Du 8 au 15 août : En direct de chez ma mère
Vendredi 8 août
10h : Le conseil constitutionnel a finalement censuré l’article le plus contesté de la loi Duplomb, celui qui visait à réintroduire en France un pesticide interdit depuis cinq ans. De toute façon, étant donné que les droits de douane prohibitifs voulus par Trump entrent en vigueur aujourd’hui, je ne vois pas quel intérêt la France à rendre son agriculture plus intensive, puisqu’elle ne pourra presque plus exporter en Amérique !
13h30 : Dernier bain de mer avant de séjourner à Guilers pour une durée indéterminée : j’ai beau prendre du bon temps à Brest, le besoin de faire une coupure en changeant momentanément de décor est plus fort que tout. Je resterai auprès de ma mère jusqu’au 31 août au plus tard, à moins que mon père ne rentre avant ce terme de sa rééducation à Landerneau, auquel cas je devrai rentrer chez moi. Mais même si mon séjour ne devait ne durer qu’une semaine, ce serait déjà une parenthèse bienvenue ! Et puis je peux toujours me dire que je soutiendrai ma mère esseulée… Ah, on s’en souviendra, de cet été !
Samedi 9 août
14h : Me voilà arrivé dans la maison où j’ai grandi ; il fait soleil, je m’allonge sur un fauteuil relax et je me mets à lire… C’est curieux, tout de même : il y a six ans, je quittais cette demeure parce que je ne supportais plus la promiscuité avec ma famille, en particulier le bruit que ma sœur faisait jusqu’à des heures impossibles ; aujourd’hui, au bout de quelques semaines passées à subir la promiscuité avec mes voisins et le remue-ménage causé par le chantier en ville, cette maison que j’ai fuie jadis me fait l’effet d’un paradis terrestre, avec son jardin où nul n’a le droit d’enter dans l’accord des propriétaires… Je suis tellement bien que la plage, dont j’ai déjà beaucoup profité, ne me manque pas.
Le 9 août 2015, il y a dix ans jour pour jour, Philippe Escafre dit Coyote nous quittait...
Dimanche 10 août
18h30 : C’était trop beau. Vingt-quatre heures à peine après avoir été admis à Landerneau pour sa rééducation, mon père a dû réintégrer d’urgence l’hôpital suite à un malaise qui aurait pu être fatal. Plus de peur que de mal, il s’en remettra, mais cet imprévu retarde son retour à la maison : je ne me trompais pas en supposant que mon séjour arrivait à point nommé pour éviter à ma mère d’être complètement esseulée… Mais il y a des jours où j’en ai marre d’avoir toujours raison !
Lundi 11 août
16h : Par la force des choses, ma mère passe à nouveau le gros de ses journées aux côtés de l’homme de sa vie. Pendant ce temps-là, moi, je me prélasse au jardin… Je suis un peu triste pour mes parents qui ne peuvent pas profiter de la fin de l’été : je me console en me disant qu’étant retraités, s’ils ne prennent pas du bon temps à cette période de l’année, ils pourront toujours le faire un peu plus tard, ce n’est pas comme moi qui retrouverai mes contraintes dès le 1er septembre. C’est pour ça que je grince un peu des dents quand j’entends le crique Zavatta froisser, avec ses annonces braillées dans un haut-parleur, le silence séraphique que je dégustais… Et moi qui croyais naïvement que ce mode de communication était devenu obsolète ! De toute façon, même s’ils ne me cassaient pas les oreilles, je n’irais pas voir leur spectacle : je boycotte les cirques avec animaux… Quant à ma mère, à l’instar d’Adèle Blanc-Sec, elle n’a jamais aimé le cirque : ça a le mérite d’être clair !
Mardi 12 août : il y a 14 ans, Jean Tabary nous quittait...
20h30 : Avec ma mère, nous regardons Les derniers secrets de l’humanité de Jacques Malaterre : il y aurait beaucoup à redire sur la forme, notamment pour la musique semi-religieuse omniprésente qui finit par m’agacer, pour ne citer qu’un des poncifs des documentaires made in France. Mais sur le fond, rien à dire : la première chose qui me frappe est le rappel du rôle important que jouaient déjà les femmes à la préhistoire ; il est en effet établi aujourd’hui qu’elles contribuaient à part au moins égale avec les hommes aux activités indispensables à la survie et on ne peut plus se permettre de les représenter attendant passivement le retour des chasseurs au foyer comme on se l’imaginait au XIXe siècle. Mais ce qui marque surtout, c’est l’accent mis sur le fait que les affrontements entre hominidés, même issus d’espèces différentes, étaient très rares : nos ancêtres étaient démunis de toute défense naturelle face à une nature inhospitalière et jamais ils n’auraient pu survivre et prospérer comme ils l’ont fait s’ils avaient perdu du temps à se faire la guerre. En d’autres termes, la lutte des uns contre les autres au sein de l’espèce humaine n’est pas « naturelle » ou « normale » comme certains cherchent à nous le faire croire : en exaltant l’écrasement des faibles par les forts et le rejet de l’étranger comme nous le faisons aujourd’hui, nous allons à rebours même de ce qui a permis au genre humain de remporter haut la main cette lutte pour la survie où il semblait avoir perdu d’avance… Nous vivons dans un monde que nous avons su aménager pour notre confort et nous sommes cependant plus près de notre extinction que ne l’étaient nos ancêtres qui avaient toute la nature contre eux !
Le 12 août, c'est aussi le jour de l'anniversaire de François Hollande. Vous pouvez le voir ici, alors qu'il était encore militant de base du parti socialiste, s'entraîner à imiter Valéry Giscard d'Estaing en prévision de sa propre accession à la présidence de la République ; sur l'autre photo, il présente la crêpe rose aux grands pontes du PS dans l'espoir de la servir à l'université d'été du parti... Bon, j'arrête : ce sont des photos de moi prises il y a une douzaine d'années ! Désolé, je ne pouvais pas m'en empêcher...
Mercredi 13 août
20h30 : Nouvelle soirée télé avec ma mère ; nous nous repassons la seule série télévisée à avoir vraiment trouvé grâce à mes yeux depuis l’explosion des plateformes de streaming : Astrid et Raphaëlle. Dans le tout premier épisode, le « pilote », la brillante Sara Mortensen ne maîtrisait encore qu’imparfaitement le débit oratoire typique des personnes du spectre, mais je constate maintenant, avec le recul, que la différence avec les épisodes ultérieurs n’est pas aussi grande que je le pensais ; Sara avait presque tout bon depuis le début… Mais la scène qui me marque le plus dans cet épisode fondateur est celle où Astrid refuse l’invitation de Raphaëlle à boire un verre dans un café : elle lui dit du tac au tac, sans arrière-pensée (les autistes sont en général incapables de duplicité), qu’elle la trouve trop imprévisible, ce que la belle commandante prend très mal, et leur relation pourrait s’arrêter là si la jeune documentaliste ne faisait pas montre ensuite de bonne volonté… Cette scène résume admirablement, à elle seule, tous les malentendus qui peuvent naître entre une personne avec autisme et la société : je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vexé quelqu’un sans le vouloir ! J’essaie d’être vigilent, mais je ne peux pas toujours faire attention à tout…
Vendredi 15 août : il y a quatre ans, Geneviève Gautier nous quittait
Cette photo où je lui fais la bise avait été prise par Jean-Christophe Podeur, lui-même décédé en mars dernier...
10h : Je pars faire ma marche matinale dans l’arrière-pays. Deux hommes en camionnette s’arrêtent à mon niveau et me demandent ce que l’on fête aujourd’hui : je suis incapable de leur répondre… Je ne sais pas s’ils parlaient d’une éventuelle festivité locale dont je n’aurais pas entendu parler ou du jour de l’Assomption ; dans le second cas, cette anecdote aurait le mérite de prouver une chose : les curés ont beau jeu de parader au moindre succès de façade, leur gri-gri ne dit plus rien à personne aujourd’hui…
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !