Du 13 au 18 avril : Cette fois, ce n'est pas en Bretagne qu'il fait le plus mauvais !
Commençons avec un dessin sur la condamnation de Marine Le Pen - mais qui aurait été valable pour Benard Tapie ou Jacques Chirac, soit dit en passant :
Dimanche 13 avril
15h : Je me suis inscrit à une visite guidée consacrée à la présence des styles « art nouveau » et « art-déco » dans l’architecture brestoise. J’espère en tirer des informations intéressantes pour ma chronique dans Côté Brest ; j’espère aussi que les autres personnes inscrites ne seront pas trop casse-pieds (pour rester poli) ! Hélas, ça commence mal : alors que la guide, au pied de l’église Saint-Martin, donne des précisions sur l’histoire de Brest et la différence entre art nouveau et art-déco[1], un vieux type n’arrête pas de renifler ; ça me perturbe et ça me dégoûte en même temps ! Voulant rester diplomate, je profite du déplacement du groupe vers la rue Jean Jaurès pour lui tendre un paquet de mouchoirs : il me répond qu’il n’en veut pas et qu’il ne peut pas s’empêcher de renifler ! Je ne puis réprimer un « Ben ça promet » : il n’en faut pas plus pour qu’il me lance « Décidément, y a des cons partout » ! Dans sa bouche, ça me rappelle Les Bidochon en vacances quand Robert, Raymonde et leurs nouveaux amis déblatèrent sur ce pauvre type séparé de ses enfants à cause du le règlement débile du village-vacances : dans la BD, c’était drôle, mais dans la vraie vie, c’est plutôt révoltant… Il y a vraiment du boulot pour faire admettre que l’hypersensibilité auditive est un handicap aussi pénible (sinon plus) que la surdité !
Quelques photos prises au cours de cette visite :
17h30 : La visite guidée prend fin sur le Cours Dajot : elle devait durer en principe deux heures, la guide espérer locher l’affaire en une heure et demie vu qu’il n’y avait que six inscrits ; il a finalement fallu deux heures et demie pour en venir à bout ! À quoi doit-on ce miracle ? Au fait que nous vivons une époque de barbares où l’on méprise les détenteurs du savoir et où tout le monde croit tout connaître. Résultat : que ce soit à l’école, à l’université, lors d’une conférence et même durant une visite guidée, le public, au lieu d’écouter religieusement la personne « qui sait » et de se borner à poser des questions pour éclaircir un point, se croit obligé d’apporter son grain de sel à tout propos ! C’est d’autant plus regrettable que le plus souvent (inutile d’être démagogue), ils n’ont pas grand-chose à apporter : rien qu’au cours de cette visite-là, une rombière s’est crue obligée de dire, devant le monument américain, que nous nous trouvions en territoire des États-Unis ! C’était bien la peine que Bruno Calvès et moi-même fassions tout notre possible pour démentir cette croyance erronée[2] ! Franchement, j’admire les guides d’aujourd’hui qui doivent supporter des gens à ce point bouffis de suffisances et de certitudes ! J’ai parfois pensé à me faire guide touristique ; le problème, c’est que j’aurais toutes les compétences pour ce métier, sauf une, la seule qui semble compter pour le public à l’ère 2.0 : celle du Sourire-Bonjour-Au revoir-Merci ! J’avais fait de la philo pour essayer de comprendre les gens, mais plus je comprends comment ils fonctionnent, plus je désespère…
Le 13 avril, c'est aussi le jour de la naissance de Reiser (en 1941) :
La photo ci-dessus a été prise l'an dernier sur les bords de Seine : celle ci-dessous a été prise dans la cour où se trouvaient jadis les locaux de Hara-Kiri ; ce robinet est très vraisemblablement celui où l'homme qui, d'après Cavanna, inspira Gros Dégueulasse à Reiser, faisait sa toilette matinale...
Le 13 avril est aussi le jour de la découverte de la Victoire de Samothrace par Charles Champoiseau en 1863...
C'est aussi le jour de la naissance de Patrick Moerell en 1951...
...et de la loi Marthe Richard :
A l'attention des lecteurs non-comprenants : ce dessin fait allusion à la fermeture de l'antenne de la Cinq de Berlusconi, qui, le 13 avril 1992, était effective depuis Minuit. Jean-Claude Bourret, qui fut le chef de file du combat des salariés pour la défense de la chaîne (et qui est très difficile à caricaturer) trouva par la suite du reclassement sur RMC, d'où l'allusion à Monaco. Quant au hérisson, il fait (perfidement) allusion à la gaffe de la rédaction de La Cinq qui, en septembre 1988, avait annoncé que Pauline Lafont avait été retrouvée vivante ! Soyons juste : la responsabilité de cette erreur incombait surtout à Guillaume Durand ! Mais Jean-Claude Bourret n'a pas non plus été avare d'inepties au cours de sa carrière : ne citons que ses histoires d'extraterrestres...
Lundi 14 avril
17h15 : Malgré la météo maussade, je suis allé rendre visite à mon amie qui habite Hanvec. À l’issue d’un après-midi bien agréable, je la prie de me donner l’adresse mail d’une personne qu’il me faudra contacter en vue d’un projet commun. L’écoutant me l’épeler, je suis surpris de l’entendre me dire subitement « tiret du six » ! Constatant mon incompréhension, elle précise aussitôt qu’il s’agit en fait du bon vieux trait d’union : visiblement, on l’appelle ainsi pour le distinguer d’un autre tiret, celui qui, quand on écrit sur un traitement de texte, apparaît en position basse sur la ligne quand on tape la touche « 8 » ! C’est fou, quand même, de constater à quel point certains usages véhiculés par l’informatique sont entrés dans les mœurs au point d’en supplanter d’autres dont l’origine était pour ainsi dire immémoriale… J’imagine la tête de l’instituteur quinquagénaire (voire sexagénaire) quand un de ses élèves lui demandera, à propos du trait d’union, s’il s’agit « du tiret du 6 ou du 8 » ! Ça ne va pas arranger le décalage entre les écoliers et leurs enseignants assez vieux pour se faire traiter de « boomers »[3] par ces derniers… Voilà qui me conforte dans l’idée qu’on devrait autoriser les profs à prendre leur retraite avant quarante ans, comme pour les flics et les militaires ! Précision importante tout de même : mon amie est plus âgée que moi…
Le 14 avril, Brigitte Lecordier a eu 69 ans ! Joyeux anniversaire à elle !
Mardi 15 avril
9h30 : Je reçois ce soir une amie qui vient prendre l’apéro : en prévision de cette visite, je brave la pluie battante pour faire quelques courses. C’est curieux, mais je n’arrive pas à trouver ça tellement désagréable : bien sûr, je ne tarde pas à être plus trempé qu’un bouillon, mais ce n’est jamais que de l’eau, et puis elle a la vertu de ne pas faire s’attarder les gens dans la rue, j’échappe donc à leurs sourires de ravis et à leurs conversations minables… Je n’aime pas grand-monde sur terre, finalement ! J’ai beau connaître beaucoup de gens, je ne fais pas don de mon amitié au tout-venant : comme me l’ai dit une autre amie, « plaire au plus grand nombre, c’est plaire à n’importe qui » ! Et si je suis en train de risquer un rhume pour faire plaisir à quelqu’un, c’est que c’est cette personne en vaut vraiment la peine…
Mercredi 16 avril
11h45 : C’est la semaine des retrouvailles ! Je revois une troisième amie venue prendre le thé. Enseignante à la retraite (retenez bien cet aspect, il est important pour la suite), elle est maman de deux garçons et d’une fille, je lui demande donc de leurs nouvelles : son aîné, qui est décorateur de théâtre avec statut d’intermittent du spectacle, a dû jouer des coudes afin de trouver assez de débouchés pour son talent et boucler ses 507 heures, à cause des restrictions budgétaires imposées à la culture. Sa fille, qui n’arrive pas à s’insérer dans le monde du travail, est actuellement bénéficiaire du RSA et vit donc avec une épée de Damoclès : tôt ou tard, le conseil départemental risque de la forcer à accepter n’importe quel boulot, même si elle n’est pas du tout faite pour l’emploi concerné et risque d’y faire plus de dégâts que si on la laisse au chômage. Son cadet, enfin, est étudiant à la fac de sport : à 21 ans, il vit toujours chez sa mère. Conclusion : pas besoin d’aller chez les cas sociaux pour toucher du doigt les conséquences de la politique de Macron…
Un dessin sur un individu encore plus nuisible que notre président - car oui, c'est possible malgré tout :
Jeudi 17 avril
14h45 : Je sors de mon appartement fraîchement nettoyé par mes soins. Au programme de cet après-midi : séance de natation à la piscine de Recouvrance, achat d’une bouteille de lait dans une supérette, passage dans un restaurant pour faire une réservation (je préfère aller sur place, c’est plus commode pour moi que le téléphone) et, enfin, pique-nique au Kafkerin avant la scène ouverte qui y est prévue ce soir. Avant de prendre le bus, je prends le dernier Côté Brest : je pense que mon article où je raconte comment un marin natif de Brest a ramené une preuve de l’existence du calmar géant fera son petit effet ! Mais je ne lis pas que ma propre page : j’ai ainsi la confirmation qu’il vaudra mieux éviter de sortir en ville ce week-end ! Comme si la circulation n’était pas déjà assez compliquée avec le chantier du tram, voilà qu’elle va être perturbée de plus belle par le Brest urbain trail… Les sportifs ont un blanc-seing pour pourrir la vie des gens ! J’apprends aussi la sortie d’un film consacré à une demoiselle qui rêve de devenir pilote de formule 1 mais n’arrive pas à se faire accepter dans un milieu blindé de testostérone : c’est un juste et noble combat, les femmes aussi ont le droit d’être de gros cons de pollueurs qui foncent sur des rubans d’asphalte pour le plaisir d’un public de gros beaufs ! Mon camarade Julien Saliou consacre une page aux éventuels candidats aux municipales de l’an prochain, non sans souligner que François Cuillandre n’a peut-être pas renoncé à un cinquième mandat. Ce qui est amusant, c’est qu’à la page suivante, on voit justement monsieur le maire poser sur la place de la Liberté, donc devant l’hôtel de ville, en compagnie de Yohann Nédélec, son adjoint le plus pressenti pour lui succéder au moins à la candidature du PS ! Et sur la photo, le document que tient ce dernier prend une forme qui évoque de façon plus que convaincante celle d’un poignard…
19h : Tout en mangeant mes sandwiches au Kafkerin, je fais le bilan de la journée. Et d’une : je me suis levé très tôt pour avoir le temps de faire le ménage avant midi. Et de deux : j’ai pris le tramway pour aller à la piscine, le véhicule était plein à bloc, vacances scolaires obligent. Et de trois : après avoir nagé et acheté mon lait (dans une supérette bruyante), j’ai voulu aller à pied au restaurant pour réserver, mais je me suis trompé de chemin et j’ai été bien obligé de prendre le tram puis le téléphérique, tous deux bondés ras la gueule, avec le bonjour des piaillements de la marmaille. Et de quatre : enfin arrivé au Kafkerin, il m’a fallu supporter le bruit d’une troupe de théâtre qui a préparait un spectacle, la femme qui semblait être leur chef m’a même crié dans le dos, et ses deux petites filles en rajoutaient en courant dans tous les sens… Bref : si, telle Astrid, j’utilisais des haricots pour évaluer la quantité d’énergie qu’il me reste en réserve, celle-ci ne serait pas loin d’être épuisée ! Mais bon, en principe, la soirée devrait se passer sans mauvaise surprise…
20h25 : En principe, tout va toujours bien ! Alors que j’étais déjà à bout de patience, la mauvaise surprise est arrivée : Claire n’est pas au rendez-vous ! Que la soirée commence en retard parce que Claire doit d’abord se sustenter ou parce qu’il faut régler un détail technique, c’est habituel. Mais qu’elle ne soit même pas là et n’ait averti personne d’un éventuel retard, ça, c’est totalement inhabituel ! Pour moi, la cause est entendue : pas d’animatrice, pas de scène ouverte ! Point de vue que ne partagent manifestement pas les autres personnes présentes qui rigolent et s’apprêtent à faire le bœuf entre potes… Bref, je me barre avec pertes et fracas, outré par ce que je considère, sur le coup, comme un manque de respect ! Comme d’habitude, la personne à laquelle je dis à quel point j’ai horreur de me déplacer pour rien m’accuse de me fâcher contre elle : les gens comprendront-ils un jour que ce n’est pas parce qu’on leur fait part d’une colère que c’est forcément à eux qu’on en veut ? Un guitariste me demande si j’habite si loin que ça ; je bredouille que non, mais je ne sais pas par quoi commencer pour me justifier : la fatigue que j’ai eu le temps d’accumuler depuis ce matin ? La raideur de la pente entre mon immeuble et le café, qui m’oblige à y réfléchir à deux fois avant de venir ? Les affronts que j’ai déjà essuyés dernièrement et qui suffisent pour que je n’en tolère plus un seul ? Ou, plus simplement, le fait que le moindre déplacement est pour moi une aventure à part entière ? Je m’en tire en disant que je ne suis pas en état de m’expliquer : si je m’attarde encore, je risque de rater le bus… Je ne suis pas fier de moi, je vous rassure !
20h35 : Alors que le bus arrive, je reçois un SMS de Claire : elle dit qu’elle est malade… Je me sens con de l’avoir soupçonnée de nous manquer de respect ! N’empêche qu’elle aurait pu ne pas attendre la dernière minute pour le dire…
Ma vidéo de la semaine :
Vendredi 18 avril
10h : Je n’ai pas très bien dormi cette nuit : j’étais tellement énervé que j’ai dû oublier de prendre ma mélatonine… Je me suis donc levé assez tardivement. Fort heureusement, il pleut tellement qu’il y a peu de monde au marché. Au stand du marchand de pommes, une dame demande de l’aide pour éviter à un monsieur en fauteuil roulant de tomber : entre handicapés, il faut s’entraider, j’interviens donc pour éviter une mauvaise chute à cette personne à mobilité réduite… Et ça me vaut une roue sur le pied ! Je hurle de douleur : ça ne me rapporte que des regards pleins de reproches, et je n’ai même pas droit à un merci. Je ne peux pas en vouloir à ce pauvre homme qui est assurément plus à plaindre que moi, mais l’attitude des témoins à mon égard me conforte dans l’idée que je n’inspire pas le respect : quand je hausse la voix, personne ne me prend au sérieux ; quand je me fais mal, personne ne me plaint ; quand je suis malheureux, personne ne m’écoute ; et quand je me fais dépouiller, ça ne me vaut que des remontrances. Si je me faisais agresser en plein jour, les témoins riraient, et si je me faisais violer, on dirait que mon assaillant n’est pas dégoûté – et le pire, c’est que ce serait un peu vrai !
10h30 : À la boulangerie, je me retrouve à côté d’un monsieur qui parle un peu trop fort : je le lui fais savoir, il proteste qu’il ne parle pas fort. Je suis bien obligé de lui dire que je suis hypersensible au bruit ; il me répond, désignant mon casque : « C’est parce que vous écoutez trop de musique ! » Je réplique que ce n’est pas un walkman mais un casque anti-bruit… Ce n’est pas la première fois que je fais face à un malentendu de ce genre, mais je dois vraiment prendre sur moi pour ne pas le traiter de vieux crétin ! Il y a vraiment du boulot pour faire admettre que l’hypersensibilité auditive est un handicap aussi… Ah, zut, je l’ai déjà dit ! Mais si je répète ce constat, c’est bien parce que les faits n’arrêtent pas de me le confirmer…
C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !
[1] Sans entrer dans le détail, le style « art nouveau » est caractéristique du début du XXe sièlce et se définit par une richesse décorative, on parle aussi de « style nouille » ; le style « art-déco », en revanche, est caractéristique des années 1930 et se définit au contraire par sa sobriété. Et oui, ces deux styles architecturaux antérieurs à la seconde guerre mondiale coexistent dans Brest, ce qui prouve que TOUT n’a pas été saccagé par les Alliés et les promoteurs immobiliers ! Encore faut-il prendre la peine de regarder…
[2] En fait, la parcelle du Cours Dajot sur laquelle s’élève le monument commémorant l’action des militaires américains lors de la première guerre mondiale n’est que prêtée au gouvernement américain qui rémunère effectivement le personnel chargé de son entretien ; mais ce terrain n’en est pas moins territoire français et ne bénéficie d’aucun statut d’extraterritorialité.
[3] Précisons que dans la bouche des moins de vingt ans, un « boomer » ne désigne pas forcément une personne effectivement née à l’époque du baby-boom mais un individu assez âgé pour être considéré comme un vieux con, pas assez pour être respecté.