Du 14 au 20 décembre : Joyeux Noël ! Et une pensée pour nos infortunés amis de Mayotte...
Samedi 14 décembre
10h30: Je continue à recevoir Le Télégramme, ce qui me permet d’avoir vent du dernier jeu en vogue dans les cours de récréation de nos chères et innocentes têtes blondes (car un enfant français ne peut pas avoir les cheveux bruns ou roux, bien sûr) : « Celui qui bouge est gay » ! Voilà en quoi consiste ce jeu fin et subtil qui développe incontestablement l’esprit civique de nos enfants : le mâle dominant du préau donne l’ordre à tout le monde de s’immobiliser et celui qui n’y arrive (ou n’a pas envie de jouer) est aussitôt étiqueté « gay » ! Tout ceci pour dire : cessez de chouiner, les mâles blancs cisgenres ! Malgré le travail de sape des « bobos bien-pensants », il y a encore, en France, de la belle jeunesse qui sait s’amuser sainement tout en se préparant à reprendre le flambeau de la bonne grosse connerie bien terreuse à front bas et à cou rouge ! Et même si on impose le port de l’uniforme à nos chers petits, ils pourront toujours pratiquer ce jeu, tant il est vrai que quand même quand on n’a plus le problème des fringues, on peut toujours trouver un prétexte pour se trouver une tête de turc à harceler jusqu’à ce qu’elle se suicide…
Une planche de croquis réalisés en vue d'une BD :
Dimanche 15 décembre
11h : Bien qu’assez indifférent aux concours de beauté, j’ai quand même tenu à savoir qui serait la nouvelle Miss France : ouf, elle n’est pas bretonne ! Déjà qu’on nous casse les oreilles avec « l’épopée européenne » du Stade Brestois, il n’aurait plus manqué que ça ! Évidemment, ce n’est pas cet aspect-là que les bons gros cons bleu-blanc-rouge ont retenu : ils s’émeuvent du fait que l’élue ait déjà 34 ans… Car au pays de Yann Moix et de Michel Houellebecq, un homme peut être nommé premier ministre à 73 ans, mais une femme ne doit surtout pas être reconnue comme séduisante après 30 ans, c’est la date limite de fraîcheur après laquelle une maîtresse potentielle n’est déjà plus qu’une vieille peau bonne à jeter ! Je le dis en termes caricaturaux, mais le simple fait que l’âge de la nouvelle Miss France puisse être considéré comme événementiel et même donner lieu à une polémique en dit long sur le regard que notre société persiste à porter sur les femmes ! Non, décidément, les mâles blancs cisgenres n’ont aucune raison valable de s’inquiéter, leur pensée délicate a encore de beaux jours devant elle… Une bonne raison pour ne pas avoir de scrupules à la combattre ! La lutte contre le machisme fait partie de la lutte des faibles contre les forts, pas le contraire ! Alors n’ayons pas de complexes ! On aurait tort, d’ailleurs, vu à quel point les scrupules étouffent peu le camp adverse…
La couverture de mon calendrier 2025 - à l'heure où j'écris ces lignes, il ne m'en reste déjà plus qu'un seul exemplaire !
Lundi 16 décembre
8h : Le Télégramme consacre une page entière à la vasectomie : le tabou est en train de tomber, tant mieux ! Quand un couple décide de ne plus avoir d’enfants, il n’y a pas de raison pour que les efforts n’incombent qu’à la femme ! Sans compter que l’heure n’est définitivement pas à se reproduire comme des lapins… Alors que ce soit clair, messieurs : la vasectomie n’est pas l’émasculation, ça n’empêche pas d’avoir une vie sexuelle intense, c’est juste une garantie supplémentaire contre les grossesses non voulues, et si vous avez vraiment peur de le regretter, vous pouvez aussi, avant l’opération, mettre un peu de votre séance fertile de côté afin de pouvoir féconder madame ! C’est tout bénéf’ ! Encore faut-il, évidemment, mettre de côté ses conceptions archaïques de la virilité et ses préjugés moyenâgeux hérités du temps où l’Église quadrillait la société…
9h : Passage aux archives municipales pour faire des recherches, entre autres, sur le procès qui avait été intenté à Cabu à Brest en 1976 : le dessinateur avait été traîné en justice pour injures envers l’armée en raison d’un dessin de son cru qui avait été réutilisé pour une affiche contre les tribunaux militaires, cette justice d’exception où l’armée était à la fois juge et partie[1] – le dessin représentait un militaire en position avachie et était légendé « les tares de la justice civile plus les tares de l’armée ça fait beaucoup ». Si Cabu avait été convoqué à Brest, c’était tout simplement parce que la cité du Ponant faisait partie des villes où cette affiche avait été placardée : le juge brestois, qui lisait Charlie Hebdo, le condamna à 100 francs d’amende, mais la cours d’appel de Rennes releva l’amende à 15.000 francs ! Moralité : quitte à brocarder les militaires, mieux vaut le faire dans une ville qui vit avec la grande muette et qui est donc bien placée pour savoir ce que vaut vraiment l’armée française ! Car si vous comptez vraiment sur elle pour vous sauver du terrorisme islamiste, vous aurez plus vite fait de commencer tout de suite à apprendre le Coran par cœur…
14h : Soutenance de thèse de Maroua Yahyaoui qui est peut-être la dernière représentante de la génération de doctorants que j’ai fréquentée. Vous connaissez le cliché du vieux chercheur imbu de lui-même et plus préoccupé par sa gloire que par la cause du savoir ? Ce n’est pas un cliché : je n’assiste pas à l’intégralité de la soutenance car je suis obligé de m’absenter pour écrire un article mais, pour le peu que je vois, le jury se montre, dans sa grande majorité, imbuvable envers la candidate, notamment un chercheur tunisien qui y participe à distance et qui se plaint de ne pas avoir été davantage cité dans la thèse présentée ! Signe qui ne trompe pas, l’individu coupe sa caméra parce qu’il ne veut pas être vu avec sa minerve… Le jury est présidé par Yves Coativy qui est sévère lui aussi mais est au moins honnête. Heureusement, Maroua ne se laisse pas intimider : elle tient bon, elle se défend admirablement et, in fine, elle est reçue sans réserve ! Bravo à elle !
Quelques croquis réalisés au cours de la soutenance :
Mardi 17 décembre
10h30 : Le Pen est sortie ravie de son entretien avec Bayrou. C’est donc clair : le nouveau premier ministre continuera à baisser son froc devant le RN mais fera fi de la gauche pourtant majoritaire à l’assemblée. Le déni de démocratie continue et ça n’émeut personne ! Oh, dites, vous qui présentez le Rassemblement National comme un parti « anti-système », vous ne voyez pas un problème, là ? Voilà des années que des gouvernements qui défendent à tout crin le capitalisme appliquent AUSSI les idées du RN sur l’immigration et la sécurité ! Ça ne vous met pas la puce à l’oreille ? Et aujourd’hui, le premier ministre nommé par Macron a moins de scrupules à faire des concessions au RN qu’au NFP ! Vous n’y voyez pas la preuve que les idées de l’extrême-droite ne gênent absolument pas les capitalistes ? Et bien qu’est-ce qu’il vous faut, alors ? Désolé si je crie un peu fort, mais j’en ai plus qu’assez de cette banalisation du racisme associée à une diabolisation des idéaux de justice sociale dont se réclame la France Insoumise… La rage de gauche nous a donné la sécurité sociale et les congés payés, la rage d’extrême-droite nous a donné les camps d’extermination nazis et le Ku-Klux-Klan, et l’histoire a prouvé que ces deux dernières calamités n’empêchaient pas les grands capitalistes de dormir ! Le RN ne fera rien pour les prolos, si ce n’est remplacer les CRS par l’armée de terre…
Mercredi 18 décembre
10h : L’étude du docteur Raoult sur la chloroquine est définitivement invalidée : quand on était encore en pleine pandémie, cette nouvelle aurait fait les gros titres des journaux, aujourd’hui, elle est à sa juste place, c’est-à-dire celle d’une péripétie du monde de la recherche qui ne mérite guère plus que quelques lignes en sixième page… C’est là qu’on voit à quel point les polémiques qui font s’enflammer les médias sont dérisoires : voyez ce qu’elles deviennent quatre ans plus tard !
Un montage pour illustrer ma chronique de la semaine dans Côté Brest, consacrée à la comtesse Alix de Carbonnières :
Jeudi 19 décembre
10h30 : Sarkozy est définitivement condamné : il devra porter un bracelet électronique pendant un an… J’espère au moins qu’il ne se plaint pas : lui qui avait sans cesse réclamé une justice plus sévère, il peut être satisfait !
17h : J’ai prévu de me rendre à la dernière conférence de l’année organisée par la société éditrice des Cahiers de l’Iroise. Seulement voilà : les chantiers en ville plus l’heure de pointe plus la période de Noël, c’est le cocktail de la mort ! Pour ne pas être laminé par mon déplacement, j’ai donc recours au service de transport à la demande auquel j’ai désormais droit en tant que personne en situation de handicap. Le minibus arrive à l’heure et je suis le seul passager : je n’ose pas demander au chauffeur de baisser voire de couper sa radio, ce qui me vaut de subir Chérie FM et All I want for Christmas is you, ce tube devenu imbuvable à force d’être matraqué chaque année. Mariah Carey est un peu à notre génération ce que Tino Rossi a été pour celle de mes parents… Mais c’est un moindre mal par rapport à la cohue que je devrais affronter dans le bus ! Je m’attends à ce qu’il me demande la nature de mon handicap : il ne me pose même pas la question, il doit être habitué à prendre en charge d’autres personnes qui ne sont pas forcément en fauteuil roulant. Du coup, la conversation ne s’engage pas : quand il rouspète contre la circulation difficile sur certaines artères, je me contente d’un grognement vaguement approbateur pour balayer la perspective d’une conversation aussi rebattue qu’inintéressante – de mon point de vue, bien sûr. Quand il me dépose, nous n’avons quasiment pas échangé un mot… Ce qui me va très bien !
18h : La conférence commence : l’orateur est Georges Lombard[2], descendant de la famille qui géra le mythique Hôtel des Voyageurs pendant quasiment un siècle. Son témoignage est passionnant et je pourrais passer un bon moment… Si l’assistance se montrait un peu plus respectueuse du conférencier ! Le bourdonnement dû aux messes basses est ininterrompu, les rires n’arrêtent pas de jaillir, je me retourne quatre fois pour réclamer le silence ! Et pourtant, la majeure partie du public a dépassé la soixantaine ! Mais je ne devrais pas m’en étonner : dans les années 1970 déjà, Cavanna pestait, à juste titre, contre la démission de l’éducation nationale qui ne faisait plus l’effort de demander le silence aux écoliers ! La dernière génération à avoir pris l’habitude de se taire quand un professeur ou un conférencier parlait est donc, dans sa grande majorité, déjà morte et enterrée depuis longtemps… La prochaine fois qu’on me demandera pourquoi je parle aussi vite à mes propres conférences, je répondrai : « Et bien madame, c’est pour forcer l’assistance à se concentrer ! Je ne veux pas laisser aux auditeurs de temps mort qu’ils pourraient mettre à profit pour papoter ou regarder leurs smartphones ! Si vous voulez vraiment profiter de ce que j’ai à vous apprendre, il faudra m’écouter activement ! La transmission du savoir n’est pas un effort à sens unique ! » Et toc !
Une pin-up de Noël - je ne pense pas que réaliser et montrer ce genre de dessin entre tellement en contradiction avec mes déclarations pour la dignité des femmes, mais je peux me tromper :
Vendredi 20 décembre
9h30 : Quel beau pays que la France ! Monsieur le premier ministre, à l’égal de nos grands éditorialistes, n’ont pas manqué de dénoncer comme il le méritait ce scandale odieux, cette décision de justice inique ! Il est en effet tout à fait inacceptable que les accusés du procès de Mazan, malgré les preuves accablantes et leur culpabilité unanimement reconnue, n’aient finalement écopé, pour beaucoup d’entre eux, que de peines bien légères au vu de la gravité des faits qui leur sont reprochés et… Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Hein ? Ah bon, ce n’est pas cette décision de justice qui peine Bayrou et les journalistes ? C’est la condamnation de Sarkozy qu’ils trouvent injuste ? Ils parlent de règlement de compte des juges ? Ils disent même que ça fait le jeu du RN ? Bon, alors veuillez revenir en arrière et sauter le passage qui va de « Quel beau » à « justice inique », je le retire.
Pour conclure sur une note de légèreté, voici une vidéo dans laquelle je commente un film de Laurel et Hardy :
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine et joyeux Noël quand même !
[1] Elle fut abolie par Badinter en 1981 : cette décision avait déjà de quoi échauder les militaires, ce qui suffit peut-être à expliquer pourquoi Mitterrand n’a pas voulu les braquer davantage en tenant sa promesse d’abolir la conscription…
[2] À ne pas confondre avec son défunt oncle qui fut maire de Brest : d’ailleurs, la famille Lombard comptait trois hommes prénommés Georges, à croire que toutes les familles bourgeoises, même les mieux inspirées, se prennent pour des dynasties royales…