Du 9 au 14 mars : lectures, cimetière, féminisme et crises de nerfs

 

Commençons par un peu de promotion pour un événement auquel je vous donne rendez-vous pour demain :

 

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Samedi 9 mars

 

10h : Je retourne à l’Auberge de jeunesse, porteur de quatre dessins… Pour remplacer ceux qui ont été dérobés. La perte de certaines de mes œuvres, en tant que telle, je m’en fiche presque : j’ai chez moi tellement d’originaux que si j’arrivais à les revendre tous pour un euro pièce, je pourrais presque arrêter de travailler pendant au moins un an. Non, ce que je ne digère pas, c’est que ça a gâché mon vernissage : j’ai été averti trop tard pour pouvoir remplacer les dessins manquants avant l’arrivée des invités et, surtout, BEAUCOUP trop tard pour que je puisse faire bonne figure devant ces derniers. Bref, j’étais venu comme à Austerlitz, j’en suis reparti comme à Waterloo… Non, même pas : comme à Sedan[1] ! Et ça, c’est irrattrapable ! Je me sens comme une jeune femme amoureuse qui aurait été larguée le jour de son mariage…

 

 

13h : Fraîchement rentré, je termine la lecture de l’anthologie des nécrologies de Cavanna, intitulée sobrement Le dernier qui restera se tapera toutes les veuves d’après le titre que le grand homme avait lui-même donné, avec sa délicatesse coutumière, à son article sur la mort de son fils spirituel, Reiser. Le fondateur de Charlie Hebdo n’était pas (et ne pouvait pas être) un journaliste comme les autres : il ne se privait pas dire franchement ce qu’il pensait d’un défunt, même et surtout s’il le détestait ! L’ouvrage est d’ailleurs instructif à plus d’un titre : j’avoue que j’ignorais, avant de lire l’article qui lui a été consacré, qui était Abel Gance ! Et je ne suis pas certain que mon cas soit isolé, tant le cinéma de ce réalisateur paraît dépassé aujourd’hui, aussi bien sur le fond que dans la forme. Le fait que Cavanna, qui fut, avec Albert Camus, l’un des rares très grands esprits dont le destin fit don à la France du XXe siècle, jugeât néanmoins opportun de consacrer son temps et son talent à traiter d’individus qui ont finalement sombré dans un oubli relatif (voire total) est tout de même révélateur de la longévité des notoriétés et devrait faire réfléchir ceux qui, encore aujourd’hui, font des pieds et des mains pour laisser un nom dans l’histoire ! Sic transit gloria mundi, ainsi passe la gloire du monde, dit-on, paraît-il, à tout Pape fraîchement intronisé pour qu’il se rappelle que le succès rencontré ici-bas est voué à être éphémère : c’est bien une des rares fois où les curés ne disent pas de conneries ! J’avoue que j’ignorais aussi que Cavanna avait eu une petite-fille morte d’une overdose d’héroïne : l’occasion a dû être trop belle pour la presse pourrie ! De fait, Virginie Vernay me confirmera peu après que ce salaud de Pauwels ne s’est pas privé d’en rajouter dans les colonnes du Figaro… Elle me dira aussi que Cavanna avait justement saisi l’occasion pour dénoncer les méfaits de la drogue : c’était courageux de sa part, car ce genre de discours ne risquait pas d’être populaire auprès d’une certaine frange du public de Charlie Hebdo ! Je me souviens des reproches que Renaud avait encaissés après avoir sorti « La blanche » et « P’tite conne »… De façon générale, il me semble que la drogue est un sujet embarrassant pour les milieux libertaires : on ne veut pas adopter la même attitude que le pouvoir que l’on prétend contester, mais comment nier la dangerosité des drogues dures ? J’ai moi-même pu constater cet embarras quand j’ai participé à une scène ouverte organisée dans la défunte salle de l’Avenir, dont les responsables rechignaient à expulser un type sous l’emprise de la cocaïne alors qu’il perturbait l’événement et m’empêchaient de déclamer… Enfin bref : je ne peux que recommander la lecture de ce livre qui permet de réviser l’histoire du XXe siècle avec humour tout en donnant un bel aperçu de la pensée de Cavanna, toujours tranchée mais jamais bornée – il suffit de lire les nécrologies de De Gaulle et de Mitterrand pour s’en rendre compte.

 

Dimanche 10 mars : Sharon Stone a 66 ans

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15h : Visite guidée du cimetière de Kerfautras. Une telle visite s’accorde bien à mon état d’esprit actuel ! J’ignorais qu’on y trouvait le plus grand carré militaire installé dans un cimetière civil en France : ce n’est pas la première fois que j’entends parler d’un record détenu par la ville de Brest et dont on ne parle cependant jamais ! Je ne dis pas qu’il faudrait en être fier, mais ça constitue au moins une curiosité qui prouve que ma ville bien-aimée est encore plus étrange qu’on ne le croit…

 

16h : Quand on parle de cimetière militaire, on pense spontanément à des croix blanches toutes identiques, alignées avec une régularité exemplaire, rien que du propre, du carré et du rationnel. C’est loin d’être le cas à Kerfautras pour deux raisons : premièrement, ce n’est qu’en 1986 qu’il a décidé de rapatrier toutes les dépouilles militaires dans le carré qui leur est destiné et il subsiste encore quelques soldats enterrés parmi les civils dans leurs caveaux de famille. Deuxièmement, le port de Brest étant un véritable carrefour du monde, surtout en période de guerre, les nationalités les plus diverses coexistent dans le carré militaire : non seulement des Français de métropole mais aussi des soldats originaires des colonies dont beaucoup sont signalés par des stèles musulmanes (je n’ai pas osé demander s’il arrivait que certaines de ces tombes soient profanées…), ainsi que des militaires du Commonwealth, des Russes, des Portugais, des Japonais et même des Allemands et un Américain ! Pourquoi un seul Américain ? Parce que tous les soldats américains morts à Brest de la grippe espagnole ont fini par être rapatriés aux États-Unis, sauf celui-ci qui était quaker, et le déplacement de sa dépouille était contraire aux règles de sa communauté ! Au moins la connerie des religieux aura-t-elle permis à Brest de bénéficier d’une curiosité…

 

16h15 : C’est décidément le bordel, dans ce carré militaire : je remarque que sur l’une des tombes musulmanes, il est indiqué que le soldat est mort… En 1967 ! Cinq ans après la guerre d’Algérie ! Quand je le signale à la guide, elle me répond qu’elle n’a pas d’explication et qu’il peut s’agir d’une erreur ! Une rombière me dit « Heureusement que tout n’est pas parfait, sinon ce serait ennuyeux ! » Agacé par ce lieu commun, je lui réponds : « Vous n’en savez rien puisque vous n’avez jamais pu voir de monde parfait ». Elle le prend assez mal, preuve s’il en est que les braves gens n’aiment pas que l’on bouscule leurs idées reçues ! Je le déplore…

 

Quelques photos prises dans le cimetière :

 

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Lundi 11 mars

 

17h30 : Je récapitule : j’ai des boutons sur la gueule, ma note de téléphone est en train d’exploser, tout ce que j’entreprends pour promouvoir mon travail foire lamentablement, je suis en train de perdre tous mes amis et il me faut encore déposer plainte à la police pour le larcin dont j’ai récemment été victime. Il y a sûrement des gens plus malheureux que moi sur Terre, mais je suis sur le point de craquer…

 

Mardi 12 mars

 

13h30 : Pause dans un café avec une femme qui, telle Lola Dewaere dans Astrid et Raphaëlle, s’improvise mon « dé à coudre » dans l’épreuve que je traverse. Dans un accès d’accablement, je ne peux m’empêcher de pousser un cri : la patronne me prie de ne pas recommencer, par égard pour son jeune serveur… Qui est autiste ! Il ne m’en faut pas davantage pour que je présente mes excuses à ce garçon. J’imagine qu’il a dû en baver dans son enfance, d’autant qu’il est… Roux. Ça, au moins, j’y ai échappé ! La rousseur peut être un atout pour une femme, mais ça reste un handicap social pour un homme : après tout, il faut bien qu’il y ait au moins un domaine pour lequel les femmes sont favorisées…

 

15h : Je termine la lecture du livre de Jacques Diament dans lequel il témoigne sur ses vingt années passées à la tête de Fluide Glacial. Au cas où vous ne le sauriez pas, Jacques Diament avait été pour Fluide ce qu’André Rousselet avait été pour Canal+, c’est-à-dire un homme à la fois assez fou pour s’investir dans le projet et assez sérieux pour lui permettre de se développer et de subsister dans un monde où tout est prévu pour éliminer ce qui ressemble de près ou de loin à de la fantaisie. Il a su prendre, au moment où il le fallait, des décisions impopulaires qui ont fait de lui l’homme le plus détesté du journal, mais c’est à ce prix que Fluide Glacial a pu se doter, dès ses toutes premières années d’existence, d’un mode de fonctionnement grâce auquel il continue à paraître encore aujourd’hui tout en restant à peu près fidèle à l’esprit de ses origines alors que la plupart des magazines de BD fondés à l’époque se sont cassé la gueule… Je ne peux donc que recommander la lecture de son livre bourré d’anecdotes savoureuses : et puis il écrit bien, cet emmerdeur de génie !

 

Mercredi 13 mars

 

9h15 : Au moment de déposer mes œuvres à l’exposition Pluie de Toiles qui se tiendra dans le hall d’honneur de la mairie, je risque un œil sur le journal : apparemment, l’Assemblée a massivement approuvé le soutien de la France à l’Ukraine… Sans le RN et LFI. Rien d’étonnant : cette question est embarrassante pour la Le Pen et pour Mélenchon qui ont tous deux soutenu Poutine avant qu’il ne franchisse le rubicond ! Avec une opposition pareille, je pense que Macron peut dormir tranquille ! Et ça ne me fait pas plaisir…

 

10h : Descendant du tram, je remarque une affiche incitant à s’engager dans la Marine : elle présente la photo d’un scaphandrier accompagnée de l’accroche « Si vous préférez vous plonger dans des dossiers, c’est votre affaire » (je cite de mémoire). Visiblement, l’armée a compris que les jeunes aspirent à ne pas avoir la même vie de merde que leurs parents et leur fait miroiter la perspective d’une vie professionnelle épanouissante. Seulement voilà : ayant un ami dans la marine, je peux attester que les besoins de cette institution ne se limitent pas à ces tâches exaltantes ! Si vous vous rendez au bureau de recrutement, la probabilité pour que vous vous retrouviez derrière un bureau à vous occuper de la paperasse reste élevé ! On dit que l’armée est une grande famille : je peux témoigner que c’est aussi et surtout une administration avec tout ce que ça comporte… Enfin, je vous aurai prévenus ! Je ne vais pas en rajouter, on va encore m’accuser d’antimilitarisme et je n’aurai pas d’arguments pour réfuter…

 

Jeudi 14 mars

 

18h : Je me décide enfin à visionner la mini-série Cherchez la femme sur la chaîne YouTube des programmes courts d’Arte : elle est consacrée aux femmes oubliées de l’histoire, celles que les hommes ont tenté (non sans succès) d’invisibiliser. On aurait pu se passer de parler de Lilith qui n’est qu’une légende, mais bon, ça n’enlève rien à l’intérêt de cette série ni à la pertinence de son propos : saviez-vous qu’un tiers des samouraïs étaient des femmes, qu’il est attesté qu’il y a eu des guerrières chez les vikings et que le Monopoly est un plagiat d’un jeu inventé par une certaine Elizabeth Magie ? Non ? Et bien je ne peux pas vous jeter la pierre : j’avoue à ma grande honte qu’à part la pharaonne Hatchepsout, Christine de Pizan, Alice Guy et madame Einstein, j’ignorais tout de la plupart de ces femmes qui ont pourtant joué un rôle capital dans l’histoire humaine ! Comme quoi l’invisibilisation des femmes est efficace et semble même être systématique dans le domaine où on l’attendrait le moins : les sciences ! En fait, ça s’explique facilement : le monde scientifique est tellement mystifié que le public laisse travailler les chercheurs dans la plus grande sérénité, sans même imaginer que cette opacité permet aux savants, qui ne sont jamais que des hommes, de laisser libres cours à toutes leurs mesquineries ! Car oui, être un brillant scientifique ne met pas à l’abri d’être un gros macho qui s’approprie sans vergogne la découverte d’une femme sans même la citer… Ne vous laissez plus faire, les filles ! Visez les couilles, ça leur fait plus mal que le cerveau !    



[1] Lieu de la débâcle française de 1870 qui coûta son trône à Napoléon III. Oui, le neveu de l’autre, celui que Victor Hugo a surnommé « le petit », Badinguet, quoi !


15/03/2024
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Du 5 au 8 mars : Banque et patrimoine

 

On commence avec un dessin qui tombe à pic pour la journée internationale des droits des femmes - il a été réalisé pour illustrer une chronique d'Aurélie Gautier dans le dernier numéro de la revue L’éponge :

 

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Mardi 5 mars

 

11h : Nom de Dieu de merde, quelles journées pourries ! Si j’avais croisé Bernadette Malgorn, je pourrais croire que cette sorcière m’a jeté un sort, mais comme ce n’est pas le cas, je ne peux que me borner à constater que depuis vendredi, le sort s’acharne littéralement sur ma pauvre personne ! Je n’ai même pas envie de le raconter ! Je pensais enfin, ce matin, sortir la tête de l’eau… Quand le coup de grâce est arrivé. J’allais renouveler mon abonnement au bus. Bon. N’ayant pas de liquide sur moi, j’ai tenté de régler par carte en utilisant le sans contact : ça n’a pas marché. Je me contrôle encore, ça peut arriver, j’en suis quitte pour l’insérer et taper mon code : ça ne marche pas non plus. Je commence déjà à avoir la tremblote : je me précipite vers le premier distributeur venu pour retirer du liquide… Et l’opération est refusée par ma banque ! Et pourtant, je suis loin d’être à découvert ! Sur le point d’éclater, j’accours vers l’agence BNP de la place Wilson[1] pour y voir plus clair : à peine entré, j’entends la guichetière annoncer qu’aucune opération par carte n’est possible à cause d’un bug qui affecte tout le système informatique de la banque à l’échelle nationale ! Cette fois, j’explose : les banques nous abreuvent de messages inutiles et, quand il y a un vrai problème qui affecte directement les clients, on ne nous dit rien ! Où avez-vous vu jouer que le client était roi ? Tenant absolument à payer aujourd’hui mon abonnement et ayant d’autres transactions à effectuer, je me tape l’aller-retour jusqu’à mon domicile pour y récupérer mon chéquier… Mais dégainer un chèque pour payer 6,20 euros[2], c’est nul de chez nul.

 

Sans rapport avec ce qui précède, voici le visuel de l'affiche de mon expo à l'Auberge de jeunesse avec YayaL à quatre étapes de sa réalisation. D'abord, le dessin de base...

 

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Ensuite, le même dessin après incrustation de la toile que YayaL souhaitait mettre en avant - au passage, j'ai aussi changé la signature pour la rendre plus lisible.

 

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Puis avec le fond colorisé :

 

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La bulle du sifflotement a finalement été supprimée pour ne plus cacher le tableau :

 

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Mercredi 6 mars

 

15h : Visite guidée de Lambézellec. Mine de rien, je vis dans ce quartier depuis déjà cinq ans et je suis loin de tout connaître à son sujet. J’ignorais notamment qu’il comptait jadis dix lavoirs et que celui qui subsiste au pied de l’église est donc l’ultime survivant ! Je n’avais jamais eu non plus l’occasion d’explorer la Maison du Théâtre, encore moins d’en découvrir les coulisses, et je n’aurais pas soupçonné que ce bâtiment, au demeurant fort adroitement conçu, était situé de telle façon que certains riverains le traversaient pour passer d’une rue à l’autre les jours de marché ! La guide nous gâte en nous permettant d’assister (brièvement, pour ne pas déranger les artistes) à la préparation d’un spectacle sur le clonage : thématique oblige, certains comédiens portent des masques de latex leur faisant partager une seule et même apparence de vieillard moustachu ; le trouble qu’une telle vision ne manque pas de générer en moi est accentué par la présence de ce que je prends pour un comédien déguisé au repos et qui s’avère n'être qu’un mannequin… Je regrette de ne pas avoir osé dégainer mon appareil photo ! D’un autre côté, si j’avais pris un cliché sans demander l’autorisation, ça aurait fait paparazzi, et si j’avais demandé l’autorisation, ça aurait fait touriste : on dit que tout choix se fait entre deux erreurs, mais c’est faux, on peut aussi choisir de ne commettre ni l’une ni l’autre. Mais l’anecdote la plus croustillante reste celle de l’abri de la Brasserie : lors des bombardements de 1944, un médecin allemand avait obtenu à ce qu’une partie de ce souterrain, initialement réservé aux civils, lui soit réservée afin qu’il puisse y soigner des soldats. Comme il restait tout de même 1500 personnes à Lambé, il a bien fallu que certains de ces civils se réfugient ailleurs, et ce fut pour cette raison qu’une soixantaine d’habitants du quartier[3] se sont retrouvés… Dans l’abri Sadi-Carnot. On dit qu’un médecin peut faire souffrir mais ne peut pas tuer : celui-là aura fait les deux !

 

Sans rapport avec ce qui précède, deux collages réalisés pour le plaisir :

 

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Jeudi 7 mars

 

15h30 : Nouvelle visite guidée d’un quartier : cette fois, je découvre Saint-Marc que je connais très mal. Nous croisons un jeune type qui porte dans sa main des tracts électoraux du RN : je ne résiste pas à l’envie de lui tirer la langue… Il y a des rencontres qui vous gâchent tout un après-midi !

 

16h30 : Nous avons la chance de pouvoir entrer dans la chapelle Notre-Dame du Bon Port, qui n’est ouverte qu’à de rares occasions – outre quelques événements occasionnels, l’édifice n’accueille que deux messes par an ! Ce bâtiment ayant été construit avant la séparation de l’Église et de l’État, c’est à la collectivité, en l’occurrence la ville de Brest, qu’il appartient de l’entretenir : je me souviens que Siné considérait que cette disposition de la loi de 1905 devrait être supprimée et que tous les édifices religieux devraient être à la seule charge du clergé ou alors être laissés à l’abandon ; c’est un point de vue que je partage entièrement, même devant l’état, de toute évidence vétuste, de cette chapelle : la perspective d’une rénovation financée par des deniers publics me chagrinerait d’autant plus que cet état de quasi-abandon ne nuit absolument pas au charme du bâtiment et lui confère même une ambiance romanesque ! La dame qui dispose de la clé de la chapelle (ainsi que d’autres bâtiments religieux brestois) explique que la ville de Brest n’a pas les moyens d’entretenir durablement les seize églises et chapelles dont elle a la responsabilité et, qu’à terme, il y aura forcément un édifice qui sera sacrifié – pas forcément détruit mais au moins désacralisé et revendu ; cette personne se sent obligée, pour préciser qu’on ne laissera pas en faire n’importe quoi, de dire : « On n’en fera pas une mosquée » ! Et pourquoi pas ? Dans les églises et les mosquées, on dit les mêmes conneries, après tout !    

 

19h : Rentré chez moi, je termine la lecture du Lit défait de Françoise Sagan : je n’aime pas tellement Sagan, Bonjour tristesse ne m’a pas passionné, et je mentirais si je disais que Le lit défait m’a fait vibrer. Je m’identifie toutefois à Édouard qui a en commun avec moi d’être un écrivain qui essaie de faire valoir son talent et qui cherche l’amour dans un monde où les aventures passagères sont devenues la norme… C’est avec, Au bonheur des dames et Riquet à la houppe, l’une des rares histoires d’amour à fin heureuse qu’il m’a été donné de lire : la comparaison s’arrête d’ailleurs là, je ne placerai pas Françoise Sagan sur le même piédestal qu’Émile Zola et Amélie Nothomb !

 

Vendredi 8 mars

 

14h50 : Je ne dirai qu’une chose concernant la journée internationale des droits des femmes : ça devrait être tous les jours !

 

Terminons avec quelques collages qui tombent bien pour ce jour-là :

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !



[1] Celle de la rue Jean Jaurès a cramé, je ne serais pas étonné que ce soit un coup de supporters du Stade Brestois qui ont un peu trop arrosé la victoire de leur équipe face au Havre. Et oui, quand il y a un truc de ce genre, je n’accuse pas spontanément les Arabes, je suis vraiment un mauvais Français !

[2] C’est le prix mensuel de mon abonnement aux transports publics de Brest Métropole : un tarif qui doit faire rêver les Parisiens…

[3] Bon, je simplifie : dans les faits, Lambézellec, la « commune rurale la plus étendue de France » était encore indépendante, même si Brest lui avait déjà grignoté beaucoup de terrain, et n’est finalement devenue quartier brestois qu’après la libération.


08/03/2024
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Du 23 février au 1er mars : Courbet, Camus, le foot et caetera

 

Commençons par l'affiche de mon expo commune avec mon amie YayaL à l'Auberge de jeunesse de Brest :

 

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Vendredi 23 février

 

20h30 : Concert de mes amis Miika Bjørn et Audrey Raguenes au Biorek brestois : Miika, après un léger flottement au début, retrouve rapidement ses marques et excelle vraiment dans ses reprises de standards de la chanson française – le seul choix que je ne peux m’empêcher de désapprouver dans son répertoire est « L’amant de Saint-Jean » qu’on a déjà trop entendu, mais c’est un détail. Quant à Audrey, elle est toujours aussi merveilleuse et elle peut reprendre du Shania Twain autant que ça lui chante (ah ! ah !), avec ou sans chapeau ! Pour ne rien gâcher, elle se paie le luxe d’être plus belle que jamais. Bravo Dédée, bravo Miika, je suis fier d’être votre ami ! Je vous dois un des rares bons moments que j’aurai vécus en ce mois finissant…

 

Un croquis d'Audrey (qui est bien plus belle en vrai que sur mes dessins) avec son chapeau de chanteuse country :

 

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Samedi 24 février

 

10h30 : Définitivement épuisé, je m’offre une journée de quasi-inactivité : je me borne à envoyer des messages à quelques proches. Une démarche pas si stérile que ça puisqu’elle me permet de semer des graines pour l’avenir plus ou moins proche. Bien sûr, je préférerais revoir tous ces gens en chair et en os, mais je n’ai même pas la force de sortir de mon appartement.

 

Dimanche 25 février

 

14h : Vacances scolaires obligent, il n’y aura pas de cours de dessin avant le 13 mars. Je profite donc du repos dominical pour faire quelques collages, bien décidé à en rapporter un gros paquet à la rentrée pour épater la galerie ! Mais n’allez pas croire que ce soit juste pour le plaisir de frimer : j’ai vraiment des idées, je suis bien décidé à les concrétiser et puis il y a quelque chose de jouissif à trafiquer des photos à la main, rien qu’avec des ciseaux et de la colle, à une heure où n'importe quel con peut le faire avec des logiciels… 

Un collage réalisé ce week-end - je vous ai montrerai d'autres dans les semaines à venir si vous êtes sages :

 

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Lundi 26 février

 

15h30 : Après une entrevue avec un camusien autodidacte (et, au demeurant, brillant), je passe au Leclerc du centre-ville pour dépenser une aumône humiliante : un chèque de 20 euros que le département a adressé aux bénéficiaires des aides sociales dont je fais partie… Ça ne paie même pas une semaine de courses pour une seule personne ! Ils nous prennent vraiment pour des mendigots ! Je préférerais encore qu’ils ne nous donnent rien du tout !

 

16h : Pris d’un besoin pressant, je profite des toilettes publiques : ce n’est pas très facile avec mon cabas qu’il vaut mieux éviter de poser sur le carrelage trempé, mais j’y arrive. La cabine est relativement propre, mis à part un morceau de papier hygiénique qui traîne par terre et que l’humidité a transformé en charpie adhérant au carrelage… Ce détail suffit à m’écœurer ! Ce n’est pas la première fois, hélas, que je vois ça, et je me demande vraiment ce que certains peuvent faire avec le papier dans les chiottes publiques ! Quand je sors, je croise un type qui attendait manifestement son tour : je lui tiens la porte pour qu’il entre, mais il dit attendre « que ça se nettoie » ! Soit il y a quelque chose sur le fonctionnement des toilettes publiques que je ne comprends pas, soit je suis encore tombé sur un crétin – la race n’est pas en voie d’extinction, hélas !

 

17h : J’ai enfin terminé la lecture de la correspondance de Gustave Courbet : ce n’était pas seulement un grand peintre, son activité épistolaire témoigne d’un talent scripturaire certain et il a été un acteur central de la Commune de Paris, l’expérience politique la plus géniale du XIXe siècle ! On lui pardonnerait presque son antisémitisme ! J’ai bien dit « presque » : il est heureux qu’il n’ait pas vécu assez longtemps pour connaître l’affaire Dreyfus, son étoile en serait sortie considérablement ternie !

 

Mardi 27 février

 

14h : Passage aux Capucins pour voir l’exposition sur l’AS Brestoise et le Stade Brestois, les deux clubs de football qui ont longtemps co-existé à Brest : j’y vais pour trouver des anecdotes à raconter dans Côté Brest, mais j’avoue que je me surprends à aimer  me replonger dans l’ambiance d’une époque où le foot était encore un sport d’amateurs passionnés, quand on était encore loin des salaires indécents, des mariages avec des top-models et de toutes les bling-blingueries qui, entre autres ignominies, ont fini par me dégoûter irrémédiablement du ballon rond ! J’ai même une petite larme en pensant à mon défunt oncle, authentique passionné qui n’a jamais réussi à me transmettre son amour du sport avant de nous quitter il y a bientôt quatre ans déjà… Mais revenons à nos crampons : saviez-vous, par exemple, que si le Stade Brestois a longtemps rechigné à se professionnaliser et que si l’AS Brestoise n’a jamais sauté le pas (ce qui lui a finalement été fatal), c’était parce que, avant la seconde guerre mondiale, la professionnalisation n’était intéressante ni pour les dirigeants ni pour les joueurs ? Pour les premiers parce que les déplacements leur auraient coûté trop cher du fait du décentrement de Brest, et pour les seconds parce qu’à l’époque, un contrat professionnel liait le joueur à son club jusqu’à la retraite… Et lui rapportait à peine la rémunération d’un cadre moyen ! Les joueurs gagnaient mieux leur vie en restant amateur et en continuant à exercer un métier en parallèle ! Inimaginable aujourd’hui ! J’apprends aussi, grâce à cette expo, que le Stade Brestois est né de la fusion d’associations catholiques… À laquelle les prêtres s’étaient longtemps opposés ! Le joueur qui changeait d’équipe risquait même l’excommunication ! Décidément, plus con qu’un curé, tu meurs !

 

Sans rapport avec l'expo, voici un dessin de mon cru qui a été publié en quatrième de couverture de la revue L’éponge, sorti de presse récemment :

 

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Mercredi 28 février

 

13h30 : Grâce au camusien que j’ai rencontré avant-hier, je peux écouter trois conférences d’Agnès Spiquel consacrées notamment à L’étranger au Le premier homme : le premier de ces deux livres, que l’on peut considérer comme une œuvre de jeunesse, est souvent lu à l’adolescence, tant le sentiment d’étrangeté au monde est commun à toutes celles et à tous ceux qui entrent à peine de l’âge adulte ; mais on oublie souvent qu’au-delà de la transcription romanesque de sa réflexion sur l’absurde, Camus nous y propose aussi un réquisitoire contre la peine de mort : le cri que Meursault finit par pousser en présence de l’aumônier doit vraiment être compris comme une exaltation de la pulsion de vie contre l’instinct de mort que représenter l’homme d’Église ; de surcroît, madame Spiquel révèle un détail qui m’avait échappé : Meursault mentionne que sa vieille mère, à l’asile, avait trouvé un nouveau fiancé, ce qui veut dire qu’elle avait repris le goût de vivre qu’elle avait perdu tant qu’elle vivait chez son fils, lequel avait donc eu raison de la placer, ce qui achève de rendre injuste sa condamnation, prononcée moins au nom de son crime qu’au nom de sa prétendue attitude de mauvais fils… Le second livre, resté inachevé, est souvent réduit par les détracteurs de l’auteur à une exaltation du colonialisme français en Algérie : il est vrai qu’on ne peut pas passer sous silence le rapport de Camus au fait colonial, mais dans l’esprit de l’écrivain, qui était né et avait grandi en Algérie (et se sentait plus algérien que français !), ce livre était destiné à porter la voix de celles et ceux à qui on ne donne pas la parole, qui n’ont que leur force de travail pour survivre, qu’on envoie mourir à la guerre… Bref, les « damnés de la Terre » dont Camus restait indissolublement solidaire non parce qu’il avait pitié d’eux mais parce qu’il en faisait partie : c’est ce qui le distingue d’un Sartre, qui n’a jamais connu la misère et ne peut s’empêcher de donner des leçons aux pauvres, ou même d’un démagogue qui les flatte même dans leurs plus bas instincts, ce qui revient à mépriser le peuple en faisant semblant de l’aimer... Quant à la question coloniale, on peut en parler parce que ça fait partie de l’histoire, mais on ne va pas refaire le match : je n’ai pas ma licence d’arbitre !

 

Allez, je vous en mets une :

 

Jeudi 29 février

 

15h : J’avais écrit une nouvelle page « histoire » pour Côté Brest mais le journal n’a pas l’air de paraître cette semaine. J’avais demandé un nouveau stock de livres à mes éditeurs en prévision du salon littéraire de ce week-end, mais je n’ai toujours rien reçu. J’ai toujours entendu mon enseignant père rouspéter contre les braves gens qui traitaient les profs de « fainéants toujours en vacances » et il faut croire qu’il avait raison de vitupérer : je ne compte plus les services et les commerces qui ont cessé de tourner depuis le début de la semaine, alors qu’on ne me dise pas que les enseignants sont privilégiés ! Tout ceci me conforte dans l’idée que les écrits bibliques ne racontent que des conneries : si Dieu était vraiment à l’image de l’Homme, six jours ne lui auraient pas suffi pour créer le Monde et, à l’heure qu’il est, nous ne serions toujours pas là pour en parler !

Petit cadeau : une carte d'anniversaire à compléter soi-même - une pensée au passage pour toutes celles et tous ceux qui sont nés un 29 février...

 

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Vendredi 1er mars

 

10h : Je monte faire mon marché : passant devant un panneau d’affichage, j’y vois les premières affiches politiques depuis le début de l’année. Elles ont été collées par le NPA (oui, ça existe encore) et appellent à se mobiliser contre la loi Darmanin : je les trouve courageux de continuer à lutter pour une cause aussi impopulaire que celle des travailleurs immigrés ! C’est même la seule circonstance qui m’invite à respecter un militant : quand, au lieu de hurler avec les loups, il lutte pour une cause qui n’est pas populaire ! Comme dit mon copain Jérôme, « être impopulaire dans un pays de con, c’est une qualité » ! Ce qui me rendrait Macron presque sympathique, d’ailleurs – mais presque, c’est pas comme tout à fait. Ces affiches devraient me réchauffer le cœur : elles ne font que me rappeler le climat actuel et je me dis que j’en ai vraiment ras la bolée de n’entendre parler que de haine, de guerre, de fascisme et autres calamités ! Je mettrais bien fin à mes jours si je n’avais pas retrouvé, l’an dernier, une amie très chère qui semble trop tenir à mon humble personne pour que je puisse lui faire le sale tour de disparaître…   

 

Terminons avec le carton d'invitation au vernissage de l'exposition - venez nombreux !

 

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C'est tout pour cette semaine, à la prochaine !

 


01/03/2024
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Du 20 au 23 février : Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là... Et le jour suivant aussi !

 

Commençons par un dessin de cumulonimbus réalisé lors du cours du soir et qui tombe plutôt bien dans l'ambiance actuelle..

 

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Mardi 20 février

 

17h30 : J’étrenne le taille-crayon à manivelle qui m’a été offert au Salon des Artistes Français : cet objet est un peu au taille-crayon « traditionnel » ce que l’arbalète est à l’arc, c’est-à-dire un outil certes plus précis et plus fiable, mais aussi plus lent et plus lent et plus lourd. Mieux vaut le réserver pour le travail en atelier et garder les petits taille-crayons pour le dessin en extérieur.

 

Mercredi 21 février

 

9h45 : Malgré une météo particulièrement peu clémente, je sors tout de même honorer quelques rendez-vous : ce qui est prévu est prévu. Quitte à ce qu’il fasse un temps aussi pourri, il vaut mieux que ça arrive maintenant : je n’oublie pas qu’il y a un an à la même époque, nous avions la sécheresse… Ces conditions météorologiques m’épuisent mais je n’arrive pas à les détester : à Paris, même pluie brestoise me manquait !

 

Caricature d'une femme avec qui j'avais rendez-vous :

 

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Jeudi 22 février

 

13h : Petit casse-croûte avec une amie dans la boutique de piercings et de tatouages tenue par son compagnon. Nous échangeons, entre autres, sur nos situations professionnelles respectives : elle est en CDI mais envisage de ne plus exercer qu’à mi-temps sont activité actuelle dont elle est particulièrement lasse… Elle trouve même que j’ai de la chance ! Il ne se passe pas une semaine sans que j’entende une personne dans une situation moins précaire que la mienne se plaindre de son sort ! C’est à se demander si le CDI n’est pas un attrape-nigaud ! Il est vrai que dans mon cas, quand on n’a envie ni de devenir propriétaire ni de conduire une voiture, ça limite grandement les frais…

 

15h : Je voulais aller à la déchetterie du Vern pour y déposer les restes de mon ancien téléphone portable dont le connecteur est manifestement hors d’usage : après avoir quitté le bus à l’arrêt qui m’avait été indiqué, j’emprunte ce qui me paraît être le chemin… Et je retombe sur la station qui précédait celle où j’étais descendu ! Je comprends que je n’atteindrai jamais la déchetterie à moins de m’offrir une excursion dans un labyrinthe routier où il ne fait bon s’attarder quand on est piéton, perspective d’autant plus désagréable que le vent glacial ne faiblit pas. Bref, considérant que j’ai passé l’âge de telles expéditions, je préfère prendre la direction de la station de tramway et retrouver l’ami qui m’avait proposé d’aller à la déchetterie à ma place ; j’aurais dû accepter tout de suite sa proposition, mais ma fierté déplacée en a décidé autrement, avec la complicité de ma mémoire défaillante : j’avais oublié que nous vivons dans un monde, où en dépit des beaux discours de nos élus sur la « mobilité responsable », les sans-bagnoles étaient toujours considérés comme des sous-citoyens auxquels on refuse un accès aisé à tous les services publics…

 

17h : Passage au Bureau Vallée de Kergaradec où, il y a deux jours, un vendeur m’avait fourgué deux cartouches « compatibles » pour mon imprimante : celle-ci refusant de reconnaître la cartouches couleurs, je viens la rendre au magasin en comptant bien qu’ils me l’échangeront contre des cartouches spécifiquement adaptées à ma machine. J’obtiens gain de cause : la boutique me doit même deux euros ! Une caissière qui me donne de l’argent, c’est un peu comme un œuf qui pondrait une poule ! Mais au-delà de l’aspect insolite de l’anecdote, il apparait avec évidence que je me suis fait rouler par le vendeur qui m’avait vendu un matériel inadapté à un prix plus élevé… Il y a des baffes qui se perdent !

 

22h : Un peu déprimé par cette journée peu fructueuse, je ne peux résister à l’envie de visionner quelques épisodes de la série animée Les Tifous qu’un particulier a eu la bonne idée de diffuser sur YouTube : j’avais vu les dessins que Franquin avait réalisés pour le projet et je n’avais jamais eu l’occasion d’admirer le produit fini. Le résultat est un peu décevant et ne rend pas tout à fait justice au génie graphique de Franquin, il aurait fallu des moyens techniques dignes d’Hollywood pour être à la hauteur du défi, mais le rendu est tout même agréable : avec son talent habituel, Franquin avait créé un monde onirique, tendre mais nullement mièvre, qui vaut bien celui des Schtroumpfs – rien ne manque, pas même le sorcier bête et méchant qui persécute la communauté pacifique. Les Tifous sont bien sympathiques et, de surcroît, bien plus mignons que certains personnages animés actuels ayant connu davantage du succès ; même l’Avare n’arrive pas à être antipathique : vu qu’il est le seul à aimer l’argent, sa pingrerie ne fait de mal à personne ! On se prend à rêver d’avoir un Tifou en peluche et de pouvoir le caresser dans son lit… Mais encore aurait-il fallu que ces petits bonshommes connaissant un succès légitimant la création de tels produits dérivés ! Qui sait ? Peut-être les Tifous renaîtront-ils un jour de leurs cendres, avec une réalisation à la hauteur du génie de leur créature : il s’agit tout de même de Franquin, rogntudju !

 

Bon, allez, je vous en mets un (je craque pour les amoureux) :

 

Vendredi 23 février

 

10h30 : Je fais mon marché. Je ne peux pas faire de folies, mon séjour parisien m’ayant ratiboisé ; de toute façon, avec le froid qu’il fait, hors de question de s’attarder : c’est pourtant ce qu’une dame âgée semble avoir décidé de faire devant la camionnette de la fromagerie ! Sa conversation de vieille commère, alimentée par de nombreux lieux communs, me tape sérieusement sur les nerfs… Comme elle semble persister à papoter même au moment de payer, je finis par lui dire que je suis pressé : je ne mens qu’à moitié, je suis vraiment pressé de rentrer dans mon doux foyer, d’autant que j’ai du ménage à faire avant la visite express de mes parents… La commerçante, visiblement outrée par mon impatience, me rétorque que c’est ça « le temps du marché » et que c’est « sympa » ! C’est peut-être agréable quand il fait beau et chaud, mais pas quand il gèle et que la pluie menace ! Je m’étonne que la commère n’ait pas seulement pensé à ça, moi qui croyais que les gens devenaient plus frileux avec l’âge… Si j’avais justifié mon attitude par mon intolérance au bruit, on m’aurait probablement répondu que je n’ai qu’aller au supermarché : d’une part, ce n’est pas parce que je suis autiste que je dois forcément bouffer de la merde et, d’autre part, dans les supermarchés, les gens discutent certes un peu moins… Mais il y a de la musique et c’est encore pire ! Une différence invisible, ce n’est pas forcément une différence légère…

 

12h : Après avoir pu nettoyer mon plancher juste à temps, je ne déjeune pas tout de suite : j’ai quelques messages en souffrance auxquels il me faut répondre. Je découvre ainsi un message adressé aux contributeurs de la campagne de financement participatif pour le projet « Les Marioles de Blast » dont je fais partie : j’ai ainsi accès à une vidéo présentant un vrai court-métrage d’animation dont l’intrigue se situe en 2027 et dans lequel Macron est réfugié dans un bunker au sous-sol de l’Élysée, à l’abri des ravages provoqués par les guerres et les catastrophes écologiques… Le but du projet « Les Marioles » était de pallier l’absence des « Guignols de l’Info » que Bolloré avait éliminés : les auteurs des Marioles semblent décidés à pratiquer un humour beaucoup plus noir ! Vous me direz que c’est un signe des temps ? Je vous répondrai que c’est justement pour cette raison que je fais beaucoup moins de dessins d’actualité : la vocation de satiriste m’était venue pour tourner en dérision les monomanies dérisoires des grands de ce monde, pas pour commenter des faits apocalyptiques…

 

14h30 : Alors que mes parents me rendent leur visite-éclair hebdomadaire, je suis bien surpris d’entendre sonner à la porte ! Un homme se présentant comme le voisin du dessus me demande si je n’ai pas de la monnaie à lui prêter pour prendre le bus : j’ai bien du mal à l’éconduire poliment ! Ma mère, dans un accès de générosité, se sent obligée de lui céder cet argent, sans même savoir si elle le reverra un jour, et elle me reproche même de ne pas être plus aimable : si elle entendait les gueulantes que poussent mes voisins dans les parties communes presque tous les jours, elle comprendrait mieux pourquoi je suis sur la défensive chaque fois que j’en vois un ! De toute façon, je suis épuisé et à bout de patience : ce que je voudrais aujourd’hui, c’est pouvoir passer au moins une semaine à ne me consacrer qu’à mon art dans une pièce totalement coupée de l’extérieur, sans aucune fenêtre, et n’en ressortir qu’après avoir réalisé quelque chose de grand pour revoir des amis, des vrais de vrais, et ne croiser aucun des parasites qui m’empoisonnent l’existence… Mais d’abord, si je pouvais faire une ou deux grasses matinées, ce serait déjà bien !    


23/02/2024
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Du 11 au 19 février : No satori in Paris

Pour ouvrir, une photo que j'aime bien parce que Paris est quand même une belle ville :

 

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Dimanche 11 février

 

14h30 : Me voilà dans le train pour Paris. Il a été annoncé que des tickets de métro étaient en vente : histoire d’éviter la cohue coutumière à la gare Montparnasse, je décide d’en profiter. Hélas, ce qui pourrait être une formalité vite expédiée est considérablement ralenti grâce aux prodiges de la technique : les agents chargés de la vente ne peuvent accepter que les paiements par carte bancaire et doivent vérifier que les acheteurs sont bien des voyageurs en règle. Et quand l’un ou l’autre des bidules électroniques nécessaires à ces tâches déconne…  Inutile de vous faire un dessin, je suppose ! Si ces braves agents (que je n’incrimine pas) pouvaient disposer de listes sur papier et de monnaie sonnante et trébuchante pour faire l’appoint, ça n’arriverait pas ! Comme disait Lelong, « on dit qu’on n’arrête pas le progrès mais il faudrait savoir dans quel sens » ! Bref, je ne suis pas arrivé à Paname que je fulmine déjà ! Et quand l’agent qui me tend enfin le ticket demandé se sent obligé de me fournir un renseignement que je ne sollicite même pas, j’explose carrément ! On parle de nouvelles grèves à la SNCF : on se demande bien pourquoi, ça fonctionne tellement bien !

 

17h30 : Après avoir déposé le gros de mes affaires chez mon oncle parisien d’adoption, qui a gentiment accepté de m’héberger pendant la moitié de mon séjour, je viens déposer au Grand Palais Éphémère l’œuvre de mon cru qui a été sélectionnée pour être exposée au Salon des Artistes Français. Je suis accueilli par un cerbère qui me demande si j’ai la carte d’exposant : je l’ai certainement sur moi, mais je ne m’attendais pas à devoir la sortir tout de suite ; je lui présente, à défaut, le bordereau de dépôt de mon œuvre : ouf, c’est suffisant pour qu’il me laisse entrer, il me donne même un grand sac du Géant des Beaux-Arts contenant, me dit-il, un cadeau – il s’avèrera plus tard qu’il s’agissait d’un taille-crayon qui me sera sûrement utile et d’une dose d’acrylique bleue dont je suis déjà moins certain d’avoir l’utilité un jour. Mais malgré le franchissement de cette fourche caudine, je ne suis pas tiré d’affaire car il faut encore que je trouve l’endroit où je suis censé déposer mon œuvre : un homme d’âge mûr, porteur d’un badge d’organisateur, m’indique des tables… Que je ne vois pas. En désespoir de cause, pensant probablement avoir affaire à un débile mental, il me guide vers les tables en question… Qui étaient situées EN FACE de l’emplacement qu’il m’indiquait du doigt ! Les neurotypiques sont vraiment illogiques ! J’arrive néanmoins à remettre mon œuvre aux personnes habilitées à la recevoir : ce sont des dames plutôt sympathiques qui sont chargées de cette tâche ; mon travail est qualifié « d’étonnant » ! Pour le moment, c’est moi qui n’en finit pas d’être étonné par le monde des gens dits « normaux »…

 

Lundi 12 février

 

10h30 : Mon oncle vit à Ménilmontant, non loin du Père Lachaise : il n’en faut pas davantage pour que je décide de visiter ce grand cimetière parisien. À l’entrée, je liste quelques tombes de célébrités qu’il me plairait de voir. Il y en a tellement que je renonce à les trouver toutes ! Curieusement, le site ne me déprime pas, je trouve même apaisant le calme qui y règne, c’est comme une bulle de silence au beau milieu du tumulte parisien… Le fait que j’aie déjà encaissé plus d’une dizaine de deuils dans mon entourage depuis dix ans n’est sûrement pas étranger à cette attitude de ma part: on dit que les gens avaient moins peur de la mort quand celle-ci leur était familière… Je ne suis vraiment pas de mon temps !

 

11h : Au colombarium, je ne résiste pas à l’envie de monter jusqu’au casier de Pierre Dac, maître incontestable (et incontesté) de « l’humour de résistance ». Le casier s’avère orné d’un pot de fleurs derrière lequel a été coincé un papier : cédant à la curiosité, je sors le pot de son emplacement pour me saisir de la feuille, la déplier et y lire un texte manuscrit véhiculant une réflexion sur la mort qu’André Isaac[1] n’aurait pas reniée… Quelle est l’origine de ce texte ? Qui l’a écrit ? Je succombe allègrement à la tentation de le photographier, espérant que j’aurais un jour l’occasion d’élucider ce mystère, même si je n’ai pas les dons d’Astrid Nielsen pour résoudre les énigmes – la différence ne s’arrête d’ailleurs pas là.

Le casier de Pierre Dac...

 

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...et le texte en question.


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 12h : Je trouve la seule tombe qu’il me tenait vraiment à cœur de retrouver : celle de Pierre Desproges. J’ignorais que sa veuve l’y avait rejoint depuis déjà une douzaine d’années ! Si mes souvenirs sont bons, le grand humoriste a en fait été incinéré et ses cendres répandues dans la terre, de telle sorte qu’il survit à travers les plantes qui y poussent, privilège qu’il partage désormais avec la femme de sa vie… C’est une belle histoire, non ? En tout cas, le procureur des flagrants délires n’est pas trop mal entouré : dans son secteur, on trouve d’autres personnalités dont Mano Solo et, juste en face de lui, il y a Michel Petrucciani, un voisinage sûrement peu encombrant s’il en est ! Je m’assieds sur la tombe du grand petit pianiste et j’écris un texte dans lequel je m’adresse à Desproges, parlant notamment de toutes les âneries que l’on ose proférer aujourd’hui en son nom, lui qui ne voulait surtout pas être pris pour un maître à penser… Une fois mon texte écrit, je le déclame, curieux de voir quelles réactions je peux susciter. Je n’ai droit qu’à un vieux fou qui m’affirme que ce n’est qu’une tombe symbolique et que les restes de Desproges sont en réalité en Vendée ! Je réponds : « Et alors ? ». Ben oui, qu’est-ce que vous voulez que je fasse de cette information ? Ça ne m’interdit pas de rendre hommage à Desproges à cet emplacement qui lui est de toute manière dédié, non ? Et de toute façon, une tombe est symbolique par définition : au bout d’un certain temps, qu’on le veuille ou non, il ne reste plus rien du corps du défunt, il ne reste, si on l’entretien, que la sépulture qui fait vivre son souvenir… Comment ça, je vous donne le cafard ?

 

Voici la tombe de Pierre Desporges : étonnant, non ?

 

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Quelques autres tombes célèbres :

 

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Un croquis d'une tombe que j'ai pris uniquement parce qu'il y avait un banc devant :

 

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13h : Je m’aperçois que j’ai perdu mon plan de Paris ! Je suis sûr de l’avoir fait tomber quelque part dans le cimetière : je ne serais pas étonné que ce soit la faute du vieux fou qui m’a perturbé ! Je retourne à tout hasard devant la tombe de Desproges : évidemment, il n’y est pas – ou plus. Je ne vais pas m’amuser à fouiller tout le Père Lachaise pour le retrouver : légèrement paniqué, j’envoie un SMS à l’ami qui, lors de mon escapade de septembre dernier, m’avait procuré ce plan, pour lui demander où je peux en trouver un autre…

 

13h30 : Ouf ! J’ai finalement trouvé un autre plan de Paris dans un kiosque à journaux : je suis un peu surpris de cette découverte car, si j’avais sollicité un ami en septembre à ce propos, c’était justement parce que j’avais eu toutes les peines du monde à en trouver un moi-même, de sorte que j’étais persuadé que presque plus personne ne vendait de plan en papier à notre époque où tout le monde est supposé se repérer avec un smartphone… J’envoie un autre SMS à mon ami pour lui dire que je me suis tiré de ce mauvais pas : j’entends déjà sa charmante épouse rire comme une baleine en apprenant cette mésaventure…

 

14h20 : Je m’arrête au Chat Noir. Non, il ne s’agit pas du mythique cabaret parisien mais d’un café situé dans le 11e arrondissement, plus précisément rue Jean-Pierre Timbaud : les responsables d’une revue qui publie mes dessins depuis peu m’y ont donné rendez-vous ce soir. Je suis largement en avance, mais l’endroit est idéal pour un petit après-midi de travail : la lumière est tamisée, les consommations sont plutôt bon marché, il y a du réseau… Bref, j’en profite pour écrire et faire un peu de montage vidéo. C’est peut-être une drôle de façon de passer mon temps à Paris, mais après tout, je ne suis à la capitale que pour des raisons professionnelles, pas pour aller étouffer dans les pièges à touristes…

Je crois avoir vu Michel Cymes au Chat Noir, mais je n'en suis pas sûr...

 

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En tout cas, je suis sûr que les deux responsables de la revue L’éponge étaient les vrais ! Les voici :


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Une enseigne devenue symbolique... N'oublions jamais.

 

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Une église que je trouve belle malgré ma détestation des religions :

 

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Mardi 13 février

 

13h30 : Il n’y a pas quarante-huit heures que je suis à Paris et j’en ai déjà marre : je ne me sens pas à ma place dans cette grande ville où règne une ambiance électrique. Le cadre est d’ailleurs loin d’être idyllique ; oubliez les clichés avec vélos, accordéons, et amoureux s’embrassant au pied de majestueux édifices : malgré leur réseau de transports en commun plutôt performant, les Parisiens s’obstinent à se déplacer en voiture et à user du klaxon pour un oui ou pour un non, il y a au moins autant de cas sociaux agressifs qu’à Brest et, surtout, c’est CRADE ! Vous connaissez la chanson de Pierre Perret « Paris saccagé » ? Je vous jure que ce n’est pas éloigné de la vérité ! À Brest, les gens se plaignent des travaux du tram : ce n’est pas tellement mieux à Paris où je ne traverse pas un quartier sans y trouver au moins un chantier ! Même sur le Champ de Mars, où je me promène mélancoliquement en attendant l’ouverture du Grand Palais Éphémère, il y a des zones rendues inaccessibles par ces tristement célèbres bandes rouges et blanches qui enlaidiraient le jardin d’Éden… Je donnerais tout pour retrouver mes amis !  

 

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14h30 : En ma qualité d’exposant, j’ai pu entrer dans le Grand Palais Éphémère une demi-heure avant l’ouverture officielle : c’est la première fois que je vois un vernissage où il faut payer pour avoir un coup à boire ! Au moins, je rentrerai à jeun chez mon oncle… Il y a assez vite beaucoup de monde. Il faut rendre cette justice à Paris : on y sent un véritable intérêt pour l’art. Peut-être pas totalement désintéressé, d’accord, mais mieux vaut une bonne cause qui triomphe pour de mauvaises raisons plutôt que le contraire. Je retrouve l’une des dames qui ont réceptionné mon œuvre hier : elle m’affirme que ce que je propose est sans doute l’un des travaux les plus originaux à être exposé ! Je suis flatté, et je pense même que c’est assez vrai quand je vois les autres œuvres exposées ; je ne remets pas en cause le talent des autres exposants : le problème, c’est qu’il y a tellement de choses à voir qu’on arrive vite à saturation, et quand on a déjà vu une toile représentant (par exemple) un félin, aussi magnifique l’animal soit-il, on les a toutes vues… Je suis de toute façon peu à l’aise dans ce cadre où je ne connais presque personne : j’arrive à lier le contact avec quelques artistes, mais je sais déjà que je ne les reconnaîtrai plus si je les recroise ! À part peut-être la jeune et jolie Moldave qui parle français sans accent et qui a un look qui ne passe pas inaperçu… Quoi qu’il en soit, je m’obstine, le temps que mon oncle et les deux responsables de la revue, à qui j’avais remis des invitations, arrivent.

 

Mon œuvre, c'est le tableau à droite :

 

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Une toile que j'aime bien parce qu'elle me rappelle ma parodie de La femme au perroquet de Courbet avec cette prétentieuse de Sophie Davant :


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Une représentation du tirailleur sénégalais qui se démarque sensiblement de celle véhiculée par le fameux "nègre Banania" :


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Une toile pertinente, hélas :


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Un croquis d'une photo exposée :


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Une sculpture installée en face de mon tableau - elle a obtenu la médaille d'honneur :


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Une autrice qui est venue dédicacer ses livres à l'occasion du salon :


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Mercredi 14 février

 

11h30 : De retour au Grand Palais Éphémère pour y retrouver un concitoyen brestois de passage à la capitale, j’en profite pour visiter la partie que je n’avais pas encore eu le temps de voir. Dans le secteur des gravures et des estampes, je suis interpellé par une dame qui, constatant mon intérêt, entreprend de m’expliquer les différentes techniques employées : je sais déjà que j’aurai oublié le gros demain, mais je la laisse faire, trop content d’avoir quelqu’un à qui parler. Je suis tout de même marqué quand elle me parle d’une technique qui nécessite de l’acide ! Je ne pense pas que je voudrai l’employer un jour…

 

Une photo exposée que j'aime bien :

 

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Quelques croquis de sculptures exposées au salon :

 

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13h50 : Mon concitoyen arrive enfin : je n’ai guère plus d’une demi-heure à lui consacrer. Il m’explique que son arrivée tardive est due au fait qu’il était allé assister à l’hommage à Robert Badinter. Apparemment, Macron a été dans son rôle : c’est bien tout ce qu’on lui demande dans une telle circonstance, non ? La « une » du Charlie Hebdo de cette semaine, où l’on voit Darmanin décapiter un gamin à Mayotte, a cependant l’intérêt de rappeler que la politique du gouvernement actuel est loin d’être en accord parfait avec l’idéal humaniste au nom duquel Badinter a lutté, que ce soit en tant qu’avocat, en tant que sénateur ou en tant que ministre… Il avait 95 ans, mais il me manque déjà ! Alors que certaines personnes (je ne cite personne, suivez mon regard) ont à peine dépassé la quarantaine et j’en ai déjà marre d’elles…

 

14h45 : Mon rendez-vous est à Beaubourg : je descends à une station de métro qui me fait déboucher directement dans le BHV ! J’ai un mal de chien à trouver la sortie, je fais donc une chose que je déteste : je dérange un employé pour qu’il me renseigne. Je suis d’autant plus content de réussir à sortir qu’en n’achetant rien, en ne prenant même pas la peine de faire un tour dans les rayons, j’ai réussi à éviter le piège qui est tendu à l’usager : vous me forcez à passer par un grand magasin, mais je n’ai même pas regardé la camelote qui y est vendue, je vous ai bien attrapé, hou-hou les cornes et nananère ! Ben oui, ils nous prennent pour des gosses, alors je me mets au niveau !

 

15h : Je trouve mon rendez-vous de cet après-midi qui n’est autre que… Delfeil de Ton. Et oui, LE Delfeil de Ton, l’ultime survivant, avec Willem, de l’équipe qui fonda Hara-Kiri Hebdo[2] (le futur Charlie Hebdo[3]) en 1969 ! Je suis un peu ému et je ne m’en cache pas : il est très surpris de ma réaction ! Si je devais le résumer en un mot ce serait « hilare ». Oui, faisant mentir ma réflexion sur les humoristes qui, en général, ne sont pas des gens marrants, Henri Roussel[4] n’arrête pas de rire ! Ce nonagénaire semble prendre la vie du bon côté, il n’exprime aucune aigreur en dépit des déceptions qu’il a pu encaisser, on le sent heureux malgré tout d’avoir participé à la formidable aventure des éditions du Square. Nous parlons surtout de Cavanna, fort peu des autres ou de lui-même : je souhaitais avoir des éclaircissements supplémentaires en vue de la publication des actes de ma journée d’étude, je suis servi ! Delfeil a même la gentillesse de me payer une orange pressée et de me dédicacer un de ses livres : je le laisse partir au bout d’une heure, et j’ai la larme à l’œil. Si cette escapade n’avait dû servir qu’à permettre cette entrevue, je considérerais déjà que je ne suis pas descendu à Paris pour rien !

 

Delfeil de Ton dédicaçant mon exemplaire du Journal de Delfeil de Ton (achetez ce livre si vous voulez rire un bon coup) :

 

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Delfeil de Ton vu par moi-même :

 

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Un slogan féministe que j'ai vu sur les murs :

 

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Une affiche que j'ai photographiée pour celle et ceux qui se demanderaient que devient Caroline Loeb :


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Jeudi 15 février

 

14h30 : J’ai déjà pris congé de mon oncle : je ne souhaite pas abuser de l’hospitalité de ce vieux célibataire, même si j’imagine que ça a dû lui rappeler le temps où il hébergeait mon enseignant de père qui venait passer l’agrégation à Paris – je vous avoue que je ne sais même pas s’il y est arrivé ! Je débarque donc dans un hôtel Formule 1 où j’ai réservé une chambre pour quatre nuitées : il a fallu traverser Paris avec tout mon chargement par une température élevée pour la saison (merci les industriels), je suis déjà à bout de nerfs ! Je ne suis pas plus apaisé quand j’arrive : l’hôtel est situé au pied du boulevard périphérique, à la frontière entre Saint-Ouen et Paris, et le quartier est crado à souhait ! Pour ne rien arranger, quand j’entre enfin dans l’hôtel, il y a la queue à la réception : toute une troupe de jeunes hispanophones qui ont visiblement du mal à faire valoir leurs droits de locataires à cause de… Devinez quoi ? Gagné ! À cause d’un problème d’informatique ! Je ne voudrais pas me répéter, mais au temps des registres en papier… Enfin, vous m’avez compris ! Je ne vais pas radoter, je suis déjà assez énervé comme ça ! Il ne manquerait plus qu’une goutte d’eau pour faire déborder mon vase !

 

14h45 : La goutte d’eau n’est pas longue à arriver. Quand mon tour arrive enfin, on me demande une pièce d’identité : mais ma sacoche est pleine à bloc et j’ai un mal de chien à trouver ma carte d’identité. Je fulmine, et c’est alors qu’une des dames chargées de l’accueil a la mauvaise idée de me poser une question ! Je craque et je crie « Un instant, un instant » pour lui faire comprendre que je ne peux pas lui répondre et chercher cette saloperie de carte en même temps ! Bon, tout finit par s’arranger : je trouve enfin ma carte et il s’avère que la dame voulait seulement savoir si j’étais déjà venu ici. Une question inutile ? Pas tant que ça : si j’avais déjà fréquenté l’hôtel, j’aurais su qu’on m’y demanderait probablement une pièce d’identité et j’aurais anticipé… Bref, je craque : une fois dans ma chambre, je n’en sors plus, je ne descends même pas pour dîner, et j’écris à quelques amis pour leur dire à quel point j’ai hâte de rentrer…

 

Vendredi 16 février

 

10h : Tous ceux qui ont répondu à mes messages me comprennent quand je leur dis que je ne me plais pas à Paris : je ne trouve strictement personne pour défendre la vie à la capitale ! Ça n’arrange pas mon humeur, je me rends donc au cimetière de Montparnasse pour avoir un peu de calme et trouver les tombes de quelques-unes de mes idoles – le temps est maussade et pluvieux, l’idéal pour ce genre de visite. La sépulture de Gainsbourg est relativement facile à trouver : je suis surpris de découvrir qu’elle est presque voisine de celle de Chirac ! Voilà qui aurait fait rire le vieux père Gainsbarre, lui qui se foutait de la politique – et de beaucoup d’autres choses… Sur la tombe de Gainsbourg, on trouve des cigarettes et des tickets de métro[5] : logiquement, sur celle de Chirac, on devrait trouver des têtes de veau ! Il n’y en a pas, mais on y a mis… Des pommes ! C’est encore plus grotesque ! Elle aura vraiment fait du chemin, cette trouvaille des Guignols destinée à illustrer la vacuité sidérale du programme chiraquien… La tombe de Reiser est mieux cachée, de même que celle de Choron : pour la trouver, je suis obligé de passer devant le cénotaphe de Baudelaire ; je ne serais pas étonné que ce monument soit devenu un haut lieu pour les jeunes gothiques et les étudiants romantiques… Quand je m’arrête pour faire un croquis, j’ai l’occasion de rendre service à deux touristes : le premier, un Mexicain qui cherche la tombe de Chirac, est bien surpris de constater que je parle espagnol ! Je me demande quand même pourquoi un latino-américain s’intéresse encore à notre ex-grand benêt national ! Il faut croire qu’ils n’ont pas oublié que « Chichi » s’était opposé à la guerre en Irak et qu’ils le considèrent donc comme un allié dans leur résistance à l’oncle Sam : mine de rien, cette décision (avisée, il est vrai, mais il n’était pas difficile d’être plus malin que Bush junior) lui aura permis de rattraper le coup des essais nucléaires, sans parler du reste… Le second touriste, qui parle français, cherche la tombe de Gainsbourg : je préfère l’accompagner, c’est plus simple pour moi. De fil en aiguille, j’en arrive à lui dire que je suis de Brest : il me dit qu’il connaît et qu’il trouve que c’est une belle ville ! Je suis allé à Paris pour entendre ça et on voudrait que je ne sois pas pressé de rentrer ? Quand je sors, je suis bien surpris de constater que les locaux des éditions Albin Michel se trouvent à proximité ! Je suis à deux doigts de guetter la sortie d’Amélie Nothomb qui, m’a-t-on dit, ne déteste pas fréquenter les cimetières, mais je ne suis pas long à prendre conscience de la vanité d’une telle démarche : j’en serai quitte pour écrire une nouvelle lettre à madame Nothomb quand je rentrerai…

 

Le "génie du repos éternel" croqué par moi-même :

 

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Le cénotaphe de Baudelaire :


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La tombe de Reiser en croquis...


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...puis en photo :

 

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Quelques autres tombes illustres :

 

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Le siège des éditions Albin Michel - une maison que je ne connais pas encore vraiment mais que j'aime beaucoup :


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13h : Petit tour au jardin des Tuileries. Le cadre doit être bien agréable quand il fait beau et qu’il y a des feuilles dans les arbres, mais même en cette saison, le lieu offre une parenthèse bienvenue dans ce désert de béton et d’asphalte qu’est la capitale. Encore heureux que le maire Chirac, dans sa folie bétonneuse, ne l’ait pas transformé en parking ! Au détour d’une allée, j’aperçois une très jolie fille vêtue d’une façon un peu ridicule qui me rappelle vaguement une druidesse ou une bergère d’Arcadie : je crois donc avoir affaire à une comédienne qui va donner un spectacle de rue ! Mais il s’avère qu’il s’agit en réalité d’un shooting : cette jeune beauté est donc mannequin et sa tenue, loin d’être un costume de théâtre, est un modèle qui va être proposé à la vente ! Ai-je besoin de préciser que je n’ai pas demandé la marque ?

 

Un couple de colverts vu au Jardin des Tuileries :

 

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Un petit couple d'amoureux dans le même jardin :


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Un croquis exécuté dans le même jardin :

 

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14h30 : Passage sur la place Vendôme, un lieu que les boutiques de luxe pourraient me rendre détestable mais qui est doublement symbolique pour moi. Premièrement, ayant lu (et adoré) Riquet à la houppe d’Amélie Nothomb, je m’attends presque à y voir le hideux mais génial Déodat venir à la rencontre de la magnifique mais taciturne Trémière, sortant de la joaillerie dont elle est l’égérie, et la prendre par la taille pour improviser un pas de danse avant de l’embrasser langoureusement… Madame Nothomb, en voulant donner un coup de jeune au conte de Perrault dont elle salue « l’exquise absence de morale », a réussi le tour de force de créer l’un des couples les plus attachants de la littérature française sans le contraindre à une fin tragique : le dernier écrivain à avoir réussi ce périlleux exercice était le grand Zola avec Octave Mouret de Denise dans Au bonheur des dames… De toute façon, les seuls à ne pas être convaincus du génie littéraire d’Amélie Nothomb n’ont jamais lu ses livres ! Deuxièmement, il y a la fameuse colonne dont on a tellement reproché la chute pendant la Commune à Gustave Courbet alors qu’il n’avait fait que la suggérer sans jamais l’ordonner : sincèrement, je ne trouverais pas scandaleux d’abattre une bonne fois pour toutes ce bibelot plus qu’encombrant qui glorifie l’instinct de mort ! On dénonce la guerre en Ukraine ou à Gaza, on peut donc se passer d’un bidule exaltant la mentalité qui est justement à l’origine des massacres actuels. Cela dit, si le Sacré-Cœur de Montmartre venait à prendre feu comme l’a fait Notre-Dame, est-ce que, en appliquant la logique qui a tant pourri la vie à Courbet, on en tiendrait pour responsable le grand Jacques Tardi qui plaide, à juste titre, pour la destruction de cette monstruosité architecturale qui insulte le souvenir de la Commune ?

 

16h : Petit passage au cimetière Montmartre, que j’ai déjà visité quand j’étais lycéen, pour y trouver la tombe de Siné. C’est mal indiqué sur le plan, mais j’ai un atout : je sais déjà à quoi ressemble le monument funéraire, l’ayant vu dans le documentaire que la belle et talentueuse Stéphane Mercurio a consacré à son génial et tonitruant beau-père[6]. De fait, je finis par repérer ce fameux cactus faisant un doigt d’honneur ! Je m’assieds comme je le peux pour faire un croquis et je ne résiste pas à l’envie de rappeler qui était Siné à deux jeunes filles visiblement intriguées par cette étrange sculpture : vivant, le vieil anar m’aidait à ne pas perdre espoir sous la chape de plomb sarkozienne, et mort, il m’aide à vaincre ma peur des interactions sociales ! Je ne dirai jamais assez à quel point il aura compté pour moi ! Tous les vivants ne peuvent pas en dire autant !

 

La tombe de Siné :

 

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D'autres tombes du cimetière Montmartre :

 

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Samedi 17 février

 

12h30 : Après un passage au jardin du Luxembourg, j’ai retrouvé Virginie, l’ex-collaboratrice de Cavanna, avec qui j’avais rendez-vous[7]. Le restaurant vietnamien où elle comptait m’emmener étant fermé, nous nous mettons d’accord pour acheter des sandwiches et des pâtisseries et les consommer aux Arènes de Lutèce : j’ai ainsi l’opportunité de revoir cet édifice que j’avais découvert dans des conditions mitigées. Il est vrai que sous le soleil et en bonne compagnie, ça change tout de suite la perspective ! De surcroît, nous nous mettons sur les gradins, nous offrant le luxe d’une position dominante : en bas, des crétins agitent des étoffes rappelant vaguement la tristement célèbre muleta qu’agitent les toréros pour exciter une pauvre bête aux flancs déjà saignants… Ça ne donne pas envie de les rejoindre ! Non, mieux vaut rester là où nous sommes, au-dessus de la racaille !

La statue de George Sand au jardin de Luxembourg vue par votre serviteur :

 

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13h30 : Sans l’avoir vraiment décidé, Virginie, qui m’avait déjà montré la fameuse cour de la rue des Trois Portes où se fabriquait Hara-Kiri, m’emmène pour une promenade sur les traces de Cavanna, plus précisément dans les rues qu’elle avait l’habitude de parcourir en sa compagnie, à « discuter de tout et de rien » selon ses propres termes. J’aime à penser que ce petit bout de femme a été un précieux renfort pour Cavanna à l’époque où il se sentait floué (à juste titre, hélas) par ceux qui se revendiquaient ses fils spirituels, l’infâme Philippe Val en tête. Je découvre notamment quels sont les fameux « trois ponts » dont il avait parlé dans des chroniques publiées dans le Charlie Hebdo des années 2000 : c’étaient à peu près ceux auxquels j’avais pensé malgré la connaissance assez floue que j’avais alors (et qui ne s’est pas tellement améliorée depuis) de la géographie parisienne. Nous terminons notre promenade par une galerie d’art qui expose actuellement des photos d’Arnaud Baumann, plus exactement ses photos de célébrités… Dont Cavanna lui-même ! Virginie me demande de la prendre en photo devant ce cliché : je la fais poser de manière à ce qu’elle cache le visage d’Aznavour qui est juste dessous… Ben oui : la mort de Cavanna m’avait fait de la peine, tandis que celle d’Aznavour… Disons un peu de moins, pour rester poli !

 

Une photo au Jardin des Plantes :

 

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Des vues prises depuis le haut de l'Institut du Monde Arabe :

 

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Une vue chez les bouquinistes des bords de Seine, avec moi posant devant les dessins d'une de mes idoles (au cas où vous ne l'auriez pas compris) :


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Une photo que j'ai prise sur le parcours des trois ponts :


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 Moi devant la photo d'une autre de mes idoles, un magicien du verbe et de la musique : 

 

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16h : Virginie ayant pris congé, je profite de la proximité du musée Carnavalet pour aller poursuivre la visite que je n’vais pu terminer l’année dernière. J’ai juste le temps de visiter le gros du premier étage avant la fermeture. Je pique un fard quand une jeune béotienne, devant un pied provenant d’une statue abattue de Louis XIV, demande pourquoi il porte une « tong » ! Je fais donc remarquer à cette péronnelle que si elle prenait la peine de lire les panneaux, elle saurait que le sculpteur avait chaussé le roi-soleil de sandales à la romaine… J’agis ainsi pour la culture, pas pour l’honneur de ce souverain sabreur qui aurait cent fois mérité le sort que l’on a finalement infligé à son arrière-arrière-petit-fils, ce pauvre Louis XVI dont le seul tort véritable fut de ne pas comprendre que le monde avait changé – il l’a payé cher, du reste !

 

Encore une belle église :

 

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Dimanche 18 février

 

8h30 : Tôt levé, je risque, sur les conseils de Virginie, un tour aux puces de Saint-Ouen. Ça me déprime assez vite : outre le fait qu’il fait décidément sale au pied du périphérique, je ne vois pratiquement que des marchands de fringues, de bibelots, de bidules électroniques et autres saloperies dont je n’ai rien à cirer. Les stands ont beau être majoritairement tenus par des Arabes, l’ambiance n’évoque que d’assez loin les Mille et Une Nuits ! Oubliez le mythe du commerçant arabe aimable et chaleureux, j’ai plutôt l’impression d’assister à un rassemblement de ferrailleurs ou de gérants de sex-shops ! Certains prétendent que les immigrés ne s’intègrent pas : pour ma part, j’ai l’impression qu’ils s’intègrent un peu trop vite ! Hé, les gars, déconnez pas, devenez pas aussi cons que les Français ! Plus, vous auriez du mal…  

 

10h30 : Passage aux Archives nationales pour voir l’exposition « L’œil de Libé » qui prend fin aujourd’hui : il y a un côté ludique, c’est monté de telle façon qu’on peut s’amuser à essayer de trouver de quoi parle la photo avant de lire le commentaire qui l’accompagne. Dans certains cas, c’est facile, dans d’autres, un peu moins : j’avoue avoir bien failli prendre Giscard pour Jean-Luc Godard ! L’approche de la photo de presse par Libération reste originale par rapport à celle des autres quotidiens nationaux et l’expo offre un aperçu saisissant de tout ce qui a marqué le demi-siècle écoulé : nous avons quitté le XXe siècle pleins d’espoir, dans un monde libéré du communisme, et depuis le début du XXIe, nous n’avons cessé d’être mis à l’épreuve bien au-delà de tout ce que nous aurions raisonnablement pu craindre… Où s’arrêteront-ils ?

 

11h30 : Déjeuner à L’Escurial, près de la place des Vosges, qui m’avait laissé un bon souvenir. Peu après mon arrivée, deux femmes âgées s’installent non loin de moi. Je trouve l’une d’elles très belle, je ne peux résister à l’envie de faire un croquis. Quand je lui montre le résultat avant de repartir pour le musée Carnavalet, elle fait une grimace : je ne suis pas très bien armé pour décoder la communication non-verbale, mais là, je n’ai vraiment pas besoin de mots…

 

Je n'ai pas gâté cette dame ; pourtant, elle me plaisait beaucoup.

 

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16h30 : J’ai voulu prendre le métro à Concorde pour retourner au Grand Palais Éphémère… Mais le train souterrain ne va pas plus loin : la ligne est coupée pour cause de colis abandonné ! Et voilà : un zigoto oublie ses affaires quelque part et tous les autres usagers sont tenus, au nom de leur sécurité, de mettre leur vie entre parenthèses ! Pas étonnant qu’avec une mentalité pareille, le pouvoir nous ait assigné à domicile à cause d’une grosse grippe… Je ne m’y ferai jamais ! J’en suis quitte pour une bonne marche par un temps tristasse…

 

18h30 : Je quitte le Grand Palais Éphémère avec mon œuvre fraîchement récupérée. Les organisateurs m’ont encouragé à continuer et à revenir l’année prochaine : pour le premier point, pas de problème, je n’arrêterai jamais de dessiner. Pour le second, c’est déjà moins sûr : à supposer que j’aie le loisir de repostuler, encore faudra-t-il que je sois sélectionné…

 

Lundi 19 février

 

5h40 : Mon train pour Brest quitte Paris à 6h47 : j’avais donc prévu de prendre le premier métro pour ne pas devoir arriver à la gare dans la panique. Hélas, celui-ci est plein à bloc ! Impossible pour moi, avec tout mon chargement, de m’y frayer une place ! Je pensais naïvement que le métro serait presque vide, à une heure aussi matinale. Fatale erreur : tous ceux qui travaillent à Paris mais habitent en banlieue sont obligés de partir aux aurores pour arriver à l’heure au bureau… Pour moi qui avais hâte de partir, c’est un cinglant rappel à la réalité ! Je ne peux m’empêcher de crier « Y a trop de monde sur la Terre ! » en croisant les doigts pour que le même gag ne se répète pas avec la rame suivante, faute de quoi je risque vraiment d’être juste…

 

5h50 : J’ai réussi à me glisser dans le métro suivant, ouf ! Mais je ne suis pas au bout de mes peines : le wagon n’en est pas moins bien plein, et pas forcément de gens très agréables à côtoyer. Croyant qu’une personne située derrière moi m’adresse la parole, je me retourne et lui demande « Quoi ? ». Un témoin me dit que la dame ne me parlait pas : je crois l’affaire close, mais non ! Le témoin, qui doit avoir dix ans de plus que moi, me fait la leçon et me menace des pires sévices si je ne me départis pas ce qu’il a décidé de cataloguer comme étant de l’arrogance de ma part… Je ne réplique pas, mais je regrette encore moins de partir ! La grande majorité des occupants du wagon sont des femmes noires : là encore, vous pouvez oublier les stéréotypes ! Le cliché de la grosse mamma noire toujours prête à vous serrer dans ses bras est totalement inopérant, de même que celui de la magnifique princesse sculpturale en boubou : elles ont beau être noires, elles ont le même air méprisant que les bourgeoises blanches. Décidément, la connerie n’a pas de couleur !  

 

10h30 : Je n’ai jamais été aussi heureux de revenir à Brest ! N’ayant pas eu le temps de prendre un petit déjeuner avant de partir, je m’arrête dans le « Izee » de la Place de la Liberté pour y consommer une boisson chaude et des croissants : le tout ne me coûte pas plus de quatre euros, ça me fait drôle de retrouver des tarifs honnêtes !  



[1] C’était le vrai nom de Pierre Dac, ‘faut tout vous dire, décidément.

[2] À ne pas confondre avec le mensuel Hara-Kiri, fondé en 1960 par Cavanna, Fred et Georges Bernier (qui n’était pas encore le professeur Choron) et dont Hara-Kiri Hebdo, justement, était le « prolongement hebdomadaire ».

[3] À ne pas confondre avec le mensuel Charlie, fondé en 1969, dédié à la bande dessinée et dont Delfeil de Ton, justement, fut le premier rédacteur en chef avant de céder la place à Wolinski.  

[4] C’est le vrai nom de Delfeil de Ton ! Vous n’êtes vraiment au courant de rien !

[5] Pourquoi ? Ben par allusion au « Poinçonneur des Lilas », tiens ! Cette question ! Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous…  

[6] Le film s’intitule Mourir ? Plutôt crever ! Ce titre iconoclaste est justement l’épitaphe que Siné a choisie pour lui et toutes celles et tous ceux qui ont déjà leur place assignée dans son caveau, dont sa veuve et Delfeil de Ton. D’après Virginie Vernay, Cavanna aurait refusé à se joindre à ce beau monde, arguant que quitte à se faire chier pour l’éternité, il préférait le faire tout seul ! Non-conformiste jusqu’à la mort ? Non ; MËME dans la mort !

[7] Oui, c’est bien elle « la petite Virginie » de Lune de miel !


19/02/2024
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