Du 5 au 9 septembre : La reine est morte. Et vous, ça va ?

Lundi 5 septembre

 

8h30: J’arrive à la bibliothèque universitaire pour avancer dans un travail plus chronophage que je ne le pensais : remaquetter le présent journal afin de le rendre présentable pour les éditeurs. Je trouve une petite salle où je peux facilement m’isoler : j’y suis seul, il n’y a pas de bruit, peu de lumière et je n’arrive même pas à me connecter à Internet. Bref, il n’y a rien pour me perturber, c’est un cadre de travail parfait pour un « aspie » comme moi.

 

11h30 : M’étant levé tôt, je vais déjà à la cafétéria de la faculté pour casser la croûte. Je renoue avec la vieille habitude d’y feuilleter le journal pour trouver l’inspiration, même si la cafétéria a beaucoup changé et n’a plus tout à fait l’ambiance qui me motivait tant jadis. Je prends tout de même sur moi, bien décidé à prouver, au moins à moi-même, que je suis capable de tenir la distance et de devenir un dessinateur professionnel… Deux articles ne m’inspirent pas vraiment de dessins mais m’interpellent quand même : premièrement, je ricane en apprenant les difficultés auxquelles doivent faire face aujourd’hui les fournisseurs d’électricité privés qui s’étaient créés à la suite de l’ouverture à la concurrence il y a une quinzaine d’années ; certains sont même obligés de demander à leurs clients d’aller voir ailleurs voire de revenir chez EDF ! Conclusion évidente : la privatisation, ça peut marcher tant qu’on est sûr de disposer de la marchandise, mais dès que le marché devient plus incertain, on réalise à quel point le monopole public était une sécurité… Un peu plus loin, il est question de réfugiés qui « occupent » un immeuble en voie d’être détruit en région parisienne… Personnellement, le terme « occuper » me paraît mal choisi : ces malheureux ne séjournent pas en ce lieu comme une armée d’occupation accaparerait un territoire conquis, ils se réfugient en un lieu où ils peuvent être, au moins provisoirement, à l’abri des intempéries, des persécutions policières, et accessoirement, du rejet des gens du coin… Bref, en affirmant qu’ils « occupent » un lieu inoccupé où le confort est sûrement des plus précaires, on fait passer des victimes pour des envahisseurs : je sais bien que travailler dans un quotidien n’est pas facile et qu’écrire : « des réfugiés se sont réfugiés », ça fait doublon, mais il doit bien y avoir un synonyme, non ?


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Autres sujets qui m'ont inspiré : le départ de Boris Johnson...

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Le "Conseil National de la Refondation" qui ne séduit pas vraiment l'opposition...

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Les déclarations de Bernard Cazeneuve sur la "toutouïsation" de la gauche...

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13h30 : Je me remets au boulot : c’est assez plombant pour le moral car je me repasse la période où je m’étais réfugié (on n’en sort pas !) chez mes parents en attendant que le plus gros de la crise sanitaire soit passé. Je n’arrive toujours pas à rire de ce que nous avons enduré à ce moment-là : en revanche, je relativise énormément les problèmes actuels, y compris la crise de l’énergie ! J’ai honte de l’écrire, mais quand je repense à ce qu’était la situation il y a un an et demi, je me dis que la hausse des prix du gaz et de l’électricité est finalement peu de chose ! J’aime mieux être fauché et libre de mes mouvements que rester cloîtré chez moi avec les poches remplies !

 

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Mardi 6 septembre

 

14h : Pour récupérer un colis, je me rends au magasin « Shangaï Style », situé rue Louis Pasteur : j’étais souvent passé devant, je n’avais encore jamais eu l’occasion d’y entrer. Alors c’est quoi ? Une sorte de bazar où l’on vend tout un tas de saloperies vaguement asiatiques, dont des pandas en peluche… De toute façon, étant donné que je suis obligé de faire la queue derrière deux personnes qui viennent pour les mêmes raisons que moi et que le local est encombré de paquets qui attendent d’être retirés, je me dis que le magasin doit surtout vivre du dépôt de colis ! La charmante personne (les femmes asiatiques ont toutes un charme délicat) qui m’accueille aurait plus vite fait de reconvertir son établissement en le consacrant uniquement à cette activité qui n’a rien de déshonorant et est sûrement plus utile à la société que le commerce de babioles dont même les touristes allemands ne voudraient pas !

 

Mercredi 7 septembre

 

10h30 : Légèrement désemparé et quelque peu inquiet pour mon avenir proche, je rends visite à une historienne de mes amis : je lui fais part de mon envie de refaire une thèse, cette fois en histoire, avec un sujet en lien avec la bande dessinée, histoire de faire fructifier l’expérience accumulée ces dernières années en proposant un cours sur l’histoire de la BD francophone. Après tout, un autre « Asperger notoire, Josef Schovanec a lui aussi deux doctorats. Mon interlocutrice juge mon idée réalisable mais m’exhorte à ne pas me précipiter : c’est vrai que je peux encore donner une chance à ma carrière artistique…

 

Quelques dessins : d'abord sur la nouvelle première ministre anglaise qui aime les patrons et beaucoup moins l'écologie...

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Les pénuries diverses et variées dans les magasins...

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La censure de la presse en Russie, dont le journal Novaïa Gazeta est présentement victime...

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Et enfin, la hausse de la taxe foncière.

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Jeudi 8 septembre

 

14h : Bref passage chez mon vieux complice pour répéter en vue de la lecture de Inconnu à cette adresse que nous sommes censés proposer la semaine prochaine au fort Montbarey dans le cadre des journées du patrimoine : nous réalisons ainsi qu’à nous deux, il nous faut moins de trois quarts d’heure pour lire à voix haute l’intégralité de l’œuvre. Comme je suis antifasciste primaire et que je n’arrive à accorder aucune circonstance atténuante à celles et ceux qui se laissent séduire par les thèses d’extrême-droite, je me réserve le rôle le moins pénible, celui du Juif résidant en Amérique et qui garde les yeux ouverts pendant que son correspondant est aveuglé par le magnétisme du petit caporal autrichien… Il n’empêche que le texte est tristement d’actualité et que c’est assez glaçant ! J’espère que nous aurons du public…

 

19h : Je retrouve La Raskette et sa scène ouverte du jeudi soir. Comme je suis connu des serveurs, que j’ai presque tous caricaturés, et que l’animatrice de ces soirées, Éléonore, n’a pas son pareil pour mettre les gens en confiance, je me sens chez moi dans ce bistrot. Il n’y en a pas tant que ça, des lieux où je me sens facilement à l’aise…

 

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19h50 : J’ai le douteux privilège d’être le premier à passer sur scène, après Éléonore qui a, une fois de plus, été particulièrement brillante avec ses improvisations sur des poèmes classiques, dont des œuvres de Joachim Du Bellay et Victor Hugo – qui méritait amplement d’être qualifié de plus grand poète français et j’emmerde André Gide. Après ça, je pourrais avoir l’air nouille, mais mes slams semblent plaire, en particulier « Ça m’intéresse pas » : Éléonore, en particulier, me félicite pour ma sincérité, il est vrai que c’est sans doute un des textes les plus personnels qu’il m’a été donné de rédiger…

 

Le slam en question :

 

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21h : Toujours à La Raskette, un SMS de ma mère m’apprend la mort de la reine d’Angleterre. C’est terrible, de mourir si jeune, pas vrai ? À mon avis, elle en a dû en avoir marre d’avoir des con(ne)s comme prime minister depuis quelques temps et les discours anti-écologistes de Liz Truss lui ont donné le coup de grâce ! Commencer son règne avec Winston Churchill et le finir avec Boris Johnson, ça doit dégoûter de la vie… Profitant d’avoir mon matériel, je réalise à toute vitesse le dessin que vous pouvez vois ci-dessous : je ne peux l’empêcher de le montrer à mes plus proches voisines, visiblement des proches du jeune (et talentueux) pianiste qui est en train de se produire sur scène ; elles éclatent de rire en voyant l’œuvre sacrilège, ce que j’apprécie d’autant plus que je me rends compte après coup que ces dames… Sont toutes anglaises ! Il y a des moments comme ça qui sont particulièrement délicieux…

 

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22h30 : Il est temps pour moi de rentrer. J’attends le bus en compagnie d’une jeune fille qui semble particulièrement angoissée, craignant ne pas pouvoir attraper à temps la rame qui la conduira jusque chez elle. Quand elle monte dans le véhicule, le conducteur lui fait comprendre qu’elle est obligée de changer à Liberté : quand nous descendons à cet endroit, elle découvre, effarée, qu’elle doit attendre trois quarts d’heure pour sa correspondance contre seulement dix minutes pour moi… On a un bon réseau de transports en commun à Brest, dire le contraire serait malhonnête, mais on peut encore faire mieux !

 

Vendredi 9 septembre

 

10h30 : Au marché, je fais la queue devant le fromager. La cliente qui est juste devant moi faisait partie de l’auditoire à ma dernière conférence : elle me félicite encore une fois pour mes causeries. Touché par cette marque d’admiration alors que je suis en pleine période de doute, je fais la bise à cette dame âgée, histoire de retrouver pendant quelques secondes le plaisir d’embrasser une gentille mamie… Si vous n’avez pas pleuré sincèrement à la mort de votre grand’mère, je vous interdis de rigoler !

 

11h : Après avoir rangé mes courses, j’apprends enfin une bonne nouvelle : mon inscription aux cours publics des beaux-arts de Brest a été prise en compte, je vais donc pouvoir poursuivre mes progrès sous l’égide de Delphine, cette prof géniale que j’aurais aimé avoir dans le secondaire… L’espoir renaît.

 

16h : En vue d’un article pour Côté Brest, entrevue avec le président et la secrétaire générale d’une association qui vient en aide aux femmes gérant une éco-ferme au Burkina Faso. La secrétaire s’appelle Elisabeth : encore une qui en aura vite marre d’entendre son prénom partout, à plus forte raison si c’est pour qu’on lui dise qu’elle est morte ! Le président, lui, est burkinabé et réside à Brest depuis son mariage avec une française : l’amour dépasse encore les frontières, ça rassure…

 



09/09/2022
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