Dimanche 8 septembre
9h : Histoire de faire de la place et un peu d’argent, je me suis inscrit à un vide-greniers organisé sur la place Guérin. J’ai eu du flair : ça commence à peine et mon emplacement est déjà amorti grâce à la vente de quelques vieilles bandes dessinées. C’est donc un succès, mais le ciel est couvert et j’au même eu un peu de bruine sur le chemin. Depuis quelques jours, le temps est mitigé au petit matin mais ça se lève progressivement et les journées sont finalement agréables dans l’ensemble : il me reste à espérer que ce scénario se reproduise car j’ai fait la route à pied, traînant mon chargement sans aucune aide dans ma valise à roulettes, empruntant des rues éventrées par le chantier du nouveau réseau de transports public, et quand je suis arrivé, je ruisselais tellement de sueur que j’ai dû me mettre torse nu pour m’installer ! Alors j’aimerais autant passer une journée agréable…
10h : Mine de rien, j’ai déjà fait un bénéfice confortable. J’en profite pour aller rencontrer les responsables de l’association organisatrice à la buvette : le président et la trésorière sont deux artistes qui vivent en couple et qui ont fondé leur asso pour retaper un bateau afin d’emmener les jeunes faire des virées en rade de Brest. Monsieur, le musicien, me connait pour m’avoir vu au Café de la Plage et m’appelle spontanément « Blequin » : c’est agréable d’être reconnu, surtout quand ce n’est pas par un kassos aviné ! Madame, la graphiste, attend une petite fille qui devrait arriver en décembre : voir une femme enceinte, c’est toujours beau et émouvant, mais par les temps qui courent, ça devient franchement inespéré ! Les femmes qui ne veulent pas d’enfant se font de plus en plus entendre (ce qui n’est pas négatif en soi), on nous rebat les oreilles avec la chute de la natalité, on dit que les gens ne croient plus assez en l’avenir pour avoir envie de se reproduire… Mais visiblement, comme dirait le poète, « aujourd’hui çà et là, les gens enfantent encore » ! Cela étant, cette future maman est une créatrice qui, de surcroît, s’investit pour les autres : il est donc logique qu’elle ne se laisse pas aller à l’aquabonisme dans lequel sombrent les braves gens pour lesquels la vie se résume au boulot et aux écrans ! L’avenir de l’humanité est entre les mains de ceux qui sortent des sentiers battus : il est plutôt rassurant de constater qu’ils font plus d’enfants que les bons gros cons normaux adeptes de la malsainte trinité RN-Football-Hanouna…
Henri Vernes était le créateur de Bob Morane : ce dessin lui est dédié parce qu'il s'agit d'une parodie de la couverture des Chasseurs de dinosaures. Cet écrivain nous a quittés il y a trois ans à peine à l'âge de 102 ans, laissant à la postérité 230 romans d'aventures !
11h30 : Comme toujours quand je me laisse aller à l’optimisme, les faits me donnent tort : il pleut comme Boris Eltsine qui pisse et je ne vois pas un embryon d’éclaircie à l’horizon. Certains participants avaient prévu de quoi protéger leurs stands de la pluie : ce n’est pas mon cas, allez donc transporter un barnum quand vous êtes à pied ! Résultat : mes affaires sont trempées, certaines marchandises deviennent invendables, je suis moi-même au bord de la noyade ! Bref, je déclare forfait : j’engloutis mon pique-nique, je remballe tout et je présente mes excuses auprès de la trésorière qui, bien sûr, comprend très bien. J’essaie de relativiser en me disant que j’ai quand même gagné une petite somme bienvenue dans l’état actuel de mes finances… Mais c’est quand même con, après une semaine de temps correct, de se taper un déluge précisément le jour où il ne fallait pas !
Pourquoi Guy Bedos ? Parce que la phrase écrite sur la tablette dans la main gauche de Miss Liberty est la première réplique de "La drague", un sketch culte de ce grand humoriste. Pourquoi André Lamorthe ? Parce que ce dessinateur a régulièrement dessiné King Kong flirtant avec la Statue de la Liberté dans Fluide Glacial. J'avoue que Miss Liberty, avec son charisme et sa sérénité, serait assez mon genre de femme... Si elle n'était pas trop vieille pour moi !
Je ne suis pas très satisfait de la façon dont j'ai dessiné Catherine Sinet : il est toujours délicat de caricaturer les gens pour qui on a de l'admiration...
14h : Rentré chez moi, j’ai tout mis en branle pour sauver ce qui peut l’être : bien entendu, j’ai allumé ma lessiveuse pour laver mes fringues et j’ai rallumé le chauffage pour mettre à sécher mes autres affaires sur les radiateurs – il y a beaucoup de livres dans le tas et je ne tiens pas à ce qu’ils moisissent. Avantage indéniable : comme je suis moi-même frigorifié par l’humidité, un peu de chaleur n’est pas insupportable. Inconvénient majeur (sans parler de la dépense en gaz) : je suis obligé de surveiller chaque radiateur comme le lait sur le feu. Pourquoi ? D’une part parce que je ne veux pas non plus que la chaleur abîme les livres, d’autre part parce qu’il n’y a pas de place pour tout le monde sur les radiateurs. Donc : dès qu’un bouquin est suffisamment sec, je le mets sous une pile de recueils de Spirou (j’en ai une grosse soixantaine sur mes étagères) pour qu’il ne gondole pas trop et je profite de la place laissée vacante sur le radiateur pour en mettre un autre qui est encore mouillé. C’est donc dans cette situation peu glamour que j’entends frapper : intrigué, j’ouvre, et je vois un inconnu devant la porte de ma voisine de palier – une vieille dame que j’ai dû voir une ou deux fois en cinq ans et demi de location dans cet immeuble. L’individu me tutoie spontanément et me demande si j’ai vu la dame récemment : le tutoiement systématique, que j’associe au souvenir des années noires du collège, représente pour moi, venant d’un inconnu, une incivilité ; mais l’inquiétude pour une vieille dame seule dont cet homme fait montre l’honore et sa question me parait légitime. Je lui réponds donc : « Premièrement, nous ne nous connaissons pas, alors merci de ne pas me tutoyer, deuxièmement, non, je ne l’ai pas vue. » Il le prend assez mal et me le fait comprendre… Ma réponse était-elle vraiment inappropriée ? Ou bien était-ce le ton sur lequel je me suis exprimé, et dans lequel transparaissait probablement mon agacement lié à mes mésaventures, qui a fait croire à cet individu que je voulais l’envoyer paître ? C’est plausible : au grand désespoir de ma mère, je n’ai jamais (mais alors vraiment jamais) su maîtriser le ton sur lequel je parle. Mais franchement, pour l’heure, je m’en fiche un peu, j’ai VRAIMENT d’autres chats à fouetter ! Et si la vieille d’en face n’est plus de ce monde, je m’en lave les mains ! Et le reste aussi, parce que je suis vraiment rentré boueux !
Note pour ceux qui ne sont pas familiers des aventures de Lucky Luke : je fais ici allusion à L'empereur Smith, un album librement inspiré par la vie de Joshua Norton qui s'était autoproclamé empereur des Etats-Unis.
Lundi 9 septembre
14h30 : J’ai reçu le dernier Fluide Glacial : n’ayant pas le temps de le lire en détail, je le parcours en diagonale. Parmi les BD sur lesquelles je prends la peine de m’attarder, celle qui me fait le plus rire est celle de Bouzard : je reconnais que je n’étais pas pleinement convaincu par ses premières participations à Fluide (même si, aujourd’hui, je relis avec plaisir Le club des quatre), mais maintenant, il a atteint sa pleine maturité et ses histoires me font m’esclaffer ! Cette vieille dame cancanière et son petit-fils chouineur (et un peu poissard) sont vraiment des personnages géniaux ! Mais je me fais une remarque : quand je repense à l’époque où Jacques Diament veillait encore aux destinées de Fluide, j’avoue que Carmen Cru me fait plus rire que les Bidochon eux-mêmes, et quand je repense aux publications plus récentes, j’avoue avoir un énorme faible pour les Mémés de Frécon. Serais-je gérontophile sans me l’avouer ? Notre président aurait-il déteint sur moi ? Ce n’est plus d’un psy dont j’ai besoin, c’est d’un exorciste !
Cette une du Point parue cet été m'a vraiment marqué...
Mardi 10 septembre
14h30 : J’ai reçu un coup de fil de la CAF relatif au traitement du dossier à mon nom qu’ils ont reçu de la part de la MDPH… Je soupire : déjà qu’ils me réclament un document de la CPAM pour me verser mon Allocation Adulte Handicapé, voilà qu’ils me demandent des comptes sur mes besoins à domicile, comme si le dossier n’était suffisamment clair comme ça ! C’est à croire qu’il n’est plus nécessaire d’avoir appris à lire pour entrer dans la fonction publique… Je m’en tire en leur disant que mon dossier a été rempli par l’assistante sociale : il n’en faut pas plus pour qu’ils décident de l’appeler directement et de me laisser tranquille… Grâce à cette dame, je me serai débarrassé sans trop de peine d’un emmerdeur ! Vivent les assistantes sociales ! On ne dira jamais assez à quel point elles sont indispensables !
Au cas où vous ne le sauriez pas : Segar est le créateur de Popeye le marin - et contrairement à ce qu'on a longtemps cru, il a bel et bien créé aussi le personnage de Bluto (Brutus en VF), même si ce n'est que dans la série animée due aux frères Fleischer qu'il est devenu un personnage récurrent et le principal antagoniste du bouffeur d'épinards. Pour l'anecdote, les planches de Segar sont tombées dans le domaine public, ce qui nous permet aujourd’hui de les redécouvrir sur le site Bandes dessinées oubliées.
J'avoue : la mort de Patrice Laffont m'a davantage peiné que celle d'Alain Delon...
William Marston est le créateur de Wonder Woman : 'faut tout vous expliquer ou quoi ?
Mercredi 11 septembre
9h30 : En ce jour tristement anniversaire pour l’Amérique (et pour le monde entier), j’apprends que le débat entre Trump et Harris a tourné à l’avantage de cette dernière. Je ne vais évidemment pas m’en plaindre : je ne me fais certes plus trop d’illusions concernant le parti démocrate, même si j’ai parfois eu de bonnes surprises, mais une femme noire à la Maison blanche serait un beau pied de nez à l’encontre de tous ces mâles blancs chrétiens et cisgenres qui restent persuadés d’être les rois du monde ! Et puis Trump, ça va, on a déjà vu ce dont il était capable, pas la peine d’en rajouter ! C’est d’ailleurs une chose qu’on ne peut pas reprocher à nos voisins d’outre-Atlantique : ils ne regardent pas l’avenir avec la nuque. L’élection de Kamala Harris serait donc dans la logique de l’esprit américain : en 2016, Trump, en dépit de son âge et de ses idées réactionnaires, pouvait encore passer pour un homme neuf en politique face à Hillary Clinton qui représentait malgré elle une présidence antérieure, donc une époque déjà révolue, mais aujourd’hui, c’est lui qui représente le passé et c’est son adversaire, nettement plus jeune, qui incarne l’avenir ; de surcroît, le fait qu’elle n’ait pas plombé Biden en tant que colistière prouve qu’en dépit des tensions raciales qui subsistent, les Américains sont prêts à élire une femme noire. Donc, oui, sa victoire serait dans l’ordre des choses, mais… Qu’est-ce qui est encore dans l’ordre des choses, aujourd’hui ? Tout le monde perd la boule, face aux menaces qui pèsent sur la paix et le climat… Et n’oublions pas le mode de scrutin américain : en 2016, Hillary Clinton avait la majorité, mais les « grands électeurs » avaient voté à contre-courant du peuple ! À peine investi, Trump était déjà impopulaire ! Les Américains n’ont jamais vraiment voulu de lui, et ça ne lui a pas fermé les portes de la Maison blanche ! D’accord, les grands électeurs peuvent aussi lui barrer la route… Mais en 2021, ses partisans ont tenté de le maintenir au pouvoir par la force ! Ça avait donné lieu à une pantalonnade grotesque, mais c’était quand même un précédent fâcheux : qui nous dit qu’ils ne reviendront pas avec des chars d’assaut ? Bon, j’arrête de vous faire peur : il faut être honnête, la présidence de Trump n’avait pas vraiment provoqué de catastrophes, il nous avait juste fait prendre du retard (ce qui est déjà assez grave) dans la lutte contre l’exclusion et le réchauffement climatique ; et au vu de son âge et de son état de santé, son second mandat serait inévitablement celui de trop (oui, le premier était déjà de trop) : on va le voir se liquéfier sur pied et assister à l’ultime soubresaut du règne, déjà chancelant, quoi qu’on en dise, du mâle blanc cisgenre ! Donc, pas de panique… D’autant que Kamala Harris peut quand même gagner. Keep the faith !
Friz Freleng est le créateur de Sylvestre le chat ; Titi, lui a été créé par Bob Clampett, mais c'est bien l'ami Friz qui a formé leur duo.
16h : Je passe beaucoup de temps à dessiner : je concrétise toutes les idées que j’ai eues lors de mon séjour chez mes parents, et il y en a un bon paquet. Ayant besoin de souffler un instant, je sors un instant et j’en profite pour prendre le dernier Côté Brest : ma dernière chronique historique, axée sur l’occupation à Brest est bien passée – on commémore bientôt les 80 ans de la libération de ma ville bien-aimée, je me mets donc à la page. Et à part ça ? Rien de bien passionnant… Je ne remets pas en cause le professionnalisme de mes voisins de colonne, mais quand il ne se passe plus grand-chose en ville (on est loin de l’effervescence des fêtes maritimes), ils ne vont pas sortir de leur chapeau des événements qui n’existent pas. Un article est consacré aux dix ans de la Brest Arnena : j’avais candidaté pour y participer, j’avais même incité une amie qui chante divinement à en faire autant. Bon, nous n’avons pas été retenus, mais apparemment, ils avaient reçu 200 candidatures et n’ont pu en sélectionner que neuf : il n’y a pas de regret à avoir, nous étions trop nombreux sur cette affaire… Et puis je ne suis pas sûr que j’aurais été prêt à faire le clown devant 4000 personnes !
Jeudi 12 septembre
13h30 : La faculté Victor Segalen est redevenue la ruche bourdonnante qu’elle est pendant les deux tiers de l’année : j’y passe afin de remettre des documents qui serviront pour une exposition organisée à l’occasion des 30 ans de la fac – des vidéos que j’avais prises lors d’une lecture de poèmes en plusieurs langues, sans penser qu’elles pourraient resservir un jour. En sortant, je risque un tour à la cafétéria pour faire une bise à une vieille serveuse dont je suis resté proche, mais elle n’est pas là : j’ai quand même l’occasion de voir la une du Télégramme, illustrée par mon collègue Alain Deligne, consacrée à un sondage selon lequel les Bretons sont heureux de vivre et de travailleur dans leur région… Mais ils sont cons, ou quoi ? Bien sûr qu’on a une bonne qualité de vie en Bretagne… Mais il ne faut pas que ça se sache ! Sinon tout le monde va vouloir habiter chez nous ! Alors, les migrants qui fuient la misère, la guerre ou les tyrans qui sévissent dans leurs pays, d’accord, ils sont les bienvenus, quoi qu’en dise Gilles Pennelle[1] ! Mais les nantis qui viennent acheter des résidences secondaires et font monter les prix de l’immobilier dans des proportions démentielles, non merci ! Bon, je ne retrouve pas ma serveuse : bizarrement, la cafétéria n’a pas l’air fermée et je ne croise aucun personnel… Et l’alarme se met à retentir ! Je ne sais pas si j’ai eu tort d’entrer et je ne veux pas le savoir : je me carapate ! De toute façon, je reviens à la fac la semaine prochaine : je suis déjà invité au vernissage de l’expo…
Terminons sur une note de bon goût inspirée par les récentes émeutes en Angleterre :
Voilà, c'est tout pour cette semaine à la prochaine !
Vendredi 30 août : il y a 117 ans naissait Leonor Fini
9h30 : Voilà bien deux mois que je n’avais plus repris l’écriture de ce journal : il faut dire que le premier semestre de cette année avait été assez éprouvant ! La dissolution de l’assemblée m’avait achevé et j’ai vraiment bien cru que j’allais poursuivre mon œuvre à Dachau ! Bon : l’issue des législatives anticipées a été moins catastrophique qu’on ne le craignait et j’ai pu décompresser pendant deux mois, à grands renforts de bains de mer et de réjouissances familiales diverses et variées. C’est donc moralement requinqué que, hier, j’ai réintégré mon domicile ; ce matin, je passe à la fac pour régler quelques formalités : j’en profite pour jeter un coup d’œil à la presse et comme prévu, les jeux de Paris écrasent tout. Même Jacques Le Goff, dont j’apprécie pourtant les éditoriaux d’habitude, a repris les poncifs dont nous abreuvent les gratte-papier de la presse pourrie ; à les lire, les pitreries des bœufs aux hormones qui ont envahi la capitale auraient miraculeusement transformé en foyer de joie populaire et en nouveau phare du monde ce qui était, il y a encore deux mois, un pays vieillissant, peuplé de pessimistes chroniques, gangréné par le fascisme, présidé par un autocrate capricieux et dont les artistes les plus renommés à l’échelle mondiale tombaient les uns après les autres pour agression sexuelle ! De toute façon, la « réconciliation nationale » qu’aurait provoquée ces jeux risque fort de n’être qu’un feu de paille, je ne donne pas deux semaines à mes concitoyens pour s’engueuler à nouveau ! Je ne crois pas non plus à une amélioration de l’image des personnes en situation de handicap grâce aux jeux paralympiques : en 1998, on a essayé de nous faire croire que la victoire de l’équipe de France de football avait miraculeusement fait disparaître le racisme de l’hexagone, il suffit d’ouvrir les yeux aujourd’hui pour voir ce qu’il en est… Et quand bien même : tous les handicapés ne s’intéressent pas forcément au sport, pas au point en tout cas de se donner les moyens d’accomplir des exploits, je ne suis donc pas du tout sûr qu’on favorise l’inclusion en prenant comme modèles des athlètes performants… Et puis flûte à la fin ! On ne parle plus que des jeux, on passe presque sous silence le déni total de démocratie dont fait montre Macron en refusant de nommer un premier ministre issu de la seule majorité légitime ! Je veux bien voir avancer la cause du handicap, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas si elle doit servir de paravent aux ignominies d’un chef d’État indigne qui ne tient même plus compte du résultat d’une élection qu’il a lui-même déclenchée !
10h15 : Je suis bien surpris, en sortant de la banque où j’étais allé vérifier un détail concernant mon compte, de constater que le tramway circule déjà alors que sa remise en service n’était annoncée que pour demain – en effet, dans le cadre des travaux de la deuxième ligne, le trafic avait été interrompu sur la première pendant une bonne partie de l’été. En d’autres termes, pour pouvoir profiter de deux lignes de tramway d’ici deux ans, il a fallu faire avec zéro ligne pendant six semaines… Enfin bref : constatant donc que le tramway roule à nouveau, je me poste à un arrêt et, quand la rame arrive, j’appuie sur le bouton pour en profiter… Mais la porte ne s’ouvre pas ! Et pour cause : le véhicule est vide de tout passager, ce que j’ai pris pour une remise en service n’est qu’un essai… Rendez-vous demain pour le vrai redémarrage. D’ici là, j’aurai peut-être réussi à arrêter de me sentir con…
13h45 : Bain de mer à Sainte-Anne-du-Portzic : j’en ai pris si souvent cet été que j’ai arrêté de les compter. Que dire ? C’est le pied, la félicité presque parfaite : pendant presque deux heures, j’ai le sentiment d’échapper à la pesanteur, je communie avec l’élément où la vie est apparue il y a des milliards d’années, c’est comme un retour aux sources, au bain originel, non seulement celui de nos plus lointains ancêtres mais aussi celui du ventre maternel, j’oublie jusqu’au sens des mots « soucis et regrets »… Tout le monde devrait apprendre à nager : pas pour accomplir les exploits inutiles d’un Léon Marchand, mais simplement pour être bien ; les velléités d’écraser son prochain sont incontestablement solubles dans l’eau, bien des vocations de dictateur, de grand patron ou de général seraient étouffées dans l’œuf si on permettait à tous les enfants, sans exception, de laisser libre cours à l’attrait que leur inspirent les plaisirs nautiques… En fait, le bonheur, ce n’est pas si difficile, tant qu’on n’a pas la mauvaise idée de le confondre avec l’argent ou le pouvoir.
Un croquis pris sur la plage :
Samedi 31 août : il y a 27 ans mourait la princesse Diana
16h : Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas retourné seul à la plage : après avoir assisté à mes exploits natatoires, la charmante demoiselle qui m’accompagne, fraîchement licenciée en droit, me parle d’une réalité édifiante qu’elle a découverte durant ses études. En effet, on lui a appris, entre autres, à faire des « notes de synthèse » à destination des personnalités haut placées pour lesquelles un(e) jeune juriste peut être amené(e) à travailler. Bon : qu’une personne exerçant de hautes fonctions n’ait pas le temps de tout lire et ait besoin qu’on lui fasse un résumé de ce qu’elle doit savoir pour prendre une décision, passe encore, c’est concevable. Sauf que voilà : il est explicitement demandé, pour réaliser une note de synthèse, de se référer en priorité à ce qui est dit du sujet dans les médias de masse et de ne lire les travaux de chercheurs que si on a le temps ! Et il est aussi exigé de ne jamais citer ses sources afin que le discours que produira le responsable sur cette base superficielle ait l’apparence de l’objectivité ! En d’autres termes, on soigne les apparences au détriment d’une connaissance réelle des enjeux : rien pour la réalité, tout pour la « com’ » ! Ne cherchez pas plus loin vous avez parfois le sentiment que les décisions de nos dirigeants, qui engagent souvent nos vies, sont quelque peu aberrantes : c’est parce qu’elles sont basées par des résumés de résumés…
Dimanche 1er septembre
17h30 : Je m’apprête à rentrer chez moi en bus après avoir pris ce qui aura peut-être été mon dernier bain de mer de l’année et consommé ce qui aura probablement été mon dernier cornet de glace de l’été. Demain, les enfants reprendront le chemin de l’école : certaines personnes de mon âge, paraît-il, éprouvent de la nostalgie à l’approche de la rentrée des classes. Ce n’est pas du tout mon cas : ce n’est pas parce qu’on est bon élève qu’on aime forcément l’école. Je suis même tenté de dire : au contraire ! En tout cas, j’ai le sentiment très net qu’à partir du moment où j’avais été identifié comme un « bon élève », tout a été fait pour me rendre l’école détestable : je n’ai plus eu droit à l’erreur et je n’ai bénéficié d’aucune protection contre la malveillance jalouse de mes « camarades », comme si cette agressivité avait dû être l’inévitable revers de ma médaille. De façon générale, la représentation qui est faite du « premier de la classe » est tellement répugnante qu’il faudrait être masochiste au dernier degré pour vouloir endosser jusqu’à la mort ce rôle de binoclard boutonneux et dénué de sentiments… Voilà pourquoi j’ai toujours été un bon élève : c’était pour rester le moins longtemps possible à l’école – et ce n’est pas une blague.
Lundi 2 septembre : Salma Hayek a 58 ans
14h : Visite chez une amie dont la télévision est allumée sur M6. Tout en restant attentif à la conversation de mon hôtesse, je ne peux m’empêcher de jeter un œil de temps en temps sur le reportage diffusé, consacré aux enfants déscolarisés, soit parce qu’ils sont handicapés soit parce qu’ils ont été victimes de harcèlement jusqu’à en être traumatisés… J’ai beau n’avoir jamais aimé l’école, jamais je ne nierai sa nécessité et je frémis en pensant que j’aurais pu connaître le même sort que ces pauvres gosses si j’avais été diagnostiqué trop tôt ou si mes tourmenteurs avaient réussi à me pousser à l’effondrement moral. L’école de la République n’a pas les moyens d’accueillir tous les enfants ni de les défendre contre la cruauté de leurs semblables, mais rassurez-vous, on a eu assez d’argent pour accueillir les singeries des athlètes du monde entier…
A propos de la télé...
Ce dessin a été publié dans le dernier numéro de la revue L’Eponge.
15h : Mon amie m’emmène à La Foir’Fouille pour acheter de la laine : je m’attendais à un magasin immense, je suis un peu surpris de constater qu’il n’est pas plus grand qu’une supérette, ce qui est plutôt réconfortant pour moi. Je remarque aussi que l’affreuse mascotte de la franchise, une espèce de souris croisée avec une pieuvre qui me terrorisait quand j’étais entant, a définitivement disparu de l’enseigne… Suis-je le seul à éprouver un immense soulagement en apprenant qu’un personnage fictif détesté a disparu de la circulation ?
Un personnage qui n'est pas fictif mais qui va quand même disparaître de la circulation :
20h30 : Le génie d’un créateur de dessins animés se mesure souvent à sa capacité à susciter, en quelques minutes seulement et avec fort peu de moyens, autant voire plus d’émotions que n’en procurent des tâcherons réalisant des films interminables avec des moyens colossaux. À cet égard, Osvaldo Cavandoli était indubitablement un immense génie : sa Linea, comme son nom l’indique, se résume à une simple ligne, ses mésaventures ne durent jamais plus de trois minutes, et pourtant, on ne s’ennuie pas une seconde à la regarder. Je me repasse quelques épisodes et je me régale non seulement parce qu’ils me font rire mais parce qu’ils m’émeuvent : ce petit personnage qui fonce tête baissée et sans réfléchir sur toutes les distractions que lui offre le destin (personnifié par son dessinateur) n’est-il pas à lui seul un résumé saisissant de la condition humaine ? D’autant qu’il a beau se démener, il ne fait que se précipiter vers le destin funeste qui lui est promis, et dès qu’il malmène la ligne sur laquelle il déambule (et dont il est lui-même constitué), il provoque aussitôt son autodestruction… Ce n’est pas dans un long-métrage de deux heures, sorti des usines Disney, que j’aurais trouvé une illustration aussi saisissante de notre fragilité et de notre tragédie ! Alors, grazie mille, maestro Cavandoli !
Un épisode que j'aime bien :
Mardi 3 septembre : il y a 160 ans naissait Séraphine de Senlis
10h : Les œuvres que j’avais envoyées par la poste en vue du salon international de Haute-Loire me sont revenues. Elles sont en bon état et sont accompagnées d’une enveloppe contenant quelques coupures de presse sur le salon. C’est tout ? Et oui, même pas un merci ! J’ai le sentiment de m’être donné du mal pour peu de choses, mais au moins, je sais qu’on ne pourra plus remettre en cause la qualité intrinsèque de mon travail : n’empêche qu’un petit mot gentil n'aurait rien gâché. Ce n’est pas parce que je n’avais pas la possibilité de me rendre sur place que je suis moins important que les autres exposants, non ?
Une page que j'ai écrite pour le livre d'or d'une autre exposition :
20h : J’apprends la candidature d’Édouard Philippe. J’ai toujours su que ce type n’avait rien à envier à Macron en matière d’arrivisme et qu’il ne devait pas avoir l’intention de rester maire du Havre jusqu’à la mort, mais je ne pensais pas qu’il se déclarerait aussi tôt. L’idée de prendre tout le monde de court en se présentant à trois ans de l’échéance prévue peut paraître séduisante de prime abord, mais cette stratégie a rarement porté chance à ceux qui y ont eu recours, ne citons que l’exemple de Raymond Barre… Peut-être notre ancien premier ministre table-t-il sur des présidentielles anticipées ? Si c’est le cas, il est optimiste : déjà que Macron fait fi du scrutin de juin dernier, il ne faut pas espérer qu’il n’ira pas au bout de son mandat ! Quant à une éventuelle procédure de destitution, je ne pense pas qu’elle ait une chance d’aboutir ; contrairement à ce que croit, la France n’est pas championne pour déposer ses chefs d’État, ça ne lui est arrivé que cinq fois en deux cents ans : le cas de Louis XVI a certes marqué le monde entier, mais après, il n’y a eu que Charles X, Louis-Philippe, Giscard d’Estaing et Sarkozy. Cinq monarques qui se sont rendus insupportables au point d’être chassés du pouvoir par le peuple, c’est finalement peu, en 250 ans d’histoire ! Bref : est-ce que je pense qu’Édouard Philippe a une chance d’être élu président ? Réponse : je ne sais pas et je m’en fiche car je ne voterai jamais pour lui ! « Même si un candidat d’extrême-droite est contre lui au second tour ? » Heu… Mettons que je n’ai rien dit.
Mercredi 4 septembre
11h : Les ouvertures à la piscine sont ouvertes. J’étais arrivé avec une demi-heure d’avance, mais il a quand même fallu que je fasse la queue. J’ai même dû la faire trois fois : une première pour remplir un formulaire, une seconde pour le déposer et une troisième pour payer ! Avec le temps qu’il m’a fallu pour faire la route jusqu’à la piscine, j’y ai perdu une matinée entière, le tout évidemment dans le vacarme et l’agitation qui accompagne inévitablement ce genre d’attente, à croire que les neurotypiques sont incapables de faire quoi que ce soit dans le calme… La procédure d’inscription justifie à elle seule que l’on cherche l’apaisement en allant nager !
17h30 : Un ami possédant un fourgon m’aide à ramener chez moi quelques affaires que j’avais laissées chez mes parents : tout en conduisant, il me fait la conversation, laquelle finit par tomber sur les jeux de Paris. Selon lui, les exploits des athlètes paralympiques devraient changer le regard des enfants sur le handicap : j’en suis moins certain que lui car, une fois encore, même mineures, toutes les personnes en situation de handicap ne s’intéressent pas forcément à l’effort physique, et si nos chers enfants prennent pour modèles des handicapés qui gagnent des médailles, je doute fort que cela entraîne un bénéfice moral pour le gamin « différent » qui reste nul en sport ! Rien que pour parler de moi, supposons un instant que je sois encore enfant aujourd’hui, que j’aie été déjà diagnostiqué et que les jeux paralympiques viennent d’avoir lieu : je vois mal mes camarades me respecter davantage alors que je reste incapable d’attraper un ballon ! Est-ce qu’ils n’auraient pas tendance, au contraire, à me reprocher de ne pas me conformer à un modèle qu’on leur a asséné à la télé pendant deux semaines ? De toute façon, tant qu’on n’arrêtera pas d’inculquer l’esprit de compétition aux enfants, la lutte contre le harcèlement scolaire n’aura aucune chance d’enregistrer des résultats significatifs… Mon ami me parle aussi des clubs locaux qui, en envoyant à Paris des athlètes victorieux, auraient fait du bien à leurs bleds : l’ennui, c’est qu’avant de quitter mes parents la semaine dernière, j’ai eu le temps de voir sur France 3 un reportage sur une école tellement privée de moyens que les gens du coin ont été obligés de se mobiliser pour que la rentrée puisse avoir lieu ! Je ne sais pas si la région concernée a envoyé à Paris des sportifs qui ont glané des médailles, mais je m’en fiche : le financement des services publics devrait être dirigé par le principe d’équité qui préside (devrait présider ?) à l’esprit de la République et non par celui de la carotte et du bâton ! Bref, et une fois pour toutes : tant qu’on ne m’aura pas prouvé que les jeux olympiques ou paralympiques, les coupes du monde de football ou de rugby et toutes les autres grandes compétitions sportives dont on nous rebat régulièrement les oreilles dans tous les médias ont réellement, et à long terme, un effet positif et concret sur le bien-être quotidien des citoyens, je n’y verrai jamais rien d’autre que des pitreries aussi coûteuses qu’inutiles !
Jeudi 5 septembre
11h50 : Je suis allé donner mon sang, mais ça ne se passe pas très bien : je suis manifestement tombé sur une débutante qui a du mal à trouver la veine et plante mal l’aiguille, de sorte qu’au départ, le débit est si lent qu’elle est obligée de la garder à la main pour atteindre et maintenir un rythme suffisant à éviter la coagulation ; c’est déjà ennuyeux… Mais le pire, c’est à la fin quand, alors que la poche est presque pleine, l’aiguille, profitant d’un moment d’inattention de la donzelle, se met à bouger, entraînant un écoulement fulgurant qu’elle ne remarque même pas ! Je suis obligé de hurler pour qu’elle réalise ce qui se passe ! Bon, je vous rassure, il y a eu plus de peur que de mal et l’incident n’a pas empêché l’extraction d’une une quantité utilisable de sang. N’empêche que je suis sûr que la jeune femme, peut-être encore stagiaire, fera une belle carrière : elle est certaine de l’avoir, son CAP de charcuterie !
13h : Après une prise de sang conjuguée à une émotion forte, un repas gras n’est pas superflu. Je suis donc allé à la friterie : il a fallu faire la queue, le casting complet des Vieux fourneaux ayant eu la même idée que moi pour son déjeuner. Évidemment, c’est ironique, ne vous imaginez pas que j’aie eu la chance de rencontrer Eddy Mitchell, Pierre Richard et Roland Giraud ! Non, les seniors qui me précédaient étaient de vieux cons standards qui avaient tout leur temps et ont donc pris un malin plaisir à prolonger l’attente pour les autres clients en tenant la jambe à la caissière avec leurs conversations minables ! La sagesse qui vient avec l’âge est une vaste fumisterie : sale gosse un jour, sale gosse toujours. Pour couronner le tout, quand mon tour arrive enfin, je constate que j’ai perdu ma carte bancaire et qu’il me manque un euro en liquide pour payer mon cornet ! La serveuse, devant ma panique, croit bon de me répéter sans arrêt « y a pas de souci », ce qui me fait exploser : je n’ai jamais supporté que l’on minimise mes ennuis ! Si, il y a un souci ! Ce n’est peut-être pas le sien, mais il y en a un ! Elle me laisse quand même partir avec ma commande, mais je me jure de revenir pour régler ma dette. Décidément, c’est la journée des emmerdes…
14h15 : Je me rends au Relecq-Kerhuon pour y photographier un monument en hommage aux victimes civiles de la seconde guerre mondiale[1], ce qui n’est pas fait pour arranger mon humeur, vu que je déteste aller dans cette ville où les rues sont un vrai labyrinthe et où la ligne de bus a été tracée en dépit du bon sens. L’ancien proviseur du lycée que je fréquentais jadis m’a expliqué que c’était pour que le trafic gène le moins possible les habitants ; en somme, c’est le même gag que pour les antennes-relais, tout le monde est d’accord pour bénéficier d’équipements mais personne ne veut supporter les inconvénients qui vont avec… Enfin bref, le devoir avant tout ! Après une demi-heure d’attente, je suis en route, espérant que le pire est derrière moi pour aujourd’hui : mais un kassos a renversé une bière dans le bus, obligeant le chauffeur à s’arrêter pour l’expulser – bien entendu, l’ivrogne ne se laisse pas faire. Résultat, nous perdons du temps et il règne une odeur des plus déplaisantes dans le véhicule… D’abord la charcutière du don du sang, ensuite la serveuse aux remarques déplacées, et maintenant ce disciple de Barney Gumble[2]… C’est voyage à Con-land, aujourd’hui ! Ou au Groland en vrai, et décidément, le Groland à la télé, c’est souvent drôle, mais dans la vraie vie, ça l’est rarement… Je vous rends l’antenne, Jules-Édouard, et je vous prie de la garder ! Francky Ki, en direct de Mufflins !
15h30 : Grâce à un employé de mairie qui a gentiment accepté de me guider, j’ai trouvé le monument sans trop de peine, et je suis « déjà »[3] dans une agence bancaire du centre-ville pour signaler la perte de ma carte. Comme je l’ai vraisemblablement égarée ce matin en allant déposer des billets, je suggère à l’employé qui m’accueille qu’ils l’ont peut-être déjà retrouvée près des automates : il me répond que la chose est impossible car les employés n’ont pas le droit d’accéder à l’espace des automates pour des raisons de sécurité ! Je lui demande une seconde de pause, le temps pour moi de mordre dans ma casquette pour me calmer les nerfs poussés à bout par la découverte de ce règlement absurde… J’en suis quitte pour retirer du liquide avec une carte provisoire et à patienter une semaine avant la réception de ma nouvelle carte personnelle. Ça y est, je me rappelle pourquoi j’avais besoin de vacances !
16h30 : De retour à la maison, je suis bien surpris de découvrir que j’ai un courrier des organisateurs du salon de Haute-Loire : s’agit-il d’un petit mot de remerciements pour ma participation ? Et bien oui, ils me remercient à leur façon… En me demandant 23 euros pour le renvoi de mes œuvres par la poste. Bon : j’ai payé pour être exposé, j’ai payé pour que mes œuvres leur soient expédiées, maintenant, il faut que je paye pour les avoir récupérées ! J’ai le sentiment de m’être donné du mal pour pas grand’ chose et d’être contraint d’acheter quelque chose qui m’appartient déjà ! Je note : pour cette saison, arrêter de courir après les expositions et me consacrer essentiellement à la production.
17h30 : Le coup de grâce : suite à un bug informatique dont je ne situe évidemment pas l’origine (je suis de toute façon une tanche avec les ordinateurs, en dépit du stéréotype sur les autistes), lorsque j’essaie d’envoyer à la rédaction mes clichés pris au Relecq, ceux-ci disparaissent TOUS sans exception, sauf un d’une plaque commémorative située à proximité du monument et que j’avais également photographiée à tout hasard… Bien entendu, cette image ne convient pas pour illustrer la colonne que j’ai livrée dernièrement, il va donc falloir que je retourne sur place… On parle des « splendeurs et misères » de la vie d’artiste : les misères, c’était aujourd’hui, les splendeurs, ce sera pour une autre fois !
La plaque commémorative :
20h : J’apprends la nomination de Michel Barnier. Macron avait la possibilité de s’incliner devant le choix des électeurs et nommer à Matignon une sociale-démocrate au caractère bien trempé : il a préféré en faire autant cas que pour la mobilisation des syndicats contre la réforme des retraites et a choisi un vieux chiraquien insignifiant qui n’a jamais su faire autre chose que se mettre à genoux devant son seigneur et maître. Il y a deux ans, un ami me disait qu’à ses yeux, la France n’avait plus besoin d’un président : il a obtenu satisfaction, elle a maintenant un empereur ! En juin, j’étais épouvanté ; en juillet, j’ai été rassuré ; en septembre, je suis indigné ! Ça s’améliore, hein ?
Vendredi 6 septembre
11h : En prévision de la visite d’une amie prévue pour ce soir, je me rends à la boulangerie-pâtisserie pour y acheter un dessert : les travaux de la ligne de bus à haut niveau de service se poursuivent, engendrant une nuisance qui n’est pas seulement auditive mais aussi olfactive car les ouvriers étendent l’asphalte… Ça empeste tellement que j’espère de tout mon cœur qu’on verra une vraie différence avec l’état antérieur de la rue une fois que les travaux seront finis ! Évidemment, les automobilistes qui rouspètent contre les déviations liées aux chantiers s’en fichent… Une fois arrivé au magasin, je jette mon dévolu sur une appétissante tarte aux pommes : faute de précisions de ma part, la vendeuse enregistre dans un premier temps le prix d’une portion individuelle. Je la corrige donc aussitôt en lui disant qu’il me faut une tarte pour quatre… Tant qu’il existera encore des commerces où l’on n’essaie pas de vous fourguer d’entrée de jeu ce qu’il y a de plus cher, rien n’est perdu !
J'ai dessiné Wauquiez parce que j'ai été marqué par sa déclaration selon laquelle il déposerait une motion de censure contre tout gouvernement issu du Nouveau Front Populaire...
12h55 : Je prends le bus pour honorer un rendez-vous avec une assistante sociale qui doit m’aider à obtenir un document que me réclame la CAF pour pourvoir me verser l’Allocation Adulte Handicapé que la MDPH[4] a enfin accepté de m’accorder. À l’entrée du véhicule, je suis précédé par une petite vieille qui dégaine sa carte bancaire pour pouvoir en débiter le prix d’un titre d’un transport sur la borne prévue à cet effet : à la lenteur due à son grand âge s’ajoute celle propre à ce dispositif dont je n’ai cessé de constater la sidérante inefficacité depuis sa mise en place ! C’était cent fois plus simple avec un ticket bête et méchant que l’on mettait à poinçonner… Décidément, à chaque fois que l’on « modernise » un système quelconque, c’et pour remplacer un dispositif simple et efficace par une machinerie lente et compliquée mais qui fait du bruit et qui clignote pour exciter les crétins qui s’imaginent qu’entrer dans la modernité consiste à faire ressembler à tout prix la vie quotidienne à un film de science-fiction des années 1950… Le regretté Jean-Marc Lelong faisait dire « Y en a disent qu’on arrête pas le progrès, mais ‘faudrait savoir sans quel sens » à l’acariâtre mais pertinente Carmen Cru : j’ajouterai, au risque de me répéter (je l’ai sûrement déjà dit) que la technologie est une chose merveilleuse qui permet de résoudre des problèmes qu’on n’aurait jamais connus sans elle.
Une toile avec quelques aphorismes dont celui sur la technologie :
14h : L’assistante sociale remplit pour moi une demande de pension d’invalidité : je n’en ai pas réellement besoin et je n’ai aucune chance de l’obtenir, mais la CAF demande JUSTEMENT, pour me verser l’AAH, un document attestant que la CPAM ne me verse pas déjà une telle pension ! En clair, pour obtenir ce à quoi j’ai droit, je dois compléter un dossier pour une pension dont je ne veux pas et que je n’aurai jamais ! Vous trouvez ça absurde ? Ne vous y fiez pas : ça l’est bel et bien ! Même l’assistante sociale, dont c’est pourtant le métier, reconnait la lourdeur et la vanité de cette formalité, d’autant que la CAF, me dit-elle, ne formule même pas systématiquement une telle exigence… J’aurai mérité mon allocation rien que pour avoir surmonté tous les obstacles menant à son versement !
16h : Passage à la poste de mon quartier pour poster le courrier destiné à la CPAM. L’assistante sociale a eu la gentillesse de me procurer une version plastifiée de ma carte « Je suis autiste » que je présente à chaque fois que ma différence me met en porte-à-faux vis-à-vis de mes interlocuteurs ou que je souhaite demander aux gens que je croise de corriger leur conduite afin de me mettre à l’aise : ça arrive si souvent que ma carte se détériore rapidement, d’où la nécessité d’un nouvel exemplaire plus solide. Ça ne rate pas : dans le bureau de poste, il y a la queue et les usagers parlent fort, de sorte que je dégaine ma nouvelle carte à peine une demi-heure après l’avoir reçue ! Je ne suis pas triste d’être autiste : je suis content d’être différent de tous ces gens qui ne font jamais attention aux autres… On prétend que nous, les gens du spectre, n’avons pas d’empathie : je me demande plutôt si nous n’en avons pas davantage que la normale…
19h30 : Mon invitée est là. Ensemble, nous regardons le dernier épisode, à ce jour, d’Astrid et Raphaëlle. C’était d’ailleurs la raison de mon invitation : comme je sais que chaque saison se termine sur un épisode plus « musclé » que les autres et que je reste très impressionnable, je préférais être accompagné pour visionner celui-ci. De fait, ça ne rate pas : jusqu’alors, la quatrième saison était surtout focalisée sur Astrid qui faisait face à la découverte de son jeune demi-frère et apprenait donc à prendre en charge un enfant (je confirme que ça n’a rien d’évident pour un autiste[5]) ; aussi, dans cet épisode, c’est plutôt Raphaëlle qui mène la danse : la belle commandante se réveille aux côtés du cadavre d’un magouilleur contre lequel elle cherchait des preuves et elle ne se rappelle absolument pas de ce qu’elle a fait durant les trois jours qui ont précédé cette macabre découverte ! Bien entendu, Astrid fait des recherches pour prouver l’innocence de son amie (et, comme toujours, elle trouve la solution), mais c’est la fuite de cette dernière, qu’une autre commandante croit coupable, qui est au premier plan : la personnalité de Raphaëlle, fliquette intrépide mais sensible et payant comptant sa soif de justice, est donc au cœur de l’intrigue. Le spectateur était plutôt habitué, jusqu’à présent, à éprouver de l’empathie pour Astrid, jeune femme surdouée mais qui doit apprendre à composer avec la réalité d’un monde où tout est peu ou prou hostile à la différence : avec cet épisode, Raphaëlle, poussée dans ses derniers retranchements, a elle aussi droit à sa part d’empathie ; elle est dans une situation si délicate qu’on a envie de lui offrir le soutien moral qu’elle apporte à Astrid en temps normal… Mon amie ne connaissait pas du tout la série mais semble satisfaite de la découverte que je lui ai offerte : elle est notamment tombée sous le charme de Sara Mortensen ! Personnellement, je serais plutôt amoureux de Lola Dewaere : ce n'est pas très original, tous les hommes de la série sont plus ou moins charmés par la belle commandante, même le commissaire qui, justement, dans cet épisode, fait montre envers elle d’une tendresse qu’on n’attendait pas venant de ce personnage habituellement assez strict… Enfin bref, j’ai enfin vu tous les épisodes sortis à ce jour, grâce à une ami qui, telle Raphaëlle vis-à-vis d’Astrid, s’est improvisée mon dé à coudre : en revanche, je ne vois toujours pas de qui je pourrais être la boussole… Oui, désolé, si vous ne connaissez pas la série, vous ne pouvez pas comprendre !
Samedi 7 septembre
10h30 : Après un aller-retour au Relecq-Kerhuon où j’ai repris ces satanées photos, je passe à la banque pour retirer du liquide : comme je n’ai toujours pas ma nouvelle carte, je suis obligé de faire la queue car, à ma grande surprise, il y a beaucoup de monde à attendre ! Il y a même une femme âgée qui prend le droit de passer devant moi sous prétexte qu’elle a rendez-vous. Quand mon tour vient enfin, je demande s’il y a toujours autant de monde le samedi matin : la guichetière me répond que oui car « les gens préparent leur week-end »… J’ai toujours été effaré par toutes les emmerdes auxquelles mes semblables consentent pour quelques malheureux jours de loisirs : qu’est-ce qu’ils doivent de faire chier chez eux pour se plier à ça ! Il serait plus constructif et meilleur pour la santé de se faire, dans la mesure du possible, une vie agréable toute l’année, mais bon, ce que j’en dis…
Le monument qui m'a donné tant de fil à retordre :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Pour l’anecdote, cette commune, qui fait partie aujourd’hui de Brest Métropole, a été frappée dès le 7 juillet 1941 par un bombardement allié en plein centre-ville qui fit 26 morts et de nombreux blessés. Oh, Barbara…
[2] Personnage des Simpson à côté duquel Homer passe pour un modèle de sobriété…
[3] Les guillemets ne sont pas superflus au vu du temps que prend l’aller-retour entre Brest et Le Relecq-Kerhuon.
[4] Maison Départementale des Personnes Handicapées, ‘faut tout vous dire ou quoi ?
[5] C’est déjà assez difficile pour les neurotypiques !
Et oui, je suis rentré hier de la maison où j'ai grandi et où j'étais allé passer quelques vacances que j'avais le front de croire méritées... D'ici peu, je reprendrai le cours normal de mes ratiocinations sur ce blog. En attendant, pour rester dans l'ambiance des vacances, voici quelques croquis réalisés sur la plage de Sainte-Anne-du-Portzic où je vais prendre un bain de mer dès que le temps le permet - c'est-à-dire plus souvent que ne le prétendent les mauvaises langues :
Les deux croquis qui suivent n'ont pas été faits sur la plage mais aux Capucins où j'étais allé retrouver une amie et son petit garçon :
Terminons avec ce dessin que j'avais réalisé dans le cadre des cours du soir (cliquez dessus pour l'agrandir) :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
Pour en savoir plus sur Geneviève et la relation privilégiée que j'ai entretenue avec elle pendant quatre ans :