Du 7 au 9 mars : Fatigué de sourire, fatigué de pleurer...
Mardi 7 mars
15h : Il pleut enfin ! Suis-je vraiment le seul, au sein de la population citadine, à avoir conscience du fait qu’il faut s’en réjouir ? En attendant, j’ai rendez-vous chez une voisine que je dois photographier pour les besoins du journal : en ce jour de grève, je n’ai que ça à faire et puis rendre visite à cette femme d’âge mûr me fait du bien, c’est comme si je retrouvais une présence maternelle… Son poste de télévision est allumé sur C8. Non, à cette heure-ci, on n’y voit pas qui-vous-savez : on y diffuse Inspecteur Barnaby… Visiblement, quand cette chaîne n’est pas dégueulasse, elle est seulement chiante ! Non, je ne dirai pas « chiante comme la pluie »…
Parlons-en, tiens, des grèves...
Dans un autre (?) ordre d'idées :
Mercredi 8 mars : journée internationale de lutte pour les droits des femmes
Le dessin ci-dessous m'a été inspiré par une déclaration, parue dans Côté Brest, de Karine Coz-Elléouët suivant laquelle, dans les crèches, les professionnels auraient tendance à réagir plus rapidement aux pleurs d'un garçon...
Toujours dans Côté Brest, il y avait un article de Julien Saliou sur les "applis anti-gaspi": son reportage fait une belle jambe aux non-possesseurs de smartphone dont je m'obstine à faire partie...
15h : Petite visite chez une mécène pour lui livrer l’aquarelle qu’elle m’a achetée. Au fil de la conversation, nous en arrivons à parler de Guilers où elle a elle aussi de la famille : mon hôtesse me déclare déplorer d’y voir de plus en plus d’immeubles et moins en moins de campagne, et elle n’est pas la première à me le dire. Voilà donc le bilan de Pierre Ogor : grâce à sa courageuse politique urbanistique, sa commune a perdu tout ce qui en faisait le charme aux yeux des visiteurs ! Tout ça dans l’espoir d’attirer de jeunes actifs… Qui n’auront probablement pas envie de s’installer dans une ville gérée par une créature ivrogne, despotique et homophobe ! Belle victoire…
16h30 : Ayant pris congé de mon hôtesse, je me rends à pied à Bellevue, comme je l’avais décidé : en effet, n’étant pas très sûr qu’il y aurait des bus aujourd’hui (hier, apparemment, l’arrivée de la pluie n’a pas refroidi les ardeurs des grévistes), j’ai préféré prendre les devants. Finalement, les bus ont l’air de circuler normalement, mais à partir du moment où j’ai prévu quelque chose, je m’y tiens. Comme j’aurai probablement de l’avance sur l’heure du cours du soir, j’en profite pour faire un tour à la recyclerie de la rue Gay-Lussac, devant laquelle je suis souvent passé depuis mon installation à Lambé mais où je n’avais encore jamais eu la curiosité d’entrer : c’est un peu comme un supermarché (d’ailleurs, tout porte à croire que c’est un ancien supermarché) où tous les beaux produits bien neufs ,bien clinquants, bien frelatés, auraient laissé la place à de la marchandise de seconde main ! Il n’est pas exagéré de dire que c’est le peuple qui a reconquis un temple de la société de consommation… Je suis assez impressionné, j’ignorais qu’on pouvait récupérer autant de choses ! Ils ont un rayon « livres » assez bien fourni, mais ils ne prennent visiblement pas la peine de les classer par auteur, c’est dommage… Je sors sans rien acheter, je ne suis pas d’humeur à chiner.
17h : Comme prévu, me voici à Bellevue, largement en avance : le cours ne commençant que dans une heure, je fais une halte sur la place Napoléon III, plus précisément au bar le Bellevue. Entre la musique et les conversations, le lieu est assez bruyant, d’autant que, mercredi oblige, certains clients ont emmené leurs enfants : après avoir commandé un thé, je ne tarde pas à mettre mon casque anti-bruit. Je profite néanmoins de cette halte pour encrer quelques dessins, ce qui attire l’attention de l’homme qui semble être le patron du bistrot. « Y a du talent », lance-t-il à mon endroit ! Ça fait toujours plaisir…
Un dessin réalisé en vue du cours du soir : c'est une pièce d'ornement de mon lit...
21h : Aux abords de la place de la Liberté, je m’apprête, après avoir englouti quelques frites, à attendre le bus qui me ramènera à Lambézellec. À l’arrêt habituel, un clodo visiblement éméché s’approche de moi, avec l’air de me prendre pour un ami : sincèrement, j’ai passé l’âge d’apprécier ce genre de rencontre, alors je préfère m’éloigner et marcher quelques pas jusqu’à la prochaine station. Cette retraite me vaut de constater, en passant, qu’une certaine animation règne sur la place de la Liberté : deux ou trois personnes sont en train de danser sur une musique que je n’identifie pas, et il y a bien une centaine de personnes pour les applaudir ! Je suis à deux doigts de descendre pour demander dans quel cadre se tient cette démonstration dont je n’avais pas entendu parler, mais seulement voilà, il fait déjà froid, je n’ai pas envie de prendre le risque de rater le prochain bus ; et, surtout, comme ça m’étonnerait beaucoup que les organisateurs de ce spectacle disposent d’une autorisation officielle, je ne tiens pas à être là quand les flics viendront : avec mes cheveux longs, ma barbe et mon pantalon de jogging, j’aurais toute les chances de gagner une visite gratuite du commissariat… Un vent de folie souffle sur nos villes : va-t-on vers un nouveau mai 68 ?
Et que fait le président pendant ce temps ?
Jeudi 9 mars
11h : Je suis un peu fatigué, en ce moment. Je me suis donc levé assez tard et je n’ai d’autre choix que celui de prendre le bus. J’avoue avoir oublié pourquoi la marche à pied me fatiguait moins que prendre les transports en commun : la raison, c’est simplement parce qu’en marchant, je n’accumule qu’une saine fatigue physique, tandis que dans le bus, je suis enfermé avec des gens qui bavardent sans se soucier des autres voyageurs, ce qui me cause une mauvaise fatigue morale. J’en fais donc à nouveau l’expérience ce matin avec deux jeunes types qui parlent trop fort dans le véhicule et me cassent les oreilles : je n’ose pas leur en faire la remarque et j’ai tort. En effet, en n’extériorisant pas mon trop-plein d’énervement au moment voulu alors même que je serais dans mon droit, je m’expose à ce que ça éclate n’importe quand ! D’ailleurs, ça ne rate pas : dans la boutique d’impression où je me rends peu après, un client parle, assez fort lui aussi, avec les commerçantes, et comme la salle résonne terriblement, je craque et lui crie qu’il me tape sur les nerfs et que j’en ai la tête comme une pastèque ! Ça ne m’arrive plu souvent, des crises comme ça… Et évidemment, au final, c’est à moi qu’on fait des reproches ! Tout comme à l’époque noire du collège où je plaignais sans arrêt des bavardages, ce qui me valait d’entendre dire que c’était moi qui faisait le plus de bruit ! Comme si j’avais vraiment pu faire plus de bruit, à moi tout seul, qu’une demi-douzaine de chahuteurs ! Si c’était vrai, aujourd’hui, je n’aurais plus de voix…
12h : Quand je sors d’un moment désagréable, j’ai ma thérapie : je vais déjeuner au Biorek brestois. Ce midi, outre moi, il y a cinq clients dans le restaurant, ce qui est déjà respectable pour la petite salle. Mais ce qui me frappe surtout, c’est la diversité de la clientèle : sous la pergola, deux mecs tatoués et piercés de partout qui semblent venir tout droit de Seine-Saint-Denis ; à la table basse, un homme d’âge mûr qui ressemble vaguement à Lionel Astier (Léodagan dans Kaamelott, si vous préférez), accompagné d’une jeune fille ; sur le canapé, un type en costard-cravate qui pérore inlassablement dans son portable et qui a tout de la caricature que je pourrais faire du jeune cadre dynamique (qui est une espèce en voie de disparition)… Toute la variété de la population brestoise dans dix mètres carrés ! Si quelqu’un essaie d’établir un profil-type de la clientèle du Biorek, je lui souhaite bon courage !
20h30 : Cette semaine me laisse un goût amer ; heureusement, grâce au Collectif Synergie, j’ai une pause bienvenue : le spectacle de Bardawen à Kafkérin. Pendant environ une heure, ce barde qui semble venu tout droit du passé me nettoie des miasmes de notre époque de fous avec ses contes dont les héros sont, en dernière analyse, les instruments dont il joue… Ç’aurait été parfait sans les deux ivrognes qui parlaient à haute voix dans l’assistance ! J’avoue que je n’ai pas trop d’idées pour vous décrire son spectacle sans tomber dans les clichés folkloristes : mais si vous avez l’occasion de le voir sur scène, ne le ratez pas, ça fait vraiment du bien !
Quelques croquis...
Une photo...
...et un dessin inspiré par un des contes : il était question d'un loup charmé par les chants d'une jeune femme.
Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !