Du 16 au 21 juin : Je n'ai pas vu Banksy, je n'ai pas vu la fête de la musique, je n'ai pas vu la Lumière et je m'en fiche !

 

Une fois n'est pas coutume, ouvrons le bal avec ces deux images estivales :

 

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 Vendredi 16 juin

 

14h30 : J’assiste aux obsèques du père d’un ami à l’église de Lambézellec… J’en entends déjà qui ricanent. Que ce soit clair : je suis là uniquement pour aider mon ami à faire son deuil, point barre ! Il s’agirait d’un enterrement juif, musulman, bambara ou haré-krishna, j’aurais exactement la même attitude ! J’ai d’ailleurs trop de peine pour mon vieux copain pour ricaner aux niaiseries débitées par « l’officiant » - car on n’a même pas droit à un vrai prêtre. J’accepte de brûler un cierge car allumer une bougie, c’est toujours joli, mais je ne touche pas au goupillon : j’ai déjà essayé d’en manier un jadis et ça a failli mal tourner… Pour le reste, non, je n’ai pas vu la lumière, je n’ai pas vu apparaître la Vierge (la seule créature qui y ressemblait un peu était une amie commune belle comme le jour) et encore moins Dieu derrière un pilier ! De toute façon, quand mon ami fait un discours en hommage à son père, il est aisé de constater que, tout croyant qu’il soit, la croix à laquelle il tient le plus a deux branches horizontales et a symbolisé la résistance à l’oppresseur nazi : petit-fils de résistant et fils de syndicaliste, il trouve dans son ascendance des exemples autrement plus édifiants que les saints dont on nous rebat les oreilles depuis deux mille ans… Bon, j’arrête, ce n’est vraiment pas le moment de laisser s’exprimer mon anticléricalisme désuet !

 

19h35 : Le Collectif Synergie organise sa dernière scène ouverte de la saison au Kafkerin. Après un petit tout de piste des musiciens coutumiers du lieu, Claire reprend vite la main. En principe, il devrait y avoir un bon roulement, pas mal d’artistes ayant exprimé leur envie de participer : j’ai donc apporté ma banderole annonçant mon activité de caricaturiste, comptant sur une fréquentation respectable pour mettre un peu de beurre dans mes épinards.     

 

19h50 : Je passe sur scène. J’ai sans doute trop mangé ou alors c’est la chaleur, toujours est-il que je me sens moins à l’aise que d’habitude et je bafouille excessivement sur mes deux premiers slams. Je suis davantage satisfait pour le troisième, mais je réalise que si je veux vendre mon spectacle à moyen terme, il faudra que je prenne quelques précautions…

 

20h10 : Un monsieur coiffé comme Gillot-Pétré passe sur scène, interprétant des chansons rigolotes en s’accompagnant au piano – le Kafkerin dispose d’un clavier qui permet ce petit plus. Le gars est bon musicien et on sent chez lui une énergie, une générosité… Il aurait pu nous offrir une belle prestation s’il avait eu un semblant de filet de voix ! Très franchement, je ne trouve que pas que ce soit le cas : dommage…

 

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 20h35 : Passage du duo « Symbiose », un homme et une femme, avec une guitare. Ils n’ont pas de mal à faire mieux que le bonhomme qui les a précédés, d’autant que leurs chansons ont du fond : j’en retiens notamment une qui revient sur le mur de Trump et qui souligne que non content d’empêcher les Mexicains d’entrer aux États-Unis, il aurait empêché les Américains de sortir de leur pays… Les crétins qui voudraient revenir au temps des frontières-forteresses, éventuellement jusqu’à reconstruire la ligne Maginot, feraient bien d’y penser ! Mais je suppose qu’à leurs yeux chassieux, les gens qui veulent sortir du pays sont des traîtres… Pour revenir à la chanson de « Symbiose », ils l’introduisent en traitant Donald le connard de « grand benêt » ! Si c’est tout ce qu’on trouve pour qualifier un nuisible de cette espèce, c’est plutôt gentil ! C’est un signe du peu de crainte qu’il inspire aujourd’hui ! Pauvre Donald, même les froggies n’ont plus peur de toi…  

 

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21h15 : Je n’ai pas apporté mon matériel pour rien : les duettistes de « Symbiose » viennent se faire tirer le portrait, ça fait déjà vingt euros de gagnés en une soirée. De surcroît, ils me demandent l’autorisation d’utiliser le dessin comme visuel pour leur prochain CD ! D’une pierre, deux coups ! Pendant que je suis occupé à les défigurer, Julien, un comédien qui fréquente plus ou moins régulièrement le Collectif, joue son sketch du « Cœur d’artichaut » qui comprend, entre autres, une question posée au public, mais, malheureusement pour lui, il n’a pas très bien choisi la personne à laquelle il s’adresse : il a fallu que ça tombe sur notre clarinettiste et celle-ci, qui est assez extravertie, ne peut s’empêcher d’en rajouter, au point de perturber sa prestation ! Toutes proportions gardées, ça me rappelle presque le sketch d’Antoine de Caunes foutu en l’air par Jango Edwards sur le plateau de Nulle Part Ailleurs… Concentré sur mon dessin, je n’ai pas la possibilité de prier la clarinettiste de se taire : sinon, je l’aurais fait, promis !

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21h35 : Nous avons droit à un autre sketch, interprété par un certain Florian : grand, maigre avec des lunettes et un look assez tristounet, il est plutôt bien dans son rôle de « loser » qui, après avoir vainement essayé de faire un métier de ses passions pour le sexe et les jeux vidéo, finit par se faire engager dans l’armée où sa personnalité déprimante devient un atout ! Il est rare que nous ayons des sketches au cours de nos scènes ouvertes, alors nous ne boudons pas notre plaisir…

 

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22h30 : Claire et Christophe me ramènent à Lambé en voiture… Sous la pluie. Ces quelques gouttes me rafraîchissent le corps et l’âme : malgré la triste célébration de cet après-midi, une grande sérénité m’envahit. Jadis, la pluie sur l’été me déprimait, mais ma vision des choses a « un peu » changé…

 

Samedi 17 juin

 

13h : Au bois de la brasserie, je termine la lecture de l’ouvrage sur la notion d’empire auquel j’avais contribué. Ce genre de livre, composé dans un cadre universitaire, devrait être mieux connu, ça bousculerait bien des idées reçues. Ainsi, si je vous dis « néoconservateurs », je suppose que vous pensez aussitôt à des gros enculés d’Américains, racistes, puritains, porte-flingue et défenseurs acharnés du capitalisme made in USA ? Et bien ce n’est pas si simple ! En fait, les « néocons » sont sincèrement convaincus que la domination américaine sur la planète serait un bienfait pour les autres pays et, de ce fait, ils rejettent tout ce qui ternit l’image de leur nation dans le reste du monde ; pour cette raison, ils sont majoritairement anit-Trump ! Et oui : toutes proportions gardées, les « néocons » sont encore des gens bien par rapport au milliardaire et à ses défenseurs ! La grosse différence réside dans le fait que les premiers veulent le bonheur du monde tandis que les seconds ne veulent que le bonheur des États-Unis au détriment du reste du monde ! Bien sûr, il n’empêche qu’ils ont en commun de tous se mettre le doigt dans l’œil jusqu’à l’orteil…   

 

Dimanche 18 juin

 

10h15 : Je profite d’un courant d’air bienvenu pour aérer mon logis : les fenêtres grandes ouvertes, je suis étendu sur mon lit, à profiter de cette fraîcheur réparatrice… Je me croirais au paradis s’il n’y avait les cloches de l’église pour me casser les oreilles ! On va donner la messe où seront célébrés les défunts de la semaine, dont le père de mon ami enterré vendredi… Merci, j’ai déjà donné ! Non, décidément, cette cérémonie ne m’a pas fait voir « la lumière »… Quel con, ce Claudel !

 

Lundi 19 juin : salon du Bourget

 

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Mardi 20 juin

 

10h15 : Après un lundi fort satisfaisant, je reviens à la fac où, avec trois collègues, nous répétons notre lecture de textes de Segalen programmée pour la semaine prochaine. Comme je sais à quel point il est difficile d’organiser un événement avec plusieurs intervenants, j’accepte à peu près systématiquement les suggestions de mes camarades. Ainsi, nous nous mettons assez vite d’accord sur l’ordre de passage et l’attribution des paragraphes à lire. L’ensemble ne devrait pas prendre plus de trois quarts d’heure : ça vaut mieux ainsi, il ne faut pas non plus lasser le public.

 

18h : Je lis le dernier Côté Brest : ouf, j’y suis enfin de retour ! Mes admirateurs vont pouvoir me retrouver avec une page sur la traversée de la Penfeld à l’époque où elle se faisait à bord de bacs transbordeurs – avec les risques que cela comportait, évidemment. Mais le reste du journal est très intéressant aussi ! Il est vrai qu’on aura du mal à faire pire que la dernière fois, avec l’interview de Ragnar le gros con, mais là, vraiment, l’équipe a fait du beau travail : on parle fête de la musique, dimanche au bord de l’eau, premier titre de Louis Something, expo sur Cadix ou sur les sous-marins, maison de la photo, lieu d’accueil pour les victimes… Là oui, c’est la ville de Brest comme je l’aime, culturelle et solidaire ! La seule fausse note à mon goût, c’est le bas de page sur la candidate brestoise à Miss International France, mais on ne va pas chipoter, d’autant qu’il y a aussi un article pour annoncer la marche des fiertés. Et vous savez quoi ? Il est illustré d’une photo de ma sœur qui participe à l’organisation ! Bravo, sister !

 

Puisqu'on parle de la marche des fiertés, voici le Kanevedenn, le rainbow flag breton ou Gwenn ha Du arc-en-ciel ! Pas mal, hein ?

 

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Mercredi 21 juin : les enfants nés à partir d'aujourd'hui seront du signe du cancer

 

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17h : Passage à la Vagabunda pour y déposer quelques exemplaires papier de mon fanzine Blequin reporter : Paty est de retour, peu après avoir eu… Le Covid. Il n’y a pas si longtemps encore, dès l’annonce de cette maladie, tout son entourage aurait été vert d’inquiétude et l’aurait crue condamnée, elle aurait été enfermée dans sa chambre pendant quinze jours et elle n’aurait même pas osé m’approcher de trop près ! Mais maintenant, non : je la retrouve fraîche comme la rosée, elle parle de sa maladie comme s’il s’agissait d’une simple grippe, certes pénible mais pas dramatique, et elle me fait même la bise ! Décidément, on s’est bien fichu de nous, avec cette pandémie… Avant de partir, je craque pour un des vieux bouquins en vente, à savoir une édition française d’Andy Capp, la géniale BD de Reg Smythe mettant en scène un chômeur professionnel qui passe son temps à glander et à boire des coups, vivant aux crochets de son épouse. La traduction française laisse à désirer, mais quelle rigolade ! Sans compter qu’à notre époque où de plus en plus de gens tournent le dos à un système de production dont tout le monde (à part ceux qui en profitent, bien sûr) reconnaît le caractère absurde et mortifère, ce flemmard d’Andy pourrait presque être reconnu comme un précurseur… Nonobstant son machisme aussi révoltant qu’archaïque, of course !    

 

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Mon fanzine, en vente à La Vagabunda.

 

17h30 : Me voilà devant l’annexe des Beaux-arts pour l’avant-dernier cours de l’année qui débute dans une demi-heure. En attendant, je m’assieds sur le banc pour poursuivre ma lecture des Récits de la demi-brigade de Giono : hélas, dans ce quartier habituellement calme et désert, voilà que j’entends un crache-musique vomir des flots de décibels vaguement « techno-rap » aussi inattendus que désagréables ! Ils semblent venir d’une voiture autour de laquelle s’affairent deux ou trois abrutis : je n’ose pas protester, craignant qu’ils ne m’opposent que c’est la fête de la musique et qu’ils ont « donc » le droit de casser les oreilles des gens impunément ! J’en suis quitte pour rentrer dans le bâtiment, coiffé de mon casque antibruit, pour être sûr de pouvoir finir mon chapitre… C’est fou comme les gens deviennent plus bruyants quand vient l’été ! Ça suffit à gâcher ce qui pourrait être une saison agréable…

 

18h30 : Delphine a eu l’idée de nous faire prendre en photo un arbre dont la silhouette lui plaît afin que nous nous en servions comme modèle : heureusement que j’avais mon appareil photo sur moi. Cela étant, quand elle voit les photos que les autres élèves ont prises avec leurs smartphones, elle est déçue du résultat ! Je ne peux m’empêcher de suggérer que c’est peut-être parce que le smartphone salit tout ce qu’il touche : ma remarque vise cependant moins la qualité intrinsèque des photos prises sur smartphone que l’appareil en tant que tel qui, à mes yeux, symbolise à lui seul toute la vulgarité de notre époque hyper-connectée où n’importe quel trou du cul peut faire chanter ses hémorroïdes dans le monde entier…

L'arbre en question :

 

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19h15 : L’exposition Banksy s’invite aux conversations. J’avoue, je ne suis toujours pas allé la voir ! De toute façon, à chaque fois que j’en entends parler, c’est pour apprendre qu’il y a une foule monstre et que la file d’attente est interminable ! Au final, on ne parle presque jamais des œuvres exposées en tant que telles, à croire que personne n’arrive à les voir ! Rien de plus désagréable pour moi que ces événements auxquels tout le monde se rue « parce qu’il faut y être allé »… Tant pis, je vais probablement la rater et mourir idiot ! Des œuvres contestataires, j’en ferai moi-même !

 

20h15 : Fête de la musique oblige, il y a beaucoup de monde sur la place de la Liberté. À la friterie, je fais la queue pendant une demi-heure dans une ambiance détestable à tout point de vue, ne serait-ce que parce que mes pauvres oreilles sont prises en sandwich entre les rythmes ultra-vulgos crachés par les baffles et les conversations minables des autres clients… Une évidence s’impose : hors de question de rester ici ! Une fois mon cornet vidé, je file ! Décidément, je vais rater beaucoup de choses, mais je m’en félicite ! Mieux vaut se sentir bien que se torturer pour assister à des événements où tout le monde va. Je n’aurai pas vu l’expo Banksy ni la fête de la musique, mais j’aurai vu la dernière scène ouverte de la saison du Collectif Synergie, je suis donc un privilégié ! Vous trouvez que c’est un peu élitiste, comme approche ? C’est bien possible… Il y a des jours où je comprends les inquiétudes de Tocqueville, pertinemment résumées par Charles Pépin : « Comment des hommes, qui ont maintenant « le même » droit de vote, pourraient-ils en effet accepter de n’avoir pas la même maison, de n’avoir pas les mêmes nains de jardin ? »[1] Pour ma part, j’accepte parfaitement de n’avoir pas la même soupe dans les oreilles que mon voisin…

 

Terminons avec ce dessin représentant mon pichet qui peut symboliser la soif du monde...

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !


[1] Jul et Charles Pépin, La planète de sages, Dargaud, Paris, 2011, p. 23.



23/06/2023
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