Amérique :
L'orateur a qualifié cette publication d'OVNI ; je me suis borné à la prendre au mot :
Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !