Du 27 avril au 3 mai : Si, si, tout a changé, tout, tout a empiré !

Samedi 27 avril

 

13h30 : Bref passage chez un vieux copain qui, vacances scolaires obligent, garde ses petits-enfants. Mon ami et son épouse râlent pour le principe, bien entendu, mais, comme tous les grands-parents, il y a gros à parier qu'ils adorent ça… En me penchant vers l’un des garçonnets pour lui faire la bise, je remarque qu’il a un bras dans le plâtre : il dit s’être fait ça à l’école où un camarade lui a fait un croche-patte ! Je lui demande si, au moins, le coupable a été puni : il me répond que non… Bon, et bien au moins c’est clair : depuis mon enfance, rien n’a changé ! Ou, plutôt, pour le dire comme dans une chanson des années du temps où ma mère était une jeune fille (je ne sais pas pourquoi j’en parle au passé, d’ailleurs) : « Si, si, tout a changé, tout, tout a empiré ! »

 

19h30 : Sortant d’une réunion avec d’autres artistes, je suis interpellé par un gazier attablé à la terrasse d’un café de la place Guérin et que je ne connais ni d’Êve ni d’Adam. Il affirme connaître mes dessins et les apprécier : j’avoue que je ne sais jamais quoi répondre à ça ! Il paraît qu’il faut dire « merci ». Pourquoi ? Si ce que je fais est de qualité, ce n’est pas grâce à lui ! Je préfère dire « tant mieux », c’est plus logique… Ce genre d’histoire me rappelle le dialogue entre Guillaume Bats et Laura Laune : il lui dit « Je t’aime », elle lui répond « merci », il lui fait comprendre que la réponse appropriée est « moi aussi » ? Ça m’a fait rire, de penser que Laura, cette grande et belle fille blonde « avec tout ce qu’il faut là où il faut », était finalement moins à l’aise en société que Guillaume, ce petit bonhomme tout rabougri et tout tordu, véritable Michel Petrucciani du rire ! Oui, je ris de Laura Laune, mais comme elle fait partie, comme moi, des « gens du spectre »[1], on peut parler d’auto-dérision indirecte… Quant à Guillaume Bats, il est vrai regrettable qu’il nous ait quitté si tôt, je l’aurais bien vu jouer Toulouse-Lautrec ! Quoi ? Mais non, Laura n’aurait pas dansé le French Cancan ! Mais je la verrais bien dans le rôle de la séduisante Misia Sert…

 

Dimanche 28 avril

 

16h : « La volonté, ça doit être la seule chose au monde qu’il faut piquer lorsqu’elle se dégonfle »[2], disait Felipe, le copain velléitaire et timide de Mafalda – et donc le reflet inversé de la petite fille volontaire et grande gueule. Quoi qu’il en soit, je reçois la visite d’une très bonne piqueuse, une amie dont la force de caractère regonfle ma volonté d’aller de l’avant. En discutant de choses et d’autres avec elle, j’apprends que dorénavant, il est interdit de jeter du riz sur les mariés quand ils sortent de l’hôtel de ville ! Pourquoi ? Pas pour garder des stocks pour le Tiers-monde, non, le temps de l’humanitaire est derrière nous, la tendance actuelle est plutôt au « Chacun pour sa gueule ». Comme le faisait finement remarquer Bruno Léandri quand la solidarité internationale était encore à la mode, l’inconvénient majeur des modes, c’est qu’elle se démodent… Bon, alors pourquoi n’a-t-on plus le droit, quand deux êtres qui s’aiment (du moins peut-on l’espérer) ont décidé d’unir leurs destinées jusqu’au jour où ils n’en pourront plus de débattre du programme télé du soir, de saisir l’occasion pour entretenir l’emploi chez « Taureau ailé » ? Premièrement parce que le riz à la fâcheuse manie de gonfler au contact de l’eau (et chez nous, en Bretagne, il arrive qu’il pleuve de temps en temps) et de transformer le sol en patinoire où les vieillards et les infirmes (pardon, je voulais bien sûr dire « les seniors » et les « personnes à mobilité réduite », que les croulants et les éclopés m’excusent) peuvent improviser des figures libres qui risquent de les mener à l’hôpital voire au cimetière ! Deuxièmement (et c’est là que ça devient vraiment poilant) parce que le riz attire les oiseaux et, comme on n’a toujours pas réussi à apprendre le caniveau à la gent ailée (c’est à se demander à quoi Bougrain-Dubourg consacre sa retraite !), nos petits frères à plumes confondent la devanture de nos beaux édifices municipaux avec des vespasiennes et les décorent d’une matière que certains de nos élus pourraient prendre pour leur reflet, mais là n’est pas la question. Bref : dorénavant, pour célébrer un couple de futurs divor… Pardon, de jeunes mariés, il faudra employer des graines de lavande ou des confettis (biodégradables de préférence, S.V.P.), tout ça à cause des excréments aviaires. Je me demande bien ce que madame Amélie Nothomb (comment ça, « encore une Belge ?), qui est passionnée par les oiseaux mais que le mariage ne fait pas rêver, peut penser de ça ? 

 

Lundi 29 avril

 

7h : La sonnerie de l’interphone me réveille en sursaut. Encore un cas social qui voudrait que je lui ouvre pour lui permettre de rendre visite à quelqu’un qui ne veut pas le voir ! Il peut se brosser ! Mais bon, je suis tout de même réveillé, me voilà donc bien avancé…

 

9h : Après l’accomplissement de quelques tâches indispensables et avant de me replonger dans la relecture d’un mien tapuscrit, je sors faire mon tour au bois de la Brasserie. À peine ai-je refermé la porte de mon appartement que je vois défiler tout un cortège dans la cage d’escalier ! Je demande à l’un des membre cette armada si ce sont eux qui ont sonné ce matin : j’ai ainsi droit à une réponse affirmative et à des excuses excuses car ce n’était pas moi qu’ils venaient voir. Ce n’étaient donc pas des cas sociaux ? Et non, ce n’étaient pas des cas sociaux… C’étaient les gendarmes ! Et ils faisaient justement remonter un type qui avait tout l’air d’avoir les mains menottées dans le dos ! Finalement, j’aurais préféré les cas sociaux…

 

Mardi 30 avril

 

9h30 : Encore secoué par la rencontre d’hier, qui m’a fait faire quelques cauchemars, je refais un tour au bois. Le temps est mi-fugue mi-raison, je ne serais pas étonné qu’il pleuve. En attendant, je profite de l’accalmie et j’ai la chance d’apercevoir un écureuil ! Ça m’arrive rarement : si j’en vois un seul au cours d’une année, c’est le bout du monde ! Je ne saurais dire ce qui amène ce charmant animal à abandonner sa discrétion habituelle et à se laisser voir des humains : est-ce la pluie menaçante qui l’excite ? En tout cas, je ne boude pas ma chance d’avoir l’opportunité d’observer un spécimen vivant… Hé non, je n’ai pas d’appareil photo sur moi ! Dire qu’avant-hier, j’avais emmené au bois mon amie qui avait filmé toute la promenade avec son smartphone… Elle n’aura pas eu de chance !

 

16h : Pour achever de calmer mes trépidations, je rends visite à une ancienne prof qui habite dans mon quartier : pour moi qui n’ai plus mes grands-parents, c’est un peu comme rendre visite à une gentille mamie. Cette dame me parle d’un garçonnet de sa famille qui, semble-t-il, inquiète beaucoup ses parents. Pourquoi ? Parce que ce petit bonhomme commet la faute de goût impardonnable d’être très avancé pour son âge et de préférer les lectures bien tranquilles aux matches de foot dans la boue qu’affectionnent la plupart des garçons de son âge… Exactement comme moi à son âge ! Non, ça ne veut pas forcément dire qu’il est autiste : ça peut tout simplement vouloir dire qu’il a ses propres centres d’intérêt et qu’il ne les calque pas sur ceux de la majorité ! Mais bien sûr, c’est déjà un handicap en soi…

 

Mercredi 1er mai

 

15h : C’est le 1er mai, alors je manifeste. Où ?  Au bois en face de chez moi. Avec qui ? Tout seul. Pour défendre quelle cause ? Le droit de faire ce que je veux quand je veux et de communier avec la nature. J’étais un selon les organisateurs (moi-même) et zéro selon la police qui ne s’est même pas déplacée – de toute façon, aucun débordement n’est à déplorer. Le gouvernement a refusé de me recevoir et n’a même pas évoqué la possibilité d’ouvrir des négociations, mais je n’en suis pas surpris. J’espère être plus nombreux l’année prochaine ! « Je suis une bande de jeunes à moi tout seul… » Bon, d’accord, j’arrête !

 

A propos...

 

Jeudi 2 mai

 

21h : Je me surprends à être assez satisfait de ma performance à La Raskette, mis à part quelques bafouillages sur « Sex symbol junior ». J’ai même droit aux félicitations d’Éléonore, la charmante animatrice de ces scènes ouvertes, qui trouve que j’arrive mieux à entrer en interaction avec le public. Je lui réponds : « Comme disent les cyclistes, je tâcherai de faire mieux la prochaine fois ! » J’apprécie les autres artistes dans l’ensemble : il parait que le gringalet qui a ouvert les hostilités avec un sketch est en train de se faire un nom. Pas impossible : son numéro de loser qui nous raconte ses complexes et ses galères professionnelles, c’est vrai que c’est vachement original ! Méprisant, moi ? Pas du tout : j’aurais du mal, c’est justement en le voyant que j’ai eu des idées pour nouer le contact avec le public ! Alors, hein… Je l’ai traité de gringalet, et alors ? On est entre humoristes, non ? Il a le droit de me traiter de patapouf, en retour, je jure que je ne le prendrai pas mal !

 

Quelques croquis réalisés à La Raskette :

 

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Vendredi 3 mai  

 

10h : Normalement, je devais aller en ville pour rencontrer une journaliste qui souhaite consacrer un article au larcin dont j’ai été victime à l’Auberge de jeunesse, mais elle préfère finalement se déplacer elle-même. Je n’ai rien contre, ça m’évite un déplacement en bus ! Mais du coup, qu’est-ce que je fais de mon temps de battement avant qu’elle n’arrive ? Et bien je fais une folie : je télécharge la version Abandonware du jeu auquel j’ai le plus joué sur l’ordinateur de mes parents, Le cauchemar de PPD ! Je jubile littéralement, je croyais que je n’aurais plus jamais l’occasion d’y rejouer ! C’est pourtant ce que je fais en ce moment ! J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé ! Je ne plaisante pas ! Évidemment, pour apprécier pleinement, il faut avoir gardé des souvenirs assez nets de l’époque où le jeu a été développé, à savoir le milieu des années 1990, marqué notamment par les premiers pas de la présidence Chirac et le scandale des animateurs-producteurs. Le coup de vieux est garanti : bon nombre de personnalités représentées dans le jeu par leurs doubles de latex sont décédés ou ont disparu des radars médiatiques ! Rien que parmi les adversaires potentiels de PPD, quatre sur six (De Greef, Elkabbach, Pasqua et Mougeotte) sont morts, les autres (Cavada et Balladur) ne font plus guère parler d’eux. Quant aux autres célébrités que l’on croise au cours du jeu… Bon, d’accord, Jacques Chirac et Bernard Tapie ne sont pas tout à fait oubliés. Mais qui se rappelle encore de François Baroin ?

            - C’était qui celui-là ?

            - François Baroin, jeune fille, est un homme politique français qui s’est fait connaître à 29 ans seulement en devenant porte-parole du gouvernement Juppé en 1995.

            - Ah, excuse, j’étais pas née. 

            - ‘Bécile ![3]

 

11h : Je reçois la journaliste de Ouest France. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle vienne à vélo, surtout avec la giboulée qui vient de prendre en traître le quartier qui ne s’y attendait pas après une matinée plutôt ensoleillée. Je lui dis tout : les circonstances dans lesquelles s’est montée l’exposition (en binôme avec Yaya L. et avec l’aide précieuse de notre amie commune Nathalie), comment le vol de mes dessins a pu se faire, pourquoi je n’en ai pas été averti avant le vernissage, comment j’ai réagi et déposé plainte (avec l’aide précieuse de mon amie Marie-Hélène), comment la police a pu interpeler le voleur et récupérer mes œuvres intactes, comment le malandrin s’est justifié… Nous concluons par l’inévitable photo : elle me fait poser avec mes quatre dessins recouvrés, comme un ultime pied de nez au truand à la petite semelle qui pourra se vanter de m’avoir bien pourri la vie et qui va devoir rendre des comptes à la justice ! Rendez-vous, en principe, lundi pour voir l’article publié dans le quotidien du grand Ouest. Quand on est artiste, il ne faut pas se priver d’une occasion de faire parler de soi : les bonnes causes peuvent parfois triompher pour de mauvaises raisons…  



[1] Périphrase empruntée à la série Astrid à Raphaëlle pour parler des personnes avec autisme.

[2] QUINO, Mafalda l’intégrale, Glénât, Grenoble, 1999, p. 69.

[3] Je signale à celles et ceux qui « n’étaient pas nés » et en tirent prétexte pour justifier leur ignorance qu’il s’agissait là d’une insulte méprisante adressée à presque tout le monde par le guignol de François Mitterrand.

- François qui ?

- Ta gueule, morveuse !  



03/05/2024
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