Du 23 au 29 décembre : Bonne année !
Sauf mention contraire, les dessins illustrant cet article avaient été réalisés pour un livre qui ne verra pas le jour.
Vendredi 23 décembre
15h : Me voici chez mes parents pour passer la Noël et, accessoirement, prendre un peu de repos. Je jette tout de même un œil sur la page FB de Côté Brest, ce qui me permet d’apprendre qu’un vieux facho a tué des Kurdes en plein Paris… Voilà où mène la banalisation des discours de haine : à force de laisser tous ces pseudo-intellectuels déverser semi-impunément leur rejet des immigrés dans les médias, il ne faut pas s’étonner de voir le premier timbré venu se sentir autorisés à terminer le boulot à coups de fusil ! On a vu mieux, pour ouvrir la période des fêtes…
Samedi 24 décembre
16h : Avant de réveillonner, je lis d’une traite La place d’Annie Ernaux qui m’avait été prêté par une amie : j’avoue que je ne me serais jamais intéressé à cette écrivaine si elle n’avait pas obtenu le prix Nobel de littérature ! Je n’en avais même jamais entendu parler avant ! C’est peut-être d’ailleurs la seule utilité réelle, des prix, médailles, trophées et autres récompenses décernées aux artistes : éveiller l’intérêt des béotiens de mon espèce… Plus sérieusement, ce petit livre se lit assez vite, du fait de la sobriété de son écriture : l’autrice a pris soin d’évacuer tout pathos de l’évocation de son milieu natal, auquel elle reste fidèle tout en reconnaissant qu’il lui fallait en sortir, une position complexe qui ne s’accommodait ni d’une exaltation épique ni d’une satire appuyée ; seul un récit sans fioritures convenait à ce qu’il faut bien qualifier de reportage sur cette classe sociale tenue à l’écart de la culture…
Dimanche 25 décembre
11h : Tout en me remettant des excès de la veille, je lis deux des BD que j’ai reçues pour mon Noël, toutes deux axées sur le personnage de Spirou : le petit vu par le seul Janry, son complice Tome n’étant plus disponible, et le grand vu par Jul (avec Libon au dessin) qui avait déjà donné un coup de jeune à Lucky Luke et à Iznogoud ; Janry imagine à Spirou une demi-sœur née d’amours adultères, Jul l’envoie carrément dans un hôpital psychiatrique, égratignant au passage les monomaniaques de la bande dessinée… Dont je fais partie ! Je ne le prends pas mal, au contraire : il faut savoir rire de soi et je revendique de plus en plus ma passion pour la BD, au risque de désespérer celles et ceux qui espéraient que ça me passerait avec l’âge : le reste me fait de plus en plus chier – à quelques exceptions près bien sûr ! En tout cas, ces deux albums prouvent, chacun à leur façon, qu’on n’a pas besoin de tuer Spirou pour s’amuser avec lui… Quoi ? Mais non, je n’ai pas dit de noms !
Lundi 26 décembre
15h : Je termine déjà la lecture d’un autre cadeau qui me tenait à cœur : la réédition de Et Franquin créa la gaffe, le recueil des entretiens entre Numa Sadoul et le grand auteur, paru pour la première fois en 1985 – la date figure sur la couverture et je ne serais pas étonné qu’Isabelle, la fille du dessinateur, y ait tenu : je me souviens d’une interview où elle déplorait que Sadoul ait donné de son père l’image d’un éternel dépressif, il serait donc normal qu’elle ait voulu rappeler que ces propos avaient été échangés à un moment bien particulier où Franquin sortait à peine d’une déprime carabinée et où le gros de son œuvre était déjà derrière lui… En tout cas, en lisant ce passionnant ouvrage, qui nous fait rentrer littéralement dans l’intimité du plus grand créateur de bandes dessinées de tout le temps, je constate que sa sévérité envers son propre travail n’était pas une légende mais que cette sévérité n’était pas sans nuances : il ne dénigrait pas systématiquement ses dessins et savait aussi être fier de ce qu’il avait réussi. Disons qu’il était exigeant et que c’est à ce prix qu’il a donné à la BD franco-belge ses lettres de noblesse – au risque parfois de se pourrir la santé, il est vrai.
21h : Soirée télé avec les parents : une fois n’est pas coutume, 6ter nous gâte avec deux films d’Astérix, à savoir Le secret de la potion magique et Astérix et les Vikings dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais jadis[1]. Il arrive parfois aux programmateurs télé d’être bien inspirés… Je passe une très bonne soirée, je retrouve les émotions que j’avais étant gosse quand je voyais les Gaulois d’Uderzo et Goscinny s’animer sur le petit écran : si on revient chez ses parents de temps en temps, c’est aussi un peu pour revivre le meilleur de son enfance, non ?
Mardi 27 décembre
21h : Autre soirée télé, cette fois devant RRRrrrr !!!, le film d’Alain Chabat et des Robin des Bois que la presse avait tant décrié à sa sortie… Bien sûr, c’est une grosse farce, il ne faut pas espérer en tirer matière à réfléchir, mais à tout prendre, je trouve que ça reste plus marrant que la plupart des comédies à la française qui envahissent périodiquement les salles obscures et meublent les prime-time de la téloche ! De toute façon, le cinéma me gave neuf fois sur dix, qu’on ne compte pas sur moi pour y voir autre chose qu’un divertissement…
Mercredi 28 décembre
16h : Je lis les deux tomes de l’adaptation en BD par Kris et Bailly de Un sac de billes de Joseph Joffo : en fait, j’avais déjà lu le troisième volume, celui où le jeune Joseph devenait un homme, découvrait l’amour, etc. Il me manquait encore le principal, celui où l’enfant qu’il avait été fuyait l’antisémitisme de la France de Vichy : ce qui me frappe, c’est que ce n’est pas sombre d’un bout à l’autre, le jeune garçon et sa famille arrivent presque à oublier, parfois pendant des mois entiers, l’horreur de ce qui se passe. Malgré le sujet particulièrement dur, on ne déprime pas en lisant cette série : on se dit que l’instinct de survie est plus fort que la haine… Ce qui est incroyable, ce n’est pas que le père ait été pris dans la toile d’araignée nazie : c’est que le reste de la famille y ait échappé…
21h : Nouvelle soirée télé devant Meurtres au paradis : l’intrigue en tant que telle intéresse peu mes parents qui sont surtout contents de revoir les paysages de Guadeloupe où ils ont passé des vacances inoubliables. Pour ma part, j’ai de la sympathie pour le personnage de Neville Parker, cet inspecteur anglais distrait, pas très adroit, peu à son aise dans ce décor paradisiaque, mais qui n’en est pas moins un brillant enquêteur : je m’identifie toujours à ces personnages que tout le monde trouve ridicules mais qui se révèlent géniaux dans leur partie et qui illustrent à leur façon la fameuse phrase que l’on attribue à Einstein : « Tout le monde est un génie, mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. » Je ne suis pas sûr qu’elle soit bien d’Einstein, mais peu importe qui l’a prononcée, je la trouve très juste, moi qui suis fait pour écrire et dessiner et qui ai toujours été jugé sur ma capacité à parler aux femmes ou à courir le 100 mètres…
Terminons avec une planche consacrée aux grands disparus de l'année 2022 :
Voilà, c'est tout pour cette année, à la prochaine !