Du 17 au 23 mai : Rien sur le Festival de Cannes
D'abord, à l'occasion de mon anniversaire, voici mes deux dernières autocaricatures...
... et une photo de moi prise par une de mes meilleures amies :
Lundi 17 mai
18h30 : J’arrose mon anniversaire à La Raskette avec quatre amis. Je ne sais pas si j’ai bien choisi l’endroit car la musique m’oblige à fournir un effort important pour entendre ce que me disent mes invités, mais bon, quand j’ai fait un choix, je l’assume. Cette année, j’ai 37 ans : c’est l’âge où Van Gogh s’est suicidé… Mais c’est aussi l’âge où Cavanna a fondé Hara-Kiri. Ce peut donc être l’âge d’une fin comme ce peut être celui d’un commencement. Devinez ce que je préférerais ?
Le 17 mai, c'est aussi la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie...
Dimanche 18 mai
19h : Une de mes meilleures amies m’appelle pour me souhaiter un bon anniversaire avec un jour de retard. Mieux vaut tard que jamais… Cette personne chère à mon cœur travaille à Landerneau, ce qui lui a permis de participer à ce fameux rassemblement de schtroumpfs qui vaut à la ville de figurer dans le livre des records ; je ne doute pas un instant que cette superbe blonde devait être une très jolie schtroumpfette, mais sincèrement, si j’étais de Landerneau, j’aurais un peu honte… Le jour même de ce rassemblement, la France perdait encore une fois à l’Eurovision[1] : apparemment, notre pays est plus doué pour rendre hommage à Peyo que pour chanter ! Alors peignons Louane en bleu et ne la laissons plus interpréter autre chose que des chansons en langue schtroumpf : on ne comprendra peut-être rien, mais ce ne sera pas plus con ce qu’elle chante en français !
Lundi 19 mai : il y a trois ans mourait le documentariste Jean-Louis Comolli
Ce dessin a été offert à ma collègue chercheuse Isabelle Le Corff, qui a étudié le cinéma de Jean-Louis Comolli (elle a aussi pu échanger avec lui), à l'occasion de son départ de l'UBO.
16h30 : J’apprends que le fils de Geneviève Gautier est mort depuis deux mois. Je n’aurai pas le cynisme de dire que c’est une bonne nouvelle même si, au vu de ce que je savais de son état, ça devait plus être une délivrance qu’autre chose – il vivait en asile psychiatrique, tout de même ! Cela dit, ça rebat les cartes concernant le gros tas d’écrits de Geneviève qui dort dans mon bureau depuis bientôt quatre ans (depuis son décès, en fait) : tant que cet unique héritier sous tutelle était encore à peu près vivant, je ne pouvais absolument rien en faire sans une autorisation expresse de l’État qui aurait été, à coup sûr, difficile voire impossible à obtenir ! Maintenant, je vais pouvoir trancher la question du devenir de ces écrits avec les parents encore vivants de ma défunte reine ; mais auparavant, il me faudra inventorier ce fonds, ce qui ne sera pas une tâche anecdotique : affaire à suivre…
18h : Lecture du dernier numéro de Chroniques Camusiennes, bulletin édité par la Société des Études Camusiennes – à ne pas confondre avec Présence d’Albert Camus, qui est éditée par la même société ; ce bulletin m’apprend justement que le CNL a sucré la subvention qu’il allouait à la SEC pour permettre la publication de cette revue (vous suivez, j’espère) : apparemment, les associations loi 1901 ne peuvent plus y prétendre… Sous Sarkozy, il était question de mettre Camus au Panthéon ; sous Macron, on coupe les vivres à ceux qui font vivre sa mémoire ! Je ne dis pas que le gouvernement est directement responsable de cette mauvaise nouvelle, mais ce n’en est pas moins un symptôme, parmi d’autres, d’un contexte de mépris généralisé de la culture, et j’avoue que je ne pensais pas qu’on pouvait faire pire que le petit Nicolas dans cette discipline… Fort heureusement, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles : David Camus, petit-fils du maître, nous apprend que les Polonais n’oublient pas, eux, que son grand-père fut l’un des rares grands penseurs français à garder les yeux ouverts sur la réalité de l’Europe de l’Est, et donc sur celle de leur pays, pendant que presque tous les autres fermaient les yeux sur les crimes commis par Staline au nom des lendemains radieux promis par le Petit Père des peuples… La Pologne honore donc la mémoire de Camus à une heure où la France, qui ne s’est toujours pas remise d’avoir perdu l’Algérie, cherche à l’enterrer une seconde fois ! Quitte à vouloir à tout prix effacer l’humiliation de 1962, on ferait mieux d’enterrer Enrico Macias vivant… Vous me trouvez dur avec la chanson française ? Ben ce n’est pas de ma faute si elle est nulle à…
Le 19 mai, c'est aussi le jour de la saint-Yves, patron de la Bretagne.
Cet instrument cher aux crêpiers (et donc aux Bretons) s'appelle un rozell.
Mardi 20 mai
12h : Avant de rendre visite à une vieille amie, je décide d’aller pique-niquer au bois histoire de profiter un peu de la météo clémente. J’ai ainsi l’occasion de voir emménager mes nouveaux voisins : il n’y pas si longtemps, le logement situé en face du mien était occupé par une vielle dame seule, je suis donc un peu surpris de voir débarquer une smala complète ! De fait, celui qui a l’air d’être le chef de famille me confirme qu’ils habiteront à cinq dans cet appartement plus petit que le mien… Quand je m’éloigne, je l’entends commenter ma curiosité en m’appelant « le Colombo du quartier » ! S’il me connaissait mieux, il saurait que s’il fallait me comparer à un personnage de série policière, ce serait plutôt à Astrid Nielsen ! À moins qu’il n’ait voulu faire allusion à mon élégance vestimentaire : je reconnais ne pas avoir le charme de Sara Mortensen… Mais même Peter Falk, c’est encore trop classe pour moi ! Je ressemble surtout à Alban Ivanov, c’est-à-dire François dans La petite historie de France, à ceci près que je désespère de trouver un jour mon Isabeau…
Mercredi 21 mai : Mister T., inoubliable interprète de Barracuda dans L'agence tous risques, a 73 ans
10h : Partout où je vais en ville, chaque fois que je passe devant un marchand de journaux, je vois affichées les « unes » de Fakir et du JDNews : la confrontation entre les deux journaux me paraît illustrer l’affrontement, à peine latent, entre deux Frances. D’un côté, la nouvelle gauche galvanisée par les législatives anticipées et désormais menée, qu’on le veuille ou non, par LFI ; de l’autre, la droite dure qui dresse l’islam en épouvantail et exhibe une photo de Mélenchon en compagnie d’un homme noir, usant d’une stratégie plus que centenaire pour s’adresser aux bas instincts d’une plèbe qu’elle méprise en feignant de l’aimer. Cet affrontement entre deux camps irréconciliables fait d’emblée la part belle au politicien qui saura incarner la rupture avec Macron tout en rassemblant les électeurs effrayés par LFI et le RN… Je préfère ne pas citer de nom, je suis assez déprimé comme ça en ce moment. Rien ne changera-t-il donc jamais ?
10h55 : Je me demandais où et quand aller nager en semaine histoire de compléter les leçons du vendredi. Réponse : à la piscine Foch le mercredi matin. À cette heure-ci, il y a moins de public que l’après-midi et, de toute façon, comme il y a deux bassins, je suis à l’abri de la compagnie des enfants. J’aime d’autant plus cette piscine que les casiers y sont situés juste en face des vestiaires, ce qui est bien plus pratique qu’à Recouvrance, d’autant que les bracelets pour emmener sa clé sont plus récents et donc plus faciles à mettre… Il ne faut pas grand-chose pour que la vie soit plus confortable, n’est-ce pas ?
12h : Halte à l’Auberge Napoléon III à Bellevue où, en attendant d’être servi, je lis un article sur la philosophie espagnole : l’auteur explique que nos voisins d’outre-Pyrénées n’ont pas manqué de grands penseurs mais que ceux-ci n’ont pas fait école et que la pensée ibérique s’est plutôt exprimée à travers la tragédie et la poésie, ce qui serait un effet, parmi d’autres, du caractère fracturé de l’histoire espagnole où l’on chercherait en vain une continuité malgré une unité nationale précoce. Cette théorie est intéressante mais fait l’économie de ce qui a probablement été la fracture majeure de l’Espagne : en effet, on a trop souvent tendance à oublier qu’avant ce qu’on a abusivement appelé la « reconquête » par les rois catholiques, les souverains musulmans avaient fait naître sur la péninsule une civilisation brillante à tout point de vue et à laquelle nos royaumes chrétiens, qui croupissaient sous le double poids de la féodalité et de l’Église, n’avaient strictement rien à envier, bien au contraire ! Cette Espagne musulmane, où la tolérance religieuse était de mise, n’était pas avare de grands philosophes avant que le « pieux vandalisme chrétien » (pour reprendre l’expression bienvenue de Cavanna) ne mette à bas cette civilisation florissante et n’impose les ténèbres de la bigoterie en lieu et place des lumières de l’orient… Bref, les rois catholiques ont rasé une splendide palmeraie pour y construire le tombeau de la pensée espagnole : une raison de plus pour ne pas m’agenouiller devant le nouveau Pape, même s’il emmerde Trump ! Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis…
14h : Pendant que les journaux de combat s’affrontent à ciel ouvert, Paris Match continue à flatter le ventre mou de la majorité silencieuse : à la médiathèque de Bellevue, je découvre la « une » du magazine exaltant le souvenir de cette vieille crapule de Chirac, lequel serait « notre » président préféré trente ans après son élection… On oublie que son premier mandat s’est moyennement bien passé : il nous a attiré l’antipathie du monde entier en reprenant les essais nucléaires, sa politique a provoqué des manifestations qui ont bloqué le pays pendant plus d’un mois, et il a perdu la majorité au bout de deux ans – même Macron aura tout de même attendu sept ans avant d’en faire autant ! Son second mandat, n’était pas meilleur, loin s’en faut : avant de quitter l’Élysée, il battait tous les records d’impopularité pour un président sortant – pulvérisés depuis par ses successeurs, il est vrai, mais ce n’est pas une excuse. Et on voudrait me faire croire que sous son règne, nous étions plus heureux qu’aujourd’hui ? Bref : chaque fois qu’on m’assène que les Français aiment ci ou ça, je m’étonne de ne toujours pas être déchu de ma nationalité !
20h30 : Je rentre épuisé du cours du dessin qu’il a fallu passer avec un accompagnement musical non sollicité, en l’occurrence un solo de percussions au marteau interprété par un étudiant en retard qui bouclait en catastrophe son projet de fin d’année… Comme pour me soulager après cette épreuve désagréable, un colis m’attend dans ma boîte aux lettres : il contient quelques ouvrages achetés de seconde main, dont un numéro de Télérama junior paru au moment où la série animée Iznogoud apparaissait sur nos écrans. L’article consacré à ce dessin animé présente les personnages et explique comment le grand vizir est devenu héros à la place du calife ; on peut y lire également le commentaire que voici :
« Était-il nécessaire de donner l’accent marseillais à certains personnages ? Rappelons que le palais du Calife Haroun El Poussah se situe à Bagdad "la magnifique". Bagdad est au sud de Paris, certes, mais nettement plus loin que Marseille. Cette ville se trouve en Irak, et n’a pas grand-chose à voir avec le Sud de la France. »
Ce commentaire est mis en exergue dans un encadré et il n’est pas précisé s’il est dû à Claire Charpy qui signe cette double page. Mais quel que soit l’auteur de cette remarque, je voudrais lui dire ceci : cher(e) imbécile, je ne sais pas si tu es encore de ce monde, mais j’estime que tu aurais dû y réfléchir à deux fois avant d’écrire ces lignes. En effet, tu as oublié plusieurs choses importantes. Et d’une : ton commentaire aurait été pertinent si l’accent du Midi avait résonné dans chaque épisode et c’est loin d’être le cas. Et de deux : on l’entend surtout dans l’épisode « Le sosie » qui met en scène deux personnages de marchands ambulants qui font escale au port, il n’y a donc rien d’extravagant à les imaginer originaires du sud de la France. Et de trois : si on avait suivi ta logique jusqu’au bout, les personnages auraient dû s’exprimer en arabe pour respecter ton souci d’exactitude géographique. Et de quatre : dans les histoires originales écrites par René Goscinny, certains personnages s’expriment déjà avant l’accent marseillais, comme le fakir du Tapis magique auquel le scénariste fait dire « Vouey » sous prétexte qu’il vient de la partie méridionale de l’Inde ; le recours à cet accent qui te hérisse tant entre donc dans la logique de l’humour au second degré qui caractérisait le grand René. Et de cinq : les aventures d’Iznogoud mettent en scène des tapis volants, des génies vivant des babouches, des îles où on risque de se transformer en coquillage si on se retourne, des hommes qui transforment tout ce qu’ils touchent en métal doré, des vendeurs de talismans transformant les rêves en réalité… Et tu trouves l’accent marseillais moins vraisemblable que tout ça ? Conclusion : j’aime beaucoup cette série globalement respectueuse de la BD, mais certains partis pris d’adaptation sont critiquables, je pense notamment à la compression qui a été imposée à certains scénarios pour les faire renter dans le corset des dix minutes[2] ; donc, le fait que tu aies préféré te focaliser sur un détail tel que l’accent marseillais en dit long sur ton incompétence à parler du sujet traité et sur ton mépris du jeune public auquel était destiné ton journal… Je ne sais pas combien tu avais été payé(e) pour ton papier, mais je suppose que ce devait être plus que moi pour mes articles dans Côté Brest : ça suffit à me faire sentir très proche d’Iznogoud jalousant cet enfant gâté d’Haroun El Poussah…
Allez, on s'en passe un ?
Jeudi 22 mai
14h20 : La grève des bus n’en finissant pas (pour des raisons dont je ne contesterai pas la valeur), j’ai réservé un Accemo pour aller aux portes ouvertes du SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale). Malheureusement, je suis tombé sur un chauffeur crétin qui n’arrête pas de s’esclaffer avec l’accompagnatrice du monsieur en fauteuil qui partage la course avec moi. Une fois arrivé dans la rue, ce chauffeur fait ce qu’il ne surtout pas faire : il me demande le chemin ! Comme il a pris une route à laquelle je ne suis pas habitué, je suis incapable de le renseigner, et nous tournons en rond pendant dix bonnes minutes avant de trouver enfin le bâtiment… Tout ce qu’il faut pour me mettre à l’aise !
15h : Au SAVS, j’ai la bonne surprise de retrouver les deux femmes qui accompagnaient les jeunes autistes devant lesquels j’avais présenté mon travail. La ravissante Tiffany m’explique les missions du service : j’avoue que je suis tenté de m’inscrire pour au moins passer une évaluation et constater si j’ai effectivement besoin, ou non, d’une assistance. Ma mésaventure avec le chauffeur achève de me tenter… Je vais quand même prendre un peu de temps avant de prendre une décision définitive : dans l’absolu, je n’aime pas qu’on se mêle de mes affaires, mais si ça peut me rendre l’existence moins épuisante…
16h30 : Je profite d’un creux pour faire un saut à la boutique de piercing et de tatouages que fréquente ma sœur : il n’y a pas si longtemps, ils étaient encore quatre à y travailler, mais ils n’y sont plus que deux. La raison ? La tatoueuse est partie travailler dans une autre boutique à Landerneau (décidément) et l’apprenti a été renvoyé ! Et pas pour rien : il volait du matériel pour pouvoir aller travailler chez des concurrents… Alors comment dire ? Mettre des centaines de personnes sur le carreau alors qu’ils ont fait faire des bénéfices à leur boîte est certes indéfendable, mais remercier un employé qui s’avère indigne de confiance ne me paraît pas scandaleux… Mais je vois déjà les gauchistes froncer le sourcil, alors j’ajouterai ceci : et un individu malhonnête, j’aime autant le payer à ne rien faire, il fera moins de dégâts ! Là, les gauchistes sont calmés… Du moins j’espère !
18h : Conférence de Marie-Hélène Prouteau sur Paul Celan, un poète juif germanophone né en Roumanie, sur le territoire de l’Ukraine actuelle. Il a connu l’horreur de la Shoah (étonnant, non ?) qui a notamment emporté ses parents alors qu’il allait sur ses 22 ans… Les pérégrinations de cet individu que les vicissitudes de l’histoire ont privé de patrie (sa ville natale a eu quatre noms différents en un siècle !) l’ont notamment mené en France et il est passé trois fois en Finistère – d’où l’intérêt de parler de lui dans le cadre d’une conférence organisée par la Société d’Études de Brest et du Léon. Il est venu en Bretagne pour une raison bien particulière : quand sa belle-mère (la mère de son épouse) devint veuve, elle décida d’entrer dans les ordres et intégra une congrégation installée à Brest ! Je n’ose pas demander de précisions mais je suis étonné : je ne savais pas qu’on pouvait intégrer un ordre religieux alors qu’on avait déjà eu un enfant ! D’un autre côté, les couvents n’ont pas intérêt à être difficiles s’ils veulent recruter…
Vendredi 23 mai
9h : Il n’y pas trop de monde au marché, il y en a assez peu en tout cas pour que le charcutier se permette de tailler le bout de gras avec le client qui me précède. Ces braves gens échangent des considérations sur la scolarité de leurs enfants : le commerçant juge que les énoncés des devoirs devraient être écrits en français et en anglais afin d’habituer les jeunes à pratiquer plusieurs langues ; jusqu’ici, pourquoi pas… Mais peu après, il ajoute que dans certains quartiers, on réclamerait d’écrire lesdits énoncés « en algérien » ! Je n’ose pas intervenir, de peur que ce débitant, qui semble ne pas apprécier les clients distants dont je fais partie, ne renonce définitivement à me servir. Comme disait Cavanna, « les imbéciles sont méchants, et moi je suis lâche »[3]. Et puis tout ce que je lui demande, c’est de vendre de la bonne cochonaille, pas d’avoir une vision claire de la société… Encore que l’un n’empêcherait pas l’autre et me rendrait un peu plus fier de la façon dont je dépense mon AAH !
12h30 : Tout en déjeunant, je me repasse la série animée Iznogoud qu’un Canadien a mise en ligne sur YouTube : je ne peux échapper aux interruptions publicitaires, ce qui me vaut de découvrir un spot pour une agence de voyages qui s’adresse à un public féminin en ces termes (je cite de mémoire) : « La Croatie, ce n’est pas mal pour enterrer votre ville de jeune fille… Mais pas votre vie de Maman ! » À l’image, on a une femme qui s’éclate avec ses copines, le smartphone à la main bien entendu, mais est interrompue en plein selfie par un message donnant des nouvelles de son enfant… Le message est clair : « Bonne femme, amuse-toi si tu veux, mais n’oublie pas de pondre ! » Ça me rappelle ce commentaire de Roland Barthes sur la presse féminine des années 1950 :
« À en croire Elle, qui rassemblait naguère sur une même photographie soixante-dix romancières, la femme de lettres constitue une espèce zoologique remarquable : elle accouche pêle-mêle de romans et d’enfants. On annonce par exemple : Jacqueline Lenoir (deux filles, un roman) ; Marina Grey (un fils, un roman) ; Nicole Dutreil (deux fils, quatre romans), etc. »[4]
Fort de ce constat, le vieux père Barthes accusait cette presse destinée aux femmes de persister à réduire ces dernières à leur fonction reproductrice au détriment d’une éventuelle activité créatrice ; soixante-dix ans plus tard, ces femmes de lettres sont vengées : Amélie Nothomb, qui est probablement la plus grande vendeuse de romans en France, a dépassé la cinquantaine sans avoir d’enfants, ce qui est le pire cauchemar de la société patriarcale. En revanche, la publicité n’a pas changé d’un pouce depuis l’époque où elle faisait passer les femmes pour « des connes heureuses de frotter la merde » comme disait Desproges…
Avant de se quitter, voici ma vidéo du vendredi :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Cette contre-performance semble corroborer ce que m’avait dit jadis la merveilleuse Johanna Alanoix : quand j’avais demandé à ce jeune prodige de la chanson, dans le cadre d’une interview, si elle était tentée de représenter la France à l’Eurovision, elle m’avait répondu qu’à ses yeux, notre pays n’avait pas vraiment envie de gagner ce concours… Elle m’a dit ça il y a dix ans !
[2] Une cure d’amaigrissement semblable à celle, inhumaine, que le grand vizir impose à une grosse esclave dans Iznogoud et les femmes afin qu’elle puisse rentrer dans la gaine magique…
[3] François CAVANNA, Bête et méchant, Belfond, Paris, 1981, p. 7.
[4] Roland BARTHES, Mythologies, Seuil, Paris, 1957, p. 53.