Du 22 au 27 octobre : me pardonnerait-on tous mes écarts si j'étais chanteur ?

 

Tout d'abord, pour en finir avec l'hommage à Jean Teulé :

 

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Samedi 22 octobre

 

15h : J’arrive au Patronage laïque du Pilier rouge où doit avoir lieu un concours de chant auquel je m’étais inscrit dans un moment d’égarement – j’ai quand même maintenu ma candidature par curiosité. Fidèle à ma mauvaise habitude, je suis arrivé largement avant l’heure à laquelle j’étais censé me présenter : en attendant l’heure à laquelle les candidats seront pris en charge, je prends une chaise pour poursuivre la lecture de l’Histoire de Brest éditée sous la direction de Marie-Thérèse Cloître, mais il règne une telle effervescence que j’ai bien du mal à me concentrer. Faute de mieux, je jette un œil sur le journal qui traîne à l’accueil : le peu que j’y lis suffit à me déprimer ! L’Italie se dote d’une première ministre fasciste, histoire de célébrer le centenaire de Mussolini, l’extrême-droite triomphe même en Israël, sapant jusqu’à la raison d’être de cet État créé pour répliquer aux horreurs que provoque la haine, et les festivals d’été bretons, déjà fragilisés par la crise sanitaire, sont menacés par les Jeux Olympiques de 2024 qui vont monopoliser toute l’attention des forces de sécurité… Toujours cette fameuse « prime au muscle » qui agaçait tant Cabu au lycée et dont l’institutionnalisation est toujours mauvais signe : quand les idées d’extrême-droite se banalisent et que la culture est méprisée au profit du sport, ça veut dire que les libertés n’en ont plus pour longtemps…

 

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16h : Les autres candidats commencent à arriver : je peux me manifester « officiellement » auprès de la personne chargée de s’occuper de nous. Celle-ci nous indique la loge dans laquelle nous devrons nous trouver avant d’entrer sur scène : dans ce petit havre de paix, je pourrai terminer ma lecture.

 

16h30 : J’entends résonner la bande-son que j’avais envoyée, sur laquelle je suis censé chanter « La ballade nord-irlandaise » de Renaud. Je décide de me présenter sur scène pour faire les balances. Il faut être juste : je ne connais rien au son, alors je me borne à chanter et je me repose entièrement sur le savoir-faire des techniciens sans donner la moindre directive. Quand ils arrêtent la musique en disant que c’est bon pour eux, je n’insiste pas ; lorsqu’ils me demandent si je m’entendais sur scène, je ne comprends même pas la question et je réponds naïvement : « Au début, non, mais à la fin, oui ». Je peux donc dire : oui, si la soirée est une réussite, ce sera vraiment grâce aux techniciens ! Pas grâce à moi en tout cas…

 

16h40 : Ayant fini mon chapitre, je décide de m’asseoir à l’une des places réservées aux candidats histoire d’assister au réglage des balances : évidemment, la plupart des chanteurs ne s’attardent pas sur scène, excepté les auteurs-compositeurs-interprètes qui doivent donner des indications précises. Je fais des croquis, et je suis donc obligé de le faire en quatrième vitesse ! Dans un sens, c’est un bon exercice pour moi… Je ramènerai au moins ça car le peu que j’entends me fait comprendre que mes chances de supplanter les autres candidats sont maigres ! 

 

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17h40 : La plupart des candidats sont déjà passés pour les réglages, à l’exception de quelques retardataires, dont une femme tzigane qui passe sur scène alors que je discute avec une autre candidate. Vous connaissez le cliché de la Gitane à la beauté ensorceleuse, genre Carmen ou Esméralda ? C’est bel et bien un cliché : notre manouche est petite, grosse et mal fagotée, on l’imagine plus spontanément avachie devant la télé qu’en train de danser le flamenco ! En revanche, ce qui la rapproche de l’image d’Épinal, c’est qu’elle a vraiment une voix merveilleuse : « Je crois qu’on a trouvé la Susan Boyle brestoise », dis-je, sans connotation péjorative (je le jure), à mon interlocutrice, une charmante jeune femme dont la tenue de scène, avec vue panoramique sur ses bas, pourrait m’inspirer des commentaires concupiscents si je n’étais pas si respectueux de la gent féminine.

 

18h : La soirée commence avec la prestation d’un groupe qui reprend des chansons qu’on peut entendre sur Nostalgie, pour la plus grande joie des amateurs de variétoche qui sont déjà arrivés en masse. En attendant que débute le concours proprement dit, Marion, la dame chargée de veiller sur les candidats, nous regroupe tous dans une salle à l’écart de l’agitation et nous explique le déroulement de la soirée ainsi que les critères sur lesquels le jury nous notera. Sur le premier point : elle nous fera faire un « échauffement vocal », ce qui suffit déjà à me rebuter, le terme « échauffement » me rappelant mes cours de sport au collège… Sur le second point : il sera tenu compte non seulement de la qualité de la voix et de l’interprétation mais aussi de la présence sur scène et de la façon dont nous « vivons » la chanson… Je comptais rester statique sur scène, les deux mains agrippées sur le micro, comme peut parfois l’être Renaud lui-même, mais dans ces conditions, j’ai peut-être intérêt à faire quelque gestes, même si je n’espère pas sincèrement gagner…

 

19h : Le concours commence, animé par Aline Impieri, initiatrice du projet et gloire locale depuis qu’elle est devenue « maestro » du jeu « N’oubliez pas les paroles ». Après une prestation des jurés (dont Halim Corto), passent les candidats de moins de dix-huit ans : je ne voudrais pas être dans le jury car, rien que parmi ces jeunots, le niveau est très élevé ! Cette génération a décidément du talent, même la plus jeune candidate (dix ans !) a une voix absolument  époustouflante ! Par-dessus le marché, ils n’ont même pas commis de faute de goût en choisissant les titres qu’ils interprètent, à part peut-être la petite blonde qui reprend « Je suis malade » de Serge Lama… Il y a des mots durs à dire, mais je passe vraiment un bon moment !

 

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20h : C’est l’heure du premier entracte : les candidats « adultes » étaient censés rejoindre Marion pour l’échauffement vocal mais, au dernier moment, nous nous sommes mis d’accord pour prendre préalablement notre casse-croûte. C’est le premier (et le dernier) contretemps dans cette soirée réglée comme du papier à musique : ça suffit à m’agacer, le stress commençant à monter au fur et à mesure que l’heure de monter sur scène approche. De surcroît, la cafétéria du patronage est emplie d’une foule aussi grouillante que bavarde : j’ai donc bien du mal à garder patience quand une dame s’attarde au comptoir alors que j’attends mon tour pour retirer le sandwich que j’ai réservé. Une fois servi, je trouve une place pour m’asseoir : je suis cerné par la foule mais personne ne m’adresse la parole, j’ai l’impression de devenir de plus en plus transparent, telle Marguerite dans La différence invisible…Bref, une fois mon sandwich englouti, je me dépêche de rejoindre la salle où l’échauffement doit avoir lieu : au moins, là, on m’attend…

 

20h30 : L’échauffement vocal commence. Marion nous dit de nous « détendre », de « respirer »… Je garde mes commentaires pour moi, mais ces injonctions me rappellent trop de mauvais souvenirs pour que je les suive à la lettre ! Combien de fois on ne m’a pas dit de « respirer un bon coup » et de me « relaxer » quand mes harceleurs me poussaient à bout… Heureusement, je suis dans le dos de Marion et elle ne peut pas voir que mon « expiration » tient plutôt du soupir de lassitude ! Quand elle nous fait faire des vocalises, je ne suis pas dans les meilleures dispositions, mais qu’importe : même si je n’avais pas déjà hâte d’en finir avec cet exercice, je suis de toute façon incapable de donner à ma voix la hauteur de ton demandée ! Si je savais moduler ma voix, pourquoi aurais-je choisi de chanter du Renaud ?  

 

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21h : Après un petit tour de chant d'Halim Corto, e concours reprend avec le tour de chant des auteurs-compositeurs-interprètes, dont la jeune femme avec laquelle j’ai discuté et qui se produit sous le nom de scène de « Madame » : j’avoue que c’est elle que je préfère parmi les quatre candidats de cette catégorie, mais il est vrai que la sympathie que j’éprouve déjà pour elle n’est pas étrangère à ce choix. Je comprends mieux pourquoi les jurés ne discutent jamais en amont avec les candidats, même quand l’enjeu est ludique…

 

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21h30 : Vient le tour des interprètes adultes. Passant en quatrième position sur une douzaine de candidats, je me rends tout de suite dans la loge : j’en profite pour demander à Aline de m’appeler « Professeur Blequin » plutôt que « Benoît ». Autant assumer mon nom d’artiste ! D’autres candidates (les femmes sont majoritaires) sont déjà dans la loge, il est difficile de faire taire le trac : je n’en mène pas large moi-même, j’en suis à me demander ce que je fais ici…

 

21h40 : C’est mon tour. Aline me présente, sous mon nom « de scène » comme convenu, et précise que je suis caricaturiste : elle me demande même depuis combien de temps je dessine, je dois bien être le seul auquel elle prend la peine de poser une question ! Touché par cet honneur, je réponds, pince-sans-rire : « Depuis 35 ans, ce qui est d’autant plus méritoire que je n’ai que 34 ans ! » Cette blague archi-nulle (qui n’est pas de moi, je vous rassure) fait néanmoins sourire – l’ambiance bon enfant qui règne dans la salle y est poue beaucoup. Le bon point, c’est que ça crée une connivence avec le public dont je gagne la bienveillance… Je chante : je tiens le micro d’une main et fais quelques gestes de l’autre, comme en conférence. Ma prestation ne semble pas déplaire, je vois même une dame bouger la tête en rythme… Au quatrième couplet, je mets le genou à terre, imitant Renaud que j’ai vu agir ainsi pour certaines chansons : Pascal, qui prend des clichés de la soirée, est obligé de se poster droit devant moi pour me photographier dans cette position inattendue ! Une fois la chanson finie, je me dépêche d’aller prendre l’air : je crois quand même quelques personnes qui me disent que « c’était bien ». Après tout, c’est vrai que je n’ai pas fait fuir le public…

 

21h55 : Je retourne m’asseoir. J’ai raté la prestation de la Tzigane. Une dame bien en chair me fait verser des larmes en interprétant une chanson dont j’ai oublié le titre mais où l’auteur jure à sa mère qu’elle restera à ses côtés jusqu’à ses derniers jours : avec tous les morts qu’il y a eu dans ma famille ces dernières années, ce genre de texte ne peut que chatouiller une corde sensible chez moi… Globalement, le niveau est très bon et il n’y a toujours aucune faute de goût : personne n’a eu la maladresse de reprendre du Goldman ou du Aznavour qu’on entend partout jusqu’à la nausée…  

 

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22h30 : Tous les candidats sont passés. Je profite du deuxième entracte pour prendre une boisson chaude et montrer mes croquis aux autres candidats – le dessin est décidément ma meilleure arme pour entrer en contact avec autrui. Une dame âgée me complimente pour mon interprétation qu’elle a trouvée formidable : comme elle ne me connaît pas, elle n’a aucune raison de chercher à me faire plaisir. Je suis flatté mais un peu désarçonné par ces félicitations inattendues…  

 

23h10 : Après une demi-heure d’attente qui a sérieusement entamé la patience des plus jeunes, les résultats sont enfin annoncés. Je vous passe les détails : bien entendu, je n’ai pas gagné, je ne faisais de toute façon pas le poids. Je ne repars pas les mains vides, mais je me demande ce que je vais faire du bon de réduction sur une entrée « enfant » au zooparc de Trégomeur, moi qui n’ai pas de gosses, et de la remise de 50 euros sur les cours de chant dispensés par l’association, moi qui n’ai pas l’intention de poursuivre dans cette voie – d’autant que, même avec cette réduction, ça reste assez cher pour moi. Je ne vais pas vous donner le palmarès en détail, sachez seulement que le grand prix du jury et le prix du public ont été raflés tous les deux par la plus jeune candidate : rien à dire, c’était amplement mérité, cette demoiselle de dix ans seulement nous a tous soufflés, j’en ai moi-même eu des frissons ! Et une nouvelle gloire locale (ou plus si affinités), une !  

 

Les Auteurs-Compositeurs-Interprètes :

 

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La gagnante dans cette catégorie, une certaine Lily Jane (je n'aurais pas parié sur elle, mais bon) :

 

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Dimanche 23 octobre

 

00h30 : Je quitte le patronage : comme il n’y a déjà plus de bus, la dame dont la chanson m’a fait pleurer a accepté de me ramener. Elle me parle d’un événement similaire, qu’elle organise à Plouguin le 6 novembre à l’occasion du Téléthon, et elle m’explique qu’elle n’a pu acquérir aucun lot auprès des commerçants du coin, tous durement affectés par la crise... Elle va me faire pleurer une seconde fois !

 

11h : Tard couché, tard levé. Je ne peux cependant pas me permettre de traîner au lit toute la journée : j’ai trouvé un acquéreur pour la trentaine de numéros de Charlie Hebdo des années 1970 qui m’encombrait (je ne compte pas en faire collection) et j’ai prévu, avant de lui expédier tout le lot, de scanner les pages dont je souhaite garder une trace, notamment des textes un peu oubliés de Cavanna que j’aimerais lire en public à l’occasion du centenaire de l’auteur – c’est l’année prochaine ! Cette tâche est affreusement répétitive, mais j’éprouve tout de même une certaine satisfaction à l’exécuter : peu de gens osent l’avouer, mais au fond, tout le monde apprécie ce genre de travail qui nous dispense de l’effort de penser ! Sinon, comment expliquer, comme dirait Desproges, que « l’homme peut visser des boulons chez Renault jusqu’à soixante ans sans tirer sur sa laisse » ? Et puis quel plaisir de meubler son dimanche, cette journée épouvantablement déprimante… On devrait toujours garder les tâches les plus rebutantes pour les dimanches : ça ne peut pas être pire que le mortel ennui que nous fait vivre ce jour quand nous le passons inoccupé et ça libère le reste de la semaine pour faire des choses intéressantes.

 

16h30 : Déjà passablement agacé d’être déjà tombé en panne d’encre d’imprimante (il m’avait paru plus simple d’imprimer directement les textes de Cavanna au lieu de m’embêter à les stocker sur mon disque dur), je reçois un SMS d’Enedis qui me paraît révélateur de la bêtise de la bureaucratie, qu’elle soit publique ou privée : ils m’annoncent l’annulation de la coupure de courant qu’ils m’avaient annoncée et ils concluent par « Nous vous prions de nous excuser pour ce désagrément » ! Je rêve ! Ils annulent ce qui aurait été un désagrément majeur pour moi, et à leurs yeux, le désagrément est dans l’annulation ! La non-coupure de courant serait aussi gênante que la coupure elle-même ! Et c’est à ces illettrés que je donne du fric pour m’éclairer ! C’est un miracle qu’il n’y ait pas plus d’incidents, finalement !  

 

Lundi 24 octobre

 

10h30 : J’ai mon paquet de Charlie Hebdo à expédier. Pas question de passer à la poste de Lambé : suite à certaines mésaventures, je ne leur fais plus confiance pour les colis pondéreux. Je prends donc le bus pour le centre-ville, ce qui me donne l’occasion de voir, affichée à l’entrée d’un bar-tabac-presse, la « une » du magazine Challenges consacré aux « désordres » avec la photo de Philippe Martinez et la question « Jusqu’où ira la CGT ? » C’est tout juste s’ils ne mettent pas les syndicats sur le même plan que l’État islamique… Je sais que je ne devrais pas m’étonner de cette attitude de la part d’un tel magazine : seulement, je n’arrive pas à oublier que cette revue avait aussi mis en garde ses lecteurs, lors des dernières présidentielles, contre le danger que représentait Marine Le Pen… C’est tout le drame de notre époque : à force d’entendre dire que la parole raciste serait l’apanage des classes populaires et que le discours anti-immigré serait l’expression de la souffrance des travailleurs, on met dans le même sac le RN et la CGT, que ce soit pour les défendre ou les attaquer ! Ça me fatigue…

 

10h45 : Chemin faisant, je peux voir qu’on persiste à disperser les feuilles mortes avec ces espèces de souffleries portables construites sur le modèle du bazooka… Je suis peut-être passéiste, mais je regrette les bons vieux balayages d’antan, qui ne faisaient pas de bruit, ne gênaient personne et, surtout, étaient vraiment efficaces : à quoi ça rime de disperser ce dont on veut se débarrasser ? Ça ne fait que déplacer la gêne ! Quand quelqu’un fait le ménage chez lui, il ne lui viendrait jamais à l’idée de disperser sa poussière : même pour la mettre sous le tapis, on est bien obligé de la rassembler ! Alors à quoi ça sert, à part à donner un sentiment de puissance aux employés qui manipulent ces engins ? Non seulement c’est stupide mais c’est coûteux en énergie et c’est même dangereux : imaginez qu’un objet coupant ou pointu traîne parmi les feuilles ! J’attends avec impatience le jour où un petit bout de chou sera grièvement blessé à cause de ça, pour voir comment les bonnes mères de famille réagiront ! J’espère seulement que l’engin ne sera pas manipulé par un travailleur immigré…

 

11h15 : À la poste du centre-ville, on a encore changé le matériel : à part un sur lequel on peut encore payer avec des pièces, les automates ont été remplacés par de nouveaux modèles qui me font penser à des I-Pad géants. Ils rendent strictement le même service, ça n’améliore rien, mais ça en jette un peu plus auprès des snobs : faute de pouvoir gonfler le moteur, on fait briller la carrosserie ! Au moins, on sait à quoi sert l’augmentation du prix du timbre !  

 

11h30 : Je repars déjà et j’aperçois les militants de Lutte Ouvrière qui se sont postés sur la Place de la Liberté, malgré la pluie, pour distribuer des tracts… Il faut avoir la foi militante pour faire ça dans de telles conditions ! Je voudrais les admirer et, au fond de moi, c’est sûrement mon sentiment : mais risquer la crève pour parler de questions chiantes à des gens pressés, ce n’est pas vraiment la vie dont je rêve… C’est grave, docteur ?

 

11h45 : De retour à Lambé, bref regard sur la « une » du quotidien local, consacré à l’Angleterre où l’on attend encore la nomination du nouveau premier ministre : apparemment, l’instabilité politique n’est que la partie émergée d’un iceberg comprenant aussi pauvreté et inflation ! Je ne sais pas si c’est directement lié au Brexit, mais qu’on ne me dise plus que sortir de l’Union Européenne serait la panacée !

 

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11h50 : Midi approchant, je décide de m’acheter un hot dog-frites à la sandwicherie du quartier devant laquelle je passe presque tous les jours : je gagnerai du temps et je saurai enfin ce que vaut cette boutique où je n’ai encore jamais pris la peine de m’arrêter. Évidemment, comme je pouvais m’y attendre, ce n’est pas terrible : au rapport qualité-prix, c’est même moins avantageux qu’à la friterie du centre-ville ! Je note : n’y passer qu’en cas d’extrême urgence…

 

19h : J’ai écrit l’équivalent de plus de deux pages pour le journal : ma chronique historique plus quatre papiers « culturels ». Je ne boude pas le plaisir que me procure le sentiment du devoir accompli, même si je sais que le public ne se rend pas compte de la somme de travail que représente, pour toute l’équipe, la réalisation d’un hebdomadaire apparemment modeste...

 

Mardi 25 octobre

 

10h30 : Il paraît qu’il va y avoir une éclipse de soleil aujourd’hui : ça me fait une belle jambe car, avec le ciel couvert que nous avons aujourd’hui, on ne pourra rien voir ! On multiplie les mises en garde contre les dangers auxquels on s’expose à regarder le soleil à l’œil nu, mais les nuages valent toutes les protections du monde. Et puis oh, hein ! La lune se met devant le soleil, et alors ? Ça n’empêche personne de vivre, que je sache !

 

14h : En attendant la visite d’une amie, je crayonne fébrilement, avec des crayons 4H : ce sont parmi les plus secs sur le marché. Je les avais achetés dans l’idée qu’ils s’effaceraient plus facilement et m’épargneraient la migraine que m’apportent les résidus de crayonnés chaque fois que je scanne un dessin. Seulement voilà : ces crayons sont si durs qu’ils trouent presque le papier, d’autant que leur trait est si ténu que je suis obligé d’appuyer pour qu’il soit visible, et leur dureté les rend désagréables à manipuler… Je prends note : à éviter pour la prochaine fois !

 

18h : Je bois un coup avec mon amie qui me raconte, entre autres, le concert de Cœur de Pirate auquel elle a assisté récemment : j’aime bien cette chanteuse, mais quand même pas au point d’acheter une place pour aller l’écouter. D’après mon invitée, cette artiste aurait récemment eu un sérieux problème de santé qui l’empêcherait de monter dans les aigus et lui interdirait désormais l’interprétation de certaines chansons qui avaient bâti son succès : en clair, elle n’a plus la voix qui a fait sa réputation. Elle continue quand même à tourner, ce qui ne m’étonne pas : la pire malédiction pour un artiste, ce n’est pas le manque d’argent mais la stérilité, c’est ce qui explique pourquoi on en voit s’accrocher même quand les circonstances leur opposent un obstacle. C’est comme Sarah Bernhardt qui continuait à jouer amputée ou Renoir qui continuait à peindre alors que sa main commençait à lui échapper : a contrario, quand un artiste sent qu’il n’a vraiment plus rien de nouveau à faire, il s’étiole… Ou met fin à ses jours. Il va sans dire que je ne souhaite pas ça à Cœur de Pirate !

 

19h30 : Mon amie étant partie, je dîne tout en visionnant la compilation « Spécial Halloween » publiée sur la chaîne YouTube des Guignols. On peut y voir, entre autres, un sketch où Bernadette Chirac moleste une autre femme pour lui prendre son sac à main… Cette séquence n’avait pas suscité autant de scandale que celle, diffusée la même année, où elle se touchait le sac et en poussait des cris d’orgasme : curieux, quand même, qu’on pardonne la mise en scène de la violence et pas celle du plaisir sexuel, non ? Cela dit, montrer madame Chirac en furie plutôt qu’en jouisseuse était finalement plus proche de la vérité…

 

Mercredi 26 octobre

 

9h30 : Comment bien démarrer la journée : Enedis m’annonce que la coupure d’électricité annulée est finalement reprogrammée pour un autre jour. Oh, je n’ai pas de reproche à leur faire, c’est très bien de prendre la peine de prévenir les usagers et de nous permettre ainsi de prendre nos précautions… Mais s’ils pouvaient se décider une bonne fois pour toutes et cesser de nous casser les pieds, ce serait aussi bien !

 

14h30 : Avant de rendre visite à une amie qui habite non loin de chez moi et est actuellement dans l’impossibilité de poser le pied à terre, je feuillette le dernier Côté Brest qui consacre deux pages aux Brestois qui passent à la télé. J’ai ainsi l’occasion de voir qu’Yves Cosquéric, le commissaire-priseur qui passe dans l’émission de Sophie Davant, ressemble furieusement à Jean-Pierre Coffe, ressemblance qu’il accentue lui-même, consciemment ou inconsciemment, en posant avec des lunettes rondes et des couverts !

Je ne savais pas que des gens de chez nous participaient à L’amour est dans le pré et à Star Academy et j’avoue que je m’en fiche : mon opinion sur la télé-réalité n’a pas changé depuis 2001 et je pense donc qu’on ne devrait pas être fier d’eux ! Passons rapidement sur l’opération « Du stade vers l’emploi » qui, à mon sens,  pénalise les chercheurs d’emploi qui n’aiment pas le sport : je ne vois pas en quoi participer à une épreuve d’athlétisme serait un bon test pour quelqu’un qui postule pour un poste de secrétaire ou de vendeur !

En revanche, je m’étrangle de consternation quand je lis les déclarations du patron du bar Cocorico à propos de la coupe du monde au Qatar : « Il faut savoir dissocier le sport de la politique » ! Mais pauvre cloche, il n’y a pas plus politique que le sport ! L’organisation d’une grande compétition ou la victoire d’une équipe nationale, qu’on le veuille ou non, rend directement service aux dirigeants du pays concerné ! Pourquoi tu crois que Chirac, Lula et tant d’autres se sont affichés avec leurs équipes de foot nationales quand celle-ci étaient victorieuses ? Pourquoi tu crois que les États et les villes se battent littéralement pour accueillir la coupe du monde de foot ou les Jeux olympiques malgré tous les désagréments que ça implique ? Et il ne s’agit même pas de politique dans le cas du Qatar : il y a corruption, esclavage, mort d’hommes et aberration écologique ! C’est une question humaine, point barre ! À tout prendre, je préfère encore la position du patron de l’Arena qui assume de diffuser les matches en disant que « le Qatar aurait dû être boycotté bien en amont ». Je suis bien d’accord avec lui : si toute l’énergie dépensée aujourd’hui pour appeler à boycotter la coupe du monde avait été mobilisée plus tôt pour empêcher le Qatar d’en obtenir l’organisation, le problème ne se poserait pas ! Mais si c’était la seule fois où on avait attendu que le pire se produise avant de protester… Cela dit, l’article est illustré d’une photo montrant la joie des supporters à la finale de 2018, alors que la coupe du monde avait lieu… En Russie ! La Russie de Poutine, c’était beaucoup mieux que le Qatar ? J’en doute fort ! Admettons que l’indignation ne soit pas une science exacte : on ne m’enlèvera cependant pas de l’idée qu’il y a là un vieux fond de racisme anti-arabe qui ressurgit derrière le faux nez d’une préoccupation humaniste tardive…

 

16h : Pour la première fois de ma vie, j’achète des cigarettes. Pas pour moi, évidemment, mais pour mon amie provisoirement handicapée. Cette jeune femme me fait suffisamment confiance pour me prêter sa carte bleue et me donner son code ! Il paraît que c’est ça l’amitié : mais qui fait la plus belle preuve d’affection ? Elle qui me confie pendant un quart d’heure la destinée de ses maigres économies ou moi qui vais acheter pour elle une marchandise qui me répugne ?

 

Jeudi 27 octobre

 

10h45 : Vous vous souvenez du sketch du Groland où un pauvre type est obligé de monter jusqu’à la capitale pour poster une malheureuse lettre ? Ce n’est plus une caricature : le bureau de poste de mon quartier est fermé le jeudi, et comme je dois absolument poster un courrier aujourd’hui avant de partir en week-end à Pont-Aven (une amie très chère m’a téléphoné hier soir pour m’inviter, ça s’est fait à l’arrache), j’en suis réduit à prendre le bus pour le centre-ville. Je perds une heure pour un colis qui me rapportera, au mieux, deux euros… Je ne sais pas si c’était déjà comme ça avant l’ouverture du capital, mais cette anecdote en dit long sur la déréliction des services publics de proximité : j’ai encore de la chance d’habiter dans une grande ville où on peut trouver facilement une solution de repli ! Mais dans les petites communes rurales, j’imagine… Non, je n’imagine pas : j’en ai eu un aperçu dans les petits villages de Sarthe où il n’y a plus que des agences postales qui n’ont même pas le statut de bureau et ne peuvent donc délivrer certains services, ou pire, dans certaines communes du Finistère où il n’y a plus que des « points postes » dans des petits commerces obligés de se diversifier pour survivre… Le soir du concours de chant, un spectateur avait suggéré que je pourrais reprendre « Les oubliés » de Gauvain Sers : je vais y réfléchir…    



27/10/2022
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