Du 5 au 10 novembre : Oh, et puis zut !
Dimanche 5 novembre
17h : Avant de prendre un car pour Paris, je dois passer dans un café du Moulin Blanc pour y livrer un acheteur qui m’a commandé deux exemplaires de Voyage en Normalaisie. Je cherche donc l’établissement en question : j’ai froid, je suis seul, je suis chargé comme un mulet, et je suis pris en sandwich entre deux peurs, à savoir celle de rater mon car et celle qui me vient à chaque fois que je dois me rendre dans un lieu inconnu. Pour ne rien arranger, je m’étonne de ne pas trouver le café en question : craignant m’être trompé de route, j’interroge une bistrotière qui me répond que je n’ai qu’à aller tout droit. Je découvre ainsi que l’Anse de Moulin Blanc est plus vaste que je ne le croyais et que la zone habitée ne s’arrête pas là où j’avais conclu mes pérégrinations antérieures… J’ai de plus en plus froid et ma peur augmente de plus belle ! C’est dans ces peu heureuses dispositions que je trouve enfin le café, dans lequel je pénètre à l’issue de cette laborieuse exploration : alors que je me remets à peine de mes émotions, j’entends un grand rire éclater dans mon dos ! Surpris, je sursaute, je me retourne… J’ai probablement eu une attitude que je n’ai pas su maîtriser, mais je ne me rappelle ni du regard que j’ai lancé au rieur ni des sons j’ai pu proférer ! Ça devait être très spontané et totalement irréfléchi ! Dans tous les cas, ça ne justifiait absolument pas l’attitude de ce monsieur, qui se trouvait être le patron de l’estaminet, et qui m’a saisi fermement par le bras pour me sermonner ! J’ai eu beau lui expliquer la situation, lui dire que j’étais pressé, lui préciser que j’étais handicapé, il n’a rien voulu entendre : il m’a fait mal, il m’a terrorisé, il m’a relâché au bout de quelques minutes, aussi arbitrairement qu’il m’a arrêté. J’ai trouvé mon commanditaire et l’ai livré puis suis reparti en me demandant si je ne serais pas en droit de porter plainte pour agression injustifiée et attitude discriminatoire à l’encontre d’une personne en situation de handicap !
20h50 : Je monte dans le Blablacar que j’avais réservé. Bien m’en avait pris car aucun train ne dessert Brest pour l’instant, tempête oblige. Je suis d’humeur mitigée : outre le fait que je n’ai pas encore cicatrisé l’agression caractérisée dont je viens d’être la victime, je suis frigorifié d’avoir dû attendre dehors ce car qui avait une demi-heure de retard et, je l’avoue, dormir en voyageant n’est pas une perspective qui m’enchante. Mais quand j’avais planifié mon voyage, le salon du livre était encore maintenu, je n’avais donc pas d’autre choix, si je voulais arriver à l’heure au rendez-vous que me fixait L’Harmattan le lundi matin, de réserver une place dans ce car de nuit. Et comme, de toute façon, il n’y a pas de train… Je croise les doigts pour que les autres voyageurs soient disciplinés : la dernière fois que j’avais pris le car de nuit, c’était avec mes camarades d’hypokhâgne qui, loin de dormir, ont foutu un souk digne d’une bande de collégiens ! Une expérience traumatisante qui m’a cependant ouvert les yeux sur la prétendue dureté des études en CPGE : si les étudiants de ces classes se plaignent d’être débordés de boulot, c’est aussi parce qu’ils ne se donnent pas les moyens d’y faire face…
Lundi 6 novembre
6h : Le car nous dépose à Bercy, comme prévu. Finalement, ça ne s’est pas trop mal passé : faute d’avoir vraiment dormi, j’ai somnolé, suffisamment en tout cas pour tenir le coup au moins jusqu’à ce que je sorte du rendez-vous. Je conviens qu’à moins de conduire soi-même, il est moins fatigant de voyager de nuit plutôt que de jour, ne serait-ce que parce qu’il fait noir et que la sensibilité n’est donc pas sollicitée par le paysage : c’est le même avantage que quand on prend le métro… En attendant, mon rendez-vous est dans plus de trois heures : pour tuer le temps, je décide de faire la route à pied jusqu’à la rue des écoles. Il fait un temps qui ne me dépayse pas de la Bretagne… Je ne peux même pas aller déposer mes bagages à l’auberge de jeunesse, on ne m’y attend qu’à partir de quinze heures… Je suis masochiste, ou quoi ?
7h30 : Je suis arrivé dans le quartier concerné. Prenant le petit déjeuner dans un bistrot, je cherche mon porte-monnaie… Et je ne le trouve pas. Où ai-je pu le perdre ? Aucune idée. Si on me l’a volé, le pickpocket ne pourra pas se vanter d’un butin copieux : il ne contenait que les vingt-six euros qui venaient de m’être payés par mon commanditaire et mon jeton pour le vestiaire de la piscine… N’empêche qu’à chaque fois que je me rends à Paris, je me fais dépouiller : comme si les prix pratiqués dans les bars ne suffisaient pas à me ratiboiser !
8h45 : J’ai fini de lire Haïe, le roman de Geneviève Gautier. Est-ce une œuvre de pure fiction ou un authentique reportage ? Chez elle, les deux étaient toujours plus ou moins liés : l’une de ses dernières nouvelles, « Au Brésil », était basée sur des témoignages recueillis auprès d’une pensionnaire de l’EHPAD où elle résidait… Haïe est consacré à une vieille cuisinière, née au début du XXe siècle, qui témoigne sur ses jeunes années au cours desquelles elle n’a eu de cesse d’essayer de s’émanciper jusqu’à ce qu’une grossesse non désirée la prenne au piège : ce n’est pas le moindre des mérites de Geneviève d’avoir fait parler les femmes de son temps, celles qui n'avaient pour ainsi dire aucun moyen de se défendre contre l’oppression masculine… On ne mesure pas assez le chemin que les femmes ont parcouru depuis cette époque pas si éloignée où l’autonomie financière leur était inaccessible, où l’avortement était interdit et où le droit de vote était un privilège masculin ! Plus grave, on a tendance à s’imaginer que les femmes de ce temps-là n’étaient pas malheureuses, qu’elles s’accommodaient de la situation : il n’est donc pas inutile de rappeler que non, qu’elles aspiraient déjà à plus de liberté et que les droits conquis par leurs descendantes ne doivent donc pas être envisagés comme les caprices d’une génération déviante… Geneviève mériterait vraiment une postérité plus importante…
8h55 : Je pénètre dans les locaux de L’Harmattan où une vidéaste doit me filmer dans le cadre de la promotion de mon livre. Bien sûr, je suis largement en avance : la personne qui m’accueille en profite pour m’annoncer que les ventes de Voyage en Normalaisie connaissent ce qu’il est convenu d’appeler « un bon début » : ça me met du baume au cœur.
10h : Je sors du sous-sol qui sert de studio à l’éditeur : on m’enverra le montage pour validation d’ici deux semaines. Pour l’heure, l’expérience me satisfait déjà : j’ai tellement l’habitude d’être traité comme une merde partout où je vais que je n’allais pas me priver d’une occasion de me sentir valorisé !
11h : Ayant du temps avant d’aller à l’auberge de jeunesse, je me rends à la Direction de l’attractivité et de l’emploi. Le but ? Connaître les formalités à remplir pour pouvoir faire le caricaturiste sur la place du Tertre. Étant donné que l’artiste qui m’avait donné l’adresse ne semblait pas avoir les idées très claires, je prends toutes les précautions oratoires possibles avant de m’adresser à la personne assurant l’accueil : je cherche à capter sa bienveillance, au cas où j’aurais été mal informé. Finalement, il me donne l’adresse mail de la personne à contacter, ouf ! Cette prise de contact attendra car, ne voulant pas revivre la catastrophe de la dernière fois, je n’ai pas emmené mon ordinateur… Je n’ai plus qu’à me mettre en quête d’un endroit où déjeuner. Le moral revient… Jusqu’à la prochaine catastrophe !
12h : Dîner au Maximilien sur le boulevard Diderot, petit bistrot sympathique au rapport qualité-prix honnête. Quand je paie l’addition au comptoir, il m’est impossible d’échapper à l’écran branché sur une chaîne d’information continue dont je préfère taire le nom : un « éditorialiste » aussi sexy qu’un croisement entre une chouette et un panda ergote sur le chômage qui devrait repartir incessamment à la hausse ; dans un coin de l’écran, on annonce un « débat » sur le « laxisme » de la France en matière d’immigration… Et voilà comme, de façon insidieuse, on oriente le Dupont moyen pour le convaincre que s’il pointe à Pôle Emploi, c’est à cause des migrants qui viennent lui piquer son boulot ! Seigneur, ne leur pardonnez surtout pas, car ils savent très bien ce qu’ils font !
13h30 : Je n’allais pas tourner en rond dans les rues, surtout avec le froid qu’il fait : je suis déjà à l’auberge de la jeunesse. Je n’aurai accès à la chambre qu’une heure et demie plus tard. Tant pis, je m’en accommode en me prélassant sur un canapé du hall… Jusqu’à ce qu’un type vaguement habillé en pompier vienne me dire qu’il est interdit de se coucher sur les sofas. Je n’ose pas protester, mais je me demande bien qui je peux gêner ! Certains imbéciles prétendent qu’on ne peut plus rien dire : je dirais plutôt qu’on ne peut plus rien faire et que c’est autrement plus grave !
16h : Après avoir enfin pu déposer mes affaires dans la chambre, je retrouve mon oncle, postier à la retraite et ancien délégué syndical : il a été de toutes les luttes jusqu’au bout, y compris, justement, celle contre la réforme des retraites, et il m’assure que ce n’est pas tout à fait fini. Je ne dirai pas que je suis fier de lui, car après tout, je n’y suis pour rien. Mais quand je pense à lui, à mon grand-père FFL, à mon vieux gaucho de père, ou encore à mon autre oncle qui a écrit un livre où il a réglé ses comptes avec sa hiérarchie, je me dis : chouette, je ne suis pas issu d’une famille de collabos ! C’est quand même une sacrée chance, non ?
18h30 : Je suis sur le boulevard Haussmann, j’ai rendez-vous avec quelqu’un que je n’ai pas vu depuis des années. Le temps est pourri, il y a du bruit et une circulation excessive, j’ose à peine croire que je vais vraiment voir la personne que j’attends. Et pourtant, si ! Elle arrive ! Je n’en reviens pas, mais si : elle est bien là, devant moi ! Mon amie de collège… Oui, vous avez bien lu : pendant les années noires du collège, j’ai eu une amie. UNE amie et une seule. La seule à m’avoir tendu la main. La seule à m’avoir proposé son amitié, à moi dont personne ne voulait être l’ami. Et elle est là, devant moi. Elle n’a pas changé. Toujours aussi mignonne, aussi gentille, aussi souriante que jadis. Je verrais apparaître la Madone, je serais moins émerveillé ! Nous tombons dans les bras l’un de l’autre puis allons dîner dans une Brasserie : c’est la soirée la plus délicieuse que j’aie vécue depuis des mois… Vingt ans après, notre amitié est intacte : elle reste d’une bienveillance que peu de gens m’ont témoigné, c’est peut-être la seule personne au monde face à laquelle je me sens pleinement à l’aise, devant laquelle je ne me sens pas jugé, évalué, critiqué… Comme pour corroborer mes pensées, elle m’offre deux parapluies : elle fait mieux que saint Martin qui aurait offert la moitié de son manteau à pauvre ! Cette fille est formidable… C’est juste une amie, je vous le jure ! Pas n’importe quelle amie, je vous l’accorde : la première vraie amie que j’aie eue dans ma vie, la seule qui ne m’ait jamais déçu… Et c’est déjà énorme ! Je n’ai pas trouvé la femme de ma vie, mais j’ai retrouvé mon ange gardien… C’est encore mieux !
Mardi 7 novembre
10h : Après une bonne marche au cours de laquelle je suis notamment passé à Beaubourg, je visite le musée Carnavalet. C’est un fort bel endroit, rempli d’objets très intéressants sur l’histoire de la France en général et celle de sa capitale en particulier, mais ce qui me plait le plus, ce sont les dessins d’enfants inspirés par les pièces exposées : je trouve l’idée géniale, il n’y aura jamais trop d’initiatives pour inciter les enfants à la curiosité et booster leur créativité. J’aime leur regard gentiment iconoclaste, ils traitent les pièces avec recul et humour, à mi-chemin entre la déférence aveugle et l’irrespect incongru. Les enfants sont passionnants, quand on prend la peine de les écouter et de les respecter, quand on ne leur parle pas comme à des demeurés… Ce n’est pas si facile que ça en a l’air, je vous l’accord ! Mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer…
Trois photos prises sur le chemin :
Ça fait un peu "œil du cyclone", non ?
Quelques pièces du musée :
Voilà un cerf qui n'est pas de chez Disney : regardez entre ses pattes...
Ces statues sont des caricatures de médecins renommés : Les Guignols chez les carabins, en somme !
Je n'ai pas pu résister au plaisir de prendre en photo ces représentations de sainte... Geneviève !
Un vase qui rejoint une certaine actualité...
Une gargouille qui m'a vivement impressionné !
"L'enfant prodigue et les courtisanes", école flamande
14h30 : On parle beaucoup d’une résurgence de l’antisémitisme. Pourtant, quand je visite le quartier juif, je ne vois aucune inscription haineuse ou insultante, et les gens n’ont pas l’air spécialement inquiet – je sais qu’à force d’être persécutés depuis des millénaires, les Juifs sont généralement courageux et résilients, mais tout de même ! Alors de deux choses l’une : ou bien les journalistes exagèrent, ou bien on assiste à une énième manifestation de l’amalgame dégueulasse entre antisémitisme et soutien à la Palestine – ce qui n’a rien à voir : si on soutient la Palestine occupée et agressée, c’est par amour de l’humanité, ça ne peut donc pas être compatible avec l’antisémitisme. Mais que vais-je faire dans le Pletzl, me direz-vous ? Et bien je cherche le Mémorial de la Shoah pour voir l’exposition des dessins de Riss sur le procès Papon. Et vous savez quoi ? J’ai un mal de chien à le trouver ! J’ai demandé à une dame qui avait l’air de guider des touristes, mais elle m’a donné une fausse indication : résultat, en désespoir de cause, je suis dirigé vers une librairie du quartier pour demander un renseignement à la commerçante… Mais elle est absente pour « quelques minutes » ! Comme je n’ose m’adresser à personne d’autre, j’attends donc son retour, assis devant la porte… Je me retrouve le cul par terre, comme un clodo, comme j’en ai eu cent fois l’habitude à Brest ! J’ai beau voyager, je n’arrête pas de me retrouver dans cette position humiliante ! J’en ai marre, mais marre, mais MARRE !
16h30 : J’ai fini par trouver le mémorial et à y visiter l’exposition. J’avais dix ans au moment des faits, je suis donc content d’avoir l’occasion d’en savoir davantage : je suis frappé de constater la vitalité dont Papon faisait preuve à l’époque alors que la presse n’arrêtait pas de nous dire qu’il avait un pied dans la tombe ! Mais surtout, quand je prends acte de son attitude et de celle de ses « témoins de moralité » (Maurice Druon, Raymond Barre, etc.), un constat s’impose : le procès de ce vieux salaud de Papon, c’était d’abord celui de cette bourgeoisie prête à tout pour sauvegarder ses privilèges (fussent-ils mal acquis) quand elle sent qu’ils sont menacés, y compris au mépris des vies humaines ! Par conséquent, on peut regretter que Papon n’ait écopé que d’une condamnation finalement légère au de l’ignominie de ses actes et n’ait même pas purgé la moitié de sa peine, mais ne boudons pas notre plaisir de l’avoir vu au banc des accusés : c’était déjà une humiliation pour ce vieux salaud encravaté qui se croyait au-dessus des lois (c’est malheureusement un peu vrai) et de notre mépris (ça, c’est râpé) ! Il est mentionné que les commentaires de Riss sont moins virulents dans le hors-série de Charlie Hebdo qu’ils ne l’avaient été dans l’hebdomadaire ; certains mauvais esprits ont dû crier à l’autocensure, mais la réalité a dû, comme souvent, être à la fois plus simple et plus compliquée : la vérité, c’est qu’un commentaire acerbe par semaine dans un journal, c’est moins lourd qu’un par page dans un hors-série qu’on lit d’un seul coup ! Et une chose est sûre : Riss est un grand dessinateur et ses croquis d’audience sont des documents historiques de premier ordre. Et je ne laisserai personne dire le contraire ! Surtout pas ces vieux salauds qui ont osé opposer de façon à peine voilée la « lâcheté » des Juifs qui se seraient laissés déporter au courage des « héros » qui ont pris les armes contre l’occupant : ce discours est un dévoiement absolu des idéaux de la résistance française et j’aurais voulu que Lucie et Raymond Aubrac, qui étaient encore vivants à l’époque, viennent tirer les oreilles aux défenseurs d’une thèse aussi nauséabonde ! Résister au fascisme, c’est d’abord aimer la vie, d’où qu’elle vienne !
17h30 : Il y avait longtemps que je voulais voir ces fameuses arènes de Lutèce. Je suis un peu déçu : à part les gradins, c’est un square comme il y en a des tas, et pas seulement à Paris. En tant que site patrimonial, il mériterait d’être mieux mis en valeur, je peine à me replonger dans l’ambiance qui devait y régner au temps des Romains ! Depuis que je sais qu’il était rare que les gladiateurs meurent au combat, qu’on employait même des médecins pour soigner leurs blessures et qu’ils pouvaient devenir des vedettes respectées du public, je vois ces spectacles différemment : ça ne devait pas être pire que les matches de catch et, à tout prendre, c’était finalement moins pervers que nos émissions de télé-réalité actuelles… Bref, ce n’était peut-être pas très intellectuel, mais ce n’était sûrement pas aussi barbare qu’on l’a longtemps cru ! De toute façon, je pense que j’aurais moins peur des gladiateurs que des ballons avec lesquels jouent les mômes ! Parce qu’un combat de gladiateurs, si je garde mes distances, ne risque pas de me blesser, tandis qu’un ballon, je risque toujours de me le prendre sur la gueule même en m’éloignant…
18h : Après avoir marché toute la journée, je méritais bien de me reposer les jambes : j’ai donc pris le métro pour rentrer à l’auberge de jeunesse, ce qui m’a permis entre autres, de découvrir l’affiche du spectacle d’Alessandra Sublet. J’aime assez cette femme, que je rebaptise parfois Alessandra Sublime, je la trouve aussi belle que spirituelle et j’ai toujours pensé qu’elle avait du potentiel, mais de là à aller voir son one-woman-show… Et puis c’est risqué : est-ce que je serais vraiment le seul à prêter davantage attention à ses courbes qu’à son jeu d’actrice ?
19h : Pour limiter les frais, je dîne à l’auberge de jeunesse : j’ai mangé assez gras à midi et aller au restaurant tout seul, ce n’est pas drôle. Le menu est mitigé, ce qu’on me propose me rappelle le restaurant universitaire avec son triste cortège de mets dégoulinants de sauce… Je choisis un parmentier de patates douces et du riz, c’est encore ce qu’il y a de plus appétissant. Au dessert, les gâteaux étant toujours trop sucrés dans ce genre de cantine, je jette mon dévolu sur du raisin. De toute façon, l’heure n’est pas à la fiesta, il faudra que je me couche tôt si je ne veux pas rater mon train pour rentrer à Brest.
Mercredi 8 novembre
6h : Je sors pour aller aux toilettes : quand je retourne vers la chambre, la porte, qui est censée s’ouvrir à l’aide d’une carte, reste close. Je suis donc obligé de descendre à l’accueil en pyjama… J’ai fière allure, tiens ! Encore heureux que je ne dorme pas en caleçon comme j’avais été réduit à le faire lors de mon précédent voyage ! Le réceptionniste m’arrange mon problème et j’arrive à rentrer : l’occasion faisant le larron, je me lave, m’habille et remballe mes bagages histoire de repartir tout de suite après le petit déjeuner. Le règlement précise que je dois mettre mes draps dans des paniers prévus à cet effet dans le couloir : je sors donc pour m’exécuter, habillé cette fois de pied en cap… Et quand je retourne récupérer mes bagages dans la chambre, la porte refuse à nouveau de s’ouvrir ! Je suis donc obligé de re-déranger le réceptionniste qui me donne carrément une nouvelle carte. Qui ne me servira qu’une seule fois… La journée commence bien !
8h30 : Je suis une nouvelle fois arrivé trop tôt à la gare Montparnasse. On se moque souvent de mon rapport aux horaires, mais chaque fois que j’essaie de la jouer « cool » et de me dire que j’ai le temps, ça tourne à la catastrophe, alors zut. Je monte au salon Grand Voyageur où j’avais patienté la dernière fois, mais cette fois, la dame de l’accueil me refoule ! Apparemment, il faut une carte spéciale pour entrer ! Je ne comprends pas : il y a un mois et demi, on m’avait laissé entrer sans rien me demander ! Mais la fille est une Asiatique mignonne comme un cœur et je ne suis plus à ça près, alors je n’insiste pas. Il n’empêche qu’il fait froid dans la gare et que j’aurais bien aimé patienter dans un cadre plus confortable et… Moins bruyant !
11h30 : C’était trop beau. Grâce à mon oncle parisien d’adoption, je savais que le plus gros des dégâts causés par la tempête était réparé, que le trafic ferroviaire était redevenu à peu près normal en Finistère et que je n’avais donc plus à craindre d’être bloqué à Saint-Brieuc ou à Guingamp. De fait, ce n’est dans aucune de ces riantes communes des Côtes d’Armor que le train est à l’arrêt mais à Rennes ! On annonce une heure de retard à cause d’un train de fret qui est tombé en panne sur la voie ! C’est l’effet Maginot : le danger ne vient jamais de là où on l’attend ! Je ronge mon frein, je me dis que j’en suis quitte pour peaufiner les deux slams que j’ai mis en chantier depuis le départ de Paris…
12h30 : On nous a servi des paniers-repas : une malheureuse ration de taboulé en boîte, une mini-biscotte, de la compote en biberon (je ne sais pas comment l’appeler autrement), une galette industrielle, une sucette… Beurk ! Le menu a sans doute été composé de manière à ne pas vexer les musulmans et les vegans… Je me suis néanmoins résigné à avaler ces horreurs car je n’allais pas rester sans manger, et puis c’était bien la moindre des choses qu’ils nous offrent le repas ! Je laisse cependant la compote à ma voisine : j’aime la compote, mais pas conditionnée ainsi, ça me dégoûte au plus haut point ! Je dirais bien deux mots au malfaiteur qui a eu l’idée d’emballer un aliment innocent dans cette espèce de baxter ! Quant à la sucette, je la mets de côté pour l’offrir à quelqu’un : je ne suis pas un fou des sucreries et je suis déjà assez gras comme ça. Quand je suis à peu près rassasié, on nous annonce que le retard est désormais évalué à deux heures et demie… Là, je n’ai pas pu m’empêcher de crier ! Je n’ai VRAIMENT pas pu !
13h30 : J’ai pensé un instant déclamer mes deux slams aux autres passagers du wagon, histoire de détendre l’atmosphère, qui était un chouïa oppressante, mais je ne sais pas si j’en avais le droit et je n’avais pas envie d’affronter les foudres du personnel. De toute manière, je n’en aurais sans doute pas eu le temps : nous avons reçu l’ordre de descendre du train en attendant que les responsables concernés trouvent une solution au problème ! J’attendais dans l’angoisse, mais au moins, j’étais au chaud et confortablement assis dans un wagon relativement peu bondé : maintenant, à l’attente angoissée s’ajoute l’inconfort d’un quai de gare puant où je me gèle en compagnie d’une foule surexcitée et bavarde ! De mieux en mieux ! J’entre un bref instant dans la gare pour jeter un œil aux nouvelles : la guerre continue à Gaza, en Ukraine aussi, le réchauffement climatique s’aggrave, les discours de haine se banalisent partout… Ce n’est pas ça qui va me remonter le moral ! Le sujet qui fait la « une » est le harcèlement en milieu scolaire : d’après les dernières études, c’est pire que ce qu’on pensait, un jeune Français sur cinq en aurait été victime ! Les conséquences sont souvent dramatiques : dépression, déscolarisation, automutilation… Voire suicide ! Ce sont surtout les collégiens qui sont concernés : je n’en suis pas étonné ! Outre mon expérience personnelle, j’ai discuté avec plusieurs enseignants, retraités ou en voie de l’être, et ils me disent tous que l’instauration du collège unique a été une terrible erreur qui contraint à la cohabitation des jeunes sans points communs et favorise le choc des contraires ! Certains préconisent même de faire sortir les gosses de l’école primaire deux ans plus tard et de les faire rentrer au lycée deux ans plus tôt, autrement dit de supprimer carrément le collège ! Si je devenais ministre de l’éducation nationale, ce serait mon premier geste ! Selon la même étude, ce sont les adolescents timides et isolés qui sont les plus exposés ; je ne m’en étonne pas non plus, mais là, je voudrais signaler une chose : on vit quand même dans une société qui n’a de cesse d’écraser les faibles et où la loi de la jungle est érigée en dogme, alors il ne faut pas s’étonner que des ados se sentent en droit d’appliquer cette logique dès qu’ils commencent à sentir leurs hormones les travailler ! La lutte contre le harcèlement en milieu scolaire restera inefficace tant qu’on ne se donnera pas les moyens de construire une société qui ne soit plus basée sur des rapports de concurrence et de guerre des uns contre les autres ! Et j’ai l’impression que le gouvernement n’en prend pas tout à fait le chemin… Je ne m’attarde pas dans la gare, je m’en voudrais de rater le train si, par miracle, on nous laissait réembarquer…
14h30 : Nous sommes enfin repartis. Maintenant, je ne peux plus espérer arriver à Brest avant cinq heures et demie… Au mieux. Je ne pourrai donc pas être à l’heure au cours du soir, qui commence à dix-huit heures, d’autant que, comme j’aurais dû avoir quatre heures de battement, je n’ai pas sur moi le matériel demandé et suis donc obligé d’aller le chercher chez moi avant d’aller à l’école ! Quand je dis que ça tourne à la catastrophe chaque fois que j’essaie de la jouer « cool »… J’envoie un SMS à la prof pour la prévenir : elle est compréhensive, ça ne devrait pas poser problème… N’empêche que je ne suis pas fier de moi ! Je vais boire un café pour tenir le coup : je m’étonne de ne pas voir grand’ monde au bar, je pensais que nous aurions été plus nombreux à venir chercher un peu de réconfort…
17h30 : Enfin à Brest ! Il y a du monde à la gare, mais le personnel a dégagé le passage pour les voyageurs qui arrivent avec quatre heures de retard : j’ai l’impression qu’on me fait une haie d’honneur, mais je ne suis pas d’humeur à apprécier cette gratification, je suis trop pressé. J’espère au moins que mon trajet gare-appartement-école se déroulera sans encombre…
18h50 : Vous pensez bien que non ! J’avais oublié que la circulation à l’heure de pointe, qui n’est déjà pas drôle en temps normal, relevait carrément du cauchemar à cause des travaux de la deuxième ligne de tram… Pour ne rien arranger, il y a visiblement eu un incident dans mon quartier et la police bloque le passage habituel du bus : ça rallonge encore plus le trajet, déjà passablement tarabiscoté depuis le début du chantier ! Je me mets à hurler : le chauffeur menace de me foutre dehors si je recommence ! Les crétins qui braillent dans leurs smartphones, il ne leur dit rien, en revanche…
19h20 : J’arrive enfin à l’école au terme d’un voyage difficile où les bouchons ont succédé aux erreurs de trajet : j’espère au moins pouvoir entrer en triomphateur, j’ai vaincu tous les obstacles pour être présent avec le matériel demandé… Et je découvre qu’en lieu et place de la séance d’aquarelle annoncée, tout le monde fait du croquis de nu au crayon ! Et oui : distraite comme tous les grands artistes, notre prof avait oublié que nous aurions un modèle ! Je dégaine donc mon carnet et mon crayon… Que j’avais déjà sur moi à mon arrivée à la gare ! En clair, comme si je n’avais pas été assez épuisé par mon voyage en train, je me suis tapé une galère insupportable POUR RIEN ! Je craque pour de bon, je supplie qu’on m’achève ! Vous riez ? J’aimerais vous y voir, tiens !
20h30 : J’avais prévu d’aller à la scène ouverte Mic Mac, mais dans mon état, ce serait du suicide : je préfère donc chercher un peu réconfort au Biorek brestois, j’étais curieux de voir si mon restaurant préféré n’avait pas trop souffert de la tempête. Apparemment, l’enseigne a morflé, mais c’est tout. Alexandre m’explique que ce n’est pas grave, que l’assurance couvrira les dégâts occasionnés par les intempéries mais qu’il fait face à d’autres difficultés, plus sérieuses : je l’encourage à tenir bon malgré tout, j’ai trop besoin de son établissement !
Jeudi 9 novembre
15h : Encore mal remis de toutes mes mésaventures de la veille, je suis tout de même sorti pour m’acquitter de quelques formalités. Pour commencer, je retrouve un lieu dont j’ai longtemps été familier : la salle des doctorants de la fac. D’après une jeune (et jolie) chercheuse, j’y aurais laissé des affaires : j’étais un peu étonné de l’apprendre, je n’avais pas le souvenir de manquer de quoi que ce soit – à part d’amour, bien sûr… Sur place, je découvre qu’il s’agit simplement de mes polycopiés du temps où j’enseignais l’histoire de la BD francophone : comme il n’y avait pas la moitié des étudiants inscrits qui venaient, j’avais toujours un gros surplus et je l’apportais à mes collègues jeunes chercheurs afin qu’ils aient du papier brouillon. Ils ne s’en sont même pas servis ! Ils n’ont même pas songé que c’était destiné à ça ! Évidemment, je refuse de récupérer tout ce papier, je suis déjà assez encombré chez moi : qu’ils en fassent des confettis, des cocottes, qu’ils le brûlent, qu’ils le mangent même si ça leur chante, mais je n’ai jamais eu l’intention de ramener ça chez moi, alors zut, à la fin.
15h15 : Il pleut des cordes et le vent ne décorne plus les bœufs, il les décapite : traverser la place de la Liberté dans ces conditions relève de l’exploit ! Je n’ai pour me protéger que l’un des parapluies offerts par mon amie, je prends gare à ce que le vent ne le retourne pas… Je me souviens de cette histoire de Peyo où le Grand Schtroumpf casse le parapluie du Schtroumpf à lunettes pour en faire un cerf-volant destiné à foudroyer une machine infernale et à l’empêcher de nuire : malgré l’antipathie que m’a toujours inspiré le Schtroumpf moralisateur, cette scène m’a fendu le cœur ! Je n’aimerais pas qu’il arrive un sort semblable au cadeau de mon ange gardien… Je parviens tout de même à accéder au local des Enfants de Dialogues : je viens simplement m’enquérir du résultat de la vente de livres à laquelle j’ai contribué en déposant deux modestes ouvrages. Miracle : ils ont trouvé preneur et j’ai droit, comme promis, à un chèque-cadeau ! Il y a des petites choses qui vous consolent de bien des malheurs.
15h30 : J’arrive à l’école des Beaux-arts. Pas l’annexe où ont lieu les cours du mercredi soir, non, l’école centrale, située rue du Château. Sincèrement, je n’aime pas venir là : je trouve le bâtiment mal situé et difficile d’accès ! Qui plus est, je n’apprécie pas ce quartier que je trouve assez bourgeois (mais je peux me tromper), en décalage avec l’ambiance générale de ma ville bien-aimée. Mais je suis bien obligé de faire le déplacement pour payer mon inscription aux cours publics : je n’arrive pas à payer en ligne et je ne veux pas gaspiller un timbre pour une transaction qui ne sort même pas de Brest, alors je me suis astreint à cette escapade que la météo achève de rendre très désagréable. Quand je donne mon chèque à la secrétaire, une chape de plomb me tombe dessus : je me suis trompé en écrivant le montant ! J’explose. Une responsable, alertée par mes cris, vient voir ce qui se passe : je reprends mes esprits et je me tire, sans donner une seule explication. Je n’ai rien à regretter, je ne suis pas sûr que cette bureaucrate aurait été capable de comprendre que j’ai subi des épreuves qui ont eu raison de mes nerfs…
15h45 : J’inaugure un nouveau commerce : Dialogues Beaux-Arts. Ce sera plus pratique qu’Artéis, ne serait-ce que parce que c’est plus petit et, donc, plus fonctionnel : j’en avais marre de perdre des heures à fouiller un local démesuré et surchauffé. Pour ne rien gâcher, l’une des vendeuses est une ancienne collègue de fac : c’est quand même plus agréable de traiter avec une commerçante qui vous connait… Et ne peut donc pas être surprise par vos réactions !
18h : Après avoir consommé un chocolat chaud dans un bar pour me réconforter, j’arrive au Kafkerin où a lieu le vernissage de l’exposition de Stoven, le secrétaire du Collectif Synergie, qui peint depuis déjà sept ans. J’avoue avoir un peu de mal à trouver les mots pour commenter sa peinture : tant pis, au diable le jargon des critiques d’art, je me fous de savoir ce que l’artiste a voulu exprimer, je ne cherche pas à comprendre, je suis heureux et ça me suffit ! Le buffet est copieux : il faut dire que l’asso a amené une bonne partie de ce qui aurait dû servir à nourrir les exposants au salon du livre qui a été annulé la semaine dernière… J’en profite largement pour ne pas avoir besoin de me faire à manger en rentrant : ne laissons pas l’amertume nous gâcher la soirée…
19h30 : Dans la foulée du vernissage, le collectif a organisé une scène ouverte : un double événement pour fêter dignement le septième anniversaire de l’association. Nous craignions qu’il y ait peu de monde, en raison de la météo peu engageante, mais finalement, beaucoup d’artistes se sont mobilisés : Claire, la présidente de l’asso, qui reste motivée malgré le dur revers du salon littéraire annulé, nous interprète deux slams rendant hommage à l’équipe d’artistes que nous formons. Bardawen, malade comme un chien, a quand même fait l’effort de venir et nous joue un petit air avec une espèce de banjo médiéval. Vient ensuite une ravissante poétesse, suivie d’un vieux guitariste qui nous joue des airs de rock et interprète même du Souchon. Après le passage d’un slameur débutant, Nathalie, accompagnée par Guillaume, nous interprète deux chansons qui me font penser à du Charles Trenet triste. Monica, plus belle que jamais, s’essaie à la trompette et à la chanson en espagnol, Michel nous raconte des histoires drôles, deux jeunes rappeurs nous font une démonstration de leur talent, Manuèle déclame ses poèmes sur les fleurs, un certain « Docteur Noir » chante avec l’aisance d’un véritable artiste de variétés… Bref, nous passons une excellente soirée qui rend pleinement justice au nom de notre association : Collectif Synergie. Et moi, là-dedans ? J’ai pu interpréter huit slams, dont les deux inédits que je viens de finaliser : actualité oblige, j’ai privilégié les textes axés sur l’autisme et le harcèlement en milieu scolaire, mais j’ai tout de même interprété « Charlotte Corday » histoire de rebondir sur la chanson de Nathalie consacrée à une autre figure féminine de la révolution, Olympe de Gouges. Avant de laisser la place, puisque nous célébrons un anniversaire, j’offre publiquement à Claire un collier dû aux mains expertes de Bernadette Guillermin : enchantée, elle le met aussitôt ; ainsi, le bijou est là où est sa juste place, c’est-à-dire autour du cou de cygne d’une jolie femme… Cette soirée est une réussite totale ! Seul petit bémol : une jeune fille, charmante au demeurant, s’est crue obligée de monter sur scène pour exhorter les artistes à cesser de s’excuser et à être fiers d’avoir le courage de s’exprimer en public… Je la retrouve à la fin pour lui dire que ce genre de précepte de pensée positive est justement ce qui est tourné en dérision dans le dernier Astérix : elle ne l’a pas lu…
J'ai bien entendu dessiné la plupart des artistes ayant participé à la scène ouverte ; sauf Claire, que j'ai déjà dessinée dix mille fois... Et moi-même, bien sûr !
Vous voulez entendre les deux slams de Claire ? Les voilà :
Voici mon slam sur Charlotte Corday :
Un autre poème sur Charlotte Corday :
Et puisqu'on parle d'Olympe de Gouges :
Vendredi 10 novembre
10h30 : Retour à l’école des Beaux-arts pour ENFIN régler mon dû. Cette fois, pour éviter de me déplacer à nouveau pour rien, j’ai signé un chèque en blanc. J’ai la possibilité de payer en deux fois : j’y renonce pour ne pas devoir revenir, la secrétaire reconnaît que venir jusqu’ici est difficile. Elle ajoute cependant que je pourrais envoyer mon chèque par la poste : je rétorque que les timbres sont très chers ; elle ne trouve rien à répondre… Après l’esclandre d’hier, je savoure comme elle le mérite la petite satisfaction que l’on éprouve quand on cloue le bec à son interlocuteur ! Ça ne m’arrive pas souvent…
17h30 : Voilà plus d’une heure que j’attends au Beaj Kafé un acheteur de mon Voyage en Normalaisie : ce retard est d’autant plus désagréable que je ne sais pas à quoi ressemble ce client, ce qui m’oblige à être attentif aux gens qui entrent dans l’établissement tout en continuant à travailler, et vu que j’ai une peur bleue qu’on se rate, je ne suis pas dans l’arrière-salle comme j’en ai l’habitude, de sorte que la lumière et le bruit qui règnent dans le café me donnent la migraine ! N’y tenant plus, je demande le silence à une troupe de rigolards assise juste derrière moi… Encore des gens qui vont me détester sans me connaître !
18h20 : Mon client est finalement arrivé, ouf ! Après avoir avalé un doliprane, je me rends à la piscine Foch : la monitrice habituelle est absente, alors, pour ne pas rompre le rythme de l’entraînement, je retourne nager là où j’allais pendant les vacances scolaires. J’y reste trois quarts d’heure et je me surprends à être fier de mes progrès, que ce soit dans la vitesse à laquelle je brasse l’eau avec mes jambes ou dans ma prise d’air, qui n’interrompt presque plus mes mouvements natatoires… Sensation étrange et inhabituelle, je suis presque fier de moi ! Et puis le contact avec l’eau me procure un bien-être bienvenu après toutes les épreuves que j’ai subies ces derniers temps… En sortant, je demande quand même à un maître-nageur s’il sait ce qui arrive à ma monitrice : il ne peut pas me renseigner. J’espère que ce n’est pas grave…
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !