Du 28 septembre au 4 octobre : Pas de quoi rire, Michel laisse un Blanc...
Samedi 28 septembre
19h : Je pars satisfait de la foire Saint-Michel où j’ai fait un bon chiffre avec mes caricatures. Je ne suis pas certain de revenir demain, la météo étant plutôt pessimiste, mais on ne sait jamais : je ne rangerai donc pas mon matériel à mon retour, je le tiendrai prêt pour demain matin, au cas où. Ça me fait une excuse car la journée m’a épuisé : c’est typiquement le genre d’opération qu’on ne devrait pas mener quand on est une personne du spectre, mais quand on est passionné, on ne s’arrête pas à ça… Avant d’être un autiste, je reste un artiste, n’est-ce pas ?
Brigitte Bardot a 90 ans :
Dimanche 29 septembre
15h : Il ne pleuvait pas ce matin, j’ai donc pensé que je pouvais tenter le coup quand même. Bien m’en a pris, j’ai eu quatre clients, ce qui n’est pas si mal par un temps aussi maussade : le vent soufflait si fort que j’étais obligé de garder mon casque antibruit ! Mais maintenant, la pluie tombe avec insistance, plus aucune accalmie n’est à espérer et, de toute façon, il n’y a presque plus de passants. Bref, je déclare forfait et je rentre. Je note tout de même que la foire Saint-Michel reste un rendez-vous auquel les Brestois restent fidèles contre vents et marées et qu’il faut vraiment de grosses intempéries pour qu’ils y renoncent…
Mafalda a 60 ans :
Lundi 30 septembre
12h : Petite halte à la PAM pour déjeuner entre deux affaires à régler. Tout près de chez moi, un jeune homme s’amuse à jeter en l’air une cigarette et à la rattraper au vol pour amuser ses copains : je le prie d’arrêter ce manège qui m’angoisse affreusement ! À ma grande surprise, il accède aussitôt à ma demande que je prends cependant la peine de justifier en sortant ma carte « je suis autiste » : l’un des jeunots, me voyant tendre ce document plastifié, prend un air apeuré et se met à crier « Argh, le FBI » ! Si c’est une plaisanterie, je ne la comprends pas...
Bon, je sais, il y a plus angoissant qu'une cigarette jetée en l'air...
12h30 : Après avoir mangé, je lis Le Télégramme qui consacre sa quatrième de couverture à Edmond Hervé. Dans cet article, qui a tout de même une certaine ampleur à l’échelle du quotidien où il est publié, un détail me frappe : à aucun moment il n’est question de l’affaire du sang contaminé ! Alors que, des trois anciens ministres à avoir été jugés dans le cadre du procès, il est quand même le seul à avoir été condamné ! Vous me direz qu’il a assez payé ? Même pas, il avait été dispensé de peine ! Vous ajouterez que ça a déjà suffisamment nui à sa carrière politique ? Non plus : ça ne l’avait pas empêché d’être réélu maire de Rennes et de le rester jusqu’en 2008 ! Vous me rétorquerez qu’on ne va pas accabler un vieux monsieur de 81 ans qui aspire à une vie paisible maintenant qu’il a tourné le dos aux ors de la république ? Étant donné que certains délinquants mineurs continuent à payer jusqu’à la fin de leurs jours, je trouve que c’est quand même faire peu de cas de la vie des hémophiles auxquels on a transfusé du sang infecté par le VIH et qu’on donc a littéralement sacrifiés sur l’autel de la rentabilité à cette époque où le virus du Sida était encore mal connu et, par voie de conséquence, très mal soigné… « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » écrivait en son temps ce bon vieux La Fontaine : les jugements de presse aussi, visiblement…
Lu aussi dans Le Télégramme : Marine Le Pen risque dix ans d'inéligibilité pour détournement de fonds européens, n'en déplaise à ses électeurs qui s'imaginent que sa boutique de haine serait le seul parti politique français à ne pas être gangréné par la corruption...
Mardi 1er octobre
23h50 : Avant de me coucher, je risque un œil sur le site du Courrier International et je découvre les dernières déclarations de Trump sur les violences policières… Le pire, c’est que si ça se trouve, il pense vraiment cette énormité ! C’est tellement con que ça ne mérite pas une ligne de commentaire ! Mais les médias progressistes américains sont tombés naïvement dans le panneau et se sont rués sur ces propos insensés, telles les mouches sur le papier collant. Résultat, Donald le connard a obtenu exactement ce qu’il voulait : monopoliser l’attention et éclipser médiatiquement son adversaire. Si les journalistes traitaient les déclarations extravagantes de ce genre avec le mépris qu’elles mériteraient, beaucoup de démagogues givrés pourraient mettre leur carrière au cimetière… Vous me direz qu’après un coup pareil, les Américains ne pourront plus faire semblant d’ignorer que ce type est irrécupérablement cinglé ? Il est déjà invraisemblable qu’ils ne s’en soient pas déjà rendu compte il y a huit ans, alors on peut s’attendre à tout…
Mercredi 2 octobre
10h : Depuis hier, le détecteur de fumée vissé au plafond du palier de mon appartement n’arrête pas de sonner. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’une sirène stridente qui n’en finirait pas de retentir, il s’ajuste d’un petit « bip » suraigu qui se fait entendre à raison d’à peu près une fois par minute. Légèrement inquiet (on le serait à moins, non ?), j’appelle mon bailleur qui éclaircit le mystère : l’appareil sonne pour signaler qu’il est obsolète et qu’il faut le changer… Et le changement est à ma charge. Oui, vous avez bien lu : cet appareil qui était déjà en place quand j’avais emménagé, dont je n’ai jamais sollicité l’installation, qui ne m’a jamais servi à rien en cinq ans, c’est MOI qui dois le changer ! Le bailleur croit me rassurer ne précisant qu’on trouve ce genre d’appareil dans tous les magasins de bricolage : cette information ne m’apporte qu’un maigre réconfort car j’ai horreur de fréquenter ce genre de commerce et, de toute façon, je ne suis même pas foutu de planter un clou sans assistance ! En attendant, ce détecteur me casse les oreilles : j’ai beau l’avoir dévissé du plafond, il continue à sonner ! Et je n’ai aucun moyen de l’arrêter car je n’ai même pas de mode d’emploi : le seul papier relatif à cet objet de malheur dont je dispose est un document attestant qu’il a été installé que j’aurais dû remettre à mon assureur… Mais que ce dernier ne m’a jamais réclamé ! Cet appareil n’aura servi qu’à m’agacer et à me soutier du fric ! Enquiquiner les gens et leur piquer des sous : voilà la société résumée en deux propositions infinitives !
Dessin inspiré par la mort d'Hassan Nasrallah, grand enquiquineur devant l'éternel s'il en est :
17h30 : Il y a deux sortes de boutiques de reprographie : celles où il faut faire tout le boulot soi-même sur des engins qui ne reconnaissent même pas mon disque dur externe, et celles où le personnel met la main à la pâte et numérise mes planches sans le moindre problème. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer pourquoi j’attends de m’être cassé les dents sur les premières pour me décider à aller voir les secondes ?
21h : Bien que déjà fatigué, je me rends au Café de la Plage pour la scène ouverte du premier mercredi du mois. Bien m’en prend : j’ai un client qui accepte de se faire caricaturer par mes soins, et il paie au prix fort. Je m’attarde juste un peu déclamer quelques slams : celui qui a mon nom de scène pour titre me vaut des applaudissements nourris, je dois dire que je ne suis pas mécontent de ce texte où je voulais rendre hommage à la figure du savant fou. J’ai cependant un peu de mal à ne pas bafouiller car je n’ai plus fait de scène depuis un moment… Heureusement, Morgane Meillour, qui est aussi de la fête, ne passe qu’après moi : si j’étais passé après cette jeune femme à la voix de sirène, j’aurais été vraiment ridicule…
Pour découvrir le slam en question :
Pour découvrir la voix de sirène de Morgane :
Jeudi 3 octobre
19h : Ce soir, le Kafkerin accueille une réunion publique sur sept sites patrimoniaux de Brest en voie de réhabilitation, dont la vieille gare de Saint-Pierre et le corps de garde : je m’y rends, espérant obtenir sur au moins un de ces lieux une ou deux anecdotes susceptibles d’alimenter une chronique. Hélas, les responsables sont toujours aussi incapables de s’adresser au grand public sans se sentir obligés de faire dans le « ludique » et le « convivial » : résultat, on perd une heure avec « un tour de table », où certains mettent dix minutes à se présenter, et des exercices aussi infantiles qu’inutiles… Je n’en veux pas à Leonor, qui anime cette réunion, de faire son travail, mais il n’empêche que je m’attendais à une ambiance un peu plus studieuse. J’en suis d’autant plus désolé que les rires et les bavardages m’épuisent : il faudra qu’on m’explique un jour pourquoi les neurotypiques sont à ce point incapables de faire quoi que ce soit en silence… Je ne repartirai cependant pas bredouille car une dame a eu le temps de rapporter une anecdote sue la Maison du Corsaire que je ne connaissais pas et elle m’a donné le feu vert pour lui consacrer un papier : on ne pourra pas dire que je ne me mets pas en quatre pour mes lecteurs !
Il y a deux ans, Lise Levitzky, artiste peintre et première muse de Serge Gainsbourg (c'était à elle qu'était dédiée la chanson "Elisa") nous quittait :
21h15 : Je me surprends à remonter la pente assez raide qui mène de Kerinou au bourg de Lambé avec une relative facilité : le pessimiste dirait que le froid qui règne déjà quand la nuit est tombée m’oblige à marcher à grandes enjambées pour ne pas me geler ; l’optimiste ferait remarquer que depuis que je fais de la natation, je suis plus mince et plus musclé qu’avant, ce qui me facilite les efforts physiques ; le réaliste, quant à lui, conclut que j’ai tellement hâte de rentrer et de me coucher que je ne sens même plus la dureté de la montée !
En parlant d'ambiance nocturne...
Vendredi 4 octobre
10h : Je n’osais pas l’espérer aussi tôt : la CAF a déjà commencé à me verser mon Allocation Adulte Handicapé. Comme le premier versement est rétroactif et prend pour point de départ la date où ma demande a été officiellement enregistrée, ça me fait six mois d’allocation d’un seul coup, soir plus de quatre mille euros ! Il se trouve que je sors justement d’une vraie période de vaches maigres où j’ai été obligé de compter chaque centime, cette rentrée d’argent est donc déjà bienvenue en tant que telle. Mais c’est surtout sur le plan moral que c’est gratifiant : premièrement parce que c’est l’aboutissement heureux d’une longue série de pénibles formalités[1], deuxièmement parce que j’aime mieux être reconnu comme un être différent qui ne trouve pas sa place sur un marché du travail[2] hyper-normatif qu'être considéré comme un parasite vivant aux crochets de la société[3], troisièmement parce que je prends cette allocation comme un dédommagement pour toutes les avanies que la société m'a fait (et me fait toujours) subir depuis mon CM1 – c'est en effet cette année-là, je pense, que mes ennuis ont vraiment commencé, notamment à cause d'une institutrice aux conceptions pédagogiques d'un autre temps… Bien sûr, cette nouvelle manne financière ne doit pas me servir de prétexte pour me laisser aller : j’ai bien l’intention de continuer à créer, car j’ai la conviction que mon heure viendra. Je suis plus optimiste que je ne peux le laisser croire, finalement ! Du moins concernant ce qui dépend de moi…
Puisque je parle de mon autisme, petit hommage à Astrid et Raphaëlle :
14h : Quand te reverrai-je, pays merveilleux ? Maintenant, il me semble… Oh non, pas lui ! Pour Clavier, j’aurais débouché le Champagne, mais là, si je me saoule la gueule, ce sera plutôt de chagrin… Merde, 72 ans, ce n’est plus un âge pour mourir ! On n’avait déjà plus beaucoup de bons acteurs comiques en France, j’espère que les autres mettront moins de temps…
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !