Du 12 au 18 novembre : concours de chant et autres

 

Ouvrons le bal avec un dessin qui résume assez bien ce que je pense de notre époque : 

 

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Dimanche 12 novembre

 

12h45 : Après un samedi férié sans histoire, me voici, grâce à un camarade qui a bien voulu m’y conduire, à l’entrée de la salle de l’Arcadie à Ploudalmézeau : je suis inscrit au concours de chant qui y est organisé au profit du Téléthon. En attendant, à l’abri de la pluie, je mange mon casse-croûte : cette fois, j’ai pris la précaution de me munir de ma fidèle chaise pliante qui me rend déjà de fiers services quand je vais faire le caricaturiste et à laquelle je devrais avoir recours plus couramment si je ne veux plus me retrouver le cul par terre comme un clochard. J’y gagne en dignité et en confort mais je n’en suis pas moins seul, dehors, par un temps maussade, dans un quartier, pour l’heure, aussi animé que Pyongyang la nuit. Pour ne rien arranger, à croire qu’on paie les urbanistes à être stupides, la salle de spectacle a été bâtie juste à côté du cimetière… J’espère donc que les portes ne tarderont pas à s’ouvrir avant que je ne me demande une énième fois ce que je suis en train de faire de ma vie.

 

13h15 : Surprise : je viens à peine de finir mon pique-nique que les portes s’ouvrent déjà. Je suis accueilli chaleureusement par les bénévoles de l’association organisatrice, les Donneuses d’espoir : la présidente Simone Fourn, en particulier, celle-là même qui m’avait sollicité quand nous nous sommes rencontrés au Pilier Rouge, est bien contente de me voir arriver. Avec ses copines, elles me font penser à des versions blanches de ces mammas afro-américaines chaleureuses et toujours prêtes à vous serrer dans leurs bras – ce n’est pas un cliché, Siné et Keith Richards ont attesté que ça existe. On me débarrasse de mes affaires les plus lourdes que je peux entreposer dans un placard, on m’indique les places réservées aux candidats (il y en a une quarantaine, paraît-il !), on me laisse boire un café sans payer, histoire d’éviter que je m’endorme au cours de cet après-midi… Apparemment, les gens gentils, ça existe encore : il faut lancer un programme de sauvegarde de l’espèce ! 

 

13h30 : La salle se remplit déjà. Non seulement de candidats mais aussi de spectateurs : c’est déjà la huitième édition du concours et les réseaux de l’association fonctionnent à plein régime. Beaucoup de gens me reconnaissent, pour m’avoir croisé soit au concours de chant d’Amasic, pour m’avoir vu tenir mon stand de caricaturiste, pour avoir eu recours à mes services de correspondant de presse… C’est fou comme ça suffit à me mettre de bonne humeur ! Non que je me laisse griser par le succès, mais ne pas me sentir radicalement étranger m’aide à me mettre à l’aise. Suprême satisfaction : parmi les candidates, je retrouve la délicieuse Jeanne, lauréate de l’édition 2022 du concours Amasic ! C’est toujours un plaisir de retrouver cette charmante jeune fille à la voix de diamant : jolie, éveillée, modeste, talentueuse, elle est parfaite ! Ah, si elle avait vingt ans de plus…

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Oui, c'est bien moi qui tire la langue au photographe !

 

14h : Les festivités commencent à l’heure, c’est un autre bon point. Visiblement, l’organisation est rodée. L’animation est assurée par un certain Jean-Jacques, un gros rigolo qui doit friser la soixantaine. L’ambiance est plutôt familiale : le public a beau être nombreux, tout le monde connait plus ou moins le quart de la salle au minimum. Ce qui est formidable, c’est que toutes les tranches d’âge sont représentées : on n’a pas si souvent que ça l’occasion de voir les jeunes côtoyer les anciens. Pourtant, nous devrions tous fréquenter des gens de tous les âges : ça limiterait les conflits de génération et, comme personne ne restera jeune jusqu’à la fin de ses jours, chacun a intérêt à s’habituer très tôt à côtoyer des gens d’âge différent. Combien de personnes âgées n’ai-je pas entendu rouspéter sur le fait que tous leurs amis sont morts ! Si elles n’avaient pas méprisé les vieux quand elles étaient jeunes, elles ne verraient pas d’inconvénient à fréquenter des jeunes maintenant qu’elles sont vieilles… Enfin… Je suppose ?

 

14h25 : Le spectacle s’ouvre sur un passage de Simone et ses copines qui nous interprètent « L’oiseau et l’enfant » de Marie Myriam : on est là pour le Téléthon, c’est donc de circonstance. Je n’ai jamais vraiment réussi à apprécier cette chanson depuis que je l’ai entendue au baptême du fils d’une de mes meilleures amies, mais je n’osais pas espérer n’entendre que des chansons que j’aime. Je prends donc ce tour de chant pour ce qu’il est : une tranche de plaisir que s’offrent trois dames généreuses qui ont bien le droit de penser AUSSI un peu à elles. 

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14h35 : Après un passage de l’ami Gilles dont j’avais déjà apprécié les talents musicaux à Saint-Pierre (j’aurais tout de même aimé qu’il nous rejoue « Le barbier de Belleville »), le concours proprement dit commence avec la catégorie « moins de quinze ans ». La première candidate est une adorable jeune fille prénommée Océane qui nous chante… « L’effet de masse » de Maëlle. Entendre une petite demoiselle interpréter cette chanson anti-harcèlement, c’est quelque chose ! Ça prouve qu’il n’y a pas de fatalité et qu’un enfant est capable de prendre conscience de la souffrance d’autrui. Océane chante merveilleusement bien et elle est élégamment vêtue, sa tenue me rappelle vaguement celle d’un druide ; on la sent cependant peu à son aise, ce qui est normal pour son âge : elle semble se protéger avec la main qui ne tient pas le micro… Adorable ! Je lui demanderais bien sa main si elle avait vingt ans de mieux !

 

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Tant qu'à faire de parler de harcèlement à l'école :

 

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14h50 : La catégorie « moins de quinze ans » continue de défiler : après deux autres charmantes jeunes filles, nous avons droit à un jeune garçon noir qui porte un sweat de l’école Diwan et chante… Du Anjela Duval. Oui, vous avez bien lu : un petit noir qui chante en breton ! De quoi donner une PLS à Éric Zemmour ! Rien que pour ça, le jeune homme mérite amplement les applaudissement nourris que lui rapporte sa prestation. J’avoue que j’adore voir les enfants chanter : même s’ils peuvent être peu à leur aise, ils n’y vont pas moins pour le plaisir, sans les scrupules déplacés dont s’embarrassent trop souvent les adultes et les adolescents…

 

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15h : Ça ne pouvait pas rater : à force de griffonner sur mon carnet, je me suis fait repérer. L’animateur, avant de présenter Jeanne, parle d’un « monsieur en train de dessiner » qui attise sa curiosité… Heureusement, quand ma petite chouchoute se met à chanter, le public m’oublie assez vite : la grâce, le talent et l’aisance scénique de la petite Jeanne subjuguent tout le monde, moi le premier ! Une vraie professionnelle ! Je ne donne pas dix ans pour que les maisons de disques se battent pour lui signer un contrat… Et pour que les prétendants s’entretuent pour l’épouser !

 

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15h15 : On passe à la catégorie 15-25 ans. Malgré le talent indiscutable de Jeanne et d’Océane (pour ne citer que mes deux chouchoutes), le jury aura fort à faire pour départager les candidat(e)s qui sont tous fort différent(e)s les un(e)s des autres : comme dirait Brassens, chacun a quelque chose pour plaire, chacune a son petit mérite, mais mon colon, celui que je préfère… Et bien je ne sais pas qui c’est ! Le jeune homme qui passe sur scène nous interprète un texte de Grand Corps Malade que j’oublie assez vite : je retiens surtout qu’il s’accompagne au piano, ce qui change un peu.

 

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15h25 : Après le passage d’un duo de charme (une chanteuse et une guitariste), je suis obligé de sortir pour satisfaire un besoin naturel. Du coup, je rate la prestation d’une jeune femme qui nous chantait « Halleluja » de Léonard Cohen… Ma vessie a bien choisi son moment ! La chose est d’autant plus regrettable que quand je reviens, je n’ai que quelques secondes pour griffonner assez grossièrement le visage de la jeune chanteuse : bien entendu, elle est beaucoup plus jolie que sur mon dessin. Mais je sens venir le moment où on va m’appeler sur scène et je ne tenais pas à ajouter une petite source de malaise aux grandes…

 

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15h40 : Après le passage d’une charmante jeune femme qui nous a interprété « Casting » de Christophe Maé (chanson que je ne connaissais pas car je n’aime guère son interprète d’origine mais qui s’avère rigolote), on m’appelle à mon tour : je suis un peu surpris car la catégorie annoncée était celle des « 25-33 ans » ! D’un autre côté, si on tient compte des deux années qu’on m’a volées sous prétexte de pandémie, on peut considérer que je n’ai effectivement que 33 ans… Je monte donc sur scène et je profite pleinement du pupitre et du pied de micro dont je dispose : j’ai mon texte sous les yeux et les mains libres, ce qui me permet d’avoir la gestuelle appropriée pour interpréter « Tout commence en Finistère ». Et oui, cette fois, plus question d’interpréter du Renaud : puisque je n’arrive pas à émouvoir les gens en chantant mon poète contemporain préféré (après Brassens, bien sûr), tant pis, je n’interprète plus que mes propres créations ! Puisqu’on dit que j’ai une personnalité riche, autant l’exploiter à fond. Bref, j’ai la voix qui tremble un peu, mais je suis assez vite à l’aise pour la tenue de scène, je fais même un bras d’honneur au moment du couplet évoquant Pétain ! Le public réagit exactement comme je l’espérais et tape dans ses mains en même temps que moi : même si je ne gagne rien, au moins, j’aurai cette satisfaction, ça n’aura pas été comme au Pilier rouge où les spectateurs étaient restés amorphes en m’écoutant. Quand je sors de scène, l’animateur commente : « Ça fait du bien, un peu d’humour ! » C’est curieux, je n’envisageais absolument pas « Tout commence en Finistère » comme une chanson comique, je voulais seulement exalter l’histoire de notre région et tous les pionniers qui lui ont fait honneur ; et pourtant, je peux écrire une chanson destinée à faire rire, c’est ce que j’ai fait pour « La mamie de Léonce » par exemple. Enfin, si je fais rire malgré moi sans que ce soit à mes dépends, je ne vais pas m’en plaindre : inutile de rejouer Le Schpountz… Quand je regagne mon strapontin, le candidat assis derrière moi m’adresse un pouce levé : j’attendrai l’entracte pour avoir d’autres retours… Le jeune homme après moi chante du Céline Dion. Il le chante très bien. Dans d’autres circonstances, j’aurais fait un complexe, mais cette fois, je me reprends vite : on ne pourra pas comparer nos prestations respectives, elles n’ont absolument rien à voir ! Je n’aimerais vraiment pas être dans le jury…

Votre serviteur sur scène :

 

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16h15 : La fatigue se fait sentir. J’oublie assez vite ce qu’interprètent les candidat(e)s suivants, même s’ils (elles) chantent avec talent ou se trouvent être de très jolies femmes. Je suis surtout marqué par celui qui était assis derrière moi et qui nous a chanté « La ville que j’ai tant aimée » : c’est vraiment un patriote enthousiaste, il porte même un t-shirt « Je suis breton » ! Mine de rien, à part moi et le petit Noir, nous n’aurons pas été nombreux à jouer la carte de la couleur locale ! Bref, c’est au grand soulagement de tous que l’entracte est annoncé. J’en profite pour consommer une crêpe et une boisson chaude histoire de soulager ma gorge que je sens irritée : apparemment, ça ne s’est pas entendu sur scène, puisqu’on me complimente pour ma prestation. Bien sûr, on demande surtout à voir mes croquis : je suis toujours étonné par les réactions enthousiastes que suscitent ces modestes griffonnages exécutés en quatrième vitesse ! Comme toujours, les personnes que j’ai dessinées sont toujours surprises de se voir, mais elles ne sont jamais vexées. Mais la plus surprise est Simone qui ignorait que je dessinais ! Elle est bien la seule à ne pas me connaître en premier lieu sous cet angle-là… En tout cas, heureusement que j’ai le dessin : sans ça, dans une telle foule, aborder les gens pour leur parler me serait difficile… 


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17h15 : Le concours a repris. Après un duo que j’avais déjà découvert au Pilier Rouge, passe une dame visiblement d’âge mûr qui nous interprète… « L’Aziza » ! Aïe ! J’ai horreur de Balavoine et je le dis franchement à mon voisin : il me répond que lui aussi ! Je me sens moins seul, je pourrai dire à ma mère qu’il n’y a pas que moi ! Comme je ne veux vexer personne, je ne coiffe pas mon casque anti-bruit et je subis la chanson sans maugréer. Il n’empêche que j’ai beau écouter les paroles, je ne leur trouve rien d’exceptionnel, je les trouve même niaises et sans originalité : je ne peux pas m’empêcher de penser que si tant de gougnafiers se sentent autorisés aujourd’hui à faire passer leur xénophobie pour une attitude révolutionnaire, c’est précisément à cause de chanteurs gluants comme Balavoine qui ont cru combattre le racisme avec des bluettes insipides. Une bonne cause ne suffit pas à faire une bonne chanson, on ne fait pas triompher un combat avec de beaux sentiments, dénoncer le racisme n’exonère pas d’être créatif, Claude Nougaro, Pierre Perret, François Béranger et même Yvon Étienne ont dénoncé le racisme avec infiniment plus de force et d’inventivité. Désolé, Maman : Balavoine, j’ai essayé, mais je n’y arrive vraiment pas ! Je te jure, ce n’est pas pour le plaisir de démolir les idoles de ta jeunesse !

 

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17h30 : Après une candidate dont le show a quelque peu échauffé mes hormones, nous avons droit à une nouvelle interprétation de « L’effet de masse », cette fois par David avec qui j’avais déjà sympathisé au Pilier rouge : après la version d’une fille d’âge scolaire, nous aurons eu celle d’un père de famille dont les enfants sont déjà aux portes de l’âge ingrat. C’est parfaitement normal : le harcèlement scolaire doit être l’affaire de tous, personne ne doit rester indifférent face à la souffrance infantile ! La plus belle phrase de la chanson, à mon sens, est « Qu’est-ce qu’on peut être idiot quand on est plus nombreux », version à peine adoucie du fameux verbe du père Brassens, « Le pluriel ne vaut rien à l’homme ». Plus ça va et plus je me demande si je suis vraiment démocrate : la règle de base de la démocratie, c’est que la majorité a raison, et pour l’instant, je ne vérifie la validité de ce principe nulle part…

 

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Puisqu'on reparle du harcèlement scolaire :

 

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17h45 : Nouveau duo : la fatigue se fait sentir, le temps de dessiner la chanteuse (qui est une femme pleine de classe), la prestation est déjà finie et je n’ai plus le temps de représenter le guitariste. Et un qui sera vexé, un !


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18h30 : Tous les candidats sont passés. En attendant que le jury délibère, le duo « Symbiose », que j’ai déjà rencontré au Kafkerin, meuble avec un tour de chant. J’aime assez ce qu’ils font, mais je suis épuisé et ne suis plus trop en mesure d’apprécier leur prestation. Je ne suis pas seul à être fatigué, beaucoup de gens partent déjà : ne restent que les gens vraiment curieux de savoir qui le jury a décidé d’honorer. Il faut se rendre à l’évidence : une quarantaine de candidats (et encore, il y a eu deux ou trois absents !), c’est trop ! La prochaine fois, Simone sera bien obligée de faire une chose qu’elle déteste : refuser du monde… C’est ce qui s’appelle être victime de son succès. Simon aussi repasse sur scène pour une autre chanson et c’est précisément à ce moment-là qu’une petite erreur de manipulation de l’ingénieur du son provoque un bruit épouvantable ! Cela aura été le seul couac de cet après-midi, on ne peut pas décemment accabler l’ingé-son qui avait fait jusqu’alors un travail irréprochable, même les meilleurs d’entre nous font des erreurs. Par conséquent, je n’approuve pas l’attitude d’une partie du public qui applaudit à cet incident… Quand je fais part de mon incompréhension à mon voisin, celui-ci me répond qu’on rigole bien quand on voit quelqu’un tomber par terre : je rétorque que je ne ris jamais en voyant un type tomber par terre, à moins que ce soit un individu vraiment odieux ou un gros prétentieux qui méritait de redescendre sur terre… Je suis chiant, hein ? 

 

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19h : Les résultats sont enfin annoncés. La grande gagnante est l’interprète de « Casting » : c’est mérité à mon sens car faire semblant de mal jouer est beaucoup plus difficile qu’on ne le croit. Quant à moi, le jury m’a accordé un prix « coup de cœur » dans ma catégorie pour l’originalité de ma prestation : on m’offre un diplôme et un sachet de sucreries que je décide aussitôt de distribuer autour de moi – je me garderai quand même le Toblerone. Un juré demande même d’obtenir les paroles de ma chanson : ce mini-succès me conforte dans l’idée que j’ai intérêt à interpréter mes propres textes plutôt qu’à faire des reprises : on gagne souvent à rester soi-même… Bien qu’habitant à Locmaria, David a accepté de me ramener à Lambé : pour ne pas lui imposer de faire attendre trop longtemps sa famille, je ne m’attarde pas. C’est bien mal remercier Simone et son équipe de filer ainsi à l’anglaise ! Mais les gens vraiment gentils peuvent comprendre ce genre de chose, en général. En tout cas, l’opération est un succès : l’asso a recueilli plus de mille euros pour le Téléthon ! Si on me demande de verser mon obole, je pourrai dire que j’ai déjà donné !

 

Lundi 13 novembre

 

12h : Il y avait longtemps que je n’étais pas venu déjeuner à la cafétéria de la fac : si je m’offre aujourd’hui cette replongée dans mes années d’étudiant (même si la cafét’ n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu jadis), c’est parce que j’ai, cet après-midi, un rendez-vous important avec une secrétaire du labo dont je suis toujours membre associé. Quand je paie mon sandwich, je retrouve la serveuse Odile, fidèle au poste, qui me présente à sa collègue : celle-ci me connait déjà, j’aurais caricaturé son fils ! Odile dit que je suis une star : disons qu’à ce point-là, on n’en est plus si loin…

 

Mardi 14 novembre

 

10h45 : Cheminant tranquillement vers le cabinet de la psychologue, je croise un jeune homme aux cheveux blonds qui marche d’un pas rapide et hurle des injures xénophobes à l’intention d’une Gitane qui fait la manche avec son bébé. On peut avoir des réserves sur le procédé employé par cette femme mais ça ne justifie en rien l’attitude raciste de ce petit facho ! Renseignement pris auprès de la dame, ce jeune crétin lui carrément volé sa sébile… Il faut vraiment être la dernière des ordures ! Honteux pour mon pays, je me sens obligé de présenter à la Gitane des excuses au nom de la France : je la joue comme Ségolène Royal, en somme… Je lui file une pièce de 20 centimes, histoire d’ajouter un acte à mes paroles : manque de bol, je n’avais pas vu l’autre mendiant qui était posté à quelques mètres de là ! Du coup, je n’ai pas d’excuse pour donner une pièce à lui aussi… C’est confirmé : les fascistes nous ruineront !

 

11h15 : La psy constate, entre deux commentaires sur ce que je lui raconte, que je suis enrhumé : elle me demande si j’ai passé un test Covid ! Je m’attendais à ce que quelqu’un me dise quelque chose d’approchant, mais je ne pensais pas que ça viendrait d’elle… Elle continue à m’écouter mais se protège le visage avec son foulard. On nous avait promis « le monde d’après », le seul changement que je constate, c’est que les gens ont encore plus peur d’autrui qu’avant ! Est-ce que j’envisage de me faire tester ? Bien sûr que non ! Si ça se trouve, c’est bien le virus du Covid, et alors ? Je suis moribond, peut-être ? On m’a déjà assez pourri la vie comme ça avec ce virus, je ne vais pas risquer quinze jours de quarantaine alors que je suis en parfaite possession de mes moyens ! Ah, mais c’est pour protéger les autres, me dira-t-on… Les autres ? Quels autres ? Les petits cons qui m’ont bousillé ma jeunesse et qui voudraient aujourd’hui que je leur pardonne ? Les patrons de bistrot qui se permettent de me saisir par le bras sous prétexte que j’ai un air qui ne leur revient pas ? Les mongoliens antisémites et / ou islamophobes qui ne cachent même plus leur misère intellectuelle ? Mais si jamais on me fait un procès pour avoir contaminé l’un ou l’autre de ces crétins avec un virus mortel, je plaiderai la légitime défense !

 

11h50 : Je me dirige vers le café où j’ai rendez-vous avec un ami, mais je reçois un SMS de sa part m’annonçant qu’il est obligé d’annuler au dernier moment à cause d’un incident fâcheux. Je me sens un peu las, ça fait décidément beaucoup d’événements en très peu de temps, plus en tout cas que ce à quoi mon cerveau d’autiste est prêt à faire face. Je fais demi-tour et me rend à la friterie pour y consommer un paquet bien garni… C’est totalement anti-diététique, j’en conviens, mais quand on est sans arrêt par monts et par vaux, on ne se reconstitue pas en mâchant de la Batavia…

 

Mercredi 15 novembre

 

9h30 : Je me rends à l’auberge de jeunesse du Moulin blanc pour y faire des repérages, avec le technicien, en vue de l’exposition que je devrais y présenter dans un avenir proche. À l’entrée de l’auberge se tient un groupe d’enfants escorté par deux adultes : en soi, rien d’étonnant, nous sommes mercredi, il est tout à fait logique qu’une sortie pédagogique soit programmée ce jour-là. Mais quand je m’approche du groupe, je constate qu’ils parlent une langue que je ne comprends pas. En y regardant d’encore plus près, je remarque qu’ils portent des drapeaux que je reconnaîtrai entre mille… Pas de toute : ce sont des petits Ukrainiens ! Curieusement, ils ne m’inspirent pas vraiment pitié : ils n’ont pas l’air plus malheureux que pourrait l’être n’importe quel enfant vivant en France depuis des années. Ils semblent affronter leur exil avec courage… On parle beaucoup moins de l’Ukraine, alors même que la guerre est loin d’être finie : ce qui me choque, ce n’est pas que le pilonnage de la bande de Gaza ait éclipsé le drame des Ukrainiens, c’est malheureusement fréquent dans les médias ; ce qui me heurte, c’est que le drame du Proche-Orient ne suscite pas une émotion au moins égale à celle qui s’était emparée de mes compatriotes au début de la guerre en Ukraine ! Mais je ne me fais pas d’illusions : dans le monde vu par les cons, les Ukrainiens sont blancs et chrétiens (ce qui n’est même pas tout à fait vrai), « donc » ils sont les bienvenus chez nous si leur pays est en guerre. Mais les Israéliens et les Palestiniens ? Les premiers, aux yeux des imbéciles de gauche, sont tous au service du Grand Capital, les seconds, aux yeux des crétins de droite, ne pensent qu’à venir chez nous se faire sauter à la dynamite ! Le monde est à la fois plus compliqué et plus simple que tel qu’on le lit à travers les lunettes déformantes de cette religion sans dieu qu’est l’idéologie : plus compliqué parce les peuples ne ressemblent pas toujours à l’image qu’on s’en fait et plus simple parce que la multiplication des clivages est le plus souvent un leurre qui ne sert qu’à cacher le seul à être réellement opérant pour comprendre les rapports de force qui sous-tendent notre pauvre monde, à savoir le clivage entre les riches et les pauvres, entre les bourreaux et leurs victimes, autrement dit entre les forts et les faibles. Faisons le bien sans regarder à qui : qu’il soit réfugié ukrainien, déserteur russe, otage israélien, migrant palestinien ou quoi que ce soit d’autre, l’homme qui demande de l’aide ne le fait jamais de gaîté de cœur. Vous trouvez que je parle comme un curé ? Moi aussi ! C’est vous dire si je suis tombé bien bas…

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10h : Nous nous sommes assez vite mis d’accord sur l’essentiel avec le technicien : l’expo aura lieu au mois de mars, je partagerai l’espace avec un autre artiste que je peux inviter (il y a de la place) et nous ferons un vernissage au cours duquel je pourrai faire une démonstration de slam et dédicacer mon Voyage en Normalaisie. L’expo actuellement en place est consacrée au street art : j’ai ainsi l’occasion d’admirer un graff représentant Blanche Neige maquillée comme le clown qui sert de mascotte à une célèbre chaîne de Fast-food… C’est bizarre, je trouve ce genre d’image d’un goût plus douteux que toutes les photos les plus osées à avoir été publiées dans Hara-Kiri !

 

11h : Petite visite de courtoisie à la boutique de piercing et de tatouage qui accepte de m’accueillir dans les moments de détresse : je ne suis pas vraiment en état de crise, mais j’ai besoin d’une pause. L’un des perceurs me parle d’une vieille conne qui ne supporte pas de vivre à côté de leur boutique et qui fouille dans leurs poubelles dans l’espoir d’y trouver quelque chose de compromettant ! Elle risque de chercher longtemps : nonobstant l’image sulfureuse qui a longtemps collé à la peau de leur métier, ces artisans sont sans doute les plus rigoureusement honnêtes et les plus respectueux de la loi qu’il m’ait jamais été donné de rencontrer ! Je ne peux m’empêcher de souligner que les méthodes de cette dame sont dignes des collabos : mon interlocuteur me dit que c’est normal puisque c’en est une ! Elle a dénoncé des Juifs, et elle en est fière, elle le revendique ! On s’étonne de voir les actes antisémites fleurir : mais l’antisémitisme n’a jamais disparu de France ! Il était simplement caché parce que les antisémites avaient tendance à raser les murs depuis 1944, mais à force de « décomplexer » et de banaliser la parole xénophobe, comme on le fait depuis une vingtaine d’années par calcul politique ou par simple lâcheté, il ne faut pas s’étonner que même le souvenir d’Auschwitz ne soit plus une barrière suffisante face au torrent de haine qu’on a laissé déferler…

 

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19h55 : Le cours du soir prend fin. Aujourd’hui, la prof nous a fait prendre pour modèle des godasses, ce qui n’est guère passionnant. Au moment où je range ma planche, je surprends une conversation entre deux autres élèves à propos des bottes que l’une d’elles avait emportées :        

            - Ce sont tes bottes de jardin ?

            - Non, ce sont mes bottes de…

Comme la fin de la phrase ne semble pas décidée à venir, je me faufile dans la brèche ainsi ouverte et j’ajoute spontanément :

            - De poireaux ?

Ça les fait éclater de rire. J’ai honte. Pas tant pour moi qui viens de faire un jeu de mots lourdingue, mais plutôt pour elles qui arrivent à rire d’un trait d’esprit aussi lamentable ! Cette anecdote confirme mes réflexions : faire rire les gens est très facile, la première balourdise venue les fait éclater, et le véritable humoriste est quelqu’un qui, parce qu’il baille d’ennui en écoutant lesdites balourdises, cherche d’abord à se faire rire lui-même, ce qui l’amène à chercher (et, s’il est chanceux, à trouver) des saillies autrement plus brillantes et drolatiques… Vous pigez, j’espère ?    

 

Jeudi 16 novembre

 

16h : Alors que j’essaie tant bien que mal de rattraper mon retard sur mon programme, je reçois la visite d’un technicien qui vient examiner ma chaudière : je craignais voir arriver un individu arrogant, comme peuvent l’être trop souvent les techniciens du haut de leur savoir, je suis un peu surpris de rencontrer un homme jeune que je devine sans peine marqué par un travail finalement ingrat. En effet, on l’envoie vérifier les chaudières chez des gens qui n’ont rien demandé : il ne doit sûrement pas être bien reçu partout ! Moi-même, j’ai du mal à cacher que je me passerai bien de sa visite…

 

18h : Conférence d’Alain Croix : ce professeur émérite d’histoire vient présenter un bouquin auquel il a participé et qui retrace, photos d’archives à l’appui, la façon dont la Bretagne s’est transformée, de 1840 à 1940, à la faveur des progrès de la technologie. Je n’en tire malheureusement pas grand’ chose pour Côté Brest, à part peut-être un détail rigolo, en l’occurrence un cliché prise à Brest en pleine époque coloniale et légendée « les indigènes de la Villette » par le photographe ! Mais il faut reconnaître que monsieur Croix est tout à fait passionnant à écouter, j’imagine sans peine que suivre ses cours a dû être un plaisir pour les étudiants : ça mérite au moins une colonne pour annoncer la sortie du bouquin ! Et comme ça, au moins, je ne serai pas venu pour rien…  

 

Vendredi 17 novembre

 

14h : J’essaie de me remettre au travail : c’est d’autant plus difficile qu’au chantier de l’immeuble en construction s’est ajouté celui des branches d’arbre qui encombrent encore le jardin du voisin, apportant un vacarme d’engins tranchants électriques trop proches pour que mes vitres étouffe parfaitement cette cacophonie. Ces bruits de scie me râpent les neurones ! Je suis d’autant plus attristé que l’arbre dont on ramasse les restes faisait aussi de l’ombre à mon immeuble et contribuait ainsi à tamiser la lumière de mon appartement : pour quelqu’un d’hypersensible à la lumière comme moi, ça fait une énorme différence ! Cette tempête n’a pas fini de peser sur nos vies…

 

19h : Retour à la piscine de Recouvrance où la monitrice habituelle est revenue, visiblement remise de sa grippe. Après les jambes de brasse, elle m’initie à la nage indienne : pour la première fois, j’ai l’occasion de me servir de mes bras. D’après un observateur, je me débrouille plutôt bien pour un débutant. Ah ! Si la connasse que j’avais eue comme prof d’EPS au collège pouvait entendre ça ! Elle qui m’a traité devant tout le monde de « fainéant qui veut se faire passer pour un neuneu », elle serait probablement surprise de découvrir qu’avec un peu de bienveillance et de pédagogie, on peut arriver à tirer quelque chose de moi sur le plan sportif ! Mais je ne pourrai jamais savourer cette revanche : cette idiote est morte d’un cancer, ce qui en dit long sur les bénéfices réels qu’elle a tirés de ses conceptions de l’effort physique…

 

20h15 : Arrivé au niveau de la place de la Liberté, j’attends la correspondance pour Lambézellec. J’espère que d’ici là, les voitures qui se sont garées sur l’emplacement réservé aux bus seront parties ! L’une d’elles n’a plus de chauffeur, celui-ci est parti en laissant allumés les warnings, l’autre n’a à son bord que la conductrice, une jolie blonde qui fumaille une cigarette : au vu du manège qu’elle a mené avec l’autre automobiliste, je ne serais pas étonné qu’il y ait autre chose que du tabac dans sa clope… Qu’ils vendent et consomment des substances interdites, je n’en ai rien à foutre, mais qu’ils respectent au moins les usagers des transports en commun ! Les responsables nous méprisent déjà assez comme ça !

 

Samedi 18 novembre

 

15h : Après quelques tribulations dont l’énumération serait fastidieuse, je me retrouve à la PAM où j’écris : juste en face de moi, il y a un chien. Un gros chien aux longs poils blancs. Moi qui suis d’habitude en froid avec la gent canine, j’éprouve une sympathie spontanée pour ce gros toutou qui a vraiment l’air sympa et affectueux, j’aimerais pouvoir caresser son pelage fourni que j’imagine doux et apaisant… Alors qu’il est sur les genoux de sa maîtresse, je n’y tiens plus : je prends une photo ! Évidemment, le flash se déclenche automatiquement et je me fais repérer : mais la jolie propriétaire du chien ne s’en formalise pas, elle me fait même un sourire… J’imagine qu’elle doit être fière de son beau toutou qu’on a dû lui photographier souvent ! Il faudra que je dise à ma mère : si tu prends un chien un jour, prends-en un comme celui-là !

 

Pour terminer : j'ai récemment répondu à un appel à dessins lancé par une revue francilienne sur le thème des événements culturels marquants de l'année 2023. Je leur ai soumis dix-sept dessins pour mettre toutes les chances de mon côté, ils en ont retenu deux. Voici ceux qui n'ont PAS été retenus :

 

11-04-Mission Cléopâtre.jpg


11-14-Affaire Palmade.jpg


11-14-Amélie Nothomb-Psychopompe.jpg


11-14-Astérix et l'empire du milieu - Guillaume Canet.jpg


11-14-Astérix-Fabcaro.jpg


11-14-Barbie-Margot Robbie.jpg


11-14-Cavanna.jpg


11-14-Cavanna-Disney-Hara-Kiri.jpg


11-14-Dorothée-Dodo.jpg


11-14-Expo Banksy à Brest.jpg


11-14-Festivals-Covid-Jeux Olympiques.jpg


11-14-Guignols-Denis Robert-Satire.jpg


11-14-Henri Tachan-Jane Birkin.jpg

 

Vous pouvez vérifier : Henri Tachan est bien mort le même jour que Jane Birkin.


11-14-Michael Gambon-Harry Potter.jpg


11-14-Pierre Perret-Internet-Influenceuses-YouTube.jpg

 

C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 



18/11/2023
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