Du 29/08 au 3/09 : Viens donc faire un retour à Lambé

Lundi 29 août

 

15h45 : Après une bise à mes parents, me voici dans le TER : je quitte la Sarthe, et c’est la dernière fois que je l’écris. Et oui : les auteurs de mes jours ne vont pas en rajeunissant et, craignant n’avoir bientôt plus l’énergie nécessaire pour entretenir notre maison de campagne, ils ont décidé de la revendre. Comment prends-je cet adieu à notre résidence champêtre ? Plutôt bien, en fin de compte. Certes, il ne m’est pas indifférent de quitter définitivement un lieu où j’ai tout de même passé l’équivalent de trois à quatre ans de ma vie, mais j’avoue que je suis plutôt soulagé de me dire que je n’aurai plus à faire des kilomètres rien que pour passer du temps avec mes géniteurs et, surtout, que je ne serai pas tenu de gérer cet héritage : je ne me voyais absolument pas m’occuper de cette maison à la place de mes parents, lesquels, en la vendant cette maison, prouvent qu’ils n’attendent pas de moi la poursuite d’une quelconque tradition familiale et affichent, au contraire, leur respect de ma liberté. Et ça, c’est une vraie marque d’amour filial, ou je me trompe ?  

 

16h15 : J’avais pris un billet de retour en semaine pour éviter la cohue des week-ends. C’est un peu raté : il y a un monde fou dans la gare du Mans où je dois prendre une première correspondance. Je constate qu’il y a peu de gens masqués malgré le port « recommandé » sur les tickets : après les visions cauchemardesques de l’an dernier, un tel spectacle aurait tout lieu de me réjouir si je n’étais pas à ce point allergique à la foule. Mais surtout, quand je monte dans le TGV, je commence déjà à avoir la nostalgie de notre maison de campagne : je vais peut-être vite, mais je suis surtout confiné (oups…) dans un espace réduit, obscur et étouffant, au milieu d’inconnus agressifs, dont une gamine qui prend le wagon pour la cour de récré… Pour moi qui, pendant un mois, n’ait connu que l’espace, la lumière, le grand air, la solitude et le silence, quel contraste ! Encore heureux que le train est rapide car je n’ai pas envie de m’y attarder…

 

17h45 : Deuxième et dernière correspondance à Rennes. Le TER est déjà bondé, trouver une place fenêtre s’y révèle rapidement une vue de l’esprit. En désespoir de cause, j’opte pour une place couloir à côté d’une gourdasse dont les yeux sont déjà braqués sur son smartphone : quand je le lui demande, elle me dit descendre à Saint-Brieuc, j’aurai donc la place fenêtre pendant la moitié du trajet et je peux prendre en patience un mal qui n’est pas si grand car, une fois encore, le TER s’avère bien plus aéré, plus confortable, plus éclairé… Bref, mille fois plus vivable que son cousin à grande vitesse : j’apprécie d’autant que je ne vais pas moins vite qu’avec le TGV qui mettrait à peu près autant de temps pour relier Rennes à Brest ! Je tue néanmoins le temps en écrivant une lettre : évidemment, avec les cahots et les virages, ce n’est pas très facile…

 

19h : La passagère briochine descend, je peux ainsi prendre la place fenêtre. Je constate que le train, ou du moins le wagon dans lequel je me trouve, s’est rapidement vidé : manifestement, la majorité des voyageurs n’allait pas jusqu’à Brest. Je n’en tire pas de conclusions concernant l’attractivité de ma ville et  je ne boude pas mon plaisir d’être un peu plus tranquille ! Tiens, ça rime, serais-je un poète ?

 

20h : Enfin arrivé à Brest où je suis attendu par un couple d’amis et leurs enfants : ces retrouvailles achèvent d’adoucir mon retour qui, du fait de la vente de la maison sarthoise, aurait pu être légèrement amer. Avant que ces braves gens ne me ramènent chez moi à Lambé, je les invite dans une crêperie : nous passons un agréable moment, le menu semble agréer mes commensaux... Puis vient l’heure de partir et de payer : grand seigneur, je dégaine ma carte bancaire, je la fais passer machinalement sur l’appareil prévu à cet effet… Et ça ne marche pas ! Et oui : le montant de l’addition dépasse le plafond du sans contact ! Alors j’insère ma carte, je tape mon code… Et ça ne marche pas non plus ! Je prends conscience que, n’ayant plus utilisé ma carte depuis plus d’un mois, je suis incapable de me rappeler de mon code ! En désespoir de cause, je paye donc, sans contact, un montant n’excédant pas le plafond, et mon amie consent, en échange de ma promesse de la rembourser intégralement, à régler le reste… Non seulement je ne suis pas fier de moi mais, à peine rentré, je fais face à un premier souci : il va falloir que je contacte ma banque pour retrouver mon code et je frissonne déjà rien qu’à imaginer les fourche caudines sous lesquelles il va falloir passer…

 

Puisqu'on parle de l'amitié, voici un dessin offert à un ami qui aurait l'âge d'être mon père :

 

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Mardi 30 août

 

11h : Après quelques courses matinales, j’entreprends le dépouillement de mes messageries. Les courriers électroniques ne se sont pas tant que ça amassés pendant mon absence, j’en ai une trentaine à tout casser, mais la tâche est considérablement ralentie par un certain nombre de caprices de la technique. Je repense au compagnon de mon amie qui, hier soir, me parlait de phénomènes inexpliqués évoqués par certains youtubeurs : je pourrai lui répondre désormais qu’il n’est pas besoin d’aller chercher loin pour trouver du paranormal, il suffit d’ouvrir son ordinateur pour avoir droit à son lot d’invraisemblances…

 

20h30 : Il est encore tôt, mais je me couche déjà : les journées à venir s’annoncent bien pleines et je ne tiens pas à épuiser en quelques jours mes batteries rechargées en un mois. De surcroît, je suis quelque peu contrarié : ce matin, j’ai bien appelé la banque, ils m’ont promis qu’ils m’enverraient un SMS auquel je devrai répondre en tapant une clé digitale afin qu’on me renvoie mon code… Et je n’ai toujours rien reçu. C’est bien embêtant car il me faudra absolument du liquide si je vais au marché vendredi et, surtout, pour le vide-grenier de dimanche auquel je suis inscrit…

 

Mercredi 31 août

 

9h : Je me rends au centre-ville à pied pour régler quelques affaires courantes. Chemin faisant, je m’aperçois que le SMS promis par ma banque est enfin arrivé : comme je sais où trouver la clé digitale que je dois taper, je me dis que je m’occuperai de ça une fois rentré et qu’alors, mes ennuis seront terminés ! Naïf que je suis…

 

10h : Entre autres impératifs, je dois faire recharger les cartouches de mon imprimante. Je me dirige donc vers la boutique à laquelle j’ai l’habitude de confier cette tâche : j’attrape juste à temps le patron qui est obligé de s’absenter et qui me promet que ce sera fait en début d’après-midi. Jusqu’ici, tout va bien…

 

10h30 : Passage à la librairie Dialogues pour acquérir une nouveauté de la rentrée littéraire qui, je le sais, fera plaisir à un être cher. Je risque un coup d’œil au rayon BD et je tombe sur la couverture d’un album intitulé La mort de Spirou ! Sincèrement, ça me fait un choc : je voudrais, telle l’élite bédephile éclairée que je suis censé représenter, pouvoir m’extasier devant cette audace, mais je garde un cœur d’enfant qui se révolte contre la mise à mort de son héros… Et puis est-ce vraiment une audace ? Ce n’est même pas la première fois qu’on se permet de tuer un héros de BD « grand public », il y a déjà eu la mort de Rahan, celle de Superman et même celle de Jeannot – si, si, cherchez bien ! Bref, on peut déjà douter de l’originalité du procédé, d’autant qu’à chaque fois, il s’avère que le héros n’était pas vraiment mort… Mais je ne vous ferai pas la critique de cet album que je n’ai même pas osé lire : je ne pense pas que c’était le but poursuivi par les auteurs – qui ont sûrement beaucoup de talent.  

 

 

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10h45 : Visite à mon ami Jean-Yves qui, entre autres, me parle de la récente arrivée de Yann Quénet à Saint-Brieuc au terme d’un tour du monde à bord de son minuscule voilier Baluchon : il y avait une telle foule au port, avec notamment une affluence record de journaliste, que Jean-Yves n’a même pas pu boire un godet avec son ami Yann ! Cela dit, l’engouement médiatique inspiré par son périple est on ne peut plus légitime : il a tout de même fait un tour complet du globe avec un matériel rudimentaire, c’est autre chose que ces navigateurs bardés de fric et de sponsors, qui se bornent à traverser l’Atlantique à bord de bateaux sophistiqués et bourrés d’électronique, et dont la seule véritable audace est celle qui les pousse à se qualifier de héros ! Souhaitons donc à Yann des retombées à la hauteur de son courage…

 

31 (1).JPGDeux oiseaux marins en pleine dispute près des halles Saint-Martin - celui de gauche est un goéland, celui de droite, je ne sais pas.

 

12h : Pour les besoins d’un article, il fallait que je prenne des photos de la rade depuis la cabine du téléphérique : tant qu’à faire de passer aux Capucins, j’en profite pour aller déjeuner à La Fabrik 1801, histoire d’écouler enfin les cartes qui m’avaient été données en remerciement de mon cadeau à l’ambassadeur de Thaïlande[1] – ça remonte à février 2020, date où j’étais à des lieues d’imaginer qu’on allait nous priver de toute vie sociale un mois plus tard, et entretemps, même quand les restaurants avaient pu rouvrir, j’avais préféré limiter les sorties à cause de ce satané masque dont je ne supportais ni le port ni la vue ! Bref, je passe les détails, mais depuis, le restaurant a eu le temps de changer son système et mes cartes n’ont plus cours ! Toujours cette sale manie du changement qui caractérise les gens dits normaux, toujours si pressés de tout changer afin que rien ne change… Histoire que je ne perde pas tout, la caissière m’accorde une réduction : je l’ai tout de même mauvaise, heureusement que la bouffe est bonne !

 

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13h15 : Je n’ai pas mangé à toute vitesse, mais je n’aime pas m’attarder dans les endroits où je n’ai plus rien à faire. Je me retrouve donc en bas de Siam et il me reste encore trois quarts d’heure à tuer avant de pouvoir aller récupérer mes cartouches. Pour patienter, je trouve un coin à peu près tranquille pour lire le dernier Côté Brest : il n’y a pas d’article de mon cru cette semaine, sans doute faute de place, je vais donc pouvoir attendre la semaine prochaine pour en écrire un nouveau. Quand je lève les yeux de mon journal, j’ai la confirmation de ce que je soupçonnais déjà depuis ce matin : il y a beaucoup de gosses dans les rues – par « gosses », j’entends aussi bien les enfants que les adolescents. Rien d’étonnant à cela : la journée est ensoleillée, c’est même, d’après les prévisions météo, la dernière belle journée à laquelle Brest aura le droit avant un bon moment, et surtout, demain, c’est la rentrée des classes ! Alors les jeunes en profitent, c’est bien normal… Je ne peux que les approuver : je n’aimerais pas tellement devoir retourner à l’école, je dirai même que ça m’horripilerait ! Et oui, ce n’est pas parce qu’on a été un bon élève qu’on aime l’école ! Pourquoi aimerais-je l’école, d’ailleurs ? Elle ne m’a rien appris d’important, surtout pas à lire et à écrire (je savais déjà faire tout ça avant d’y aller), le reste ne m’a presque jamais servi à rien, on m’y a dégoûté du cinéma et du sport, j’y ai découvert le mépris, le rejet et la haine dont mes semblables sont capables envers ce qui ne leur ressemble pas, et surtout, on a profité de mon enfance pour me faire croire que les Gaulois étaient nos ancêtres, que la gué-guerre entre les Valois et les Plantagenêt était autre chose qu’une querelle de palais, que les Allemands étaient les méchants et les Français les gentils… Si, je vous assure : j’étais écolier dans les années 1990 et on m’a bourré le crâne avec les mêmes conneries que celles dont a gavé mes parents et mes grands-parents ! Bref, ce que je suis devenu, je le dois surtout à moi-même et non pas à « l’école de la République » comme le clament certains imbéciles bien élevés (« dressés » devrais-je plutôt dire !) justement épinglés par Daniel Pennac, qui ajoute même à leur intention : « Tu trouves qu’elle n’en laisse pas assez sur le bord du chemin, l’école de la République ? »[2]

 

13h55 : Je me dirige vers la boutique où je dois retirer mes cartouches, qui est censée ouvrir dans cinq minutes. Mais je crois le patron qui m’annonce qu’il a un colis à retirer et me prie donc de revenir à 14h15 ! Je commence à être à bout de patience, mais je ronge mon frein et je m’arrête dans le premier bar venu pour y boire un thé en attendant – je sais qu’il fait chaud, mais un thé, ça désaltère bien. Je règle en liquide histoire de faire de la monnaie, persuadé que je n’aurai pas besoin des deux billets qui traînent dans mon portemonnaie depuis le début du mois d’août – je ne sais pas encore que je viens de faire la grosse erreur de ma journée !   

 

14h15 : La boutique est enfin rouverte, le gars n’a pas eu de problème pour remplir mes cartouches, il ne me reste plus qu’à payer : je dégaine donc ma carte à bleue… Et le commerçant m’annonce qu’il n’a pas le sans contact ! La machine qu’il a reçue est défectueuse ! Et je n’ai aucun autre moyen de paiement ! En insérant ma carte ? Je ne pourrai récupérer mon code que quand je serai chez moi ! L’application mobile ? Je n’ai pas de smartphone ! Le chèque ? Je n’en ai pas sur moi, je n’y avais même pas pensé ! Le liquide ? J’avais justement sur moi la somme nécessaire mais je viens d’en dépenser une partie au bar ! C’est vraiment trop con… Bref, je passe un accord avec le marchand : il garde les cartouches encore un jour ou deux et je reviendrai avec ce qu’il faut pour le payer ! Et voilà, encore un contretemps parti pour s’éterniser… Je me dis qu’on se troupe lourdement en espérant faire passer les petites contrariétés de la vie quotidienne en se disant qu’il peut y avoir pire dans la vie ! Contrairement à ce qu’on croit, ce ne sont pas les grands malheurs qui nous empoisonnent le plus l’existence. Quand vous vous retrouvez face à un ours agressif, il faut faire le mort : en revanche, quand on fait face à des insectes agressifs, il vaut mieux dégainer la tapette et, donc, ne pas rester immobile. Vous voyez je veux en venir ? Et oui : les grands malheurs ne nous empoisonnent pas la vie, ils l’interrompent (quand ils n’y mettent pas carrément fin, il est vrai) ; la perte d’un être cher, une séparation ou une grave blessure, ce sont certes des événements très malheureux, mais c’est justement leur degré de gravité qui nous oblige à marquer une pause dans notre existence. Dans le drame, le temps est comme suspendu, on n’a plus le loisir de penser à autre chose qu’à se sauver soi-même (si tant est que ce soit encore possible), comme l’a exprimé pendant l’entre-deux-guerres le philosophe Alain :

 

« Heureusement, la force des choses, quand elle nous tient, ne nous laisse pas loisir ; la chaîne des instant est comme rompue ; ainsi l’extrême souffrance n’est que poussière de souffrance ; impalpable. L’horreur est soporifique. »[3]

 

À l’inverse, quand vous avez oublié votre code de carte bleue, quand votre imprimante tombe en panne ou quand vous devez remettre à demain le paiement et l’acquisition d’une marchandise qui n’attend que vous, il est clair que le degré de gravité n’est pas élevé au point de marquer une pause dans l’existence : il faut quand même continuer à vivre et à supporter les mille difficultés que cela implique au quotidien EN Y AJOUTANT cette mini-contrariété supplémentaire. Bref, les grands malheurs effacent tous les autres problèmes tandis que les petites contrariétés viennent s’y additionner ; les grands malheurs sont souvent irréparables et nous paralysent tandis que les petites contrariétés sont généralement réparables et donc nous forcent à agir, même si on a autre chose à faire. C’est bien pour ça que, dans L’affaire Tournesol, seul un imbécile de l’ampleur de Séraphin Lampion peut se permettre de dire, concernant le cambriolage du laboratoire du professeur, que « ça vaut mieux qu’une jambe cassée » : il ne se rend pas compte que le vol du matériel du savant vient s’ajouter aux problèmes qu’affrontent déjà Tintin, Haddock et Milou, tandis qu’une « jambe cassée » les forcerait à marquer une pause dans leur aventure… On n’ose jamais dire à quel point les grands malheurs offrent un répit souvent bienvenu dans nos existences trépidantes : il n’y a que les enfants qui avouent espérer se réveiller avec une rougeole pour échapper à l’école… 

 

16h : Je reçois un message de la rédaction de Côté Brest qui m’annonce que mon article sur l’église Saint-Louis, paru la semaine dernière, a déplu à un prélat dont je tairai le nom car je suis lâche. J’avais écrit ce papier avant de partir en vacances et j’en avais un peu perdu le souvenir : j’y disais notamment, reprenant exactement la teneur du commentaire de la guide qui me l’avait fait visiter (ainsi qu’à une bonne quinzaine de curieux) ceci :

 

« L’église est également dotée d’une chapelle-annexe, baptisée depuis peu « chapelle de Saint-Jean-Paul II » et aménagée dans les années 1960 pour faire face à l’affluence importante des paroissiens – si cette problématique n’est plus tellement d’actualité, la chapelle sert encore aujourd’hui pour les mariages et les obsèques. »  

 

Le ministre du culte, qui n’a vraisemblablement pas apprécié ma fine allusion au recul de la pratique du culte catholique en France (l’Église a toujours été fâché avec la vérité), s’est donc cru obligé d’adresser à la rédaction le correctif que voici :

 

« La chapelle Saint-Jean-Paul II est utilisée tous les jours pour les messes en semaine de 9 h et 18 h 30 du lundi au vendredi, 18 h 30 le lundi, et 9 h le samedi. Lors de la messe dominicale de 10 h 30, elle est l’espace Famille, où de nombreux enfants gambadent pendant que leurs parents peuvent suivre la messe plus tranquillement. Enfin, elle est pleine aux trois quarts chaque dimanche soir pour la messe de 18h30 animée par les Musilos. Effectivement, elle accueille les célébrations d’obsèques et enfin quelques mariages célébrés à Saint-Louis chaque année. »

 

Seulement voilà : quand on relit attentivement le passage incriminé, on s’aperçoit sans peine que ce que j’y dis n'entre pas tellement en contradiction avec ce que précise l’homme d’église. Premièrement : je dis simplement que cette paroisse avait été construite pour faire face à l’affluence des fidèles dans les années 1960, je ne prétends donc pas qu’elle est perpétuellement vide aujourd’hui. Deuxièmement : quand je dis qu’elle est encore utilisée pour les mariages et obsèques, je ne dis pas pour autant qu’elle ne sert plus qu’à ça. Troisièmement, enfin : peut-être est-ce surtout la formule « cette problématique n’est plus d’actualité » qui a fait tiquer le saint homme ? Pourtant, quand il dit qu’elle est « pleine aux trois quarts chaque dimanche soir », il ne dit pas pour autant qu'elle est pleine à bloc et il ne dit même pas ce qu’il en est pour les autres messes ! Conclusion : je n'ai pas menti, les informations que j’ai données ne sont pas fausses, elles sont seulement incomplètes, ce qui est tout à fait normal au vu des contraintes de format auxquelles je dois me plier. On prétend que les curés sont cultivés, mais en fait, ils sont comme tout le monde, ils réagissent à ce qu’ils lisent avant d’avoir compris ! Cela dit, méfions-nous, il ne faut pas leur donner de mauvaises habitudes : ils commencent par vouloir dicter leur contenu aux journaux gratuits, ils finissent par demander un droit de regard sur tous les médias ! Comme disait René Laloux, « Tu laisses entrer un curé dans ton jardin et tu retrouves avec un tribunal de l’inquisition dans ton salon. »

 

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Jeudi 1er septembre

 

9h : Nouveau départ à pied pour le centre-ville ; je croise quelques jeunes qui reprennent le chemin de l’école, je suis presque surpris de ne pas les trouver plus abattus que ça. Il est vrai que le ciel est couvert et que, dans ces conditions, on regrette moins, en général, que les vacances soient finies. Cela dit, si j’avais suivi la voie qui semblait m’être toute tracée depuis l’enfance, à l’heure qu’il est, je serais moi aussi enfermé dans une salle de classe, mais de l’autre côté de l’estrade : mon grand-père était instituteur, mon père était professeur de lycée, j’étais bon élève, réputé intelligent… Quand j’étais enfant, beaucoup de gens me croyaient prédestinés à être enseignant : mais au fur et à mesure que ma personnalité s’est affirmée, quand il s’est avéré, au fur et à mesure que je grandissais, que l’étrangeté de mon comportement n’était pas due à un manque d’éducation que l’on pouvait corriger mais à une différence congénitale contre laquelle on ne pouvait rien, mes proches ont admis que je n’étais pas fait pour ça. De toute façon, qui peut encore croire aujourd’hui que les gouvernants attendent autre chose des enseignants qu’ils occupent les futurs chômeurs afin que ces derniers n’aillent pas brûler les bagnoles des riches ?

 

9h30 : Passage au Leclerc du centre-ville pour acheter des provisions de bouche. Je risque un tour au rayon presse et j’apprends la mort de Mikhaïl Gorbatchev. La mort d’un homme qui a marqué l’histoire est toujours l’occasion d’une pause dans le flux ininterrompu d’informations dont les médias nous abreuvent : quand un « grand de ce monde » décède, sa vie se transforme en destin, elle ne peut plus être autre chose que ce qu’elle est, et les journalistes n’ont plus la possibilité d’émettre des hypothèses au sujet de son devenir. Ceci ne signifie pas qu’on ne puisse plus rien dire sur la personne concernée, bien au contraire : seulement, si le rôle du journaliste est de rapporter les faits, alors son travail à propos d’un individu prend fin à partir du moment celui-ci disparaît et n’est plus en mesure d’introduire de la nouveauté dans ce monde. Mais s’il n’y a plus de faits à rapporter concernant cette personne, il est encore possible d’interpréter ce qu’elle a effectivement accompli de son vivant, de percer les éventuels secrets qui sous-tendaient son action : c’est la tâche de l’historien, qui débute quand celle du journaliste s’arrête, quand l’homme, être en perpétuelle construction, cesse d’être un « chantier interdit au public » pour devenir un monument visitable. Ainsi en va-t-il de Gorbatchev : il est parti, mais on n’a pas fini d’interroger son rôle dans l’histoire de la Russie et même du monde entier. Les Occidentaux le louent pour ses efforts en faveur de la paix, les Russes ne lui ont jamais pardonné d’avoir bradé leur empire ; ça lui fait donc un trait commun, et non des moindres, avec Jules César, Charlemagne Henry VIII, Napoléon, De Gaulle ou Hugo Chávez : il ne fait pas l’unanimité, il restera donc dans l’histoire car les historiens ne se désintéresseront jamais de lui.

 

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10h15 : J’arrive à la boutique, espérant enfin retirer mes cartouches. Mais je tombe sur un os : c’est exceptionnellement fermé ce matin ! Cette histoire, qui a débuté quand je me suis aperçu que j’avais oublié mon code (je l’ai récupéré depuis, merci)  me fait le même effet qu’une grosse mouche bleue qui me tournerait autour depuis quatre jours et que je n’arriverais toujours pas à écraser… Heureusement que je suis parti en vacances et que je suis bien reposé !

 

11h : À peine rentré, la série noire continue : le vide-grenier de dimanche est annulé… Ce genre d’annonce me rappelle de bien mauvais souvenirs ! Mais apparemment, c’est à cause des prévisions météo pessimistes : les organisateurs font ce qu’ils veulent, mais à leur place, je ne prendrai pas ces prévisions pour parole d’évangile ! En juillet, j’ai pu constater que Météo France avait tendance à partir du principe qu’en Bretagne, le moindre nuage était forcément annonciateur de pluies torrentielles ! Rien qu’aujourd’hui, d’après ce qu’ils annonçaient, il devrait pleuvoir à seaux : il pleuviote un peu, certes, pas de quoi noyer un bigorneau… En tout cas, je me faisais une joie de faire cette sortie dominicale et d’en profiter pour me débarrasser de quelques vieilleries : vous imaginez donc ma déception… Seul bon point : je dois aller retirer le chèque que j’avais remis pour payer mon emplacement, ce qui me donne un prétexte pour venir en ville et retirer enfin (du moins, je l’espère) ces fichues cartouches. 

 

22h30 : J’ai passé la journée à faire de la vidéo. Je viens à peine de terminer, après avoir produit de quoi alimenter ma chaîne YouTube pendant sept semaines ! L’annulation du vide-grenier aurait pu me conduire à en remettre une partie à plus tard, mais quand j’ai décidé de faire quelque chose, je ne peux pas changer de plan, sinon, je suis déstabilisé. Ça n’a l’air de rien, mais la réalisation d’une vidéo de quelques minutes où je lis un texte demande au moins une demi-heure de boulot ! Il est vrai que si je ne bafouillais pas autant, je n’aurais pas autant de montage à faire… Voilà encore un bel aperçu des difficultés auxquelles je fais face au quotidien en tant que personne avec autisme : je ne garantis pas que je continuerai longtemps à faire régulièrement des vidéos, même si ces lectures à voix hautes sont essentielles pour améliorer ma diction…

 

Voici une des vidéos réalisées dernièrement :

 

 

Vendredi 2 septembre

 

10h30 : Nouveau retour au bercail après une sortie en ville. Cette fois, tout a l’air de rouler : j’ai retiré le chèque (que j’ai aussitôt détruit) et j’ai enfin récupéré mes cartouches ! Sauf que quand je les mets dans l’imprimante, je déchante : l’engin ne marche pas mieux ! L’impression d’un document banal, d’une seule page, lui prend un quart d’heure ! Et pourtant, ça marchait encore avant que je parte avant vacances… Je ne serais pas étonné qu’elle soit déjà usée, cinq ans à peine après son acquisition ! Je serais donc une nouvelle victime de l’obsolescence programmée… Pour ne rien arranger, quand je relève mes mails, j’apprends que la CAF me demande une déclaration de ressources (Beurk !) et que je vais devoir retirer un colis… En présentant un QR code ! J’espère que le tirage laborieux que mon imprimante a daigné m’accorder suffira au commerçant chez lequel doit se faire le retrait ! En attendant, je ne peux m’empêcher de me sentir vaseux et je me rappelle pourquoi j’avais à ce point besoin de fuir ce monde obnubilé par la productivité et la technologie…

 

14h : Je consacre mon après-midi au dessin ; évidemment, comme je n’avais plus manié le pinceau depuis plus d’un mois, la reprise est un peu difficile, mais quand même moins que si je n’avais pas pris la peine de faire des croquis presque quotidiennement en Sarthe, histoire de ne pas perdre la main. Je me surprends même à être fier de mes progrès et de ce que j’arrive à réaliser aujourd’hui : arriverai-je un jour à passer professionnel ?

 

Samedi 3 septembre

 

11h15 : Brève sortie pour récupérer mon colis : je dois le retirer dans un magasin que je n’’ai pas l’habitude de fréquenter, et pour cause : c’est le marchand de cigarettes électroniques… J’emporte avec moi le papier sur lequel est (mal) imprimé le QR Code et, à tout hasard, je prends même mon ordinateur dans mon sac à dos pour être sûr de ne pas sortir pour rien. Précautions inutiles : je présente ma carte d’identité au marchand et il ne demande rien d’autre ! C’est à se demander pourquoi le message précisait que je devais présenter le code…     

 

Conformément à l'usage quand on rentre de vacances, voici les croquis que j'ai réalisés là-bas, ainsi que quelques photos :

 

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Un étui à lunettes... Il faut bien commencer par quelque chose !

 

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Ma chère Maman, une sexagénaire bien mignonne.

 

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Le puits sur le champ voisin.

 

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La maison de nos voisins, des gens charmants, serviables et cultivés - cette dernière qualité n'est pas des plus répandues dans la région !

 

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La porte du grenier de la maison.

 

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Une "table" qui nous servait occasionnellement de desserte.

 

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L'observatoire situé non loin de la maison, aujourd'hui à l'abandon.

 

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La vieille brouette de mon père, dans laquelle de nombreux enfants, dont votre serviteur, ont aimé se faire transporter !

 

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La table sur laquelle nous dînions en extérieur.
 
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Une belle plante offerte à ma mère par une amie très chère.
 
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Une lanterne pouvant contenir une bougie, bien pratique pour passer la soirée en extérieur, cadeau de ma tante à son frère (mon père).
 
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Un lieu surnommé "Fort Knox" par mon père. Inutile d'expliquer pourquoi...
 
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Une autre table de jardin (à l'avant-plan, à gauche, on peut voir le barbecue, et au fond, à droite, notre table à vaisselle.
 
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La caravane dans laquelle mes parents dormaient quand j'occupais la chambre.
 
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Mon cher Papa, robuste septuagénaire.
 
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La voiture de mes parents.
 
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Une cabane dans laquelle j'eus l'occasion d'attendre que mes parents viennent me chercher à l'issue d'une sortie en forêt. Plus glamour que les arrêts de bus, pas vrai ?
 
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La porte de la cave à vin.
 
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La raquette électrique avec laquelle ma douce Maman s'est muée en serial killeuse de guêpes !
 
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La façade de la maison, vue depuis l'auvent de la caravane.
 
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Quelques amuse-gueule, pour l'apéro.
 
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Un chien de ferme qui s'est cru obligé de monter sur un bâtiment pour m'aboyer après.
 
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Le support sur lequel mon père accrochait son hamac.
 
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La porte (rafistolée) des écuries, qui nous servaient à entreposer les bûches, le charbon de bois... Et les ordures.
 
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La pendule "vintage" accrochée au-dessus de la cheminée.
 
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La théière de ma mère.
 
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Ma Maman en gros plan.
 
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Notre chatte en pleine démonstration de souplesse.
 
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Deux filets-mignons qui cuisent sur le barbecue.
 
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La tablette installée à l'entrée de la maison. Dessous : le seau dans lequel mon père mettait ses bouteilles au frais.
 
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La fenêtre de la chambre... Je commençais déjà à manquer d'inspiration !
 
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Une vache magnifique nourrissant son petit.
 
Voilà, c'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
 
En guise de post-scriptum, un document exclusif : la photo des Pieds Nickelés !
 
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[2] Daniel PENNAC, Chagrin d’école, Gallimard, Paris, 2007, pp. 268-275.

[3] ALAIN, Propos sur le bonheur, Gallimard, Paris, 1928, p. 43.



03/09/2022
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