Du 9 au 16 septembre : Et oui, j'aime Reiser et Amélie Nothomb, na !

Vendredi 9 septembre

 

19h : Scène ouverte au Temple du pharaon, premier événement de la saison culturelle organisé par le Collectif Synergie : l’occasion pour moi de retrouver quelques vieilles connaissances, de déclamer mes textes les plus récents (l’accueil est un peu plus froid pour mon slam sur Amélie Nothomb que pour mes autres poèmes, Il doit y avoir plus dans la salle plusieurs personnes qui refusent d’ouvrir les livres de l’intéressée car j’ai cru remarquer que ses pires détracteurs étaient ceux qui ne la lisaient même pas) et de faire quelques dessins tout en écoutant se produire en solo le chanteur du groupe Clara Vénus. Quand je montre mes crobards, les gens présents dans la petite salle semblent m’être favorables, ce qui me réconforte dans la période de doute que je traverse. 

 

Pour commencer, trois dessins sur la mort de la reine Elizabeth II qui défrayait encore la chronique ce jour-là...

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Quelques croquis représentant les artistes présents ce soir-là au Temple du pharaon...

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Quelques photos...

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Et deux dessins inspirés par les chansons du chanteur que vous voyez ci-dessus : la chanson écologiste "L'homme à pinces"...

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Ce dessin gagnerait à être colorié mais je n'en ai pas eu le temps.

 

...et "Selfie avec Jésus", consacré à une influenceuse qui a trouvé la mort en faisant un selfie dans une position dangereuse.

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Elle avait 32 ans. On pourrait lui appliquer les paroles d'une chansons de Renaud : "P'tite conne tu voulais pas mûrir, tu tombes avant l'automne juste avant de fleurir"

 

 

Samedi 10 septembre

 

18h : Je termine un dessin qui me tenait à cœur depuis un certain temps et je me surprends à en être satisfait : en l’examinant, je mesure le chemin parcouru depuis quelques années, je vois les erreurs que je ne commets plus, les effets que j’aurais été incapable d’obtenir il n’y a pas si longtemps… Ce crobard résume l’idée développée dans mon slam « Ibiza blues » : un type qui a la chance de vivre dans un cadre luxueux, au soleil, entouré de créatures en bikini, et qui préférerait un décor plus rustique, une ambiance hivernale, une gentille mamie… C’est un peu autobiographique de ma part, je l’avoue : je ne vis certes pas dans un cadre luxueux, mais je reste attaché aux ambiances rustiques, l’été n’est pas la saison que je préfère et depuis que ma grand’mère n’est plus de ce monde, j’ai parfois des manques…

 

Le dessin en question...

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...et le slam qui va avec :


 

Lundi 12 septembre

 

10h30 : Après un dimanche où j’ai éprouvé le besoin impérieux de souffler malgré mes récentes vacances, j’ai commencé la journée par un crochet à Bureau Vallée pour y acheter de grandes enveloppes matelassées : j’en ai besoin pour faire un envoi qui doit partir aujourd’hui même. Pour ne pas perdre de temps et expédier mon paquet dans le premier bureau de poste à ma portée, je fais mon paquet sur un banc, ce qui surprend une dame âgée qui rit de me voir faire mon courrier en pleine rue ! Un peu décontenancé, je me borne à lui expliquer que c’est une urgence : elle s’en contente et passe son chemin, mais je comprends mieux ce que devait ressentir Amélie Nothomb (comment ça « encore elle » ?) quand elle avait l’impression de faire figure de clownesse dans l’entreprise japonaise où elle travaillait…

 

11h : Il fait de plus en plus chaud et je me suis un peu trop couvert, ne m’attendant pas à ce qu’il fasse aussi lourd au début du mois de septembre à Brest ! Le réchauffement climatique ne me fait aucun bien… Cela influe-t-il sur mon psychisme ? Toujours est-il qu’à la poste, quand une employée m’interpelle, je ne comprends pas ce qu’elle me veut : je reste un instant comme deux ronds de flancs, telle Marguerite dans La différence invisible quand elle ne comprend ce que sa collègue attend d’elle[1]. Cette dame me tourne le dos, mais je la rattrape pour lui demander des éclaircissements : elle m’explique qu’elle croyait que j’avais des colis à expédier mais qu’elle a vu que tous mes paquets étaient à envoyer en lettre verte… Qui a été le plus ridicule de nous deux ?

 

11h30 : Casse-croûte à la cafétéria de la fac et lecture d’un quotidien : apparemment, l’Ukraine a infligé de sérieux revers à l’armée russe. J’ai envie de dire : et alors ? Peu importe qui la gagne, cette guerre ! D’accord, Poutine mérite qu’on lui résiste ! D’accord, c’est l’Ukraine qui est dans son droit en se défendant ! Mais que ce soit elle ou la Russie qui gagne, il n’y en aura pas moins autant de dégâts matériels et de pertes humaines ! On oublie un peu vite que les soldats russes ne sont pas forcément tous des barbares assoiffés de sang et sont probablement, dans la plupart des cas, de pauvres bougres qui ne font que subir ce que leur impose leur tyran… Je ne vois donc pas l’intérêt de compter les points pour savoir qui va gagner : au point on en est, il faut que la Russie perde, c’est entendu, mais il aurait mieux valu faire en sorte que cette sale guerre n’ait jamais lieu ! Il n’y a jamais de victoire au bout de la guerre : la guerre est déjà une défaite en soi, pour tout le monde. Absolument tout le monde.

 

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Egalement dans l'actualité ce lundi : la grippe aviaire qui fait des ravages chez les oiseaux marins...

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...la rentrée politique de Zemmour et le sable du Sahara qui débarque en France :

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En bonus : une caricature de Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne.

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Ce monsieur, élu sous l'étiquette socialiste, se sent plus proche de Cazeneuve que de NUPES ; c'est drôle, je trouve que c'est marqué sur sa tronche !

 

Mardi 13 septembre

 

15h : Je reçois mon vieux complice pour une répétition en vue de la lecture d’Inconnu à cette adresse que nous sommes censés proposer samedi prochain au Fort Montbarey. Au grand désespoir de mon camarade, je suis incapable de ralentir mon débit oratoire : j’ai pourtant fait des progrès depuis l’époque pas si éloignée où j’étais quasiment inintelligible, mais même avec ça, j’ai beau commencer en parlant le plus lentement possible, je finis inévitablement par m’emballer et ma langue s’agite à la vitesse d’une formule 1 ! Je reste compréhensible, mais alors que nous disposerons d’une heure pour faire notre lecture, celle-ci risque d’être expédiée en moitié moins de temps ! Autant dire que le public aura intérêt à ne pas arriver en retard s’il ne veut pas en rater un gros bout… Mais je ne peux rien y faire : je n’oublierai jamais ce jour où une dame m’a dit que ma pensée allait plus vite que ma parole et que celle-ci suivait comme elle pouvait. En conclusion : il faudra bien faire avec !      

 

Mercredi 14 septembre

 

12h : Après quelques heures de boulot à la BU où j’ai finalisé le manuscrit d’un projet de livre pour la jeunesse, pause déjeuner à la cafétéria : en feuilletant le journal, j’apprends la mort de Jean-Luc Godard. J’avoue que je n’ai jamais vu ses films : je ne suis pas cinéphile pour deux sous et ce n’est pas ce que m’en a dit ma mère (qui, elle, aime sincèrement le 7e art) qui va me donner envie de me plonger dans la filmographie de ce personnage. Même la fameuse scène du Mépris ou Bardot demande à Piccoli s’il aime ses seins, ses fesses, ses lobes d’oreille et tout le tralala ne m’inspire pas du tout : j’ai toujours trouvé ce dialogue profondément ridicule pour ne pas dire digne d’un enfant de trois ans ! S’il faut s’extasier là-dessus pour être un cinéphile éclairé, je préfère rester inculte dans ce domaine !

 

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Autres personnalités à avoir eu les honneurs des médias cette semaines : Koffi Yamgnane...

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 ...et Julien Solé et Arnaud Le Gouëfflec, les auteurs de Monsieur Léon

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Un autre fait d'actualité : le rapport du conseil d'éthique sur l'euthanasie.

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Je suis un peu méchant. Dans l'absolu, j'aime bien Cazeneuve qui m'a tout l'air d'être un homme intègre et droit : mais sa conception de la gauche est dépassée et n'est plus pertinente face aux problèmes du monde d'aujourd'hui.

 

14h : Soutenance de thèse de Dimitri Poupon sur le massacre de Penguerec, perpétré à Gouesnou le 7 août 1944 par la Kriegsmarine[2]. La thèse avait été co-financée par la mairie de la commune concernée, où le massacre en question a laissé une plaie vive dans les mémoires, ce qui explique peut-être pourquoi aucune étude sérieuse, même judiciaire, n’avait été vraiment consacrée à cet épisode traumatisant. Ce qui ressort surtout du travail du jeune historien, c’est que le massacre n’a probablement pas été commis par des sous-mariniers fanatisés comme on a pu le prétendre jusqu’à présent mais plus vraisemblablement par des fusiliers marins casernés à proximité de la commune, qui n’étaient pas plus nazifiés que la plupart des soldats de l’armée du Reich mais qui, alors que les Alliés approchaient du site où ils étaient casernés, se sentaient dans leur droit en jouant ainsi leur dernière carte. Ne l’oublions jamais : les actes les plus innommables ont souvent été perpétrés par des individus tout à fait ordinaires et non par des monstres. C’est même précisément ce qui les rend effrayants puisqu’ils nous rappellent que nul n’est à l’abri de basculer dans la folie meurtrière… Bon, on enchaîne ?

 

Dimitri Poupon

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Jeudi 15 septembre

 

11h : Une amie qui devait me rendre visite aujourd’hui m’annonce qu’elle préfère reporter à cause de tous les ennuis qu’elle rencontre sur son lieu de travail. Comme quoi la souffrance au travail n’est pas un mythe élaboré par des gauchistes illuminés ni un prétexte de fainéants pour ne pas aller bosser : pas étonnant, après ça, qu’il y ait pénurie de main-d’œuvre dans certains pays ! Les gens ne voient plus l’utilité de participer à ce jeu de dupes et de perdre leur vie à faire tourner une machine qui les broie avant de mener le monde à sa perte ! Ça me rappelle une planche de Reiser avec ce dialogue entre un corbeau et un ouvrier retraité :

 

- Quel âge tu as ?

- Tiens, un corbeau. 65 ans.

- Moi aussi.

- Tu les fais pas…

- J’ai jamais été en usine, moi… Pourquoi t’as travaillé ?

- Pour vivre.

- Moi aussi j’ai vécu.

- Moi, j’ai eu des congés payés.

- Moi, j’ai été tout le temps en vacances.

- J’ai voyagé.

- J’ai vu plus de pays que toi.

- Je suis à la sécurité sociale.

- Moi, je suis en bonne santé.

- Je suis civilisé, moi !

- À quoi ça te sert ? À mon page, tu peux à peine marcher.[3]

 

Ce dialogue date des années 1970, on le croirait d’aujourd’hui ! Reiser avait compris avant tout le monde l’absurdité, qui est en train de nous péter à la gueule, de ce système. Ce n’est pas le surmenage qui l’a emporté : on parlera encore de son œuvre quand beaucoup d’entreprises d’aujourd’hui seront liquidées et oubliées depuis longtemps, la pression morale exercée sur leurs salarié(e)s les ayant finalement menées à la faillite…

 

18h : Toujours dans l’optique d’une publication, j’achève la relecture d’une bonne partie du journal que vous êtes en train de lire : j’en suis à l’automne de l’année dernière et je ris presque de me revoir vitupérer contre les masques qu’on nous imposait encore un peu partout – non sans atermoiements d’une semaine sur l’autre suivant le degré d’inquiétude que l’épidémie inspirait à nos dirigeants. En revanche, quand je retombe sur les promesses que je faisais à moi-même et que je n’ai pas tenues, notamment celle de limiter mon temps de présence sur les réseaux sociaux, je rigole un peu moins voire pas du tout…

 

20h : J’ai vent du fait que dans la version live de La petite sirène de Disney, dont la sortie est prévue pour l’année prochaine, Ariel serait jouée par Halle Berry ! J’en suis un peu étonné, non pas parce que la sublime Halle est noire mais parce qu’elle n’a plus tout à fait l’âge du rôle : elle ne les paraît pas, mais elle a tout de même 56 ans et ne serait donc que moyennement crédible dans le rôle d’une adolescente qui découvre la passion amoureuse et se retrouve dépassée par ce sentiment qu’elle ne maîtrise pas. Renseignement pris, je découvre qu’il y a en fait une confusion entretenue par quelques ignares : ce n’est pas Halle Berry mais Halle Bailey, une autre actrice afro-américaine, qui jouera le rôle de la sirène. Outre le fait qu’elle n’a pas tout à fait le charisme de sa collègue oscarisée, Halle Bailey n’a que vingt-deux ans (trente-quatre de moins) et constitue donc une cible plus facile pour les mâles blancs qui ne supportent pas que les petites filles puissent rêver aux aventures d’une demoiselle noire… C’est à des petits riens comme ça qu’on voit qu’il y a encore du boulot ! Malcolm X est parti trop tôt…

 

Vendredi 16 septembre

 

9h15 : J’arrive, toujours largement en avance, au cimetière Saint-Martin pour assister à l’inauguration de la chapelle Grandjean qui a été rénovée récemment. Je suis un peu chargé car j’ai prévu de profiter de cette virée en ville pour faire un don de vieux bouquins pour une foire aux livres organisée par la librairie Dialogues – retenez bien ce détail qui a son importance pour la suite. La gardienne du cimetière m’accueille et me dit qu’il est aisé de repérer la chapelle en question : elle est encadrée de deux palmiers ! La présence de ces arbres exotiques à Brest n’est pas étonnante en tant que tel : ma ville a accueilli de grands voyageurs qui n’ont pas manqué de ramener des végétaux des terres qu’ils ont explorées et le climat finistérien, plutôt tempéré, se prête fort bien à la culture de plantes de tous horizons... Mais dans un cimetière, c’est quand même surprenant !

 

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9h30 : En attendant l’inauguration qui doit avoir lieu dans une demi-heure, j’entame un croquis du monument funéraire ; me voyant assis sur le tabouret pliant que j’ai pris la précaution d’emmener, la gardienne se propose de l’ouvrir pour que je puisse en découvrir l’intérieur avant tout le monde. Je n’ose pas refuser et, délaissant brièvement mon crayon pour mon appareil photo, je pénètre dans la chapelle où je découvre l’horrible vérité : l’édifice avait été érigé par des parents en hommage à leur fille disparue à l’âge de seize ans ! Ce qui aurait pu passer pour une manifestation d’orgueil de notables désireux d’étaler leur richesse même après la mort était en fait l’expression du chagrin inconsolable de parents qui avaient vu mourir leur enfant – je ne connais pas pire drame, je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi ! Mon article risque de faire pleurer dans les chaumières…

 

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9h45 : Alors que je termine mon croquis, les huiles commencent déjà à affluer, dont un représentant de la Fondation du patrimoine qui me complimente pour mon modeste dessin. À part madame Berthou-Ballot qui représente la municipalité, je ne connais pas grand-monde, ce qui me donne une position privilégiée pour percevoir le paradoxe de la situation : tous ces gens qui ont présidé ou participé, directement ou non, à la rénovation de ce bâtiment, sont tous très contents de se retrouver et de saluer l’aboutissement de leurs efforts, et je me dis qu’il est bien rare de voir autant de gens de bonne humeur dans un cimetière !

 

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10h : L’inauguration proprement dite commence enfin ; les discours s’appesantissent surtout sur le processus ayant conduit à la rénovation de la chapelle et au dispositif dans lequel elle s’inscrit, je n’apprends donc pas grand’ chose sur le bâtiment en tant que tel. Je sursaute quand même un peu quand on dit qu’il est question d’encourager les Brestois à visiter davantage les cimetières et à en faire, je cite, « des lieux de vie » ! De là à encourager les citoyens à aller faire l’amour dans ces endroits comme l’a dessiné Reiser (comment ça « encore lui » ?) en 1974[4], il n’y a qu’un pas !

 

Un zombie sortant de la chapelle... Mais non, je déconne, c'est moi !

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10h30 : N’ayant rien pu tirer de plus concernant la famille Grandjean (vraisemblablement des notables de Landerneau) ni sur les autres caractéristiques insolites de la chapelle (pourquoi des palmiers ?), je décide de ne pas m’attarder et de descendre à pied la rue Jean Jaurès, direction Dialogues enfants, où doit se faire le dépôt des livres. La distance ne me semble pas justifier que je prenne le tram, mais avec mon chargement, la route est quand même peu confortable. Je m’accroche néanmoins, pensant au bien que j’éprouverai une fois que je repartirai allégé…

 

11h : J’arrive à destination et je comprends tout de suite que je suis tombé sur un os : pour cette édition, ils ne prennent que les livres pour enfants ! J’aurais pu m’en douter au vu de la façon dont la collecte était annoncée, mais comme ce n’était exprimé explicitement à aucun moment, je me suis foutu dedans ! Encore une fois, ma difficulté, typique des autistes Asperger, à saisir l’implicite, m’aura joué un tour. Je fais cependant contre mauvaise fortune bon cœur et je décide de faire un aller-retour jusqu’à chez moi pour ne pas devoir trimbaler mon chargement tout au long de cette journée qui s’annonce déjà bien remplie.

 

11h30 : C’est bien ma veine : il a fallu que le chauffeur de bus se trompe et oublie de tourner ! Je me tape une distance supplémentaire à pied avec ma cargaison sur le dos et je commence déjà à saturer, d’autant que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit, comme à chaque fois que je me laisse emballer par l’enthousiasme que m’inspirent les promesses dont la vie semble parfois remplie… J’espère donc de tout mon cœur que cette contrariété était la dernière ! C’est drôle, je n’y crois pas tellement…  

 

13h : Une fois revenu au centre-ville et après avoir avalé quelques frites pour tenir toute la journée, je me rends dans un bar doté de la wifi histoire de poursuivre la rédaction du présent journal et de relever mes messages. Une chape de plomb me tombe dessus : un administrateur du musée de la marine m’a écrit pour me signaler que la salle consacrée au canon La Consulaire, que je mentionnais dans mon dernier article paru dans Côté Brest, n’existe plus depuis cinq ans ! Je lui explique que je m’étais appuyé sur une source de 2019 qui relayait cette information alors qu’elle était déjà obsolète : je doute que cela suffise à le convaincre de ma bonne foi et de mon professionnalisme ! Voilà ce qui arrive quand on veut aller trop vite…

 

15h : Troisième et dernière répétition de la lecture d’Inconnu à cette adresse : mon camarade et moi-même sommes de moins en moins surpris par le texte, nous devrions réussir à faire quelque chose d’acceptable en dépit du fait que je suis autiste et lui dyslexique. Ce n’est que sur la route du retour que j’ai une idée pour rattraper le coup avec le musée de la marine : pourquoi ne pas lui demander ce qu’il y a désormais à la place de la salle consacrée à la Consulaire et, par voie de conséquence, y consacrer un article ? Hélas, je ne pourrai pas soumettre la suggestion tout de suite car je n’aurai pas facilement accès à Internet avant la fin de la soirée… Vivre sans smartphone a aussi un prix, de nos jours. Mais je suis prêt à le payer, ça me semble toujours moins cher que ce fil à la patte électronique !      

 

17h30 : Le dessinateur David Sala est venu à la fac parler de son album Le poids des héros qui évoque son rapport avec son histoire familiale, marquée notamment par le parcours de ses grands-parents, républicains espagnols exilés en France. Il a traité le sujet dans un style graphique assez nouveau pour lui et va jusqu’à dire qu’à ses yeux, il faut constamment se renouveler, ne jamais avoir le même style d’un album à l’autre et ne pas faire comme Hergé ou Uderzo qui ont fait à peu près les mêmes dessins tout au long de leur carrière. J’ai un peu de mal à être d’accord avec lui, notamment parce que je peine à croire qu’un auteur puisse vraiment s’affranchir de son style qui est souvent l’expression de son individualité. Bien sûr, on évolue. Bien sûr, les changements peuvent être brutaux. Mais de là à en faire une exigence absolue ! De surcroît, je ne vois rien de honteux à garder un style de dessin constant et à en exploiter jusqu’au bout les potentialités. Je raisonne en vieux con ? Peut-être. Comme disait Wolinski, « finalement, être un vieux con et dire comme Ingres : « N’étudiez le beau qu’à genoux », ça ne me déplaît pas »[5]… Mais je chipote : quand il justifie son choix de traiter avec des couleurs vives ce sujet douloureux (certaines scènes se passent au camp de Mauthausen !), je ne peux qu’être d’accord avec lui ; on a trop tendance à penser que ces moments terribles ne pouvaient avoir lieu que sous la pluie et n’être représentés qu’en noir et blanc, ce qui est une façon de se rassurer en situant ces horreurs dans un autre monde. Seulement voilà : ça ne s’est pas passé dans une autre dimension ou sur une autre planète mais bien sur cette même Terre que nous foulons aujourd’hui, les déportés ont donc vécu leur calvaire avec les mêmes couleurs que celles que nous voyons au quotidien et rien ne s’oppose à ce que le soleil ait brillé sur les camps nazis ! Il faut vraiment être con comme l’était Aznavour pour s’imaginer que la misère serait moins pénible au soleil : au contraire, vieux nabot, la souffrance est encore plus insupportable quand la nature est en fête autour de toi et manifeste son indifférence totale pour les peines humaines ! En somme, représenter les souffrances des déportés en couleurs vives, c’est pertinent car ça n’adoucit rien du tout, bien au contraire : ça nous rappelle que c’est arrivé dans notre monde, et ça n’en est que plus effrayant… Bon, on passe à autre chose ?  

 

David Sala croqué (avec peu de complaisance) par votre serviteur :

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19h45 : Arrivée à Kafkerin où le Collectif Synergie inaugure un nouveau partenariat en organisant une nouvelle scène ouverte. Je ne suis pas de très bonne humeur : la rue Auguste Kervern, où est situé ce café associatif, est toujours barrée pour cause de travaux et le bus a donc fait une déviation à laquelle je ne m’attendais pas… Sans aller jusqu’à dire que j’ai collectionné les contrariétés, ça en fait tout de même au moins une de trop, d’autant que j’ai eu peur, à cause de ce changement d’itinéraire, de ne pas accéder facilement à cet établissement. De surcroît, quand j’entre, je suis un peu déçu : je m’attendais à une ambiance intime et feutrée et je suis ébloui par une orgie lumineuse ! Je suis à deux doigts de paniquer quand je ne retrouve pas Claire Morin et ses acolytes : je les retrouve finalement dans l’arrière-salle, en train de casser une graine… Je fais part de mes mésaventures : une autre slameuse espère me réconforter en me disant que c’est fini et que je vais pouvoir être plus « relax », mais elle ignorait qu’il ne faut jamais prononcer ce mot en ma présence et le cri que je pousse le lui apprend à ses dépends ! Elle m’a heureusement vite pardonné. Que dire de la scène ouverte en tant que telle ? Pas grand-chose d’autre que celle de la semaine dernière, si ce n’est la prestation d’un jeune homme reprenant une chanson de Céline Dion, un grand moment d’humour involontaire ! J’ai cependant du mal à en rire car la fatigue se fait sentir. Pas aux yeux du public qui apprécie mes passages sur scène, fort heureusement.

 

Quelques croquis de la soirée...

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...et des photos (prises dans d'assez mauvaises conditions, il faut bien le dire).

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22h30 : Rentré au bercail, je relève mes messages et je découvre, entre autres, un message de refus d’un éditeur pour mon Voyage en Normalaisie : je suis un peu découragé et je n’exclus pas de ne sortir demain que pour la lecture que je suis censé assurer, faisant autant fi des journées du patrimoine et des rencontres brestoises de la BD. Après tout, je fais déjà beaucoup pour le patrimoine et la bande dessinée à longueur d’année, le plus souvent en étant bien mal récompensé, ce n’est pas en multipliant les sorties que je vais réaliser mon œuvre…

 

Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] MADEMOISELLE CAROLINE & DACHEZ Julie, La différence invisible, Delcourt, Paris, 2016, pp. 56-57.

[2] POUPON Dimitri, Le massacre de Penguerec : Gouesnou, le 7 août 1944. Récits et mémoires d’un traumatisme (1944-2021) Cf. https://www.theses.fr/s213381

[3] REISER Jean-Marc, La vie des bêtes, Square, Paris, 1974, p .68.

[4] REISER Jean-Marc, On est passé à côté du bonheur, Albin Michel, Paris, 1994.

[5] « Wolinski est un grand artiste contemporain » in Les années Wolinski, Glénat, Grenoble, 2018, p. 88.



17/09/2022
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