Du 3 au 6 janvier : Bonne année quand même !
Mercredi 3 janvier 2024
11h45 : Après une semaine de repos chez mes parents et un réveillon chez ma meilleure amie, l’heure est venue de reprendre pied dans la vie brestoise : histoire de commencer du bon pied, j’avais décidé d’aller nager à la piscine Foch qui fait partie des rares équipements dont les horaires deviennent plus avantageux pendant les vacances scolaires. Malheureusement, depuis que les auteurs de mes jours m’ont fait découvrir la série Astrid et Raphaëlle, j’ai tendance à veiller un peu tard pour profiter pleinement de la sublissime beauté de Lola Dewaere et de la justesse avec laquelle Sara Mortensen campe une jeune femme autiste… Je comptais arriver à la piscine à l’heure d’ouverture, quand il n’y a pas beaucoup de public : au vu de l’heure à laquelle je sors de chez moi, le moins qu’on puisse dire est que c’est un peu raté ! Je fais néanmoins contre mauvaise fortune bon cœur… Et c’est seulement dans le bus que je m’aperçois que je n’ai ni jeton ni pièce d’un euro me permettant d’utiliser les casiers du vestiaire ! Je descends donc au premier arrêt, situé sur le boulevard Léon Blum, dans l’espoir d’y trouver une banque où retrier du liquide et un commerce pour faire de la monnaie : sous la pluie, dans le vent, avec mon sac de piscine à la main… Un début d’année glamour, en somme ! Mais si on fournissait des jetons aux usagers de la piscine (on paie pour entrer, après tout, non ?), ça n’arriverait pas…
11h50 : Je trouve une agence bancaire tout au bout du boulevard… Mais celle-ci n’a pas de distributeur ! Si, si, ça existe encore, au plein cœur d’une métropole française. Je retourne à l’arrêt de bus, toujours dans les mêmes conditions déplorables : j’ai le temps d’échafauder un autre plan, je décide de descendre à Kerinou où je devrais avoir plus de chance. En attendant, je repense à Astrid qui compte des haricots pour évaluer sa jauge énergétique : je ne serais pas étonné d’en avoir déjà perdu au moins trois sur dix…
11h55 : Je descends à Kerinou. Je me dirige vers le bureau de poste : l’écran du distributeur est tout noir. Il va donc falloir explorer ce quartier semi-moribond qui ne reprend un semblant de vie que les jours de marché ou aux heures d’ouverture du Kafkerin… Cinq sur dix.
12h : J’ai enfin pu retirer quelques billets. Je me précipite vers le bureau de tabac. Le temps est toujours aussi lamentable et j’en ai déjà plein les bottes, il n’est donc pas impossible que l’expression de mon visage ne soit pas des plus enjouées et que le ton de ma voix ne soit guère plus amène. Mais ça n’en atténue pas moins le caractère surréaliste de mon dialogue avec la buraliste :
- Bonjour madame, pourriez-vous me changer 20 euros, s’il vous plaît ?
- Pardon ?
Cette vieille dame me regarde avec des yeux ronds comme si j’avais proféré une énormité. J’insiste donc :
- J’ai besoin de monnaie, pouvez-vous bien m’en faire ?
- Oui ben vous pourriez le demander de façon plus explicite et plus aimable, parce que je fais de la monnaie si je veux !
Je ne comprends pas : je n’ai pas l’impression d’avoir été obscur ou grossier ! Elle finit quand même par me changer mon billet, avec une mauvaise grâce évidente. Pour tenter de décrisper la situation, j’entreprends de m’expliquer :
- Écoutez, je m’excuse, mais je viens de faire plusieurs allers-retours infructueux sous la pluie et dans le vent…
- Ce n’est pas mon problème !
Elle vient de prononcer la phrase que je déteste le plus au monde après « Je ne veux pas le savoir » : je comprends qu’il n’y a rien à tirer de cette vieille harpie égoïste. Enfin nanti de la pièce d’un euro, je pars, furieux, en lui disant « Adieu » ! Huit sur dix…
12h10 : J’arrive enfin à la piscine, mais je tombe sur un os : j’avais oublié que le petit bain était fermé de midi à treize heures le mercredi ! Ce n’était pas précisé sur la page web des piscines brestoises… J’utilise mon dernier haricot pour aller à Bureau Vallée où je dois faire quelques achats.
12h30 : J’arrive à Bureau Vallée… Et je trouve porte close. Pendant les congés de Noël, ça ferme de 12h30 à 14h ! Rectification : la piscine Foch est VRAIMENT la seule infrastructure dont les horaires deviennent plus commodes en période de vacances scolaires. J’ai épuisé tous mes haricots : de rage, je me tape la tête contre le mur ! Inutile de retourner à la piscine : le temps que j’arrive, la caisse ne sera pas encore rouverte et, de toute façon, je n’en peux vraiment plus. Heureusement, il y a le Beaj Kafé juste à côté : je m’y rends pour consommer un bol de soupe et refaire mon plein.
12h45 : Tout en mangeant ma soupe, je feuillette un album de Gaston Lagaffe que j’ai trouvé sur les étagères du café : difficile de ne pas repenser au récent retour du héros sans emploi créé par le grand Franquin en 1957. Ce que j’en pense ? Delaf, jusqu’alors connu en tant que dessinateur des Nombrils, a réussi un tour de force graphique hors du commun en se coulant dans le style de son illustre prédécesseur : même l’observateur le plus pointilleux pourrait croire à du Franquin, même Bar2, le créateur de Joe Bar Team, n’aurait pas atteint un mimétisme aussi convaincant. D’un point de vue scénaristique, j’accord aussi un satisfecit, il n’y a que quand Gaston est à deux doigts de démissionner que je suis un peu plus réservé, je n’arrive pas à le croire capable de ce genre d’introspection lucide. Mais je pinaille : sur l’ensemble de l’album, c’est vraiment un détail, l’esprit de Franquin est bel et bien au rendez-vous ! On célèbre cette année le centenaire de ce grand créateur : vingt-sept ans après sa mort, il n’a pas fini de nous faire rire – on peut le louer autant qu’on veut, il n’est plus là pour protester !
14h10 : J’ai enfin pu accéder à la piscine. Me calant sur le rythme des leçons prises à Recouvrance, j’y passe trois quarts d’heure : je n’ai donc plus que cinq minutes à y passer. Il était temps : les gamins commencent à envahir le bassin. N’ayant pas vraiment eu le temps de me reconstituer une jauge complète, ces chers petits entament quelque peu ma patience et je reconnais que je ne fais pas preuve de diplomatie quand je fais « oh » à une petite fille qui me barre le chemin… Mais je ne vois pas pourquoi l’un des maîtres-nageurs se sent obligé de venir me morigéner ! C’est un enfant, qu’il me dit : je le sais, et alors ? Quand j’étais petit, mon père n’arrêtait pas de me reprocher de me mettre en travers de son passage ! Je ne voudrais pas insister lourdement sur l’évolution du statut de l’enfant dans nos sociétés, mais…
Encore une carte de vœux, avec Déodat et Trémière, les héros du Riquet à la houppe d'Amélie Nothomb :
Jeudi 4 janvier
9h : Je ne rêve pas : c’est bel et bien un orage d’hiver qui s’abat sur la ville alors que je suis déjà sorti pour ne pas rater un rendez-vous avec un amie. Pour sortir avec une météo aussi pourrie alors que la région se remet à peine du traumatisme de la tempête Ciaran, il faut être un peu maso ou très motivé : je dois être les deux à la fois ! Mon amie, qui n’est pas au mieux de sa santé, m’envoie un texto pour m’avertir que dans ces conditions, elle préfère ne pas sortir et reporter notre sortie au port du Moulin Blanc : c’est typiquement ce qu’Astrid appelle un « imprévu prévisible »… Je suis déçu mais je fais face : j’ai de toute façon quelques affaires à régler en ville, je ne serai donc pas sorti pour rien. Je croise néanmoins les doigts pour que le ciel ne nous tombe pas une nouvelle fois sur la tête…
12h30 : J’ai finalement rejoint mon amie chez elle pour déjeuner. Une fois encore, je suis arrivé trop tôt : mon hôtesse doit procéder à quelques ablutions et me laisser seul pendant quelques minutes avec son petit garçon. Elle me propose de faire patienter ce petit bout de chou en poursuivant avec lui une partie d’un jeu de société qu’ils disputent ensemble depuis quelques jours : je suis obligé de décliner car je ne comprends rien aux règles ! Je l’avoue : à part le Scrabble et le Labyrinthe, la plupart des jeux de société me stressent et me perturbent ! S’il y a trop de règles à assimiler, je suis vite perturbé ! Nous optons alors pour un pis-aller, à savoir un boîtier contenant des cartes de questions-réponses sur le football : je pose les questions et le petit mignon y répond. Dans 95% des cas, il trouve ! N »ayant aucune affinité avec le monde du ballon rond, je suis impressionné et je comprends ce que doivent ressentir mes proches quand (par exemple) je cite les noms des neuf muses…
13h30 : Tout en déjeunant, je bois les paroles de mon aimable hôtesse qui me révèle que depuis la pandémie, certains commerces ont condamné l’accès à leurs toilettes pour le public ! Je l’ignorais pour la bonne et simple raison qu’il ne me viendrait pas à l’idée de faire mes besoins dans un magasin. En tout cas, c’est un non-sens absolu : dans un contexte où les règles d’hygiène sont renforcées, comment peut-on interdire l’accès à un lieu où l’on peut se laver les mains ? Et maintenant que le pire de la pandémie est derrière nous, qu’est-ce qui les empêche de rouvrir ces lieux qui peuvent s’avérer impérieusement nécessaires pour qui fait ses courses en compagnie d’enfants en bas âge ? Plus ça va et plus je me dis que mon Voyage en Normalaisie, qui fait l’inventaire des absurdités de ce monde, est en-dessous de la vérité…
Encore des vœux, en chanson cette fois :
Vendredi 5 janvier
11h : On m’avait dit que certains traits autistiques s’atténuent avec l’âge et que d’autres, au contraire, s’accentuent. Je le confirme. Ce qui s’atténue chez moi, c’est la difficulté à faire face à l’imprévu : l’expérience aidant, je parviens presque à ne plus paniquer quand je dois affronter un changement de dernière minute. Ce qui s’accentue, en revanche, c’est l’hypersensibilité sensorielle : au marché, ce n’est pas la grosse foule, et pourtant, je suis déjà à deux doigts de faire un malaise, le peu de conversation que j’entends suffisant à me faire presque tourner de l’œil… Je me demande pourquoi les gens ont à ce point besoin de parler, qui plus est pour ne rien dire dans la plupart des cas.
15h : Bref passage de mes parents qui m’apportent, entre autres, un colis contenant trente exemplaires de mon troisième recueil de dessin, colis qui avait été déposé dans un magasin de Kergaradec. Je peux donc l’annoncer officiellement : MON TROISIÈME ALBUM EST ENFIN DISPONIBLE ! Finalement, l’année commence bien.
Voici la couverture de l'album :
Samedi 6 janvier
10h30 : Retour à la piscine Foch : cette fois, j’ai réussi à venir assez tôt pour qu’il y ait peu de monde. Je me surprends à nager avec plus d’aisance et à appliquer plus facilement les leçons de la monitrice. Certains de mes amis m’ont fait remarquer que ma silhouette tendait à être plus affutée : si ça se trouve, dans six mois, je pourrai postuler pour jouer dans Alerte à Malibu !
C'est tout pour cette semaine, je vous laisse avec une page de croquis en guise de post-scriptum. A la prochaine !