Du 26 novembre au 1er décembre : ça sent déjà Noël, n'est-ce pas ?
Dimanche 26 novembre
10h30 : Faute d’avoir pu faire mon marché à Lambézellec ou même à Kerinou, je me rabats sur celui de Saint-Louis qui se tient le dimanche. Je pensais qu’il était circonscrit autour des halles, je suis donc bien étonné de découvrir qu’il est beaucoup plus grand que je ne l’imaginais ! Je suis un peu perdu et j’ai du mal à trouver ce que je cherche. J’ai tout de même la bonne surprise d’y croiser une amie chinoise qui m’offre des fruits et d’y trouver des vendeuses nettement plus jeunes et jolies que celles que j’ai l’habitude de voir à Lambé, surtout une boulangère que je n'hésiterais pas à qualifier de vrai bouquet d’amour : je ne peux résister à l’envie de lui souhaiter « une journée aussi radieuse que vous l’êtes, mademoiselle » ! Elle rougit, manifestement peu habituée à ce genre de compliment…
11h30 : Je risque un tour au marché de Noël qui vient d’ouvrir sur la place de la Liberté. Cette foire annuelle de l’artisanat bidon me laisse de glace, mais j’aime quand même m’y arrêter pour consommer quelques lichouseries et boire un vin chaud histoire de me réchauffer. À part ça, quand je passe entre les chalets, j’ai le sentiment qu’il y a encore moins de choix que l’an passé ! Mais si les commerçants y viennent, il faut croire qu’ils y trouvent leur compte, donc que les gens leur achètent des trucs… C’est à désespérer !
Lundi 27 novembre
9h15 : Je m’apprête à prendre le car pour me rendre au Faou où m’attend la journaliste Radio Évasion. J’ai ainsi l’heureuse surprise de retrouver une amie qui prend le même véhicule pour aller à Quimper ! Pour une fois, je ne vais pas m’ennuyer en voyage ! Nous taillons une bavette et nous en arrivons à évoquer son fils artiste qui est aujourd’hui décorateur à la Comédie Française et qui peut ainsi offrir à sa mère des places pour des spectacles réservés à un petit nombre de privilégiés… Ça y est, je sais ce que je répondrai la prochaine fois que je ferai face à des parents qui s’inquiètent de voir leur enfant manifester une vocation artistique ! Ils devront pourtant s’y résoudre : on verra de moins en moins de jeunes dire qu’ils veulent perdre sept heures par jours à pourrir la planète comme l’ont fait leurs géniteurs…
10h15 : L’interview ne commence qu’à midi, j’en profite pour rendre visite à l’un de mes anciens professeurs qui passe ses vieux jours au Faou, dans un coquet pavillon au bord de la rivière. Vous avez vu Tintin et le mystère de la Toison d’or ? Ce n’était pas une adaptation très réussie des aventures du petit reporter, mais j’ai quand même été marqué par la scène où Tintin et Haddock vont interroger le père Alexandre (fort bien interprété par Charles Vanel) et s’avouent gênés de déranger ce vieux sage : c’est à peu près ce que je ressens chaque fois que je vais retrouver cet enseignant en retraite dans son coin de paradis… Toujours de bon accueil, mon hôte m’avoue l’agacement que lui inspire l’omniprésence des objets connectés ; il me parle ainsi de ses collègues qui lui ont dit faire face à un grave problème : il leur est devenu impossible de donner aux élèves des dissertations à faire à la maison puisque les logiciels d’intelligence artificielle leur permettent d’en produire sans efforts ! Je ne savais pas que c’était à ce point-là et ça me glace : on a tort de prendre l’habitude de laisser les machines raisonner à notre place… Ne serait-ce que parce que ce n’est pas infaillible ! Vous avez lu Le candidat de Malo Louarn, qui raconte le parcours d’un candidat aux élections désigné par un ordinateur censément infaillible ? Non ? Et bien ruez-vous dessus et vous me direz si, après, vous avez encore envie de tout déléguer à une intelligence artificielle…
12h45 : Tout en consommant mon casse-croûte, j’attends le car pour rentrer à Brest après une interview, somme toute, plutôt réussie – j’ai appris à cette occasion que Radio Évasion s’appelait désormais Transistoc’h. En tout cas, la journaliste est satisfaite et m’a même fait état de premiers retours très positifs. Je ne serai jamais complètement à l’aise avec cet exercice, mais ça fait partie de la règle du jeu : je n’avais d’ailleurs rien préparé, exceptée la définition du syndrome d’Asperger que j’avais empruntée à Laura Laune, d’une part parce qu’elle avait le mérite d’être claire et pertinente et, d’autre part, parce que c’est une chanteuse comique doublée d’un joli brin de femme et qu’il me parait important de rappeler qu’un autiste Asperger, ce n’est pas forcément un geek boutonneux et binoclard aux cheveux gras…
Pour(ré)écouter cette interview, suivez ce lien.
Mardi 28 novembre
10h : Rendez-vous chez ma psychologue. Celle-ci juge que je suis sur une dynamique positive et me parle de la récente loi anti-harcèlement. Je ne peux pas m’empêcher de ricaner ! C’est bien gentil, mais on oublie une chose importante : les hommes font les lois mais les lois ne font pas les hommes, a fortiori dans les enceintes scolaires que l’on a trop tendance à sanctuariser. La loi interdit aussi, en théorie, les punitions collectives et ça n’empêche pas les profs de brandir régulièrement cette menace – au grand désespoir des élèves qui trouvent injuste de payer pour les conneries des autres, comme ce fut mon cas jadis. De toute façon, on aura beau faire des lois, rien ne changera tant qu’on s’obstinera à inculquer l’esprit de compétition aux gosses dès leur plus jeune âge et à vivre dans une société basée sur l’écrasement des faibles par les forts et sur l’exclusion des individus « différents » : au fond, les gosses qui harcèlent leurs camarades ne font que se préparer à la vie d’adulte telle qu’on la leur présente ! Cessons de tenir un double langage aux enfants : le harcèlement scolaire persistera tant qu’on n’entreprendra pas sérieusement la construction d’une société plus juste et moins agressive, plus équitable et moins compétitrice, plus inclusive et moins excluante… Bref, tant qu’on ne prendra pas sincèrement le chemin d’un monde moins con !
Mercredi 29 novembre
10h30 : Je retrouve Pascale Planche dans l’amphithéâtre où elle donne cours : elle m’a demandé de revenir sur mon parcours de personne avec autisme devant ses étudiants. Elle m’a aussi encouragé à apporter mes livres, ses questions étant largement basées sur sa lecture de Voyage en Normalaisie. Les étudiants sont très intéressés et font montre d’une grande curiosité. Pour ne rien gâcher, mes bouquins s’arrachent comme des petits pains, j’arrive même à placer un recueil de dessins ! Seul bémol à cette parenthèse très réussie : nous avons du mal à trouver de la monnaie pour régler les transactions ; comme le fait remarquer madame Planche, plus personne n’a de monnaie sur soi de nos jours ! À part moi qui n’en suis pas à une bizarrerie près, il est vrai…
18h : Au cours du soir, nouvel exercice à l’aquarelle, mais cette fois avec un modèle vivant, en l’occurrence la sublime Eva que j’avais connue en tant que chanteuse dans le cadre du spectacle Gainsbourg forever. Je commence à me lasser de l’aquarelle qui n’est décidément pas ce que j’espérais faire en m’inscrivant à un cours de dessin, mais bon, au moins, je préfère Eva aux godasses puantes sur lesquelles je me suis esquinté la santé la semaine dernière ! D’ailleurs, je me permets de dire à la belle : « Tu es plus agréable à peindre qu’une paire de chaussures » ! Je sais parler aux femmes, pas vrai ?
22h15 : Après avoir dîné au Biorek brestois où j’ai fait la connaissance d’une photographe qui m’a acheté un recueil de dessins pour son frère fan de Reiser et de Wolinski, je me suis tout naturellement dirigé vers la station de bus pour rentrer chez moi. Hélas, un quart d’heure après l’heure de passage annoncée, le véhicule n’est toujours pas là… Ayant vaguement eu vent de lignes de bus qui n’étaient plus desservies en soirée sans que les usagers soient avertis, je décide d’aller retrouver mon ami Jean-Yves pour l’appeler à la rescousse : son épouse accepte sans problème de me conduire à Lambé dans sa vieille voiture. Vous connaissez le cliché de la vieille Bretonne qui dégoise à tout va mais n’hésite pas une seconde quand on lui demande un service ? Ce n’est pas un cliché. Marie-Noëlle est foncièrement une brave femme, même si elle est un peu brute de décoffrage. En revanche, je ne félicite pas Bibus ! Cette fois, je ne laisserai pas passer ça ! Je ne demanderai pas de dédommagement, ce n’est pas mon style, mais ils vont m’entendre !
Jeudi 30 novembre
16h : Avant d’aller en ville où je dois exécuter quelques tâches avant d’aller assister à une avant-première à laquelle j’ai été invité, je m’arrête dans une boutique de vapotage où je dois retirer un colis. Comme la dame qui est devant moi vient pour le même motif, je suggère au vendeur qu’il pourrait en profiter pour aller chercher mon colis à moi aussi histoire de ne fait qu’un voyage : il me répond que ce n’est pas possible, « la machine » ne permettant de ne faire passer qu’une seule personne à la fois ! Qui a dit que la technologie facilitait la vie ?
16h30 : Après une route particulièrement pénible (ça bouchonne à tout va !), je me rends à la boutique Bibus et explique à la dame qui m’accueille ce qui m’est arrivé hier soir, non sans demander, avec politesse mais fermement, des explications : bien entendu, elle est incapable de me renseigner et me redirige vers le site de sa boîte pour que j’écrive un message. Quand elle précise que ça ne marche pas avec « l’appli », je suis à deux doigts de sortir de mes gonds en précisant que ça m’est égal vu que je ne possède pas de smartphone… Je n’ai pas été incorrect avec cette dame, mais j’ai été à deux doigts de craquer : déjà que se déplacer en ville est devenu une galère insupportable avec tous ces travaux, toutes ces déviations, et ces horaires et ces tracés qui changent tout le temps… Si, par-dessus le marché, les conducteurs, dont on vante tant l’utilité dans des affiches, ne font même pas leur boulot, ça va devenir l’enfer !
17h : Arrêt à la banque pour encaisser un chèque. Avant de me diriger vers le guichet, je pose mon attaché-case sur la première étagère venue afin de pouvoir en sortir le chèque et le bordereau qui va avec. Et vous savez quoi ? Le client qui était entré après moi ne profite pour me passer devant… C’est à des petites incivilités comme ça que l’on évalue l’état d’une société.
17h50 : J’entre aux Studios, accompagné d’une femme charmante que j’avais conviée à se joindre à moi – l’invitation était pour deux personnes. Il y a déjà beaucoup de monde dans le hall, ce qui m’étonne presque. Je ne devrais pas : il s’agit tout de même d’un film sur Didier Squiban ! Sauf que voilà : sans pouvoir dire que j’ignorais jusqu’à l’existence de ce compositeur, je ne le connaissais finalement que de nom jusqu’à présent et j’entre dans le cinéma sans même avoir une vague idée de ce à quoi peut ressembler sa musique ! Tout ce que je peux en dire, c’est que sa notoriété est plus importante que je ne le pensais ! Tant mieux pour mon ami Hervé Beau qui a réalisé le film ; tant pis pour moi et ma compagne qui ne sommes guère à notre aise dans cette foule…
19h30 : La projection a pris fin, applaudie à tout rompre par l’assistance. Un succès mérité car Hervé y a montré toute l’étendue de son professionnalisme sur un sujet assez casse-gueule, à savoir la création d’une symphonie. La chance d’Hervé est qu’il n’est pas lui-même professionnel de la musique, ce qui permet à son film de rester accessible même pour ceux qui sont aussi béotiens que lui (et surtout moi !) dans ce domaine. Le temps de poser à Hervé quelques questions en vue de mon article (et puis je n’allais pas fausser compagnie comme un voleur à un copain que je n’avais pas revu depuis longtemps), mon amie et moi-même sortons : gentleman, je lui propose de boire un dernier verre dans un bar, ce qu’elle accepte avec joie. Je pourrais être fier comme un pou d’être vu en compagnie d’une jolie femme : mais franchement, ce qui domine en moi, c’est un certain vague à l’âme dû non seulement à l’inconfort que je ressens à chaque fois que je sors de nuit par temps froid, le tout étant aggravé par le film que j’ai vu où il a tout de même été question d’un artiste que la maladie a rendu incapable d’exécuter lui-même les œuvres qu’il compose et qui (suprême tristesse) a vu mourir son fils… Ce n’est pas hyper, d’être sensible !
Vendredi 1er décembre
11h30 : Ayant un peu d’avance avant de déjeuner avec un ami, je décide d’aller boire un vin chaud au Marché de Noël pour me réchauffer un peu. Seulement voilà, savez-vous qui est à l’accueil ? Non, pas un bon vieillard habillé de rouge qui ouvre sa hotte pour vous faire plaisir mais un jeune gland vêtu de noir qui vous fait ouvrir vos sacs pour vous faire ch*** ! En clair : tu voulais voir le père Noël, tu n’auras droit qu’à ce père fouettard des temps modernes qu’on appelle vigile… Quand il me demande d’ouvrir mes sacs, je lui dis qu’il peut le faire lui-même et que ça ne me dérange pas : il me répond qu’il n’en n’a pas le droit et que c’est à moi de le faire… Il m’impose même de sortir mon PC de mon sac à dos ! Avec le mal que j’ai eu à l’y glisser ! N'y tenant plus, je lui dis que ce qu’il fait est totalement inutile, que si j’avais porté quelque chose de vraiment dangereux, il n’aurait rien pu y faire, que son travail ne sert qu’à fliquer les gens et que j’aurais honte de gagner ma vie comme il le fait ! Il ne répond même pas : il sait que j’ai raison…
13h30 : Je relève mes mails et je constate que le mystère de l’arrêt non desservi est enfin élucidé : d’après la réponse que j’ai reçue au mail que j’avais finalement envoyé, « il s’avère que le bus de cette ligne n’est effectivement pas passé, en raison d'un incident mécanique au départ de la ligne ». En clair, le véhicule était tombé en panne… Je sais bien que le risque zéro n’existe pas, mais au vu de l’état actuel du réseau, prendre davantage de précautions pour vérifier le bon fonctionnement des bus ne serait peut-être pas complètement superflu, non ?
20h30 : Je rentre de la piscine. Dans le bus, un type au bord de la clochardisation fait jouer de la musique à fond la caisse sur son smartphone ! Jugeant cette conduite intolérable, je ne me prive pas de le lui signaler : je vois assez rapidement qu’il va me casser la gueule si j’insiste… Les contrôleurs ne sont jamais là quand on a besoin d’eux ! Pour se mettre à dix pour intimider une vieille dame sans défense, il y a du monde, mais pour les kassos agressifs, il n’y a plus personne !
Bon, je vous laisse, j'ai une BD à faire... Et même plusieurs.